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Premier Péché

— Tu étais trop petit ! Parlé de cela ? Ne l’avait-elle pas oublié, la pauvre créature qui se souvenait d’avoir appris de sa mère, ce qu’elle racontait cette nuit à son enfant. Parlé de cela ? Mais elle avait voulu, dans sa hutte, vivre bien seule, avec son petit, loin de la méchanceté des hommes qui, sans pitié pour sa jeunesse, l’avait brutalement repoussée, lorsqu’un ange blond sur les bras, elle était allée à eux, coupable du crime d’un autre. Pourtant, elle voulait obtenir la grâce, et mendiant la réhabilitation pour le fils, elle avait persévéré, espérant à force de patience, vaincre le préjugé qui la frappait brutalement. Et l’on ricanait à ses efforts, on lui lançait l’anathème, et des barbares s’oubliaient parfois à bousculer le joli être qui souriait à tous, cher innocent ignorant la méchanceté et l’injustice humaines.

Un jour, une mégère leva la main sur lui :

Va-t-en, méchante gale, cria-t-elle à l’enfant qui, d’un regard d’envie, suivait les jeux de quelques bambins.

La mère vit le mouvement. Avec un rugissement de lionne en fureur, elle repoussa l’odieuse créature, et s’emparant de son petit, elle se mit à courir, pendant que lui, dans ses bras, pleurait aussi fort qu’elle.

De ce jour, elle se claquemura, avec son fils, ne sortant qu’autour de son petit domaine, pour y travailler la terre et soigner quelques bêtes. Seuls, ils vécurent, n’allant même pas à l’église, car la pauvre créature y était encore maltraitée. Dans ce coin de village, les préjugés tuaient la charité, l’étroitesse d’idée et de cœur étouffait tout, rien ne s’oubliait, rien ne s’effaçait…

Elle songeait à toutes ces horreurs, la pauvre femme qui, depuis cinq ans, vivait comme une sainte, tout à son amour pour l’enfant blond qui buvait, cette nuit-là, les larmes de la martyre, source d’amour pur. Pauvre créature, que l’on te maudisse, que l’on te foule aux pieds, que l’on t’abreuve d’ignominies, qu’est cela ? Tu as l’âme assez forte pour dédaigner ces haineuses persécutions, tu as ton fils, pour qui tu seras toujours la mère chérie, et lorsque l’enfant saura que son père fut criminel, il pourra dire : Ma mère l’aimait, ma mère était une sainte !

Elle songe à tout cela, et maintenant la chevelure blonde est tout humide.

L’enfant l’enlace plus étroitement :

— Maman, allons donc à l’église, voir le petit Jésus.

Stupéfaite : — Non, mon chéri, fais dodo, va, pour faire plaisir à ta mère.

Mais, lui, suppliait, avec des inflexions caressantes : Allons-y, veux-tu ?

Elle ne résiste plus, n’en ayant pas le droit. Il n’a pas d’é-