Calmann-Lévy (p. 73-77).



1851


I

LE COUP D’ÉTAT À PARIS


Journal de Novembre 1851.


Mercredi 26.

Première représentation de Victorine.

Succès. J’ai été fort calme et indifférente sans me rendre bien compte du pourquoi. J’ai vu la pièce, de la petite loge de l’acteur-régisseur Monvel, sur le théâtre derrière le manteau d’Alequin. Je me suis bien rendu compte de mon impression. J’ai persisté à préférer le premier et le troisième acte au second. Le public a, dit-on, préféré le deuxième aux deux autres. N’importe. Après la pièce, j’ai été dans la loge de Rose Chéri ; sa mère, sa sœur, son mari y sont venus. Anna pleurait et s’est mise à genoux pour m’embrasser. C’est une fille laide, fort agréable, qu’on dit très bonne et qui paraît adorer Rose. Elle est très expansive et ne manque pas de talent dans les travestis. Puis sont venus dans la même loge, ma fille, Clésinger, le comte d’Orsay, Rourdet et sa femme, mademoiselle Fernand avec sa tante, madame Albert et son mari Bignon, madame Allan et plusieurs autres acteurs et actrices que je ne connais pas, et qui m’ont fait grand’fête. J’ai vu aussi Geffroy, des Français, qui m’a dit beaucoup d’amitiés.

Je suis revenue souper avec ma fille, son mari, M. d’Orsay et Manceau[1], chez Pinson. J’ai pris du café, j’ai mal dormi.


Jeudi 27.

J’ai fait des emplettes, j’ai été voir Nini[2]. J’ai vu la seconde représentation de Victorine dans une baignoire de face avec Solange[3]. J’ai bien vu et entendu le premier acte, mais pas les deux autres, j’avais trop mal au foie. J’ai un peu sommeillé. Ponsard est venu me voir avec Hetzel ; j’étais si malade dans ce moment-là que je ne sais ce qu’ils m’ont dit.


Vendredi 28.

Après une très mauvaise nuit, je me suis sentie bien. J’ai été voir Solange et ensuite le comte d’Orsay avec qui j’ai parlé d’elle et de son mari. Le soir, dîné chez Pauline[4]. De là j’ai été au Gymnase. La recette était belle et le succès complet.


Samedi 29.

Je ne me souviens plus de ce que j’ai fait dans la journée. Le soir, j’ai été voir Mignon aux Variétés, et Hortense de Cernay au Vaudeville.

  1. Graveur, ami de Maurice Sand.
  2. Jeanne Clésinger, petite-fille de George Sand.
  3. Madame Clésinger, fille de George Sand.
  4. Madame Viardot.