« La Pensée et l’Action » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe-bot (discussion | contributions)
m Ernest-Mtl: match
Ligne 408 :
(3) Tout rayonnement comporte un aspect ondulatoire. Le nombre d'ondes émises pendant une seconde est la fréquence, représentée ici par n.
 
 
==__MATCH__:[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/125]]==
 
Critique de la notion d'objet
Ligne 416 ⟶ 417 :
sous le titre La notion de corpuscules et d’atomes, Hermann, Paris, 1934, pp. 44-46.
 
"La notion d'un objet isolable, c'est quelque chose qui, au fond, est singulièrement abstrait; c'est une synthèse accomplie depuis long-temps par nos ancêtres contre un grand nombre d'apparences et de sensations, diverses et même parfois contradictoires, les unes tactiles, les autres visuelles, les unes individuelles, les autres collectives; grâce à cette notion de l'objet, non seulement nous groupons, nous synthétisons nos expériences individuelles, mais encore nous pouvons communiquer les uns avec les autres et confronter, humaniser nos représentations. Quand je regarde cet objet, son idée évoque en moi l'aspect qu'il peut avoir pour Perrin qui est en face de moi, et qui ne sera pas le même que pour moi. Il y a là une véritable construction
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/126]]==
qui a été abstraite au début, et qui s'est colorée de concret à mesure que nous nous en servions. Le concret c'est de l'abstrait rendu familier par l'usage. La notion d'objet, abstraite à l'origine, arbitrairement découpée dans l'univers, nous est devenue familière à tel point que certains d'entre nous pensent que nous ne pouvions pas utiliser autre chose comme base pour construire notre représentation du monde. Ils croient que le corpuscule, extrapolation poussée à la limite de la notion d'objet, est et sera toujours indispensable à notre esprit pour interpréter le réel. J'ai pour ma part, plus de confiance dans les possibilités de notre évolution mentale. Ce n'est pas seulement la notion d'objet qui, primitivement abstraite, nous est devenue familière par l'usage depuis un passé lointain; nous voyons, dans notre expérience récente, des notions très abstraites et difficilement assimilables au début, se colorer de concret à mesure que se formait l'habitude, qu'elles s'enrichissaient de souvenirs et d'associations d'idées. Je citerai des notions comme celle du potentiel, par exemple. Dans ma jeunesse, il n'en était d'abord pas question; puis on a commencé d'en parler avec beaucoup de prudence. Le premier qui l'a introduite ici dans son enseignement était mon prédécesseur Eleuthère Mascart au Collège de France; il s'est fait railler, en particulier, par l'abbé Moigno qui rédigeait un journal scientifique, Le Cosmos, où Mascart était traité de « Don Quichotte » et de « Chevalier du potentiel ».
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/127]]==
Aujourd'hui nous avons reçu la culture nécessaire et nous sommes habitués. Quand on parle de la différence de potentiel entre deux bornes électriques, nous sentons de quoi il s'agit; nous avons associé cette idée à un nombre suffisant d'expériences intellectuelles ou physiologiques pour avoir coloré de concret ce qui était primitivement défini de manière abstraite... L'ouvrier électricien sait très bien que cette notion d'une grandeur qui se mesure en volts, correspond au fait qu'il peut être secoué s'il se trouve toucher les bornes dans des conditions favorables, ou bien au fait qu'une lampe luise entre les deux bornes rougira ou sautera et qu'un voltmètre placé dans les mêmes conditions déviera. Il est tellement familier avec les manifestations concrètes de la différence de potentiel qu'il désigne celle-ci du nom familier de «jus». Cela prouve que la notion a cessé d'être abstraite pour lui. Tout en faisant l'usage le meilleur possible de notre outillage intellectuel héréditaire, nous devons être convaincus qu'une confrontation prolongée avec l'expérience nous permettra de colorer et de rendre concrètes les notions qui sont contenues en puissance dans les équations de la nouvelle dynamique et que nous avons le devoir d'en dégager, ou les notions entièrement nouvelles qu'il pourra être nécessaire d'introduire."
 
