« La Pensée et l’Action » : différence entre les versions

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En invitant Einstein à Paris, Langevin ne voulait pas seulement rendre hommage au physicien génial, il voulait aussi tendre une main fraternelle au courageux démocrate qui, en pleine guerre, s'était levé contre les crimes du militarisme allemand. C'est dans un même désir de soutenir les vrais républicains d'outre-Rhin que Langevin ne craignit pas peu après de se rendre à Berlin. Nationalistes allemands et français firent chorus pour feindre, des deux côtés de la frontière, une patriotique indignation et le préfet de police de Berlin interdit au savant français de prendre la parole. Paul Langevin tourna, d'ailleurs, cette interdiction en faisant lire, en sa présence, la traduction de son allocution dans les diverses réunions où il était invité... Vingt ans après, les fascistes allemands et les « nationalistes » français devenus leurs valets devaient essayer de prendre leur revanche.
 
 
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Aux côtés du grand parti de la classe ouvrière
 
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Quand il faisait venir Einstein à Paris, quand il allait lui-même à Berlin, et aussi quand il prenait la défense d'André Marty, Langevin agissait encore comme les grands intellectuels progressistes du début du siècle; il accomplissait courageusement ce qui lui paraissait nécessaire pour la défense de la justice et de la paix, mais, la Ligue mise à part, il agissait généralement seul, en dehors des groupements et des partis. Devant la montée grandissante du fascisme dans le monde et sous diverses influences que nous avons déjà étudiées à propos de son évolution du rationalisme traditionnel vers le matérialisme dialectique, son action devait bientôt prendre un caractère à la fois plus systématique et moins individuel, et le grand parti de la classe ouvrière, le parti communiste était appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans sa vie de citoyen. Paul Langevin n'y adhère pas encore, si son gendre Jacques Solomon, sa fille Hélène Solomon-Langevin, et l'une de ses brus, Mme Luce Langevin en font déjà partie, mais il appuie de toute son autorité morale ses initiatives pour la défense de la paix et de la liberté. En 1932, à la veille de la prise du pouvoir par Hitler, il est invité, en tant que président de la Société française de Pédagogie, au Congrès des Instituteurs qui a lieu à Clermont-Ferrand. Il y dénonce publiquement l'impuissance de la Société des Nations en face de la guerre menaçante et met à nu l'insuffisance des mesures
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qu'elle propose. C'est aux peuples eux-mêmes qu'il entend faire appel pour éviter de nouvelles catastrophes : "J'ai encore, pour ma part, assez de confiance dans le bon sens et dans la volonté de vivre des hommes, pour les croire capables de réagir devant la vision stimulante des faits", écrit-il, à ce propos, au président Édouard Herriot dans une réponse à une lettre où celui-ci protestait contre les critiques avait faites au sujet de la Conférence de Genève. En cette même année 1932 s'était réuni à Amsterdam, sous l'égide de Romain Rolland et d' Henri Barbusse, un premier Congrès international contre le fascisme et la guerre. Après la prise du pouvoir par Hitler, un deuxième rassemblement, groupant des milliers de délégués de tous les pays, se tint en 1933 à Pleyel et y décida la création d'un Comité mondial permanent. Le mouvement d'Amsterdam-Pleyel était né. En face de la catastrophe imminente, Paul Langevin, qui sentait de plus en plus profondément la nécessité de remplacer les protestations isolées par des actions de masses unissant tous les hommes de bonne volonté, accepta de devenir président du Comité mondial aux côtés d'Henri Barbusse et de Romain Rolland. Il s'acquitta de ses fonctions avec un dévouement sans bornes, trouvant toujours le temps malgré toutes ses occupations de multiplier les démarches à Genève ou auprès des gouvernements intéressés. Mais l'action de Paul Langevin, dans cette période tendue qui va de 1932 à 1939, ne se limite pas à cette présidence. Il fut l'un des animateurs de la campagne en faveur de Georgi Dimitrov, l'un des membres les plus actifs du Comité Thaelmann, l'un des animateurs aussi de ce Front Populaire, où se réalisait enfin, malgré les défauts qui finirent par ruiner l'oeuvre, cette large union des forces prolétariennes et des autres forces laborieuses qu'il avait toujours souhaitée. Il joua un rôle extrêmement actif aux séances du Comité de Vigilance des Intellectuels dont il était l'un des présidents, et lorsque Munich vint y amener une tragique division, il y mena le combat contre ceux qui, comme
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Challaye et Emery, préparaient, sous prétexte de « pacifisme intégral », leur future collaboration avec l'envahisseur et leur future trahison de la patrie et de l'humanité. De cette activité prodigieuse, de nombreux textes parus dans "Front Mondial", dans "Clarté", dans "Paix et Liberté", dans "Vigilance", dans "la Vie Ouvrière" et dans bien d'autres périodiques progressistes, sont le témoignage. Les pages ci-après en contiennent quelques-uns choisis parmi les plus significatifs.
 
 
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"Au nom du Comité mondial de lutte contre la guerre et le fascisme, que Romain Rolland a tant contribué à créer avec Barbusse, dont il est actuellement le président d'honneur et qu'il n'a cessé d'animer, au nom également du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, je viens apporter au grand citoyen du monde l'hommage de notre reconnaissance et de notre affectueuse admiration. Privés, par son état de santé, du contact personnel que nous aimerions tant; nous nous sentons cependant toujours proches de lui par le coeur et par la pensée, grâce à la grande voix qu'il nous fait entendre par delà les montagnes et à son constant labeur d'écrivain, d'artiste et de penseur.
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Sans avoir eu de relations personnelles avec lui, ni pouvoir m'honorer de son amitié, je me suis trouvé en communion constante, en résonance avec lui, depuis, ma jeunesse, depuis ma sortie de l'École Normale, au moment où commençait l'affaire Dreyfus qui a exercé, sur nous tous, une si profonde influence et nous a fait comprendre le devoir de ne pas séparer, comme Romain Rolland le dit lui-même, la pensée de l'action, le devoir de mettre notre art ou notre science au service de la justice et de la vie. Il était sorti lui-même, huit ans avant moi, de cette École Normale, dont je crois bien être le seul représentant parmi ceux qui prennent la parole ce soir et au nom de, laquelle, je suis heureux de lui dire qu'elle est fière de lui. Je ne l'y ai pas connu, mais j'ai bien vite aimé son art et sa pensée, que j'ai connus par l'intermédiaire des "Cahiers de la Quinzaine" de Péguy où l'humanité profonde de Beethoven et de son Michel-Ange, puis de la série de Jean-Christophe, m'a révélé des aspects nouveaux de la vie et frappé par une connaissance exceptionnelle de l'âme et de la culture allemandes. C'est cette connaissance qui permet à Romain Rolland de comprendre mieux qu'aucun d'entre nous, ce qui se passe en ce moment dans le pauvre et grand pays voisin et lui donne, plus qu'à tout autre, le droit d'en parler. Cette connaissance lui a permis de comprendre immédiatement, en 1914, le drame de la guerre et explique l'horreur qu'il en a éprouvée. Il y a vu, plus vite et mieux que personne,
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l'aboutissement et le déchaînement des intérêts économiques et des impérialismes, des égoïsmes individuels et collectifs. Au lendemain de la grande tuerie, il a conçu et propagé d'espoir d'en finir avec la violence et de réaliser la justice dans les relations entre les nations, comme entre les hommes, en faisant appel à la volonté de tous pour créer la paix, condition primordiale de la justice, puisque toute l'expérience humaine nous montre que la violence et la guerre ne peuvent engendrer que l'injustice. « Paix d'abord », c'est la formule qui a inspiré à notre grand Barbusse et à Romain Rolland, l'initiative du mouvement d'Amsterdam, devenu le mouvement mondial contre la guerre et le fascisme, formes conjuguées de toutes les violences et de toutes les régressions. Jusqu'il y a trois ans, nous avons pu croire à l'efficacité des appels individuels aux sentiments humains et à l'horreur de la guerre, puis nous avons assisté au développement dangereux de la régression fasciste, suprême convulsion d'un capitalisme expirant et nous avons senti ici même, toute la gravité de la menace qu'il représente, menace d'oppression et menace de guerre, puisqu'il a déchaîné la guerre actuelle en Afrique et prépare en Europe et en Extrême-Orient une agression contre le grand espoir que représente pour l'humanité la construction soviétique. Comme Rolland, et en grande partie grâce à lui, nous avons compris que la paix ne peut
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résulter que de la création d'une solidarité internationale rendue plus étroite et plus nécessaire par le rapprochement des nations qu'a réalisé le progrès technique; la paix troublée en un point du monde est aujourd'hui une menace de guerre pour le monde entier. La paix est vraiment devenue indivisible. Le danger est trop grand pour que nous ayons le temps de faire appel à la volonté individuelle des hommes. Les nations doivent affirmer leur désir de paix en souscrivant à des engagements collectifs ouverts à tous. Leur acceptation est aujourd'hui la véritable épreuve à laquelle se reconnaît la volonté de paix. Paix d'abord, puis désarmement et redressement des injustices dont souffre le monde. On ne discute pas avec des armes sur la table. C'est là notre espoir, c'est la tâche à laquelle nous ne faillirons pas, ô notre grand et cher Romain Rolland."
 
