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depuis sous le titre de ''l’Étudiant '' <ref> Ils avaient paru dans le ''New Monthly'' sous celui de ''Conversations d’un Étudiant ambitieux''. </ref>, prouvent un penchant réel et une aptitude remarquable à traiter des sujets métaphysiques qu’on eût pu croire très peu faits pour un esprit si versatile et si bien pourvu d’ironie.
depuis sous le titre de ''l’Étudiant''<ref> Ils avaient paru dans le ''New Monthly'' sous celui de ''Conversations d’un Étudiant ambitieux''. </ref>, prouvent un penchant réel et une aptitude remarquable à traiter des sujets métaphysiques qu’on eût pu croire très peu faits pour un esprit si versatile et si bien pourvu d’ironie.


Le théâtre eut son tour dans cette vie d’aventures, et la scène convenait en effet à une nature souple, adroite, variée par excellence. Bulwer débuta par un drame dont Cromwell était le héros <ref> Il en reste trace dans ses poésies, où nous trouvons un ''Songe de Cromwell'' </ref>. La pièce fut écrite, et, soit qu’elle eût été refusée par les théâtres, — ce qui n’est guère probable, — soit que ce fût là un ballon d’essai plutôt qu’une tentative sérieuse, l’auteur la fit imprimer. A mesure que les épreuves lui revenaient, il les couvrait de tant de ratures, de tarit de corrections, qu’une œuvre véritablement nouvelle devait sortir de ce travail. Puis tout à coup, contrairement aux habitudes du noble écrivain, il sembla désespérer de lui ou du public. Le ''Cromwell'', deux fois écrit, fut brusquement supprimé. Les amis de l’auteur prétendirent que le public était indigne d’un tel chef-d’œuvre, et en avait été frustré faute de le pouvoir goûter ou même comprendre : explication bienveillante que sir Edward Bulwer a démentie depuis en donnant à ce même public plusieurs autres drames que sans doute il ne jugeait point inférieurs au premier. ''La Duchesse de La Vallière, la Dame de Lyon, Richelieu, le Capitaine'' et ''l’Argent'' composent, à l’heure qu’il est, le répertoire dramatique de ce fécond écrivain. Presque tous ces drames ou comédies, joués sous les auspices de Macready et montés avec un soin tout particulier, ont eu un succès de première représentation, confirmé seulement pour ''la Dame de Lyon'', qui, sous quelques rapports, ressemble à ''Ruy Blas''. Dans aucune de ses compositions, sir Edward Bulwer n’a fait preuve des qualités qui constituent un poète dramatique de premier ordre. Esprit élégant, nourri de curieuses études, mais sans ardeur réelle, sans passion, sans originalité absolue, il cède tour à tour à des inspirations venues du dehors, passagères bouffées d’enthousiasme auxquelles son imagination privée de lest ouvre volontiers ses voiles, et qui l’emportent dans les directions les plus opposées, sans que le voyage soit jamais ni très productif ni très long. « L’intelligence de Bulwer, a dit encore le même critique dont nous avons déjà cité le jugement, est analytique et sans élans. Elle procède par une étude assidue, par de savans détours, mais elle n’a rien de direct, rien de concentré. Elle est capricieuse sans véritable fantaisie, raffinée, élégante, mais non puissante et simple, vive plutôt que passionnée, mobile plutôt qu’ardente. Elle obéit au système préconçu bien plus souvent qu’à l’impulsion instantanée ; elle travaille sur des modèles choisis plus volontiers qu’elle ne cède à l’instinct et à l’inspiration.
Le théâtre eut son tour dans cette vie d’aventures, et la scène convenait en effet à une nature souple, adroite, variée par excellence. Bulwer débuta par un drame dont Cromwell était le héros<ref> Il en reste trace dans ses poésies, où nous trouvons un ''Songe de Cromwell'' </ref>. La pièce fut écrite, et, soit qu’elle eût été refusée par les théâtres, — ce qui n’est guère probable, — soit que ce fût là un ballon d’essai plutôt qu’une tentative sérieuse, l’auteur la fit imprimer. A mesure que les épreuves lui revenaient, il les couvrait de tant de ratures, de tant de corrections, qu’une œuvre véritablement nouvelle devait sortir de ce travail. Puis tout à coup, contrairement aux habitudes du noble écrivain, il sembla désespérer de lui ou du public. Le ''Cromwell'', deux fois écrit, fut brusquement supprimé. Les amis de l’auteur prétendirent que le public était indigne d’un tel chef-d’œuvre, et en avait été frustré faute de le pouvoir goûter ou même comprendre : explication bienveillante que sir Edward Bulwer a démentie depuis en donnant à ce même public plusieurs autres drames que sans doute il ne jugeait point inférieurs au premier. ''La Duchesse de La Vallière, la Dame de Lyon, Richelieu, le Capitaine'' et ''l’Argent'' composent, à l’heure qu’il est, le répertoire dramatique de ce fécond écrivain. Presque tous ces drames ou comédies, joués sous les auspices de Macready et montés avec un soin tout particulier, ont eu un succès de première représentation, confirmé seulement pour ''la Dame de Lyon'', qui, sous quelques rapports, ressemble à ''Ruy Blas''. Dans aucune de ses compositions, sir Edward Bulwer n’a fait preuve des qualités qui constituent un poète dramatique de premier ordre. Esprit élégant, nourri de curieuses études, mais sans ardeur réelle, sans passion, sans originalité absolue, il cède tour à tour à des inspirations venues du dehors, passagères bouffées d’enthousiasme auxquelles son imagination privée de lest ouvre volontiers ses voiles, et qui l’emportent dans les directions les plus opposées, sans que le voyage soit jamais ni très productif ni très long. « L’intelligence de Bulwer, a dit encore le même critique dont nous avons déjà cité le jugement, est analytique et sans élans. Elle procède par une étude assidue, par de savans détours, mais elle n’a rien de direct, rien de concentré. Elle est capricieuse sans véritable fantaisie, raffinée, élégante, mais non puissante et simple, vive plutôt que passionnée, mobile plutôt qu’ardente. Elle obéit au système préconçu bien plus souvent qu’à l’impulsion instantanée ; elle travaille sur des modèles choisis plus volontiers qu’elle ne cède à l’instinct et à l’inspiration.