Souvenirs d’un demi-siècle/Tome 1/13

Hachette (Tome 1p. 213-236).
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troisième partie

LE MINISTÈRE DU DEUX JANVIER


CHAPITRE PREMIER

L’OPPOSITION



PERMANENCE DE L’OPPOSITION. — À VOIX BASSE. — DANS LES THÉÂTRES. — EDMOND ABOUT. — LES FRÈRES DE GONCOURT. — L’EMPEREUR À L’ODÉON. — OVATION. — À L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS. — LE COMTE DE NIEUWERKERKE. — PROSPER MÉRIMÉE. — VIOLLET-LE-DUC. — SA NOMINATION À L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS. — INAUGURATION. — CHARIVARI. — FORCE RESTE À LA LOI. — L’ÉLECTION DES Cinq. — ÉMILE OLLIVIER ENTRE EN SCÈNE. — LE SILENCE. — LE TENTATEUR. — LES INSINUATIONS DE MORNY. — SA PRÉVISION. — LA MORT DÉNOUE LA COMBINAISON. — CE QUE FUT LE DUC DE MORNY. — Tace et memento. — LA VIE À OUTRANCE. — LE BIJOUTIER DIPLOMATIQUE. — EXPÉDITION DU MEXIQUE. — RUPTURE AVEC UNE VIEILLE MAÎTRESSE. — SOPHIE TROUBETSKOI. — FERNAND DE MONTGUYON. — EMMA LIVRY. — LA MORT DE MORNY. — LES LETTRES D’AMOUR. — ÉMILE OLLIVIER LIVRÉ À LUI-MÊME.



PENDANT la durée du Second Empire, l’opposition fut permanente ; après le 2 décembre 1851, lorsque durait encore la crainte inspirée par cette mauvaise action, elle fut sourde et discrète. À voix basse, entre portes closes, on chuchotait les médisances ; les journaux étaient muets ; un certain décret du 17 février 1852 les bâillonnait et les forçait au silence. J’ai traversé ce régime, qui fut abominable ; la presse n’y a point péri ; c’est miracle ; j’en ai parlé dans mes Souvenirs littéraires ; je n’ai plus à y revenir. Au lendemain de la campagne d’Italie, en 1859, campagne glorieuse pour nos armes, désastreuse pour notre politique extérieure, les ressorts du gouvernement impérial se détendirent, l’opposition se hasarda à être sinon agressive, du moins plus tracassière ; pendant le ministère Chasseloup-Laubat (fin 1869), elle fut violente ; sous le ministère Ollivier, — qui se faisait fort d’apporter la pacification à tous les esprits, — elle devint furibonde.

Les premières manifestations publiques de l’opposition se produisirent assez tard et toutes au théâtre. On siffla des auteurs dramatiques, parce qu’on les savait en bons termes avec quelques membres de la famille impériale. Les pièces que l’on effaça ainsi de l’affiche n’étaient point bonnes, je le reconnais, mais eussent-elles été excellentes, elles n’auraient point désarmé la cabale, qui n’écoutait pas et ne se souciait pas d’écouter. Charles-Edmond Kojecki reçut le premier choc à l’Odéon, le 28 novembre 1855, à propos d’un gros drame intitulé La Florentine, dans lequel on avait tiré par les cheveux l’histoire d’Éléonore Galigaï, femme de ce Concini qui fut maréchal d’Ancre. L’auteur était un familier du Palais-Royal. Le prince Napoléon lui avait souvent donné des témoignages d’une amitié réelle, qui, du reste, ne firent qu’un ingrat. Charles-Edmond s’était souvent targué de cette intimité ; on voulut atteindre le prince, et, afin d’arriver jusqu’à lui, on fit tomber la pièce de son protégé. On crut à une mauvaise humeur de première représentation, à une gaminerie d’étudiants qui bientôt prendrait fin. Il fallut déchanter ; les acteurs tinrent bon pendant huit ou dix jours et furent contraints de lâcher pied en présence d’une hostilité sans merci.