 
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"Il s'impose de plus en plus, à notre esprit et dans les faits, que la fête du travail doit unir et unit de plus en plus tous ceux qui, manuels ou intellectuels, mettent leur confiance et leur espoir dans la possibilité de construire pour
"Il s'impose de plus en plus, à notre esprit et dans les faits, que la fête du travail doit unir et unit de plus en plus tous ceux qui, manuels ou intellectuels, mettent leur confiance et leur espoir dans la possibilité de construire pour tous les hommes, un avenir meilleur de liberté, de justice et de paix. Je voudrais dire ici, très brièvement, à l'occasion du 1 Mai prochain, les raisons qui justifient cette foi commune et qui exigent cet effort commun. Il est certain, tout d'abord, que les diverses formes d'activité du corps et de l'esprit, que les disciplines de la pensée et de l'action de la science et de la technique, après être restées pendant des siècles trop séparées les unes des autres, se rejoignent aujourd'hui et s'unissent toujours davantage pour une fécondation réciproque qui doit permettre la libération matérielle et spirituelle, l'enrichissement de la vie pour tous. De là une solidarité entre tous les travailleurs, un intérêt commun à tous, qui se confond avec l'intérêt profond de notre espèce. De même que la libération matérielle, condition préalable de toute libération, est rendue possible par la mise en oeuvre des moyens d'action toujours plus puissants donnés par la science, le développement de celle-ci n'est possible que grâce aux moyens matériels mis à sa disposition par la technique et surtout grâce à un large recrutement de son personnel, à la mise en valeur de toutes les aptitudes, de toutes les richesses intellectuelles humaines par la diffusion de la culture et l'égalité de tous devant l'instruction. Non seulement la science, mais la technique elle-même à tous ses degrés et dans-tous ses domaines, exige une formation intellectuelle toujours plus élevée du travailleur : la fécondation du geste par la pensée, de la faculté d'agir par le souci de comprendre est commune à toutes les formes de l'activité humaine; c'est elle qui est à la base et qui constitue l'essentiel de ce mouvement stakhanoviste si chargé d'espérance et si souvent mal compris chez nous. Indépendamment du devoir humain qu'a la collectivité d'ouvrir à tous les joies de l'esprit, les raisons précédentes montrent l'intérêt supérieur d'une liaison constamment maintenue, d'une constante diffusion vers tous des vérités conquises ou des oeuvres créées par ceux qui ont le privilège de vivre dans la haute et pure atmosphère de la recherche scientifique, de l'invention littéraire ou artistique. La fermeture de l'esprit sur lui-même, les tentations de la science pour la science et de l'art pour l'art représentent autant de dangers pour l'avenir de l'espèce, par formation de castes ou de groupes, enkystés chacun dans une carapace générale-ment artificielle et verbale, incapables bientôt de se comprendre entre eux ou de communiquer avec le reste des hommes et destinés à disparaître. La source de toute inspiration véritable est dans la communion entre tous les hommes; l'expérience montre que celle-ci est non seulement nécessaire, mais toujours possible — aucune vérité n'a de sens humain ni de valeur humaine si elle n'est transmissible à tous les hommes; la soif de tous pour s'instruire en est la manifestation la plus haute, la plus instructive et la plus impérieuse à la fois. Une autre preuve de l'étroite solidarité qui lie tous les travailleurs, toutes les formes manuelles et spirituelles de l'activité humaine est que, autant leur union est nécessaire pour leur libération commune autant leur sont communs les dangers d'oppression qui les menacent et qui s'affirment aujourd'hui dans le fascisme de manière particulièrement aiguë. Liberté d'action et liberté de pensée ont les mêmes ennemis. Ceux-ci ont compris qu'on ne peut maintenir sous le joug les travailleurs manuels qu'en arrêtant le travail de la pensée, en détruisant les oeuvres de l'esprit, en proscrivant la culture sous toutes ses formes, de science, de littérature ou d'art. Le maintien d'une domination matérielle est solidaire du maintien d'une domination spirituelle, combattre l'une n'est pas possible sans combattre l'autre en même temps. Un autre aspect du devoir qui s'impose aux travailleurs intellectuels de se tenir en liaison étroite avec l'activité générale des hommes est que les oeuvres de l'esprit, libératrice par les moyens d'action et la culture qu'elle donnent, peuvent si elles sont mal utilisées, fournir des moyens d'oppression et de destruction particulièrement efficaces et dangereux. Tout nous montre en ce moment que le devoir de tous ceux qui s'efforcent de créer ou de développer ces moyens d'action est de veiller à l'usage qu'en font les hommes et de s'intéresser d'au-tant plus aux grands, problèmes généraux qu'il est davantage en leur pouvoir de les compromettre malgré eux. Toujours plus nombreux heureusement, sont ceux qui comprennent le caractère essentiel de la situation dans laquelle se trouvent actuellement les sociétés humaines, les causes profondes de la crise qu'elles traversent. L'ensemble de nos institutions, ce qui constitue la justice sous toutes ses formes, individuelle, sociale ou internationale, évolue lentement et s'adapte avec peine aux conditions sans cesse changeantes de la vie et en particulier au bouleversement récemment introduit par la science dans les moyens d'action dont disposent les hommes pour produire, pour construire et pour détruire. Plus que jamais dans l'histoire humaine on peut dire que la science est en avance sur la Justice dans tous les domaines, aussi bien en ce qui concerne les relations des individus entre eux que des individus avec le groupe ou des groupes entre eux. La science pose constamment à la justice de nouveaux problèmes que celle-ci, lente dans ses démarches, ne sait pas ou ne peut pas résoudre assez vite contre des intérêts coalisés et opposés à l'intérêt général. Ne pouvant arrêter la science, il nous faut promouvoir la justice, réaliser l'adaptation nécessaire de cette chose vivante comme la raison elle-même. De cette nécessité, l'intellectuel plus que tout autre a le devoir de ne pas se désintéresser. Nombreux sont ceux qui commencent à comprendre que la science, sous toutes ses formes, doit tendre la main à la justice pour l'aider à franchir les obstacles qui les séparent. La communion de tous, manuels et intellectuels dans la célébration de la fête du travail est le symbole de cette action nécessaire."
