« Discours académique » : différence entre les versions

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==__MATCH__:[[Page:Maupassant - Discours académique, paru dans Gil Blas, 18 juillet 1882.djvu/2]]==
 
{{t3|DISCOURS ACADÉMIQUE}}
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N’est-ce point M. Renan qui, appelé à présider une distribution de prix de vertu, dans l’auguste sein de l’Académie française, commençait ainsi son discours : « Il y a un jour dans l’année où la vertu est récompensée » ? Avec moins de fantaisie, M. Mézières vient de célébrer à son tour ces gens ennuyeux mais humbles à qui feu Montyon laissa des rentes. Puisqu’ils ont leurs orateurs, leurs défenseurs et leurs bienfaiteurs, ne nous occupons point de ces quêteurs de récompenses honnêtes. Bornons-nous à constater en passant que la vertu payée et couronnée, cessant ainsi de trouver en elle-même son prix, de se complaire dans le sacrifice, perd, par là, son plus grand mérite. Pourquoi tue-t-on, vole-ton, commet-on toutes les choses que persécutent les lois ? pour de l’argent, mesdames ! Si l’on devient vertueux aussi pour de l’argent, je cesse de voir la différence entre l’honnête homme et le gredin.
==[[Page:Maupassant - Discours académique, paru dans Gil Blas, 18 juillet 1882.djvu/3]]==
 
Protestons, messieurs, contre ces concours immoraux. Mais il me paraît bon aujourd’hui de pousser plus loin le courage, et non content de dénoncer ces compétitions de vertu salariée, je veux défendre à la face de la France, à la face surtout des Béotiens qui nous gouvernent, de cette assemblée de provinciaux illettrés, élus et parvenus par l’aveugle volonté du nombre, tous les écrivains français, menacés des fureurs de la loi, et dénoncés pêle-mêle à nos magistrats, ces inquisiteurs laïques, sous l’infamante appellation de pornographes !
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L’art est donc l’accommodement, qui peut seul sauver les écrits dits immoraux de la griffe levée de la loi.
==[[Page:Maupassant - Discours académique, paru dans Gil Blas, 18 juillet 1882.djvu/4]]==
 
Or, qu’est-ce que l’art ? Comment est-il caractérisé ? reconnaissable ? Comment dire sans crainte de se tromper : Ceci c’est de l’art ! Cela n’est pas de l’art ! M. Pinard, qui fut ministre, a flétri en termes virulents cette merveille d’art, ''Madame Bovary''. Je pourrais citer cent autres exemples concluants pour prouver que la compétence payée de MM. les magistrats s’arrête à ces questions.
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Cette distinction, toute subtile qu’elle soit, est acceptable. Elle ne laisse subsister qu’une difficulté, mais capitale, c’est-à-dire l’impossibilité d’avoir des juges, des experts, des arbitres compétents.
 
En résumé, on pourrait qualifier de pornographie toutes les publications présentant un caractère libidineux joint à une bêtise appréciable. C’est le cas de toutes les feuilles polissonnes visées par la loi. Leur suppression ne fera, certes, de mal à personne. Mais fera-t-elle du bien à qui que ce soit ?
==[[Page:Maupassant - Discours académique, paru dans Gil Blas, 18 juillet 1882.djvu/5]]==
personne. Mais fera-t-elle du bien à qui que ce soit ?
 
Admettons qu’elle ne fasse ni bien ni mal ; classons la nouvelle ici parmi les mesures inutiles, et passons.
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Qui donc alors ne fut pas pornographe parmi nos ancêtres, parmi les plus magnifiques génies qui sont demeurés la gloire des lettres ? Oui, messieurs, si une autre Académie (je ne fais aucune allusion), pour répondre au dictionnaire de Pénélope entrepris par les quarante vieillards au milieu desquels ne serait pas en sûreté, pourtant, la chaste Suzanne ; si une autre Académie, dis-je, s’avisait de commencer aujourd’hui un dictionnaire des pornographes célèbres, quels noms n’y pourrait-elle pas inscrire ?
==[[Page:Maupassant - Discours académique, paru dans Gil Blas, 18 juillet 1882.djvu/6]]==
 
En prenant à la lettre A, nous trouvons Apulée, Aristophane, etc., et, derrière ceux-là, tous les poètes grecs et tous les poètes latins, Virgile qui chantait les tendresses germinicales :
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Prenez garde d’ailleurs. Il pourrait vous en arriver mal.
==[[Page:Maupassant - Discours académique, paru dans Gil Blas, 18 juillet 1882.djvu/7]]==
 
Depuis quelques années, vous êtes, messieurs les gouvernants, des pontifes. Nous n’aimons point ce genre qui n’est pas de tradition chez nous.
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S’il est tout simple d’aimer les femmes et de le leur prouver par les moyens connus, pourquoi serait-il défendu de parler de cela sans détours et sans feintes ?
==[[Page:Maupassant - Discours académique, paru dans Gil Blas, 18 juillet 1882.djvu/8]]==
 
Si vous croyez à Dieu, c’est à lui qu’il faut vous en prendre. Si vous n’y croyez pas, le meilleur moyen serait de faire châtrer les citoyens dès leur naissance. Les hommes ainsi corrigés cesseraient, soyez-en sûrs, ces naturelles plaisanteries qui vous offusquent si fort.
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Ne nous parlez pas de république athénienne, vous qui auriez envoyé Aristophane en police correctionnelle.
 
Faites des lois contre les vices. Emprisonnez M. de Germiny, cet imitateur de
=== no match ===
Socrate, de Socrate dont le Chouard s’appelait Alcibiade, dit-on. Quand vous trouverez quelques-unes de ces passions incestueuses dont Louis XV, Chateaubriand et Napoléon nous ont fourni des exemples fameux, à ce qu’affirment les gens compétents, frappez sans merci ; mais laissez-nous rire à notre aise, comme riaient nos pères, et trouver gaies les libres aventures d’amour. Vous regardez le ciel de travers, parce que la plus impérieuse des lois naturelles vous choque, et vous punissez les hommes de la subir.
 
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