Ce fut Edmond About qui, sept ans après, attrapa les horions de la jeunesse opposante ; ce ne fut pas une représentation théâtrale, ce fut une bataille engagée dès le premier mot de la première scène ; tout de suite, la pièce fut mise en déroute, et je crois vraiment que l’on n’en entendit pas un mot. L’Odéon a gardé souvenir de la soirée du 3 janvier 1862, on en parle encore. Le drame s’appelait Gaëtana ; il y avait de la boursouflure, de l’esprit, de l’imitation, de l’invraisemblance, de la verve ; mais ce n’était point de cela qu’il s’agissait, et l’on n’eut pas à s’en préoccuper. À cette époque, Edmond About était en relations cordiales avec la Cour. Mêlée à des étudiants de vingtième année, renforcée par de vieux pions rancuniers, augmentée de gamins qui ne cherchaient qu’à faire tapage pour s’amuser, la jeunesse des écoles voulut lui donner une leçon de libéralisme et fit acte d’un despotisme intolérable. Ce fut plus qu’un tumulte, ce fut presque une émeute.

La pièce, cependant, ne disparut pas immédiatement de l’affiche ; les acteurs voulurent faire tête à l’ouragan ; mais cela ne convint pas au monde des brasseries et des garnis du Quartier latin. Après la quatrième représentation, le 6 janvier, une bande d’un millier d’individus, qui se grossit en route de tous les désœuvrés et de tous les curieux qu’elle rencontra, vint hurler sous les fenêtres d’Edmond About, dont elle demandait la tête, tout simplement. About était chez lui avec deux ou trois amis et sa mère. Celle-ci, entendant les vociférations de cette foule encore plus bête que méchante, eut un mouvement nerveux et souffleta son fils. C’est ainsi qu’il convient de rendre la justice. Edmond About se le tint pour dit ; il retira Gaëtana et ne tenta plus la fortune du théâtre ; celle qu’il sut extraire du journalisme avait, du reste, de quoi le contenter.

La troisième aventure tomba sur Edmond et Jules de Goncourt, deux frères dont l’affection était touchante, qui ne manquaient point de talent et que déparait leur vanité. Ils faisaient partie du petit groupe d’écrivains que la princesse Mathilde accueillait, choyait et protégeait, tout en riant sous cape de leurs prétentions. Ce n’était certes pas une femme savante, mais elle a dû souvent mettre le holà entre Vadius et Trissotin. J’avais assisté à la répétition générale de la pièce, qui s’appelait Henriette Maréchal, et j’avais été inquiet du résultat définitif. Des effets trop cherchés, un style précieux, une intrigue mal conduite et dénouée avec une brutalité sans excuse me semblaient mettre le succès en péril. Édouard Thierry, administrateur de la Comédie-Française, n’était pas rassuré ; Théophile Gautier, qui avait écrit un prologue en vers, disait : « Demain, on nous jettera tous par les fenêtres » ; Delaunay, qui jouait l’amoureux, parlait de rendre son rôle ; dans la salle, remplie cependant d’amis, de camarades des auteurs et de curieux bienveillants, on disait sans mystère que, sans l’intervention de la princesse Mathilde, la pièce eût été refusée par le comité de lecture.

Tout annonçait un orage. Il éclata le 5 décembre 1865, violent, injuste, imbécile, dès avant que les chandelles fussent allumées ; Théophile Gautier me disait : « Je me suis cru revenu aux soirées de Hernani et à l’unique représentation du Roi s’amuse. » Ce n’était point la pièce que l’on sifflait, c’était le salon de la princesse Mathilde, où les frères de Goncourt étaient reçus avec affabilité. Les pauvres auteurs publièrent leur Henriette Maréchal précédée d’une justification assez piteuse ; ils se lamentaient, racontaient leurs maladies, donnaient des explications sur leurs ressources et confiaient au public qu’ils étaient servis par une femme de ménage. En vérité, ils auraient mieux fait de se taire.

