Souvent m’ébats et mon cœur est marri


SOUVENT M’ÉBATS
ET MON CŒUR EST MARRI


Souvent m’esbats, et mon cœur est marri :
Je vis en deuil et en grand’ déplaisance,
Toutes les fois qu’il me vient souvenance
De la belle qui vers moi a failli.
 
Elle m’avait promis et baillé foi
Qu’elle m’aimait par sus tous loyaument
Mais avec elle un autre je trouvoi
Qui son plaisir faisait secrètement.
 
Jamais nul jour plus traîtresse ne vis,
Car de m’aimer elle montrait semblance,
Et s’y disait qu’el n’avait désirance
D’aimer autre ; mais elle a bien failli.
 
Pas n’eusse cru, certes n’en doutez mie,
Qu’elle eût voulu pour rien me décevoir :
Celui est bien épris de grand’ folie
Qui cuide[1] femme tout seul pour lui avoir.
 
De leur amour et d’elles je dis fi,
Car tout leur fait ce n’est que décevance ;
Il est bien fou qui en femme a fiance :
Car à bien peu els sont toutes ainsi.
  1. Croit