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tous les hommes, un avenir meilleur de liberté, de justice et de paix. Je voudrais dire ici, très brièvement, à l'occasion du 1 Mai prochain, les raisons qui justifient cette foi commune et qui exigent cet effort commun. Il est certain, tout d'abord, que les diverses formes d'activité du corps et de l'esprit, que les disciplines de la pensée et de l'action de la science et de la technique, après être restées pendant des siècles trop séparées les unes des autres, se rejoignent aujourd'hui et s'unissent toujours davantage pour une fécondation réciproque qui doit permettre la libération matérielle et spirituelle, l'enrichissement de la vie pour tous. De là une solidarité entre tous les travailleurs, un intérêt commun à tous, qui se confond avec l'intérêt profond de notre espèce. De même que la libération matérielle, condition préalable de toute libération, est rendue possible par la mise en oeuvre des moyens d'action toujours plus puissants donnés par la science, le développement de celle-ci n'est possible que grâce aux moyens matériels mis à sa disposition par la technique et surtout grâce à un large recrutement de son personnel, à la mise en valeur de toutes les aptitudes, de toutes les richesses intellectuelles humaines par la diffusion de la culture et l'égalité de tous devant l'instruction. Non seulement la science, mais la technique elle-même à tous ses degrés et dans-tous ses domaines, exige une formation intellectuelle toujours plus élevée du travailleur : la fécondation du geste par la pensée, de la faculté
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d'agir par le souci de comprendre est commune à toutes les formes de l'activité humaine; c'est elle qui est à la base et qui constitue l'essentiel de ce mouvement stakhanoviste si chargé d'espérance et si souvent mal compris chez nous. Indépendamment du devoir humain qu'a la collectivité d'ouvrir à tous les joies de l'esprit, les raisons précédentes montrent l'intérêt supérieur d'une liaison constamment maintenue, d'une constante diffusion vers tous des vérités conquises ou des oeuvres créées par ceux qui ont le privilège de vivre dans la haute et pure atmosphère de la recherche scientifique, de l'invention littéraire ou artistique. La fermeture de l'esprit sur lui-même, les tentations de la science pour la science et de l'art pour l'art représentent autant de dangers pour l'avenir de l'espèce, par formation de castes ou de groupes, enkystés chacun dans une carapace générale-ment artificielle et verbale, incapables bientôt de se comprendre entre eux ou de communiquer avec le reste des hommes et destinés à disparaître. La source de toute inspiration véritable est dans la communion entre tous les hommes; l'expérience montre que celle-ci est non seulement nécessaire, mais toujours possible — aucune vérité n'a de sens humain ni de valeur humaine si elle n'est transmissible à tous les hommes; la soif de tous pour s'instruire en est la manifestation la plus haute, la plus instructive et la plus impérieuse à la fois. Une autre preuve de l'étroite solidarité qui lie tous les travailleurs, toutes les formes manuelles
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et spirituelles de l'activité humaine est que, autant leur union est nécessaire pour leur libération commune autant leur sont communs les dangers d'oppression qui les menacent et qui s'affirment aujourd'hui dans le fascisme de manière particulièrement aiguë. Liberté d'action et liberté de pensée ont les mêmes ennemis. Ceux-ci ont compris qu'on ne peut maintenir sous le joug les travailleurs manuels qu'en arrêtant le travail de la pensée, en détruisant les oeuvres de l'esprit, en proscrivant la culture sous toutes ses formes, de science, de littérature ou d'art. Le maintien d'une domination matérielle est solidaire du maintien d'une domination spirituelle, combattre l'une n'est pas possible sans combattre l'autre en même temps. Un autre aspect du devoir qui s'impose aux travailleurs intellectuels de se tenir en liaison étroite avec l'activité générale des hommes est que les oeuvres de l'esprit, libératrice par les moyens d'action et la culture qu'elle donnent, peuvent si elles sont mal utilisées, fournir des moyens d'oppression et de destruction particulièrement efficaces et dangereux. Tout nous montre en ce moment que le devoir de tous ceux qui s'efforcent de créer ou de développer ces moyens d'action est de veiller à l'usage qu'en font les hommes et de s'intéresser d'au-tant plus aux grands, problèmes généraux qu'il est davantage en leur pouvoir de les compromettre malgré eux. Toujours plus nombreux heureusement, sont ceux qui comprennent le caractère essentiel de
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la situation dans laquelle se trouvent actuellement les sociétés humaines, les causes profondes de la crise qu'elles traversent. L'ensemble de nos institutions, ce qui constitue la justice sous toutes ses formes, individuelle, sociale ou internationale, évolue lentement et s'adapte avec peine aux conditions sans cesse changeantes de la vie et en particulier au bouleversement récemment introduit par la science dans les moyens d'action dont disposent les hommes pour produire, pour construire et pour détruire. Plus que jamais dans l'histoire humaine on peut dire que la science est en avance sur la Justice dans tous les domaines, aussi bien en ce qui concerne les relations des individus entre eux que des individus avec le groupe ou des groupes entre eux. La science pose constamment à la justice de nouveaux problèmes que celle-ci, lente dans ses démarches, ne sait pas ou ne peut pas résoudre assez vite contre des intérêts coalisés et opposés à l'intérêt général. Ne pouvant arrêter la science, il nous faut promouvoir la justice, réaliser l'adaptation nécessaire de cette chose vivante comme la raison elle-même. De cette nécessité, l'intellectuel plus que tout autre a le devoir de ne pas se désintéresser. Nombreux sont ceux qui commencent à comprendre que la science, sous toutes ses formes, doit tendre la main à la justice pour l'aider à franchir les obstacles qui les séparent. La communion de tous, manuels et intellectuels dans la célébration de la fête du travail est le symbole de cette action nécessaire."
 