C’est toujours à l’Odéon qu’il faut aller, lorsque l’on veut assister à quelques farces improvisées qu’un excès de gaieté rend parfois un peu fortes. Il s’en produisit une d’opposition comique, le 17 mai 1866, jour où Émile Augier y fit jouer son excellente comédie de La Contagion. L’Empereur et l’Impératrice assistaient à la première représentation. On avait dit à Napoléon III que certaines modifications apportées au jardin du Luxembourg avaient mécontenté tous les habitants du Quartier latin et qu’il y serait certainement mal accueilli, s’il y allait. Le danger ne déplaisait point à l’Empereur, dont le flegme était imperturbable ; il voulut voir par lui-même quel genre d’avanie on lui réservait et il se rendit à l’Odéon, dans la grande loge d’avant-scène, au milieu même du camp de la jeunesse exubérante et gouailleuse. Le parterre était houleux, prêt à toute sottise et cependant contenu tant par la présence du souverain que l’on n’aimait pas, que par l’intérêt qu’inspirait la pièce. Pendant un entracte, un étudiant poussa une sorte d’ululement aigu et cria : « C’est le chant de l’aigle expirant. » L’Empereur se mit à rire, car il était bonhomme, et sut, plus d’une fois, se souvenir qu’il avait été jeune.

Lorsque la pièce fut terminée, dès que l’on eut fait connaître l’auteur, dont le nom fut accueilli par un applaudissement général, l’Empereur se retira. Toute la salle fut vide en un clin d’œil ; le public se groupa sur les marches et aux abords du théâtre, pour assister au départ des voitures de la Cour, qui n’avaient point d’escorte. Au moment où Napoléon III allait monter dans sa berline aux quatre lanternes, on vit passer au bout de la place cinq ou six voitures-tonneaux, appartenant à la Compagnie Richer, alors chargée des vidanges de Paris. Subitement, comme si l’on eût obéi à un mot d’ordre, une centaine d’étudiants se précipitèrent vers les grosses tinettes qui roulaient lourdement sur le pavé, les entourèrent, agitant leurs chapeaux et criant : « Vive l’Empereur ! » L’ovation fut solennelle ; je n’ai jamais su ce que Napoléon en a pensé.

Ces manifestations ironiques, où l’excès de jeunesse était pour beaucoup, avaient lieu, pour ainsi dire, à huis clos, dans l’intérieur d’une salle de théâtre ; une seule fois, pendant ce que l’on a appelé les belles années du Second Empire, il y eut quelque tumulte — un simple charivari — dans les rues. Les élèves de l’École des Beaux-Arts s’en rendirent coupables, si c’est être coupable de faire, un peu trop bruyamment, acte d’indépendance et de refuser l’enseignement d’un professeur imposé par grâce d’État, d’une capacité imparfaite et trop bien en Cour pour n’être pas suspect. Le nouveau professeur dont on ne voulait pas était Viollet-le-Duc, mais ce jour-là on fit d’une pierre deux coups et l’on dit crûment son fait au surintendant des Beaux-Arts, qui n’était ni aimé, ni estimé, et dont je dois parler, car il fut en son temps une sorte de personnage.

C’était le comte Émilien de Nieuwerkerke, d’origine hollandaise, sculpteur à ses moments perdus par l’ébauchoir d’un certain Diebolt qui était adroit dans son art. Nieuwerkerke était fort beau, marié, et se préoccupait peu de son ménage. Sa haute taille un peu trop forte, son visage hautain et régulier, encadré d’une barbe noire, une apparence de vigueur qui, dit-on, ne tenait pas tout ce qu’elle promettait, un bagout qui masquait le manque d’esprit, une attitude conquérante qu’excusaient des succès nombreux lui avaient valu un renom mérité d’homme à bonnes fortunes. Pauvre, il avait toujours vécu dans un luxe relatif ; il avait la figure de l’emploi et je ne répéterai pas ici les propos qui couraient sur son compte. On a cité bien des noms de femmes du faubourg Saint-Germain, où il avait ses entrées et dont il fit les beaux jours et même les belles nuits, lorsque, de 1825 à 1840, n’ayant point encore atteint sa trentième année, il portait un bracelet d’or timbré d’une fleur de lis et avait la larme à l’œil en parlant de Monseigneur, c’est-à-dire du comte de Chambord. En 1844, il passa l’hiver à Florence et fut en relations de monde avec la femme d’Anatole Demidoff, qui n’était autre que la princesse Mathilde, fille de Jérôme Bonaparte, ancien roi de Westphalie. Là se noua une liaison si peu mystérieuse qu’elle devint publique et qui a eu de l’influence sur la carrière du comte de Nieuwerkerke.

