Souvenirs de la Marquise de Créquy de 1710 à 1803/Tome 4/09
CHAPITRE IX.
Les Grecs étaient si follement accessibles aux impressions visuelles, et tellement susceptibles d’enthousiasme pour la beauté du visage et celle des formes, des gestes et autres avantages extérieurs, que ceux de leurs magistrats qui formaient l’Aréopage étaient obligés d’écouter les plaidoyers des avocats athéniens dans une obscurité complète. C’était afin d’éviter qu’ils ne préjugeassent favorablement la cause d’un bel orateur, et pour les empêcher de concevoir des préventions défavorables à celle de son adversaire. On a souvent parlé de certains rapports entre les Athéniens et les Parisiens, et quoi qu’il en soit, on a vu de mon temps quelque chose de semblable à cet engouement grégeois pour la pulchéritude, comme dit notre Amyot ; ce que j’en vais rapporter pourra justifier ces prévisions et ces précautions du législateur attique.
Lancelot-Joseph le Provost du Vighan, Seigneur de Létorières et de Marsaille, était un gentilhomme xaintongeois qui n’avait que la cape et l’épée ; mais, comme il était ce qui s’appelle charmant, il eut bientôt les plus belles et les plus agréables choses de ce monde à sa disposition. Il avait trouvé que les classes étaient trop longues et que les récréations étaient trop courtes au collége du Plessis, où l’Abbé du Vighan, son oncle, l’avait fait recevoir gratis, et d’où il s’en alla sans en rien dire. Ainsi le voilà sur le pavé de Paris, la bride sur le col et se mussant dans un galetas. Quand il avait froid ou qu’il avait faim, il allait se promener pour se distraire ; et c’était le garçon le plus heureux du monde.
Ses amis la Poupelinière et Boulainvilliers racontaient souvent qu’un jour d’hiver il était descendu de chez lui par une pluie battante, et s’était réfugié sous une porte cochère. Un fiacre passe, et voilà le cocher qui s’arrête à le regarder.
— Mon maître, dit-il, voulez-vous que je passe de l’autre côté du ruisseau ? — Non pas, répondit le beau rhétoricien assez tristement et pour cause. — Si vous allez plus loin, je vous y mènerai ; dites-moi l’endroit où vous avez affaire. — Je voulais aller me promener dans les galeries du Palais-de-Justice, mais j’attendrai la fin de cette pluie… — Pourquoi c’est-il donc, Monsieur ? — Je n’ai pas d’argent : laisse-moi tranquille. — Monsieur, répondit le cocher de fiacre en sautant de son siége et lui ouvrant la portière, il ne sera pas dit que j’aurai laissé s’ennuyer et s’enrhumer un joli seigneur comme vous faute de 24 sous : c’est mon droit chemin que de passer par-devant le Palais-Marchand, et je vous y vas descendre à l’image Saint-Pierre.
En ouvrant sa voiture la porte de ce fameux traiteur, il ôta respectueusement son feutre, en priant le jouvenceau d’accepter un louis d’or. — Vous trouverez là des jeunes messieurs avec qui vous aurez peut-être envie de faire une petite partie. Le numéro de mon fiacre est 144, et vous me retrouverez et me rembourserez quand il vous plaira. Il a fini par devenir cocher de Madame Sophie de France, à la recommandation de son ancien obligé. C’était un fort honnête et digne homme appelé Sicard, et quand on lui parlait de son bon procédé pour M. de Létorières, il répondait que tout le monde en aurait fait autant que lui, parce que c’était, disait-il, un jeune Monsieur si charmant qu’on l’aurait pris pour un bon Ange.
Une autre fois, la femme de son tailleur avait fini par s’impatienter de ce qu’il leur devait quatre cents livres, et la voilà qui se met à chanter pouille à son mari sur la faiblesse de son caractère et pour sa complaisance à l’égard de M. le charmant (sobriquet qu’on lui donnait dans le ménage).
— Tu n’as jamais le courage de lui montrer les dents ; mais je vas sortir pour aller toucher ce billet de cent écus, et je vas monter chez lui pour y faire un si beau train, que j’en rapporterai poil ou plume, si charmant qu’il est, tu verras que je m’embarrasse de lui comme de rien du tout ! On n’a qu’à me laisser faire, et je lui rabattrai joliment ses coutures !…
Quand cette présomptueuse fut rentrée chez elle, son mari lui demanda ce qu’elle avait reçu de M. le charmant. — Laisse-moi donc tranquille ! Il était à jouer de la guitare, et je l’ai trouvé si gentil que je n’ai pas eu le courage de le tourmenter. — Et les 500 livres du billet ? dit le tailleur. — Mon bon ami, répondit cette ménagère acariâtre avec un air et du ton les plus doux, il faudra les ajouter sur ton mémoire ; et ce sera 29 louis au lieu de 400 francs. Il avait l’air si mélancolique et si je ne sais pas comment, que j’ai pris les cent écus dans mes poches et je les ai laissés sur sa cheminée malgré lui !