 
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Article publié par "Clarté", n° 23, juillet 1938.
 
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"Il ne faut pas, dans l'intérêt même de la paix, que l'horreur de la violence, commune à tous les hommes de bonne volonté, puisse prévaloir sur l'amour de la justice et de la liberté, sur les sentiments nécessaires de solidarité humaine envers les héroïques et toujours plus nombreuses victimes du fascisme international. Je crois qu'on n'insistera jamais trop, dans la période critique où nous sommes, sur la liaison profonde qui existe entre la défense de la paix et celle de la liberté, sur l'impossibilité de les séparer dans notre pensée comme dans notre action. Il est d'élémentaire bon sens, et d'ailleurs confirmé par l'histoire, que s'incliner devant la force ne peut conduire qu'au règne toujours plus brutal de la force; chacune des journées tragiques où nous vivons nous en apporterait la preuve, s'il était encore nécessaire. De là vient le danger d'une attitude, dite de pacifisme intégral, qui, d'origine intellectuelle, comme.en témoigne le bel article de René Maublanc dans le dernier numéro de cette revue, menace de gagner en profondeur, et a certainement influé récemment sur l'attitude des gouvernements démocratiques pour déterminer, ou
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tout au moins pour justifier, la politique dite de non-intervention. Il apparaît chaque jour plus évident que cette politique favorise le chantage il la guerre, augmente sans cesse l'audace et le cynisme des violents et nous acculerait fatalement à la guerre dans les pires conditions, même si nous allions jusqu'au dernier renoncement en adoptant la formule égoïste et lâche "Plutôt la servitude que la mort!" qui rejoint singulièrement sur le plan de l'action ou plutôt sur le plan de l'inaction l'autre formule trop souvent entendue et qui exprime une autre forme d'égoïsme : «Plutôt Hitler que la révolution!» Car il est dans la logique de la force et de la doctrine dont se réclament les maîtres ainsi acceptés que ceux-ci n'hésiteraient pas à envoyer leur troupeau d'esclaves vers une mort ignominieuse. La contradiction tragique dans laquelle nous nous trouvons ainsi placés prend sa source dans la légitime horreur ressentie par nous tous devant les abominations de la grande guerre, devant celles, pires encore, peut-être, des massacres de populations sans défense auxquels nous assistons en Espagne ou en Chine et qui nous donnent, hélas! une faible idée de ce que serait une conflagration générale, où joueraient il plein les moyens techniques de destruction mis par la science, à la disposition des hommes. L'abdication nous y conduirait; seul peut nous en protéger un suprême effort d'intelligence et de volonté.
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Pour clairement comprendre l'état actuel du monde, pour confirmer et rendre efficace notre ardente volonté de justice et de paix, il est tout d'abord nécessaire que nous ayons tous pleine-ment conscience de l'immense espoir que permettent nos possibilités d'action dans la paix. Beaucoup d'entre nous se sont employés à développer cette conscience, à inspirer le courage nécessaire pour regarder la situation en face et pour construire le monde nouveau exigé par la puissance nouvelle dont nous disposons. Ni l'horreur, ni la crainte ne suffisent pour déterminer l'action efficace : il y faut la confiance et la foi dans la possibilité d'un avenir meilleur; c'est là que se nourrit l'héroïque et constant sacrifice de nos frères espagnols. L'action contre la guerre, la recherche de ses causes et la dénonciation de ses horreurs passées ou possibles, ont pu nous paraître suffisantes aussi longtemps que nous avons pu espérer convaincre tous les peuples et les amener à l'union nécessaire. De là le mouvement d'Amsterdam dont la naissance en 1932 a été presque immédiatement suivie par l'éclatante confirmation du danger fasciste qu'a représentée le succès de l'hitlérisme en Allemagne. Ce danger fasciste s'est montré, par ses origines et par ses effets, si étroitement lié à celui de la guerre, qu'une même lutte a dû être engagée à la fois contre eux deux. Amsterdam se conjuguant avec Pleyel, comme la défense de la paix se conjugue nécessairement avec celle de la justice et de la liberté.
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Nous nous sommes trouvés, dès lors, en face d'une situation parfaitement claire et qui, s'il 'lait possible, se préciserait davantage encore chaque jour : les dirigeants du régime économique injuste et périmé, sous lequel vit encore la plus grande partie du monde soit-disant civilisé, exploitant avec une diabolique astuce à la fois l'égoïsme des privilégiés, les injustices com-mises au lendemain de la guerre et le désarroi de ses propres victimes, particulièrement des jeunes gens laissés sans perspective d'avenir et sans emploi, par le développement même de la technique, mettant à profit leur goût de l'aventure et de l'action, plutôt que de la réflexion! ont fait de ces derniers ses défenseurs et ses gardes d'assaut dans une-suprême tentative pour maintenir sa domination. Cette domination, contraire à toute justice et toute raison devant les possibilités sans bornes de la machine, ne peut plus s'appuyer que sur la violence et sur l'abêtissement généralisés. D'où le spectacle auquel nous assistons : déchaînement sans frein des moyens de destruction; destruction des êtres humains pour terroriser, destruction des produits du travail pour maintenir le profit des privilégiés, étouffement de la pensée libre et de la science elle-même, propagande effrénée par la parole et par le fait en faveur des mystiques inhumaines où la prévalence et la volonté de domination d'une race ne sont, au fond, que des moyens pour justifier et assurer la prévalence et la domination d'une caste, choisie de préférence au sein de cette
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race, pour établir ou consolider ainsi dans le monde une féodalité nouvelle, fondée sur l'égoïsme des uns, l'ignorance et la terreur des autres, sur la démoralisation de tous. Devant l'insuffisante défense de ceux qui, comme nous, sont inspirés d'un autre idéal, l'audace et la brutalité de nos adversaires vont constamment croissants. A l'intérieur de l'Allemagne, et maintenant aussi de l'Autriche, l'hitlérisme a renchéri en persécutions physiques, morales et intellectuelles, en régressions de tous ordres, sur le fascisme italien, celui-ci a bientôt pris sa revanche en exécutant et en glorifiant les massacres d'Éthiopie, en provoquant chez nous l'abominable assassinat des frères Rosselli; puis est venue l'Espagne où les gouvernements italien et allemand font l'essai des nouvelles méthodes de guerre en entraînant leurs techniciens aux pires des crimes. En Extrême-Orient, l'invasion japonaise impose à la Chine des douleurs sans mesure. Et si nous continuons à laisser faire, à contempler, sans que le rouge de la honte nous monte au front, le sublime sacrifice de nos frères d'Espagne et de Chine en attendant celui de la Tchécoslovaquie, si nous ne comprenons pas que l'attitude égoïste de continuel reniement, de continuelle acceptation est celle qui conduit le plus sûrement à la guerre, si nous ne comprenons pas qu'il suffit de ne pas céder au chantage pour faire cesser le chantage, notre tour viendra bientôt où les hitlériens du dehors et du dedans nous traiteront plus brutalement encore s'il est possible, comme peut nous le faire prévoir la sanglante répression de la Commune, où les moyens d'action étaient cependant bien primitifs à côté de ceux dont la violence dispose aujourd'hui. Disons-nous bien que si nos ancêtres, lointains ou proches, dont le courage a protégé les débuts et la lente évolution de notre espèce contre tous les dangers venus de la nature ou des hommes eux-mêmes, si nos ancêtres avaient procédé comme les nations dites démocratiques le font aujourd'hui, ni cette espèce, ni sa civilisation n'existeraient plus. En dehors de la vie personnelle de chacun de nous, vie personnelle infiniment précieuse puisque c'est le caractère propre et la dignité de notre espèce que de la valeur d'un seul individu peut dépendre le sort et l'avenir de tous, il est pourtant des choses qui valent d'être défendues : tout le trésor lentement accumulé au cours des siècles, trésor d'art et de science, avec un commencement, à peine plus qu'une espérance, de justice et de liberté, trésor que nous avons le devoir de transmettre, en l'augmentant par notre effort, à ceux qui nous continueront. L'étroite solidarité qui nous lie à nos ancêtres et à nos descendants implique la solidarité avec ceux qui meurent actuellement en Espagne et en Chine pour notre défense commune. De même que les premiers hommes, pour les protéger à la fois contre le froid et contre les grands fauves entouraient d'un cercle de flammes leurs femmes, leurs enfants et leurs biens les plus précieux, élevons entre (1) la guerre, le fascisme et nous la flamme toujours plus haute de notre foi en un idéal de liberté, de justice et de paix."
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chantage, notre tour viendra bientôt où les hitlériens du dehors et du dedans nous traiteront plus brutalement encore s'il est possible, comme peut nous le faire prévoir la sanglante répression de la Commune, où les moyens d'action étaient cependant bien primitifs à côté de ceux dont la violence dispose aujourd'hui. Disons-nous bien que si nos ancêtres, lointains ou proches, dont le courage a protégé les débuts et la lente évolution de notre espèce contre tous les dangers venus de la nature ou des hommes eux-mêmes, si nos ancêtres avaient procédé comme les nations dites démocratiques le font aujourd'hui, ni cette espèce, ni sa civilisation n'existeraient plus. En dehors de la vie personnelle de chacun de nous, vie personnelle infiniment précieuse puisque c'est le caractère propre et la dignité de notre espèce que de la valeur d'un seul individu peut dépendre le sort et l'avenir de tous, il est pourtant des choses qui valent d'être défendues : tout le trésor lentement accumulé au cours des siècles, trésor d'art et de science, avec un commencement, à peine plus qu'une espérance, de justice et de liberté, trésor que nous avons le devoir de transmettre, en l'augmentant par notre effort, à ceux qui nous continueront. L'étroite solidarité qui nous lie à nos ancêtres et à nos descendants implique la solidarité avec ceux qui meurent actuellement en Espagne et en Chine pour notre défense commune. De même que les premiers hommes, pour les protéger à la fois contre le froid et contre les grands
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fauves entouraient d'un cercle de flammes leurs femmes, leurs enfants et leurs biens les plus précieux, élevons entre (1) la guerre, le fascisme et nous la flamme toujours plus haute de notre foi en un idéal de liberté, de justice et de paix."
 