En 1850, le Prince Président, pour plaire à sa cousine, le fit nommer directeur des musées nationaux. Logé au Louvre, attirant les artistes à des soirées hebdomadaires du vendredi, où l’on entendait de la musique sérieuse, entremêlée de chansonnettes, faisant le bon enfant avec les peintres, les sculpteurs, les écrivains dont il redoutait les sarcasmes et qu’il ne parvint jamais à conquérir, il resta toujours en suspicion au monde des arts, qui jamais ne l’accepta comme confrère et sut se dérober à sa direction.

Son attitude était peu correcte chez la princesse Mathilde, dont il semblait prendre à tâche de cultiver les défauts ; le laisser-aller de leur façon d’être était excessif, parfois gênant de familiarité, et l’on y voyait trop que le salon n’était que l’antichambre de l’alcôve. Du reste, ni l’un ni l’autre ne semblaient attacher grande importance à la fidélité ; l’on pouvait croire qu’ils vivaient comme deux époux doués d’indulgence mutuelle et sachant fermer les yeux à l’heure opportune. La princesse, qui était bonne, secourable et de quelque intelligence, s’est fait grand tort avec cette affection destinée à mal finir et à être encore plus mal remplacée. J’en ai entendu souvent gloser, et la présence encombrante de Nieuwerkerke a écarté bien du monde, et du meilleur, de l’hôtel de la rue de Courcelles. L’Empereur n’aimait point « le bel Émilien » ; il l’éloignait systématiquement, ne le faisait jamais inviter à Fontainebleau, ni à Compiègne, et ne l’admettait qu’aux Tuileries, d’où il ne pouvait exclure le directeur général des musées impériaux.

Cependant il en fit un surintendant des Beaux-Arts, reconstituant pour lui une charge illusoire, tombée en désuétude et dont il le pourvut, dit-on, afin de se débarrasser des sollicitations de la princesse Mathilde. Possédait-il les connaissances indispensables à ses fonctions ? J’en doute, car il se laissa mystifier, en achetant, comme œuvre authentique du XVIe siècle, un buste en terre cuite fabriqué en 1862 par un modeleur italien, nommé Bastianini ; était-il un directeur scrupuleux des musées dont il avait la garde, je ne le crois pas, car il avait fait accrocher aux murailles du Cercle impérial (rue Boissy-d’Anglas) une vingtaine de tableaux appartenant aux galeries du Louvre. Peccadilles sans conséquence ; il en eut de plus graves : car, en 1863, il porta atteinte à la constitution de l’École des Beaux-Arts et bouleversa maladroitement d’excellentes institutions que nous avait léguées l’ancienne Académie royale de peinture. En cette circonstance, il ne fut qu’un instrument entre des mains impatientes et ne s’en aperçut guère.