Aussitôt que M. de Létorières eut acquis ses vingt et un ans, il apporta ses papiers de famille et preuves de noblesse à M. Chérin, pour en tirer le certificat nécessaire à sa présentation, et sitôt qu’il eut déposé ses parchemins sur l’Architable, il alla se promener dans les jardins de Versailles, où le Roi l’aperçut et le remarqua. Il y eut des courtisans qui s’informèrent de ce beau jeune homme, et le Roi dit à son Conseiller Chérin : — Qu’est-ce que c’est que la famille d’un gentilhomme du Poitou qui s’appelle M. de Létorières ? Le Conseiller répondit qu’il aurait de la peine à monter dans les carrosses du Roi, parce que ses preuves n’étaient pas tout-à-fait… — Il est charmant ! répliqua ce bon Prince en interrompant le généalogiste, et je permets qu’il me soit présenté sous le titre de Vicomte. Chérin l’inscrivit pour un certificat par ordre, et M. le Vicomte de Létorières eut les honneurs de la cour.
Il eut quelque temps après des contestations judiciaires au Parlement de Bordeaux contre MM. de Pons : c’était pour un droit de leur principauté de Mortagne-sur-Gironde, et sa cause n’était pas soutenable ; mais le Duc d’Orléans trouva moyen de faire évoquer l’affaire au Conseil des parties casuelles, et les Sires de Pons en ont perdu leur procès.
Toutes lois qu’il avait des appels au tribunal du point d’honneur, on était bien assuré d’avoir à lui faire des excuses et des réparations exorbitantes, ce qu’on attribuait principalement à la bonne grâce avec laquelle il avait sollicité Nosseigneurs les Maréchaux. Il a gagné tout autant de procès qu’il en avait entrepris contre les Ducs de Brunswick-Oëls et les Princes de Brandebourg-Bureuth au sujet des reprises de sa grand’tante et leur grand’mère d’Olbreuse ; car il était proche parent de ces petits princes, M. de Létorières, et c’est une distinction qu’il avait en indivis avec presque tous les gentilshommes de la Xaintonge et du pays d’Aunis. Cette Mlle d’Olbreuse était allée s’échouer sur la galère à Calvin, dans le pays d’Hanover, après la révocation de l’édit de Nantes ; c’était une calviniste admirable, et je ne sais quel agnat de ce duché hanovrien ne sut trouver nulle autre chose à faire de mieux, pour l’indemniser, que de l’épouser[1]. Son neveu Létorières était donc allé magnétiser et fasciner tous les conseillers auliques de l’Empereur, dont il avait obtenu des sentences inimaginables et des choses inouies. — C’est comme le serpent du paradis terrestre, avait dit M. de Beaumont (l’Archevêque), et s’il a jamais une affaire à l’Officialité de Paris, je le ferai masquer d’un capuce avec un sarreau comme un pénitent noir. Au demeurant, comme il était d’un honneur délicat, et qu’il avait de la discrétion, vous pourriez imaginer les succès qu’il obtenait dans un autre genre ; et vous aurez pu remarquer que je ne vous parle jamais galanteries qu’à mon corps défendant.
M. de Létorières avait fini par inspirer un sentiment de bienveillance et d’intérêt si général, que le public entrait quelquefois en fantaisie de l’applaudir quand il arrivait au spectacle, et c’est là ce qui s’est passé devant moi, le mardi saint de l’année 1772, au concert spirituel. Il était convalescent d’un beau coup d’épée qu’il avait reçu du Comte de Melun. Quand il s’entendit applaudir, il s’éleva dans sa loge, et s’avança pour regarder des deux côtés de la salle avec un air de surprise, et celui de ne pas supposer qu’on pût le traiter comme un prince du sang royal ou comme un comédien, ce qui fut trouvé d’un goût exquis, comme tout ce qu’il faisait. Il avait un habit moiré couleur de paille, avec des paremens en étoffe glacée d’or et de gros vert ; l’aiguillette or et vert sur l’épaule, avec une agrafe d’émeraudes à son ruban de Steinkerque, et ses garnitures de grands et petits boutons en prime d’opale enrichis de brillans, comme aussi la monture assortie pour son épée ; enfin, sa coiffure était à deux touffes de cheveux ondulés et poudrés de couleur écrue, qui lui tombaient légèrement et gracieusement sur l’encolure. Ses yeux, qui scintillaient dans l’humide radical, avaient mille fois plus d’éclat que ses joyaux : je fus obligée de convenir que je n’avais rien vu de plus charmant.