(1) Le texte publié par Clarté porte, par erreur, "contre" au lieu de "entre".
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"Plus que sous aucun autre signe, la Révolution est née et s'est poursuivie sous celui de la Raison. Il est incontestable que la foi profonde des hommes de cette époque en l'efficacité de l'effort intellectuel a été inspirée par l'immense développement qu'avaient pris, depuis la Renaissance, à travers le XVIIème et le XVIIIème siècles, les sciences de l'univers, de la nature et de l'homme. Copernic, Galilée, Newton, les encyclopédistes ont montré la voie et donné confiance en lui-même à l'effort de réflexion et d'information précise qui a préparé la Révolution; ils ont permis à celle-ci, par leur exemple, de se développer sur un plan scientifique à partir de faits et de statistiques, et ,par des réformes logiquement déduites à partir de principes d'ordre général et universel clairement exprimés.
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A son inspiration et à ses méthodes scientifiques, la Révolution doit le retentissement profond qu'elle a eu dans le monde entier et les traces si durables qu'elle a laissées malgré la réaction qui l'a suivie. De cette liaison étroite entre la science et la vie qui caractérise notre grande Révolution, nous pouvons trouver une preuve nouvelle dans le fait que la réaction fasciste actuelle remet en question, avec la même violence, la valeur de la science et la valeur des principes de 1789. Ainsi, scientifiquement conduite, et contrairement à l'absurde légende suivant laquelle elle aurait déclaré n'avoir pas besoin de savants, la Révolution n'a cessé d'affirmer sa confiance dans la science et de faire appel à la collaboration des savants, aux plus grands d'entre eux, pour résoudre les multiples problèmes posés par la construction et la défense d'un monde nouveau. Pouchet, dans son livre sur « Les sciences pendant la Terreur », dit : « L'an II marque bien réellement une date dans l'histoire des sciences françaises; à ce moment, non seulement elles sont représentées par une pléiade d'hommes illustres, non seulement elles voient grandir et naître une foule d'établissements d'enseignement, mais elles ont sauvé le pays. Le grand Comité de Salut Public mérite qu'on lui rende cette justice que, plus qu'aucun gouvernement au monde, il a honoré les sciences et compris leur rôle social. » Dans son "Histoire de l'École Polytechnique",
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Lefébure de Fourcy écrit : « Il y avait alors auprès du Comité de Salut Public une espèce de Congrès de savants où la plupart des sciences exactes et naturelles se trouvaient dignement représentées. C'est de là que partaient, à la voix du Comité souverain, ces instructions lumineuses, ces inventions soudaines, ces expédients ingénieux et rapides qui, dégageant les procédés des arts des mille ornières de la routine, élevaient tout à coup leur produit au niveau des immenses besoins de la Révolution. » C'est ainsi que furent résolus les difficiles problèmes de la production intensive du salpêtre, de la soude, de l'acier. Dans leur défense devant le tribunal qui les jugeait après le 9 Thermidor, Bertrand Barère, Jean-Marie Collot d'Herbois et Jacques-Nicolas Billaud-Varenne, membres du Comité de Salut Public, disaient : « Nous avions besoin d'acier; nous l'avions demandé à la fabrication, ce sont les savants qui nous le donnèrent. » L'envoi, pour la première fois clans l'Histoire, d'une mission de savants aux armées, appartient au Comité de Salut Public; Bonaparte n'a fait qu'imiter cet exemple au moment de l'expédition d'Egypte. La commission temporaire des poids et me-sures, créée le 11 septembre 1793 avec mission de réaliser les nouvelles unités du mètre et du kilogramme, comprenait Gaspard Monge, Jean-Charles de Borda, Joseph-Louis Lagrange, Pierre-Simon de Laplace, Jean-Baptiste Delambre, Pierre Méchain, Charles-Augustin Coulomb, l'abbé René-Just Haüy, Alexandre-Théophile Vandermonde, Claude Berthollet, Antoine Lavoisier, qui tous ont laissé une trace profonde dans la science.
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Au même moment, en pleine lutte intérieure et extérieure, le 9 septembre 1793, est mise en vente la cinquante-septième livraison de l'«Encyclopédie» rédigée par Monge, Antoine-François Fourcroy, Jean-Dominique Cassini, Henri Duhamel. Dans la série des fêtes organisées cette même année, la dernière est consacrée à l'Électricité, dont la science naissait à peine et dont rien ne laissait soupçonner l'extraordinaire importance technique qu'elle devait prendre un siècle plus tard. Un effort considérable est fait pour créer une véritable organisation scientifique et l'enseigne-ment des sciences à tous les degrés. La Convention donne leur forme actuelle à l'Institut de France, au Muséum d'Histoire naturelle, fonde les Écoles normale, supérieure et polytechnique, et ces admirables Écoles centrales dont le programme réalisait de véritables humanités modernes, à la fois scientifiques et classiques, mais dont l'enseignement, tout imprégné de l'esprit philosophique du XVIIIème siècle, fut jugé trop jacobin par le Consulat, qui les supprima. Un enseignement primaire public fut organisé pour la première fois dans l'intention d'étendre à tous les bienfaits de l'instruction et fit l'objet d'un admirable rapport de Condorcet à la Convention. Les plus grands savants se mirent à la disposition des pouvoirs publics pour la réalisation de cet enseignement. Le 8 Pluviôse, an II, la Convention ouvre un concours pour les livres élémentaires à mettre entre les mains de la jeunesse et désigne, pour constituer le
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jury, des savants tels que Lagrange, Daubenton, Monge, Hailé. Enfin, les savants ont marqué leur confiance dans la Révolution, non seulement en collaborant à l'immense effort scientifique, éducatif et technique de celle-ci, mais encore en participant à l'action politique générale : Condorcet fut élu, en 1792, président de l'Assemblée Législative où il était député de Paris; le chimiste Fourcroy fut président et le grand mathématicien Monge vice-président du Club des Jacobins."
 