Derrière le rideau, faisant mouvoir le fil des pantins administratifs, se dissimulait un homme habile, sceptique, pour ne pas dire cynique, bien vu à la Cour qu’il amusait, familier de l’Impératrice qu’il avait connue toute petite, célèbre par son talent, sénateur influent à cause de ses hautes intimités et qui était Prosper Mérimée. Il était obligeant, ami dévoué et s’évertuait à faire donner une position officielle à Viollet-le-Duc, avec lequel il était lié depuis les jours de la jeunesse. Viollet-le-Duc n’était point le premier venu, tant s’en faut ; mais je crois que, malgré son talent, malgré sa fortune, il ne fut jamais satisfait, car il était secrètement dévoré par une ambition dont les résultats ne répondirent pas à l’opinion qu’il avait de lui-même. Il avait épousé une demoiselle Tempier dont le père tenait un magasin de jouets — À la Bonne Foi — sur le boulevard des Italiens ; ce magasin, je l’ai fréquenté au temps de mon enfance, et quelques-uns de mes amis ont été en relation avec le père Tempier, qui avait commisération des mineurs riches. On prétendait que le coffre-fort de la maison était bien garni ; Viollet-le-Duc y trouva une dot convenable. Le mariage alla vite à la diable. Viollet-le-Duc, poussé par Mérimée, par Vitet, bien accueilli chez les de Valon, chez la vieille comtesse de Boigne[1], complaisant du chancelier Pasquier[2], vit s’ouvrir devant lui des salons où il n’osait conduire sa femme, que l’on avait vue traîner dans la boutique paternelle. Elle fut contrainte de se cantonner dans le monde inférieur, tandis que son mari, causeur agréable et de jolie figure, prenait place dans la bonne compagnie. Il était empressé à plaire, composait des modèles de meubles, de tapisseries et surtouts de table, et n’en était que plus recherché.

Il semblait avoir porté toute son intelligence sur l’étude des trois périodes de l’architecture gothique, qu’il connaissait dans les moindres détails. Sous ce rapport, il était passé maître. Ses restaurations de Notre-Dame, de la Sainte-Chapelle, de la cathédrale de Laon sont irréprochables. Il dessinait avec une sûreté et une précision extraordinaires : on n’a qu’à feuilleter son Dictionnaire raisonné de l’Architecture française, du XIe au XIIe siècle, pour s’en convaincre. Malheureusement, une fois sorti du moyen âge, il devenait hésitant et semblait servi par une imagination stérile. Une maison qui lui appartenait et qu’il a fait construire, je ne sais plus où, dans les environs de la rue Drouot et du faubourg Montmartre, est simplement ridicule. Néanmoins, il se croyait mal apprécié et laissé en dehors de ce que méritait sa valeur. Il eût voulu être le grand recteur des Beaux-Arts en France ; ceci, je ne l’imagine pas, car il l’a dit devant moi.

Il se gaussait de l’Institut, dont il blâmait les traditions, il déplorait l’enseignement institué à l’École des Beaux-Arts et il eût volontiers fermé les portes de la Villa Médicis. Pénétré des théories romantiques qui florissaient lorsqu’il avait vingt ans, il rêvait une renaissance s’appuyant sur le moyen âge, comme la rénovation du XVIe siècle s’était inspirée de l’antiquité.

Je lui ai entendu dire que la colonnade du Louvre, le ministère de la Marine étaient de l’architecture de pâtisserie et que le joyau des monuments parisiens était la salle des gardes de saint Louis, à la Conciergerie.

Mérimée, qui était son confident et son ami intime, n’était pas loin de partager ses idées, mais, tant que celles-ci resteraient à l’état de conception platonique, l’art serait dans « le marasme ». Il était homme de ressources, savait qu’en telles matières l’Empereur était d’une ignorance fabuleuse, et, pour faire parvenir Viollet-le-Duc à la haute situation visée, il le poussa par les petits appartements, comme eût dit Saint-Simon. Viollet-le-Duc, présenté par lui, eut ses entrées dans le salon réservé de l’Impératrice ; il ne chômait pas d’esprit, de conduite, et ne demeurait pas en reste lorsqu’on le consultait sur des questions d’ameublement et de tentures. Pour le petit théâtre de Compiègne ou de Fontainebleau, il brossait les décors, surveillait les répétitions des pièces où les invités et les invitées cherchaient à distraire le souverain, en cabotinant devant lui ; il ne tarda pas à devenir indispensable et les faveurs ne lui furent pas ménagées. Dans une excursion aux ruines de Pierrefonds, faite sur les indications de Mérimée, qui se piquait d’archéologie, Viollet-le-Duc donna des explications si nettes et démontra d’une manière si attachante que ce serait une œuvre glorieuse de remettre en état primitif la vieille forteresse démantelée par Richelieu, que l’Empereur lui ouvrit un crédit de quatre ou cinq millions sur sa cassette. Grâce à cette intelligente largesse, Pierrefonds est un complet, un admirable spécimen de l’architecture seigneuriale et militaire du XIVe siècle. Si Louis d’Orléans y revenait, il le reconnaîtrait.