 
Ligne 423 ⟶ 428 :
 
Extrait de Statistique et déterminisme, exposé fait par M. Langevin à la 7ème Semaine internationale de Synthèse et publié dans le recueil La statistique, ses applications, les problèmes qu'elles soulèvent, Presses Universitaires de France, Paris, 1944, pp. 248-249, 288-289.
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/128]]==
 
"L'expression la plus pure et la plus suggestive de cette foi déterministe est peut-être celle de l'énoncé bien connu qu'en a donné Laplace, en y introduisant, très justement d'ailleurs, l'hypothèse atomique... « Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la structure respective des êtres qui la composent, si d'ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l'analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'univers et ceux du plus léger atome; rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir comme le passé serait présent à ses yeux, tous les efforts de l'esprit humain tendent à le rapprocher sans cesse de l'intelligence que nous venons de concevoir, mais dont il restera toujours infiniment éloigné. Il est à peine besoin de souligner le caractère surhumain et quasi inhumain de l'idéal, ainsi proposé à la Science, et l'allusion explicite à un esprit supérieur et omniscient dont Laplace, un peu contradictoirement, jugeait, paraît-il, l'hypothèse inutile. Si j'insiste sur cette liaison, qui paraît nécessaire, entre la notion même d'un
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/129]]==
déterminisme absolu du type mécaniste et celle de l'existence d'une conscience assez vaste pour le suivre dans tous ses détails, c'est que, tout récemment, Max Planck lui-même, à propos des difficultés soulevées par la théorie des quanta qu'il a créée, renouvelant de manière assez paradoxale la fameuse preuve ontologique (1), déduit de sa foi dans un déterminisme absolu la nécessité de l'existence de la conscience universelle postulée dans la définition même de ce déterminisme. J'ajoute encore que sur le plan de l'action, cette conception du déterminisme absolu conduit au fatalisme, à l'inutilité de tout effort humain devant l'implacable déroulement des faits contenus jusqu'au moindre détail dans l'impulsion initialement reçue par l'Univers. Notre Science, issue des besoins de l'action et qui s'est avérée, si puissante pour féconder l'action ne peut pas, sans s'exposer à de graves contradictions internes, placer à sa base une doctrine qui aboutit à nier la possibilité même de l'action. Une confrontation de plus en plus large avec l'expérience ne devait pas tarder à modifier l'ambitieux idéal proposé par le mécanisme à la Science en le ramenant à des proportions plus humaines, à travers les conflits d'idées qui dominent toute l'histoire de la physique depuis plus d'un siècle.
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/130]]==
Dans l'ancienne physique rien ne s'opposait, en principe, à ce que l'absence de répercussion de l'observation sur le système observé puisse être maintenue même lorsqu'il s'agit de systèmes de plus en plus petits, de plus en plus simples, de corpuscules isolés, en particulier; aucun minimum d'action ne limitait l'intervention nécessaire à la mesure. Il en est autrement dans la physique nouvelle, du fait de l'existence du quantum h au-dessous duquel aucune action ne peut descendre... Les sciences de la vie, histoire naturelle des êtres vivants, anatomie, physiologie, psychologie, présentent à ce point de vue des difficultés particulières puisqu'il est quasiment impossible d'observer et à plus forte raison d'expérimenter dans ces domaines sans que l'objet, et son comportement, soient plus ou moins troublés par l'intervention du sujet. J'insiste encore sur le fait que les nouvelles conceptions rendent également la science plus humaine et plus proche de la vie grâce à leurs conséquences d'ordre moral. Loin de conduire au fatalisme devant la marche inéluctable de l'Univers-projectile au sens de Laplace, le nouveau déterminisme est une doctrine d'action, bien conforme au rôle que doit jouer la science, ses origines, à ses buts. Tout d'abord l'action devient possible puisque, grâce au halo ondulatoire, le présent ne détermine, ne contient l'a venir qu'avec une précision décroissante à mesure que celui-ci devient plus lointain ;
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/131]]==
aucune connaissance du présent, si parfaite soit-elle, ne permet de prévoir que des probabilités de plus en plus éloignées de la certitude à mesure que l'anticipation devient plus importante. De plus, les possibilités de prévision nécessaires pour diriger l'action et la rendre efficace augmentent avec l'importance de notre information et celle-ci exige l'intervention de l'observateur, c'est-à-dire l'action. Au lieu de nous écraser sous le poids d'un univers qui nous est étranger et dont le destin est déterminé une fois pour toutes en dehors de nous, le nouveau déterminisme réalise la synthèse du sujet et de l'objet, de l'homme et du monde qu'il lui appartient de transformer grâce à une information et par conséquent à des moyens d'action constamment enrichis par le développement de la science, c'est-à-dire par l'action elle-même."
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/132]]==
 