 
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Au cours des six années de luttes ardentes qui séparèrent la prise du pouvoir par Hitler du début de la seconde guerre mondiale, Paul Langevin avait pu vérifier dans les circonstances les plus tragiques, la justesse des thèses politiques du parti communiste français, en même temps qu'il voyait chaque jour davantage de quel secours le matérialisme dialectique pouvait lui être dans ses propres recherches scientifiques. C'est ainsi une sorte de gratitude envers le parti et envers le marxisme que traduit la déclaration que fit Paul Langevin au Congrès de Gennevilliers, et par laquelle il nous a semblé naturel de terminer cette série de textes d'avant la dernière guerre.
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"C'est l'honneur de votre Parti d'unir étroitement la pensée et l'action. On a dit qu'un communiste devait toujours s'instruire; mais je veux vous dire que plus je suis instruit, plus je me sens communiste. Dans cette grande doctrine, illustrée par Marx, Engels, Lénine, j'ai trouvé l'éclaircissement de choses que je n'aurais jamais comprises dans ma propre science. Lénine, aussi bien que Marx, Engels, se sont pénétrés de la pensée de ceux qui ont préparé la Révolution française. Votre Parti est le seul à avoir des idées claires : c'est une sorte d'élargissement de la Révolution française comme la doctrine de Marx-Lénine-Engels est un élargissement de la pensée des grands penseurs français du XVIIIème siècle."
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La "drôle de guerre" et le procès des députés communistes
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(1) Maurice Thorez, "Fils du peuple", Editions Sociales, Paris, 1949, p. 159.
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Pour faire échec à ce plan machiavélique, l' U.R.S.S. signe le 23 août un pacte de non-agression avec l'Allemagne. Ce pacte lui assurera quelques mois de répit qu'elle mettra à profit pour consolider sa défense. Hitler, continuant la poursuite de ses buts impérialistes, attaque la Pologne. Chamberlain et Daladier se voient contraints de déclarer à l'Allemagne une guerre qu'ils n'ont pas envie de lui faire. Mais l'occasion semble bonne aux partis bourgeois français, des fascistes aux socialistes, pour chercher à écraser le parti communiste. Le pacte germano-soviétique est présenté comme une trahison à la cause de la liberté par le gouvernement et la presse bourgeoise de droite et de gauche, tandis que les journaux communistes sont interdits. La déclaration de Maurice Thorez, le 25 août, au groupe parlementaire, appelant à la résistance si Hitler persévérait dans ses desseins d'agression, est systématiquement étouffée. Par tous les moyens la classe au pouvoir veut semer le désarroi dans le camp des progressistes pour pouvoir plus sûrement frapper les communistes. Au début d'octobre, la police s'en prend au Comité mondial contre le fascisme et la guerre dont les buts s'identifient pourtant avec ceux que prétend poursuivre le gouvernement français. Dans une protestation très digne et très ferme adressée au président Daladier, Paul Langevin souligne cette contradiction et pose au président du Conseil quelques questions embarrassantes auxquelles il répondra seulement en renforçant la répression contre les communistes et tous ceux qui avaient pu s'associer à leur action. Peu de temps après ces perquisitions, les députés communistes sont poursuivis pour avoir envoyé, le premier octobre, au président Édouard Herriot, une lettre demandant la convocation des Chambres et la discussion publique des problèmes relatifs à la conduite de la guerre. On les arrête, on les déchoit illégalement de leurs mandats, on les met au droit commun et enfin on les défère au tribunal militaire. Langevin, depuis longtemps, a percé à jour toute l'hypocrisie du jeu gouvernemental. Il sait quels bas calculs de classe peuvent se cacher derrière un jacobinisme de façade. Il sait aussi que les communistes n'ont pas trahi, que ce sont eux, au contraire, qui, comme toujours, sont à l'avant-garde de la défense des véritables intérêts de la France. Le 29 mars 1940, il vient à la barre témoigner en faveur des 44 députés inculpés. Dans la grande tourmente de la guerre, le texte complet de cette courageuse déposition a malheureusement été perdu. Nous devons donc nous contenter de reproduire le passage suivant du "Chemin de l'Honneur", de Florimond Bonté, qui résume l'intervention de Langevin et qui traduit bien la profonde impression qu'elle produisit alors sur tous ceux qui l'entendirent:
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comme toujours, sont à l'avant-garde de la défense des véritables intérêts de la France. Le 29 mars 1940, il vient à la barre témoigner en faveur des 44 députés inculpés. Dans la grande tourmente de la guerre, le texte complet de cette courageuse déposition a malheureusement été perdu. Nous devons donc nous contenter de reproduire le passage suivant du "Chemin de l'Honneur", de Florimond Bonté, qui résume l'intervention de Langevin et qui traduit bien la profonde impression qu'elle produisit alors sur tous ceux qui l'entendirent:
 
 
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Paul Langevin, professeur au Collège de France, membre de l'Académie des Sciences et de la Société Royale de Londres, grand-officier de la Légion d'honneur, commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique. Ce grand maître de la science française, dont les travaux font honneur à la France, et à son génie, se trouvait à la barre. Et c'était ce savant qui descendait des sommités scientifiques, quittait son laboratoire de recherches pour venir exprimer publiquement en quelle estime il tenait les militants communistes français, chez qui il proclamait reconnaître les plus hautes valeurs morales. Il expliquait au tribunal combien il avait été frappé de retrouver parmi les communistes, porté à leur degré le plus élevé, le souci du bien public et du développement du bien public et la volonté inébranlable d'améliorer constamment la situation matérielle et morale des travailleurs, de ceux qui, par leur travail, font la force et la grandeur du pays. Il partageait, disait-il, leur idéal de justice sociale et leur volonté d'en obtenir la réalisation par un effort humain de transformation matérielle et morale du monde. Pour y parvenir, lui aussi, mettait sa confiance dans la possibilité d'un élargisse-ment, d'une élévation sans limite de la science et de la conscience des hommes : science de la nature dont les applications, si elles étaient vraiment mises au service de tous, permettraient, dès maintenant, leur libération,
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la suppression de la misère, de l'ignorance et des souffrances, science du développement des sociétés humaines, permettant de comprendre leur évolution et niellant particulièrement en évidence l'influence exercée sur l'organisation sociale par les conditions de travail et de la production nécessaire à l'entretien de la vie.
 