Ceci se passait en 1862. L’Empereur était conquis et l’Impératrice pleine d’enthousiasme. Aux gloires de Crimée et d’Italie, on voulait ajouter les splendeurs pacifiques des Beaux-Arts régénérés ; on parlait de Laurent de Médicis, de Léon X, de François Ier, et dans l’Olympe impérial on conviait Mars et Apollon, Bellone et les Muses à se donner le baiser fraternel. Pour obtenir un tel résultat, que fallait-il ? Peu de chose : mettre Viollet-le-Duc en situation d’expliquer et d’appliquer ses doctrines ; alors un nouveau soleil rayonnerait sur la France ; on n’en doutait pas. Je pense que Mérimée en riait dans sa barbe, car la naïveté n’était point sa qualité dominante ; mais il s’agissait d’être désagréable aux « perruques de l’Institut », dont il était, et d’être agréable à un de ses amis. Aussi il opinait du bonnet et laissait croire à l’Impératrice, qui se mêlait de tout avec la confiance des gens qui ne savent rien, qu’à sa voix les chefs-d’œuvre allaient éclore.

Le surintendant Nieuwerkerke reçut ordre d’avoir à procéder à la réorganisation de l’École des Beaux-Arts ; je n’ai pas à dire qu’on lui remit un programme tout fait, libellé par Viollet-le-Duc, et qu’il n’eut qu’à faire exécuter des volontés qu’il n’avait même pas été appelé à discuter. Cela fit grand bruit alors dans le Landerneau des artistes ; le père Ingres s’insurgea ; Hippolyte Flandrin larmoya, les rapins crièrent à la tyrannie et l’Institut tressaillit d’indignation. Les journaux en parlèrent, on publia quelques brochures, mais l’émotion ne dépassa pas les murailles de l’École des Beaux-Arts et du palais Mazarin. Un arrêté ministériel du 18 novembre 1863, qui nomma Viollet-le-Duc professeur titulaire de l’histoire de l’art et de l’esthétique, mit à l’envers toutes les cervelles des ateliers ; les élèves jurèrent que le professeur ne professerait pas.

La journée du 29 janvier 1864 est restée légendaire dans les annales de l’École des Beaux-Arts ; selon le langage de l’endroit, ce fut un « chahut babylonien ». Le comte de Nieuwerkerke, en qualité de surintendant des Beaux-Arts, était venu installer le nouveau professeur ; il était accompagné de Mérimée, qui jouait le personnage du fidus Achates, et de Théophile Gautier, chargé de rendre compte dans Le Moniteur officiel du succès de la première leçon. On redoutait des murmures, peut-être même quelque protestation ; mais on ne s’attendait pas au plus formidable des charivaris qui jamais eussent accueilli un maître de l’enseignement. À peine Viollet-le-Duc fut-il assis dans sa chaire et eut-il ouvert la bouche pour dire : « Messieurs » — ce fut le seul mot qu’il put prononcer — que le tumulte commença.

Dans la salle du grand amphithéâtre, décoré par Paul Delaroche, les élèves se pressaient en nombre anormal, les gradins, les couloirs et tous les abords étaient occupés ; nulle place libre : les combattants avaient été fidèles au rendez-vous donné. L’exclamation fut énorme, composée de toutes sortes de vociférations : chants de coq, barrissements d’éléphant, rugissements de lion, gloussements de poule, braiments d’âne, hennissements de cheval, miaulements de chat, rauquements de tigre, glapissements de renard, jappements de chien, tous ces cris se mêlèrent dans une tempête au milieu de laquelle se pressaient les injures. Nieuwerkerke était debout et gesticulait, Viollet-le-Duc tenait bon et continuait à vouloir parler ; peine inutile, on n’entendait qu’une immense clameur. Deux jours après, Mérimée racontait la scène en ma présence chez la comtesse de Nadaillac et disait : « Les poumons de cette jeunesse sont d’une vigueur remarquable ; je ne me suis jamais tant amusé. »