Écoutez maintenant la principale et dernière aventure de ce beau Létorières. Vous verrez dans quelques mémoire de son temps qu’il est mort de la petite vérole, et je commencerai par vous dire que cela n’est pas vrai.
Il y avait parmi les Princesses de famille étrangère établies à la cour de France, un jeune beauté, naïve et tendre au possible. Elle avait puisé dans les beaux yeux de M. de Létorières un sentiment passionné qui désespérait sa famille ; et cette Princesse était Mademoiselle de Soissons, Victoire-Julie de Savoie-Carignan. On en avait dit mille choses fâcheuses, et la Maréchale de Soubise (qui était sa tante) avait obtenu qu’on l’obligeât d’habiter l’abbaye de Montmartre et de n’en pas sortir. Les meilleurs formes et les plus respectueuses étaient observées à l’égard de la Princesse Julie qui n’en était pas moins prisonnière et gardée par un exempt de la prévôté de France. On soupçonnait des intelligences et du manége ; on surprit un message ; on découvrit une échelle de corde ; enfin, le Baron d’Ugeon, gentilhomme des Rohan-Soubise écrivit à M. de Létorières, afin de l’appeler en combat singulier ; mais la partie fut ajournée pour cause de la maladie de Louis XV, auprès de qui notre Galaor de Xaintonge avait obtenu d’aller s’établir et s’enfermer pour le soigner pendant sa petite vérole pourprée, ce qui fit révolter les gens de la cour, attendu qu’il n’avait jamais eu les entrées de la chambre. Le Roi mourut, et cet infirmier du Roi s’empressa d’aller ferrailler avec le champion de Savoye, qui lui fit deux blessures en un seul coup d’épée dans le côté droit. On pansa M. de Létorières ; on ferma prudemment sa porte, et l’on publia qu’il avait pris la contagion pourprée ; ce qui n’était ni vrai, ni difficile à persuader au public. Ses blessures étaient des plus graves, et ceci ne l’empêcha pas (après deux ou trois jours de pansement) d’aller escalader les murailles de l’abbaye de Montmartre, et d’y passer la nuit auprès de Mlle de Soissons, sous la grande arcade cintrée qui conduit du cloître au cimetière…
Il paraît que la jeune Princesse était prudemment rentrée chez elle avant le point du jour, et cette malheureuse enfant n’a jamais revu son bel ami Létorières… Ses plaies s’étaient rouvertes, et tout le sang qui lui restait s’écoula pendant la fin de la nuit ; il ne voulut sûrement appeler aucune assistance… Il expira sans témoins, sans nul secours, et, le lendemain matin, il fut trouvé mort, étendu raide mort sur les dalles du cloître !
C’était peut-être sur la pierre qui couvre la tombe de ma pauvre amie, Mme d’Egmont ? ayant été élevée à l’abbaye de Montmartre, elle avait sollicité comme un bienfait d’être inhumée à côté de Mme de Vibraye, son amie d’enfance et dignitaire de cette maison ; c’était dans un lieu qui lui rappelait ses plus douces et ses plus joyeuses pensées de jeunesse. C’était sous ses mêmes voûtes et ces mêmes pavés qu’elle avait si souvent et si légèrement parcourus ! — Aujourd’hui, du plomb, des madriers, des cercles de fer, enchâssée dans une terre humide et compacte, et sous un quartier de roche… Pauvre Septimanie.
On étouffa cette horrible affaire. On dit que ce cadavre était magnifique ! On l’enveloppa d’un suaire ; on le fit rapporter dans son lit, et l’on dit que M. de Létorières était mort de la petite vérole.
Si Mademoiselle de Soissons fut égarée par l’amour et l’inexpérience, ainsi qu’il y parut naturellement et malheureusement au bout de quelques mois, on dit aussi qu’elle avait eu l’espérance, et peut-être la promesse d’obtenir la permission du Roi pour épouser M. de Létorières qui venait d’être créé Marquis d’Olbreuse.
Elle a, ce me semble, épousé M. le Prince héréditaire d’Hilbourghausen ou de Cobourg ?