(1) L'argument ontologique prétend déduire la réalité actuelle de l'existence de Dieu de l'idée même que nous avons de Dieu. Il a été particulièrement combattu par Immanuel Kant.
Ligne 434 ⟶ 447 :
Extrait d'un rapport présenté par Paul Langevin à la réunion organisée à Varsovie du 30 mai au 3 juin 1938 par l'Union internationale de Physique et la Commission polonaise de Coopération intellectuelle, Les nouvelles théories de la physique, édité par l'Institut international de Coopération intellectuelle, Paris, 1939, pp. 235, 236, 237. Cette critique du positivisme n'est pas isolée dans l'oeuvre de Paul Langevin. On note, par exemple, à la même époque cette explication de l'origine et des caractères du positivisme: "(...) Les préoccupations utilitaires de l'époque, dominée par le développement rapide de la grande industrie, se traduisent par l'apparition d'une philosophie positive qui prétend fixer des limites aux ambitions de la Science et lui demande uniquement de prévoir." (Statistique et Déterminisme, La Statistique, ses applications, les problèmes qu'elles soulèvent, Presses Universitaires, Paris, 1944, p. 250.)
 
"Malgré ses succès, je voudrais insister sur le fait que cette doctrine positiviste est assez étroite... Il y a dans les affirmations trop tranchées du positivisme actuel, une référence trop directe à l'expérience immédiate qui nous confine dans le présent de celle-ci. Cette doctrine, d'un esprit plus précis et plus étroit, nie l'histoire, car elle n'a aucune possibilité de remonter dans le passé dans le sens d'une expérience immédiate. Ce qui, pour nous,
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/133]]==
est l'histoire, dira-t-on, c'est l'expérience immédiate que l'on peut tirer de celle des faits du passé. Les difficultés qui existent du côté du passé existent également du côté de l'avenir, et comme l'a justement fait remarquer Hans Reichenbach, l'un de ses théoriciens les plus remarquables, le positivisme est obligé de faire jouer un rôle spécial à l'induction, d'où une source de grosses difficultés. La preuve que cette doctrine, livrée à elle-même, se ferme volontiers l'avenir et est une doctrine statique, c'est que son premier auteur, Auguste Comte, n'avait pas craint de fixer des limites aux possibilités de la chaîne expérimentale; il avait considéré que jamais nous ne pourrions connaître ce qui se passe dans les étoiles. Très peu de temps après, un démenti lui fut donné par la découverte de la spectroscopie; et ce matin même, nous avons pu entendre Sir Arthur Eddington parler de la température, de l'état de désagrégation des atomes, et faire une chimie nucléaire de l'intérieur des étoiles. Il est certain qu'en faisant jouer un rôle essentiel à la traduction des affirmations des lois scientifiques en langage d'expérience, c'est-à-dire en langage de sensations, cette doctrine prend volontiers une attitude opposée au réalisme (1). Je crois que les physiciens se lieraient d'une
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/134]]==
façon bien étroite et gênante s'ils renonçaient au mot de réalité et vous sentirez ensuite que, personnellement, je suis réaliste; je crois qu'il est difficile d'être un physicien expérimental sans croire à la réalité, non seulement des autres physiciens, mais aussi du monde. Et, si l'on considère comme dépourvue de sens toute affirmation concernant la réalité du monde extérieur, si l'on considère le caractère essentiellement collectif de notre science comme résultant de notre contact commun, de nos réalités et de nos communications, dans lesquelles nous postulons notre existence réciproque, si l'on parle d'une intersubjectivité, j'avoue que je vois bien des subjectivités, mais je ne vois pas comment on peut parler d'intersubjectivités, car alors chacun d'entre nous est enfermé dans un rôle de sujet, sentant et pensant, mais sentant en incitation à l'action, puisqu'il n'y a pas de réalité extérieure sur laquelle nous soyons incités à agir. Cette attitude est donc essentiellement critique, analytique et statique; elle est plus propre à dresser le bilan des connaissances acquises, à formuler clairement la structure et le contenu de ces connaissances, qu'à montrer la voie pour les étendre ou les renouveler, plus propre à signaler les difficultés qu'à les résoudre. Elle permet l'élimination des notions ou des théories, la dénonciation des problèmes et affirmations vides de sens, mais elle ne permet pas de formuler des indications pour la construction de notions ou de théories nouvelles.
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/135]]==
Cette attitude critique est donc précieuse pour préparer la voie à l'attitude constructive, mais elle est insuffisante par elle-même, et il semble même que des physiciens que j'ai eu l'occasion d'entretenir de ces questions, considèrent qu'on leur fait un peu injure en disant qu'ils ne s'occupent que de tautologie. Les mathématiciens sont conscients que les notions sur lesquelles ils travaillent évoluent également; il est certain que la notion de nombre, depuis le début et en passant par les différents stades du continu et du discontinu, la théorie des ensembles, etc., représentent quelque chose qui comporte une construction véritable, exprimable en langage de logique et de mathématique, et où l'apport du mathématicien paraît jouer un rôle considérable. Le positiviste ou le logisticien pourra bien disséquer le contenu d'une doctrine, mais il n'a pas dans sa conception même des mathématiques le moyen de développer, de construire, de faire de véritables synthèses à l'intérieur de cette doctrine."
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/136]]==
 