Viollet-le-Duc, lui, ne s’amusait pas, Nieuwerkerke non plus ; les hurlements ne suffisaient pas à ces gamins affolés par leur propre bruit ; on lança contre le professeur la provision de projectiles que l’on avait eu soin d’apporter : des pommes, des œufs, des boulettes de papier mâché et jusqu’à des gros sous. Au bout d’une demi-heure, Nieuwerkerke se retira, suivi de Viollet-le-Duc et de son escorte d’amis. Tout le monde battit des mains : la victoire était complète et les rapins triomphaient ; derrière le groupe qui entourait Nieuwerkerke, ils sortirent en rang, quatre par quatre, silencieux cette fois, comme s’ils eussent fait cortège à un haut personnage, et traversèrent ainsi les cours de l’École des Beaux-Arts. Au moment où Nieuwerkerke allait franchir la grille, il se retourna, et toute la bande, éclatant de rire, lui fit un salut dérisoire. La sottise dont son âme était pleine ne put se contenir ; il leva un doigt menaçant vers ces jeunes gens dont le nombre même assurait l’impunité et leur cria : « Je vous retrouverai, vous autres ! » À l’instant la manifestation changea d’objet ; elle abandonna Viollet-le-Duc, qui, disait-on, avait « son paquet » ; elle ne s’adressa plus qu’à Nieuwerkerke et devint, par allusion, personnelle au-delà de l’insulte.

Nieuwerkerke n’essaya pas de faire tête, mais il ne se déroba point. Toujours accompagné de Viollet-le-Duc, de Mérimée, de Théophile Gautier, de quelques fonctionnaires de l’École, il rentra à son logement du Louvre à pied, par la rue des Beaux-Arts, le quai Malaquais, la place de l’Institut et le pont des Arts. À dix pas derrière lui, marchaient les élèves, auxquels se joignaient les curieux. On eût dit que l’on s’était distribué les rôles et que l’on en avait fait une répétition préalable, tant l’esprit rapide et moqueur du Français — du Parisien — avait rapidement improvisé « une scie » qui était la plus sanglante des ironies. Un groupe chantait le premier vers de l’air fameux de Guillaume Tell :

Ô Ciel ! tu sais si Mathilde m’est chère !

Un second groupe répondait immédiatement par une parodie injurieuse :

À sa Mathilde, ô ciel qu’il coûte cher !


puis la chanson était interrompue, et, après un instant de silence, tous en chœur criaient : « Ohé ! Castor !… » et l’on reprenait la romance de Rossini. Nieuwerkerke se pencha vers Théophile Gautier, qui me l’a raconté, et lui dit : « Ohé ! Castor ! Qu’est-ce que cela veut dire ? » Gautier, qui n’était point en reste de malice, qui avait eu bien des charges d’atelier sur la conscience et qui excellait à comprendre à demi-mot, baissa le nez et répondit : « Je ne sais pas. » C’était en effet difficile à expliquer, si difficile que j’y renonce ici, en faisant appel à la sagacité des lecteurs. Tout ce que je puis leur dire, c’est que Nieuwerkerke avait récemment fait bâtir une maison vers le parc Monceau et qu’ils trouveront dans les traités d’histoire naturelle la façon dont le castor bat la terre molle dont sa hutte est construite.

La manifestation, toujours chantant et toujours criant, entra au Louvre, derrière Nieuwerkerke, dans la cour des Musées. La police avertie était accourue ; on se gourma, les élèves décampèrent, saluant une dernière fois le surintendant du nom de Castor et, comme il est de bon exemple que force reste à la loi, on arrêta Théophile Gautier, qui fut conduit au poste, où il commençait à mûrir un projet d’évasion, lorsqu’il fut délivré par Viollet-le-Duc, Mérimée et Nieuwerkerke lui-même. On dit au brigadier des sergents de ville : « Pourquoi avez-vous arrêté monsieur ? » Le brigadier répondit : « À la longueur de ses cheveux, je l’ai pris pour un insurgé. » Bien souvent, depuis, Gautier a raconté, de la façon la plus plaisante du monde, ce qu’il appelait « son temps de captivité ».