Le Marquis de Létorières et d’Olbreuse était devenu Mestre-de-camp de cavalerie, Commandeur des Ordres-unis de Saint-Lazare et N.-D. du Mont-Carmel, Grand-Sénéchal d’Aunis, et de plus, Abbé Commandataire de la Trinité de Vendôme. Il avait fini par se trouver millionnaire, mais il avait laissé des dettes, et comme il n’était plus là pour gérer sa fortune et gagner ses procès, les gens d’affaires eurent soin d’arranger les choses de la manière la plus profitable pour eux, c’est-à-dire de manière à ce que ses créanciers ne fussent pas payés, et qu’il ne restât rien à ses parens. Trois procureurs se partagèrent son héritage, et l’un d’eux s’appelait Maître B… du C… C’est la famille de ce dernier qui reluit aujourd’hui d’un si vif éclat !
M. de Létorières avait laissé quatorze neveux ou nièces, et Mlle de Soissons faisait continuellement solliciter pour eux par le Bailly de Solar, Ambassadeur de son cousin le Roi de Sardaigne, ce qui paraissait assez ridicule, et ce qui tenait peut-être à ce qu’elle n’avait pour tout bien qu’une pension de 36 mille livres sur la cassette du Roi. Son grand’père et sa grand’mère, qui voulaient absolument détourner le cours de l’Oise, avaient abîmé leur maison pour aplanir des collines, exhausser des vallées et bâtir des aqueducs. Son père était justement dans la situation du fils de Gargamelle, « et si bien qu’il fût né grand prince, il était au monde arrivé sans autre fortune à lui propre, qu’un pauvre habit juste et froid, rien devant, rien derrière, et les manches de même. »
La Princesse Julie me fit prier de m’intéresser à la Baronne de Framont, sœur aînée de M. de Létorières, et je me chargeai de son fils cadet qu’elle avait fait tonsurer[2]. Je commençai par lui conférer un bénéfice à ma nomination, et c’était mon prieuré de Saint-René-les-Gastines, qui rapporte au moins deux cents louis, bon an mal an, sans compter la dîmes et les droits de banalité féodale avec les autres produits éventuels. Il y avait eu des années où le revenu de ce prieuré seigneurial avait dépassé deux mille écus. C’était plus qu’il n’en fallait à l’Abbé de Framont pour étudier au séminaire de Xaintes ; mais l’Évêque du lieu m’en rendait bon compte, afin que je pusse en parler un jour ou l’autre, en sûreté de conscience, à M. Boyer, l’Évêque de Mirepoix, qui tenait la feuille des bénéfices et qui décidait équitablement sur cette matière, assez souvent mal administrée jusqu’à lui. Il m’écrivit une fois (l’Évêque de Xaintes) que ce pauvre garçon venait de mourir de la façon la plus étrange et par gageure, en bravade, et pour avoir été défié d’aller, sans lumière, enfoncer un clou dans le cercueil d’un vieux théologien qu’on avait déposé dans une salle basse en attendant qu’on achevât ses funérailles. Quand il eut accepté ce joli cartel, où trois quarts de pistole avaient été mis à l’enjeu, ses amis l’introduisirent dans cette grande salle et l’y renfermèrent ; il tâtonne, il martelle, et quand il a terminé son bel ouvrage, il se sent arrêté, retenu fortement, et comme empoigné par un pan de sa légatine (on la trouva clouée sur la bière). Mortuus vivum apprehendit ! Il se crut saisi par le mort, et, plus mort que vif, il en resta saisi d’un transport au cerveau, qui l’emporta deux jours après. C’était, du reste, un aimable enfant, lequel aurait eu beaucoup de ressemblance avec son oncle : ainsi, j’ai rendu grâces à Dieu de ce qu’il ne l’avait pas laisser vivre assez d’années pour courir les mêmes chances que M. le Charmant. — La beauté dans la pauvreté… J’en ai toujours si grand’peur et si grand’pitié, que j’en suis toujours navrée ! Jugez de ce que la légèreté de caractère et la déraison de mon protégé m’auraient fait souffrit pendant sa jeunesse et dans sa profession ?
J.-J. Rousseau disait à M. Dupin de Chenonceaux, qui menuisait et coignait sans paix ni trève, au point d’en raboter et marteler quelquefois pendant la nuit. — Monsieur, la moralité de cette aventure est qu’il ne faut jamais enfoncer des clous quand on n’y voit pas.
La conclusion que je vous prie d’en tirer, mon cher ami, c’est qu’il faut toujours se moquer des sots qui nous proposent, à nous autres gens d’esprit, des gageures extravagantes ; et puis, c’est qu’il ne faut jamais répondre à certains défis saugrenus, sinon pour interloquer et morigéner les impertinens qui vous les font ! C’était la méthode de M. de Créquy, votre grand-père ; il s’en est toujours bien trouvé, disait-il, ainsi je vous conseille de l’imiter.
