« Les Tribulations d’un Chinois en Chine/Chapitre 12 » : différence entre les versions

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Et après Fan-Tcheng, le Ran-Kiang, remontant droit au nord par un angle brusque, resta encore navigable jusqu'à Lao-Ro-Kéou. Mais, faute d'eau, le steamboat ne pouvait aller plus loin.
 
Ce fut tout autre chose alors. AÀ partir de cette dernière étape, les conditions du voyage durent être modifiées. Il fallait abandonner les cours d'eau, « ces chemins qui marchent », et marcher soi-même, ou, tout au moins, substituer au moelleux glissement d'un bateau les secousses, les cahots, les heurts des déplorables véhicules en usage dans le Céleste Empire. Infortuné Soun ! La série des tracas, des fatigues, des reproches, allait donc recommencer pour lui !
 
Et, en effet, qui eût suivi Kin-Fo dans cette fantaisiste pérégrination, de province en province, de ville en ville, aurait eu fort à faire ! Un jour, il voyageait en voiture, mais quelle voiture ! une caisse durement fixée sur l'essieu de deux roues à gros clous de fer, traînée par deux mules rétives, bâchée d'une simple toile que transperçaient également les jets, la pluie et les rayons solaires ! Un autre jour, on l'apercevait étendu dans une chaise à mulets, sorte de guérite suspendue entre deux longs bambous, et soumise à des mouvements de roulis et de tangage si violents, qu'une barque en eût craqué dans toute sa membrure.
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Dans ces circonstances, d'ailleurs, Kin-Fo, non moins bien armé, ne demandait qu'à se défendre. Sa vie, il y tenait plus que jamais, et, comme le disaient Craig-Fry, « il se serait fait tuer pour la conserver ».
 
AÀ Si-Gnan-Fou, il n'était pas probable que l'on retrouvât aucune trace du philosophe. Jamais un ancien Taï-ping n'aurait eu la pensée d'y chercher refuge. C'est une cité dont les rebelles n'ont pu franchir les fortes murailles, au temps de la rébellion, et qui est occupée par une nombreuse garnison mantchoue. A moins d'avoir un goût particulier pour les curiosités archéologiques, très nombreuses dans cette ville, et d'être versé dans les mystères de l'épigraphie, dont le musée, appelé « la forêt des tablettes », renferme d'incalculables richesses, pourquoi Wang serait-il venu là ?
 
Aussi, le lendemain de son arrivée, Kin-Fo, abandonnant cette ville, qui est un important centre d'affaires entre l'Asie centrale, le Tibet, la Mongolie et la Chine, reprit-il la route du nord.
 
AÀ suivre par Kao-Lin-Sien, par Sing-Tong-Sien, la route de la vallée de l'Ouei-Ro, aux eaux chargées des teintes jaunes de ce lœss à travers lequel il s'est frayé son lit, la petite troupe arriva à Roua-Tchéou, qui fut le foyer d'une terrible insurrection musulmane en 1860. De là, tantôt en barque, tantôt en charrette, Kin-Fo et ses compagnons atteignirent, non sans grandes fatigues, cette forteresse de Tong-Kouan, située au confluent de l'Ouei-Ro et du Rouang-Ro.
 
Le Rouang-Ro, c'est le fameux fleuve jauneJaune. Il descend directement du nord pour aller, à travers les provinces de l'Est, se jeter dans la mer qui porte son nom, sans être plus jaune que la mer Rouge n'est rouge, que la mer Blanche n'est blanche, que la mer Noire n'est noire,. Oui ! fleuve célèbre, d'origine céleste sans doute, puisque sa couleur est celle des empereurs, Fils du Ciel, mais aussi « Chagrin de la Chine », qualification due à ses terribles débordements, qui ont causé en partie l'impraticabilité actuelle du canal Impérial.
 
A Tong-Kouan, les voyageurs eussent été en sûreté, même la nuit. Ce n'est plus une cité de commerce, c'est une ville militaire, habitée en domicile fixe et non en camp volant par ces Tartares Mantchoux, qui forment la première catégorie de l'armée chinoise ! Peut-être Kin-Fo avait-il l'intention de s'y reposer quelques jours. Peut-être allait-il chercher dans un hôtel convenable une bonne chambre, une bonne table, un bon lit, – ce qui n'eût point déplu à Fry-Craig et encore moins à Soun !