"Les hommes de science savent, déclarait Paul Langevin (1), qu'il y a un incontestable et continuel progrès dans la connaissance du monde et de ses lois; qu'à mesure que se perfectionnent nos moyens d'information et d'action, à travers l'incessant conflit des doctrines et des théories, se dégage toujours plus pure la grande ligne de notre représentation du monde, la haute figure de celle que nous appelons la vérité, et dont omis sommes certains qu'elle n'a qu'un seul visage, constamment modelé et embelli par le temps et par notre effort. Il en est de même pour cette vérité humaine : la justice. A chaque étape du développement de nos moyens d'action et de production correspond une forme stable de l'organisation des sociétés humaines, une forme supérieure de vie en perpétuel enfantement, une vérité sociale vivante. On doit compter parmi les meilleurs serviteurs ceux qui consacrent leur existence à la chercher et à la faire prévaloir. Et j'ai le devoir de proclamer qu'ils sont de ceux-là, les militants communistes actuellement devant vous, et il ne peut avoir que mauvaise conscience, défiance de lui-même, un régime qui les persécute."
 
(1) Florimond Bonté cite ici de mémoire quelques paroles de Langevin.
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Paul Langevin a parlé. Le commandant de la garde le reconduit jusqu'à la sortie de la salle d'audience. Paul Langevin passe devant nous. Il nous salue d'une inclinaison de la tête et du geste de la main. Noue le suivons des yeux. Qu'importe la condamnation! Qu'importe la prison! puisque nous avons eu la joie, le bonheur, de recevoir pour notre Parti, le seul à avoir suivi et à suivre une ligne française et à avoir défendu, et à défendre la cause de la France et de l'humanité, les marques de la plus chaleureuse sympathie d'un Français parmi les plus grands, dont les mérites et le génie rejaillissent en rayons de lumière sur notre patrie.
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(1) Le papier et l'encre lui ayant été refusés, il écrivait sur du papier hygiénique au moyen d'une allumette qu'il enduisait de "formocarbine", produit pharmaceutique en poudre noire, qu'il avait obtenu du médecin de la prison.
 
Le 25 novembre 1940, Langevin subit un interrogatoire
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très détaillé. Les Allemands le questionnèrent sur les relations qu'il avait pu avoir avec tel ou tel homme politique, avec tel ou tel savant progressiste, sur sa position à l'égard de l'Allemagne, sur sa participation à la prétendue campagne d'excitation a la guerre. Des réponses de Langevin, telles qu'elles figurent au procès-verbal, nous détacherons deux fragments, d'abord ce qu'il dit de l'Allemagne :
 
« J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour la contribution allemande à l'oeuvre de civilisation dans les différents domaines, des sciences, de la littérature, des arts ou du progrès technique. J'ai désiré connaître l'Allemagne et la faire connaître à mes enfants en y allant spontanément passer deux périodes de vacances, en 1903 à Göttingen et en 1912 à Heilbronn. J'ai été invité, au titre scientifique, à participer à trois congrès de Naturforscher : en 1903 à Cassel, en 1911 à Karlsruhe, et en 1912 à Heidelberg. J'ai en outre été invité en 1924 et en 1925, à faire à l'Université de Hambourg des conférences sur la technique des ultrasons que j'ai créée. J'ai toujours considéré comme hautement désirable une collaboration entre la France et l'Allemagne dans tous les domaines, économiques ou intellectuels. Je me suis efforcé d'y contribuer, non seulement par les relations que j'ai nouées avec des savants allemands au cours des congrès auxquels j'ai participé, mais encore en prenant l'initiative, il y a une dizaine d'années d'une collaboration entre le "Journal de Physique" que je dirige, et les "Physikalische Berichte", que dirigeait alors le Dr Scheed avec qui
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je me suis rencontré plusieurs fois, et qui s'était montré d'accord avec mon projet. Je considère seulement que cette collaboration, pour être efficace et durable, doit être fondée sur les règles de toute morale humaine, applicables aux nations comme aux individus : le respect de la personnalité et le devoir de solidarité envers tous. »
 
Nous citerons ensuite intégralement les remarques que Paul Langevin a faites à la fin de son interrogatoire. Il y résumait d'une manière digne et fière toute action d'intellectuel au service de la justice et de la paix :
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1° uniquement sur le plan humain; je ne me suis placé au point de vue d'aucune race, d'aucune secte, ou d'aucun parti politique;
2° uniquement située dans le domaine des idées, pour la défense de celles qui me sont chères : de justice individuelle et collective, de liberté et de paix. J'ai toujours cherché à convaincre ceux auxquels je m'adressais des dangers et de l'absurdité de la guerre et de la possibilité de la faire disparaître par une organisation de justice et de police internationales
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et surtout par le développement de la collaboration entre les peuples. Je n'ai jamais à aucun moment, dit ou écrit un mot dans le sens d'une provocation à la guerre;
3° absolument au grand jour, sur la base de l'exposition et de la discussion publiques des idées et des faits. Je n'ai jamais participé à aucune action occulte d'aucune sorte;
4° absolument désintéressée : j'y ai consacré à peu près tout ce que je possédais et n'ai aucune fortune ni d'autres ressources que mon traitement ou ma pension de retraite éventuelle.
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(1) Cf. l'article de François Lescure dans les Lettres Françaises du 18 novembre 1948, p. 1. Cette manifestation du 8 novembre peut être considérée comme le prélude de celle du 11 à l'Arc de Triomphe, où dix étudiants furent tués par les Allemands et une centaine arrêtés, pour être ensuite déportés.
Ils envoyèrent Paul Langevin — que Vichy avait entre temps destitué de toutes ses fonctions universitaires — en résidence
Ils envoyèrent Paul Langevin — que Vichy avait entre temps destitué de toutes ses fonctions universitaires — en résidence surveillée à Troyes. Il put y poursuivre, non sans difficultés, une certaine activité scientifique [purement théorique évidemment, faute de laboratoires (1) et fit même quelques cours à l'École Normale d'institutrices. En janvier 1942 les nazis l'arrêtèrent pour la seconde fois, pour le relâcher quelques jours après. Ces alertes successives, en dépit de la bonne humeur courageuse avec laquelle il les accueillait, n'avaient pas été sans altérer la santé de Paul Langevin. C'est alors que deux coups très douloureux vinrent le frapper dans ses affections les plus chères. Son gendre Jacques Solomon, qui était aussi son plus proche collaborateur dans le domaine de la physique, celui qu'il appelait son « fils spirituel » (2), et sa fille Hélène Langevin-Solomon, tous les deux membres du parti communiste, furent tour à tour arrêtés pour leur participation à la résistance clan-destine. Le 23 mai 1942, Jacques Solomon était fusillé par les nazis au Mont-Valérien, au côté de son ami le philosophe Georges Politzer. Peu de temps après, Hélène Solomon était déportée à Auschwitz d'où elle ne devait revenir que par miracle. En même temps la surveillance des policiers allemands et des fonctionnaires vichyssois se resserrait. On pouvait tout craindre pour Langevin qui constituait pour les nazis et les collaborateurs un otage de choix, ou une victime toute désignée, suivant leur humeur. (Qu'on songe au sort de Jean Zay et de Mandel assassinés le 22 juin 1944, quinze jours après le débarquement !) Les amis de Paul Langevin, justement inquiets, le décidèrent à quitter la France. Il s'enfuit de Troyes, le 2 mai 1944, avec de faux papiers au nom de Léon Pinel, son grand-père maternel, faux papiers que lui avait confectionnés et apportés son disciple et ami Joliot-Curie. Quelques jours plus tard, il était en sûreté en Suisse, après avoir traversé la frontière du côté de Porrentruy, aidé de deux F.T.P. qui durent parfois le porter pour éviter de trop dures épreuves à ce vieillard de 72 ans dont le coeur commençait à donner des signes de fatigue.
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Ils envoyèrent Paul Langevin — que Vichy avait entre temps destitué de toutes ses fonctions universitaires — en résidence surveillée à Troyes. Il put y poursuivre, non sans difficultés, une certaine activité scientifique [purement théorique évidemment, faute de laboratoires (1) et fit même quelques cours à l'École Normale d'institutrices. En janvier 1942 les nazis l'arrêtèrent pour la seconde fois, pour le relâcher quelques jours après. Ces alertes successives, en dépit de la bonne humeur courageuse avec laquelle il les accueillait, n'avaient pas été sans altérer la santé de Paul Langevin. C'est alors que deux coups très douloureux vinrent le frapper dans ses affections les plus chères. Son gendre Jacques Solomon, qui était aussi son plus proche collaborateur dans le domaine de la physique, celui qu'il appelait son « fils spirituel » (2), et sa fille Hélène Langevin-Solomon, tous les deux membres du parti communiste, furent tour à tour arrêtés pour leur participation à la résistance clan-destine. Le 23 mai 1942, Jacques Solomon était fusillé par les nazis au Mont-Valérien, au côté de son ami le philosophe Georges Politzer. Peu de temps après, Hélène Solomon était déportée à Auschwitz d'où elle ne devait revenir que par miracle. En même temps la surveillance des policiers allemands et des fonctionnaires vichyssois se resserrait. On pouvait tout craindre pour Langevin qui constituait pour les nazis et les collaborateurs un otage de choix, ou une victime toute désignée, suivant leur humeur. (Qu'on songe au sort de Jean Zay et de Mandel assassinés le 22 juin 1944, quinze jours après le débarquement !) Les amis de Paul Langevin, justement inquiets, le décidèrent à quitter la France. Il s'enfuit de Troyes, le 2 mai 1944, avec de faux papiers au nom de Léon Pinel, son grand-père maternel, faux papiers que lui avait confectionnés et apportés son disciple et ami Joliot-Curie. Quelques jours plus tard, il était en sûreté en Suisse, après avoir traversé la frontière du côté de Porrentruy, aidé de deux F.T.P. qui durent parfois le porter pour éviter de trop dures épreuves à ce vieillard de 72 ans dont le coeur commençait à donner des signes de fatigue.
 