Il est pourtant singulier que la fin prématurée de mon petit bénéficier n’ait pas été moins déraisonnable et moins lugubrement désastreuse que celle de ce bénéficier de Louis XV, Abbé de Vendôme ! Elle était plus innocente, à la vérité ; mais « Anathème et trois fois malheur ! à celui qui se joue des morts, qui bruit sur un cercueil et qui trouble le repos du sépulcre, » a dit le concile œcuménique d’Éphèse ; et ce n’est pas en vain peut-être ?…[3]
- ↑ Éléonore d’Esmiers, fille d’Alexandre-Joseph d’Esmiers, Écuyer, Seigneur d’Olbreuse, au Comté de Poitou et de la Mégaudais en Saintonge, laquelle avait épousé Georges-Guillaume, Prince de Brunswyck à Zell, Calemberg et Grubenhagen ; ils ne laissèrent pas d’autre enfant que Sophie-Dorothée de Brunswyck-Zell, mariée premièrement à son oncle, le Duc Auguste de Brunswyck-Welfembuttel, et en secondes noces à son cousin germain, le Roi d’Angleterre Georges Ier de Brunswyck, alors Prince Électoral d’Hanovre. Elle avait été séparée de lui par une sentence de divorce, en vertu de laquelle on l’avait claquemurée dans un château fort du pays de Brunswyck, où son mari l’a fait retenir en prison pendant 33 ans, c’est-à-dire jusqu’à la fin de sa vie. C’était à propos d’une supposition de galanterie avec un jeune Seigneur appelé M. de Kœnigsmarck, lequel avait été tué de la propre main de l’Électeur d’Hanovre, dans l’appartement de sa belle-fille. Elle n’était alors que dans sa quinzième année, et l’on n’a jamais cru qu’elle ait été accusée ni condamnée justement. Le Maréchal de Tessé, mon oncle, était convaincu de ce qu’on avait sacrifié cette malheureuse enfant à l’espoir de faire un mariage plus profitable. Mme sa mère (née d’Esmiers d’Olbreuse), avait fini par être créée Princesse de Harbourg-sur-l’Elbe, au moyen d’un diplôme de l’Empereur, qui lui fit payer ce carré de parchemin quatre cent mille livres. Elle est morte à Gœttingue en 1722, âgée de 83 ans. Il paraît qu’elle avait légué cinquante mille florins d’Empire à la mère de M. de Létorières, qui était sa sœur utérine. (Note de l’Auteur.)
- ↑ Cette maison de Framont, qui est originaire du Forez ou du Gévaudan, s’est illustrée dans la marine. On a remarqué que depuis son alliance avec la sœur de M. de Létorières, elle en a gardé le privilége de la plus rare beauté, qu’elle a même celui de communiquer à toutes les familles dans lesquelles elle marie ses filles. C’est à leur alliance avec une demoiselle de Framont qu’on attribue la beauté des Montmorin, des La Tour-Maubourg et des Rochefort d’Ally. (Note de l’Auteur.)
- ↑ Étant à Vendôme en 1791, avec un régiment qu’il commandait, Louis-Philippe d’Orléans, alors duc de Chartres, a fait ouvrir et fouiller tous les caveaux de l’église collégiale de Saint-Georges, où les anciens Comtes et Ducs de Vendôme étaient inhumés. Malgré les supplications et l’opposition du chapitre, il a fait briser la tombe et ouvrir les cercueils du Duc Antoine de Bourbon-Vendôme et de la Reine-Jeanne d’Abret, en disant agréablement à ses officiers qu’il voulait leur faire faire connaissance avec le père et la mère d’Henry IV. Aussitôt qu’il fut sorti de cette enceinte, profanée par les jurons blasphématoires et les quolibets crapuleux des ouvriers et des soldats, les chanoines et les autorités de la ville s’empressèrent de recouvrir tous ces ossemens des Bourbons, et tout le clergé du diocèse de Blois leur en fit amende honorable ; mais l’exemple avait été donné, et le premier acte de violation des tombeaux qui ait eu lieu pendant la révolution française, si féconde en profanations de cette nature, avait eu pour auteur un fils du Duc d’Orléans le régicide. En sortant de la sainte chapelle de Vendôme, il avait eu l’heureuse idée, la bonne fortune et la témérité généreuse d’aller sauver un soldat de son régiment qui s’était laissé tomber dans le Loir où il n’y avait pas, ce jour-là, plus de trois pieds d’eau. (Voyez les journaux du temps.)