(1) Ce réalisme est essentiellement matérialiste. Cf. Lénine : « L'unique propriété » de la matière dont l'admission définit le matérialisme philosophique, c'est celle d'être une réalité objective, d'exister en dehors de notre conscience. (Matérialisme et Empiriocriticisme, p. 225.)
Ligne 446 ⟶ 466 :
La Sensibilité dans l'homme et dans la nature (compte-rendu de la 10ème Semaine internationale de Synthèse, 1938), Presses Universitaires de France, Paris, 1943, pp. 219-223. La discussion qui est ici reproduite a suivi la conférence de Pierre Auger, présidée par Paul Langevin, sur Les Actions mutuelles dans le monde physique. Pierre Auger avait terminé son exposé en faisant allusion aux transformations brusques des espèces (mutations) que les rayons cosmiques peuvent provoquer par ionisation au sein de certaines cellules vivantes.
 
Paul Langevin — La sensibilité du chromosome est beaucoup plus forte que celle de la terminaison nerveuse, puisqu'il suffit de la formation d'une seule paire d'ions pour provoquer une mutation. Mais dans les deux cas ce sont des phénomènes d'échange qui déterminent la sensation ou la mutation dans les êtres vivants; or, ces phénomènes d'échange sont universels : il y a échange entre toute Matière et toute matière. Qu'il s'agisse des phénomènes de production et absorption de la lumière, où des photons sont échangés entre atomes différents, ou des réactions chimiques, où ce sont des atomes qui s'échangent au sein des édifices
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/137]]==
moléculaires, on retrouve toujours le fait fondamental de l'échange. La portée de ce fait a été considérablement étendue par les recherches récentes. Ainsi, on interprète aujourd'hui les valences chimiques, qui déterminent les interactions entre atomes, comme des forces d'échange, dues à la possibilité qu'ont deux atomes voisins, dans certaines conditions, d'échanger un électron de leur couche extérieure. Un succès remarquable de ces conceptions est constitué par la découverte toute récente, dans la radiation cosmique, des particules lourdes qu'on appelle parfois électrons lourds, des deux signes dont la charge est égale à celle de l'électron, et dont la masse non encore exactement mesurée est cent à deux cents fois plus grande. L'existence de ces particules lourdes avait été en effet postulée, pour des raisons purement théoriques, par un physicien japonais, Hideki Yukawa, pour expliquer l'attraction du neutron et du proton : cette attraction, suivant le modèle de plus en plus répandu, doit être due à la possibilité qu'au-raient le neutron et le proton d'échanger une particule chargée positivement (le proton est formé par l'union du neutron et de cette particule) : par échange de celle-ci avec un neutron, celui-ci devient un proton, cependant que le proton initial devient un neutron; en fait, cet échange se poursuit constamment comme un jeu de raquette. Mais pour rendre compte de l'ordre de grandeur de l'attraction observée expérimentalement, la masse de cette particule positive
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/138]]==
devait être bien supérieure à celle de l'électron, dans le rapport... de cent à deux cents qu'a confirmé la découverte expérimentale (1). En généralisant encore cette notion d'échange, on a pu imaginer que les actions électromagnétiques entre électrons seraient dues à des échanges de photons, que l'attraction gravitationnelle serait due à des échanges de neutrinos. C'est une vraie conception de l'échange universel, de toute espèce d'interaction fondée sur des échanges, qu'on atteint ainsi.
 
(1) Ces particules positives de masses beaucoup supérieures à celle de l'électron sont appelées aujourd'hui des mésons.
Ligne 457 ⟶ 481 :
Nahas — A-t-on mesuré un seuil énergétique pour la sensibilité calorifique et aussi pour ce qu'on pourrait appeler la sensibilité cinétique, la sensation d'une accélération?
 