(1) Pendant son séjour à Troyes, Langevin envoya deux mémoires aux Annales de Physique, l'un sur la radioactivité et l'autre sur la possibilité d'utiliser la résonance pour mesurer les forces de gravitation.
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Le retour en France
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"Les deux jours écoulés depuis mon retour dans notre France meurtrie, mais libérée, laisseront
"Les deux jours écoulés depuis mon retour dans notre France meurtrie, mais libérée, laisseront en moi d'émouvants souvenirs en même temps qu'ils m'apportent une grande espérance. Partout dans la campagne traversée comme dans la grande cité lyonnaise, sous la protection d'une jeunesse armée et disciplinée, malgré la gêne duc à d'impressionnantes destructions, la vie active a repris. Puisant des forces nouvelles dans la volonté de se montrer digne de ses héros et de ses martyrs et de maintenir l'union scellée dans la souffrance, un peuple fort et recueilli se sent en marche vers un nouvel et grand avenir. Il sait que son devoir envers ceux qui se sont sacrifiés comme à l'égard des générations futures est de ne rien laisser perdre des possibilités actuelles, si chèrement achetées, pour réaliser par de profondes réformes de structure, plus de justice sociale et plus de liberté. Tout en continuant, aux côtés de ses alliés, la lutte contre le barbare ennemi du dehors, qui s'est laissé conduire par des guides déments hors de l'humanité, il doit, pour ce qui concerne le passé, faire justice de l'ennemi du dedans en poursuivant sans faiblesse ceux qui, par leurs actes, se sont placés hors de la nation. Puis, ce sera la grande tâche de la reconstruction où, sans laisser aux forces hostiles le temps de se ressaisir et de reprendre leur ancienne domination, noua devons réaliser, maintenant que la libération du pays est faite, celle de chacun de ses enfants : libération matérielle par une transformation profonde du régime économique et des conditions du travail, libération spirituelle par une organisation de l'enseignement qui permette à chacun le complet développement de ses aptitudes pour le plus grand profit de la collectivité et ceci sous une forme qui maintienne et assure l'union de tous au profit de chacun. Je quitte aujourd'hui Lyon pour aller à Paris où je porterai l'impression très profonde que j'ai reçue hier de sentir la volonté lyonnaise pour l'union de tous dans un vaste Front National."
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"Les deux jours écoulés depuis mon retour dans notre France meurtrie, mais libérée, laisseront en moi d'émouvants souvenirs en même temps qu'ils m'apportent une grande espérance. Partout dans la campagne traversée comme dans la grande cité lyonnaise, sous la protection d'une jeunesse armée et disciplinée, malgré la gêne duc à d'impressionnantes destructions, la vie active a repris. Puisant des forces nouvelles dans la volonté de se montrer digne de ses héros et de ses martyrs et de maintenir l'union scellée dans la souffrance, un peuple fort et recueilli se sent en marche vers un nouvel et grand avenir. Il sait que son devoir envers ceux qui se sont sacrifiés comme à l'égard des générations futures est de ne rien laisser perdre des possibilités actuelles, si chèrement achetées, pour réaliser par de profondes réformes de structure, plus de justice sociale et plus de liberté. Tout en continuant, aux côtés de ses alliés, la lutte contre le barbare ennemi du dehors, qui s'est laissé conduire par des guides déments hors de l'humanité, il doit, pour ce qui concerne le passé, faire justice de l'ennemi du dedans en poursuivant sans faiblesse ceux qui, par leurs actes, se sont placés hors de la nation. Puis, ce sera la grande tâche de la reconstruction où, sans laisser aux forces hostiles le temps de se ressaisir et de reprendre leur ancienne domination, noua devons réaliser, maintenant que la libération du pays est faite, celle de chacun de ses enfants : libération matérielle par une transformation profonde du régime économique et des conditions du travail, libération spirituelle par une organisation de l'enseignement qui permette à chacun le complet développement de ses aptitudes pour le plus grand profit de la collectivité et ceci sous une forme qui maintienne et assure l'union de tous au profit de chacun. Je quitte aujourd'hui Lyon pour aller à Paris où je porterai l'impression très profonde que j'ai reçue hier de sentir la volonté lyonnaise pour l'union de tous dans un vaste Front National."
=== no match ===
libération spirituelle par une organisation de l'enseignement qui permette à chacun le complet développement de ses aptitudes pour le plus grand profit de la collectivité et ceci sous une forme qui maintienne et assure l'union de tous au profit de chacun. Je quitte aujourd'hui Lyon pour aller à Paris où je porterai l'impression très profonde que j'ai reçue hier de sentir la volonté lyonnaise pour l'union de tous dans un vaste Front National."