« Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/706 » : différence entre les versions

AkBot (discussion | contributions)
Pywikibot touch edit
Zoé (discussion | contributions)
 
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page non corrigée
+
Page corrigée
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 2 : Ligne 2 :


Dans cette tragédie, Racine trouverait à redire sur « l’élégance de l’expression. » M. Dumas a expliqué lui-même, par une métaphore, comment il écrit ses pièces : il peint du premier coup, en pleine pâte, pour obtenir des ''dessous'' d’une plus grande vigueur. Qu’il retouche ces dessous avec assez de force, qu’il pousse telle ou telle partie de l’ouvrage au degré de précision le plus souhaitable, je ne voudrais pas en jurer : la propriété, la finesse du style, qui en est souvent la meilleure force, lui font quelquefois défaut. Par son procédé, il esquisse à merveille, — et c’est assez de l’esquisser, — il fait parler comme il convient tel personnage de second plan : Mme Guichard, de ''Monsieur Alphonse'', et ici Mme Brissot, peut-être encore Mme de Thauzette. Aux personnages de premier plan, comme André et Denise, et à ceux qui passent du second plan au premier, comme ça et là Thouvenin et Brissot, il ne prête pas toujours des contours assez nets ; il n’a pas à leur service un langage assez délié. Il leur donne bien, dans le dialogue coupé, des reparties d’un naturel qui fait illusion ; il leur donne aussi des mots qui ne sont que vulgaires, ou, pis encore, de mauvais goût ; dans le discours, il leur attribue volontiers, faute de mieux, une éloquence de publiciste où la justesse est rare. D’autres fois, où le discours excède ses moyens, il le remplace par un jeu de scène ; la mimique de Brissot, après la confession de sa fille, tient lieu d’un monologue à la don Diègue :
Dans cette tragédie, Racine trouverait à redire sur « l’élégance de l’expression. » M. Dumas a expliqué lui-même, par une métaphore, comment il écrit ses pièces : il peint du premier coup, en pleine pâte, pour obtenir des ''dessous'' d’une plus grande vigueur. Qu’il retouche ces dessous avec assez de force, qu’il pousse telle ou telle partie de l’ouvrage au degré de précision le plus souhaitable, je ne voudrais pas en jurer : la propriété, la finesse du style, qui en est souvent la meilleure force, lui font quelquefois défaut. Par son procédé, il esquisse à merveille, — et c’est assez de l’esquisser, — il fait parler comme il convient tel personnage de second plan : Mme Guichard, de ''Monsieur Alphonse'', et ici Mme Brissot, peut-être encore Mme de Thauzette. Aux personnages de premier plan, comme André et Denise, et à ceux qui passent du second plan au premier, comme ça et là Thouvenin et Brissot, il ne prête pas toujours des contours assez nets ; il n’a pas à leur service un langage assez délié. Il leur donne bien, dans le dialogue coupé, des reparties d’un naturel qui fait illusion ; il leur donne aussi des mots qui ne sont que vulgaires, ou, pis encore, de mauvais goût ; dans le discours, il leur attribue volontiers, faute de mieux, une éloquence de publiciste où la justesse est rare. D’autres fois, où le discours excède ses moyens, il le remplace par un jeu de scène ; la mimique de Brissot, après la confession de sa fille, tient lieu d’un monologue à la don Diègue :



::O rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
::O rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
::N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie !
::N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie !



Je sais bien que cette mimique est plus naturelle que l’artifice d’un monologue ; je sais que Diderot la préférerait. Il ne se tiendrait pas
Je sais bien que cette mimique est plus naturelle que l’artifice d’un monologue ; je sais que Diderot la préférerait. Il ne se tiendrait pas