Paul Langevin — Je ne connais pas d'expériences
Paul Langevin — Je ne connais pas d'expériences précises à ce propos. Les mesures seraient très difficiles. La sensibilité d'accélération intéresse d'ailleurs l'organisme dans son ensemble : elle est un phénomène plus grossier que les sensibilités sensorielles. Pour la limite supérieure de l'accélération supportable par l'organisme, les études d'astronautique envisagent une accélération limite inférieure à cinq fois celle de la pesanteur. Au delà, il y aurait syncope. Mais on supporte très bien d'être soustrait à la pesanteur : les expériences des parachutistes qui se sont laissés tomber en chute libre jusqu'au voisinage du sol le démontrent.
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/139]]==
Paul Langevin — Je ne connais pas d'expériences précises à ce propos. Les mesures seraient très difficiles. La sensibilité d'accélération intéresse d'ailleurs l'organisme dans son ensemble : elle est un phénomène plus grossier que les sensibilités sensorielles. Pour la limite supérieure de l'accélération supportable par l'organisme, les études d'astronautique envisagent une accélération limite inférieure à cinq fois celle de la pesanteur. Au delà, il y aurait syncope. Mais on supporte très bien d'être soustrait à la pesanteur : les expériences des parachutistes qui se sont laissés tomber en chute libre jusqu'au voisinage du sol le démontrent.
 
Pierre Auger — Le mécanisme de la mort par excès d'accélération serait l'incapacité du coeur de faire monter le sang jusqu'au cerveau.
Ligne 465 ⟶ 491 :
On demande alors à Paul Langevin s'il existe dans la nature inanimée quelque chose de comparable au polymorphisme des réactions des êtres vivants.
 
Paul Langevin — L'être animé comporte une extraordinaire complexité d'organisation. En physique, par contre, nous avons affaire à des êtres élémentaires. La variabilité probabiliste, statistique, des réponses de l'électron à certaines observations, définie par le principe d'incertitude d'Heisenberg, qu'on avait voulu un moment assimiler à un « libre choix » analogue à ce qui
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/140]]==
se passe chez les êtres vivants, est de nature essentiellement différente, et de telles assimilations sont rejetées aujourd'hui.
 
Pierre Auger — L'être vivant n'est plus le même après une première excitation. La stimulation répétée ne porte donc plus sur le même objet.
Ligne 473 ⟶ 501 :
(1) Un exemple classique d'hystérésis (retard) est donné par la théorie du magnétisme. Si l'on soumet un morceau de fer à un champ magnétique d'abord nul, puis le redevenant après être passé par un maximum, l'aimantation ne repasse pas par des valeurs égales, quand le champ reprend des valeurs égales. En particulier elle ne redevient pas nulle quand le champ le redevient. Ces phénomènes rappellent de très près ceux qui se produisent dans la déformation des ressorts.
Paul Langevin — C'est en effet un caractère essentiel de l'être vivant que la sensation y laisse des traces. Il n'y a rien de comparable dans le monde matériel. C'est un véritable calembour que d'appeler mémoire le phénomène d'hystérésis.
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/141]]==
 
Henri Berr — Il faudrait dégrader le mot de mémoire comme on dégrade le mot de sensibilité en l'appliquant à la matière.
Ligne 486 ⟶ 515 :
 
La valeur humaine de la science
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/142]]==
 
 
Ligne 496 ⟶ 526 :
 
 
Sur cette correspondance à l'aspect quelque peu miraculeux entre les résultats de la recherche "pure" et les besoins de la pratique, on pourra se reporter à la note de la page 89. Le point de vue de Langevin est ici celui d'un savant progressiste qui travaille au sein d'un monde capitaliste dominé par l'esprit mercantile. Le problème se pose tout autrement au sein d'une société socialiste. La "sainte curiosité" du savant ne peut plus être en quelque sorte opposée aux nécessités pratique, puisque le régime social tout entier travaille pour le bonheur de tous et non pour le profit de quelques-uns. C'est d'ailleurs ce
=== no match ===
que dit Paul Langevin lui-même, lorsqu'il parle dans le texte suivant de la Révolution Soviétique et la Science.
 
A l'époque où Paul Langevin écrivait ces lignes, on admettait généralement dans les milieux scientifiques que la matière pouvait se transformer entièrement en énergie au sein des étoiles. Des travaux ultérieurs, fondés sur l'étude des réactions intra-atomiques conduisent à penser aujourd'hui que cette transformation ne serait que partielle. On est ainsi amené à donner à notre soleil une vie probable d'une quinzaine de milliards d'années, ce qui laisse encore de belles possibilités de développement à notre espèce.