Lorsque le rapport de cette échauffourée fut fait à l’Empereur, il se mit à rire, leva les épaules et ne dit mot. La princesse Mathilde fut outrée et parla « de ce peuple qui avait traîné sa réputation dans la boue ». Elle reçut fort mal Eugène Giraud[3], un de ses familiers plein d’esprit, qui la voulait calmer et lui dit : « Émilien n’y perdra rien. » En effet Émilien, c’est-à-dire le comte de Nieuwerkerke, fut nommé sénateur peu de temps après, et la princesse dit sérieusement : « On lui devait bien cette compensation. » Le prince Napoléon, lorsqu’il connut l’aventure, prit son air le plus grave pour dire : « Le public a fait preuve de bon sens. » Soit, mais il fit aussi preuve de bon sens, le public qui siffla Emma Cruche, dite Cora Pearl, lorsqu’elle débuta dans un rôle d’amour au théâtre des Bouffes-Parisiens, où le mari de la princesse Clotilde l’avait amenée dans sa voiture.

Cette manifestation, qui s’adressait à un surintendant des Beaux-Arts, grand officier de la Légion d’honneur, amant avoué, sinon déclaré d’une princesse du sang, personnage de quelque importance, quoique secondaire, est la première qui se produisit dans la rue. Il fallait sévir, ce qui eût été excessif, ou en comprendre la signification. En somme, les élèves de l’École des Beaux-Arts ne voulaient point de Viollet-le-Duc ; ils le renvoyaient à son gothique, aux fêtes de Compiègne, aux restaurations des édifices diocésains, et ils demandaient un autre professeur ; ils l’eurent. Par arrêté du 26 octobre 1864, Taine prit possession de la chaire d’esthétique ; l’ovation qu’on lui fit prouva que l’opposition n’avait rien de systématique et qu’elle ne s’était adressée qu’à une individualité dont les titres étaient trop discutables. Je ne suis pas certain que Viollet-le-Duc n’ait gardé rancune de sa mésaventure à l’Empire. Peu d’hommes ont été plus comblés que lui par Napoléon III et par l’Impératrice ; après les heures néfastes, il fit plus que de l’oublier ; il se souvint sans doute que Nestor Roqueplan[4] a dit : « L’ingratitude est l’indépendance du cœur. » Il fut indépendant jusqu’à l’héroïsme.

Tumulte dans le théâtre à la représentation des pièces dont les auteurs étaient protégés par les membres de la famille impériale, tumulte dans la rue et jusque dans la cour du Louvre contre un des fonctionnaires relevant directement du ministère de la maison de l’Empereur, c’était peu de chose, disait-on, et il n’y fallait voir que ce besoin de bruit qui tourmente la jeunesse. « C’est une maladie de peau, disait Napoléon III, elle ne touche pas aux œuvres vives. » Il se trompait ; cette maladie était la manifestation d’un mal plus profond, que les esprits réfléchis avaient déjà pu reconnaître. Lors des élections législatives de 1857, Paris élut quatre députés franchement hostiles ; le mot « irréconciliables » n’avait pas encore été appliqué aux hommes politiques ou soi-disant tels. L’Empereur dit : « C’est la réponse au Bois de Boulogne. » En effet, d’un taillis mal percé, sans eau, parsemé de pelouses arides, il avait fait l’admirable promenade qui est la joie des Parisiens. Émile Ollivier, Alfred Darimon, Ernest Picard, Jules Favre étaient sortis de l’urne, comme des diables d’une boîte à surprise. Un cinquième député, Hénon, venu de Lyon, compléta le groupe des opposants quand même, de ceux que l’on nommait : « les cinq ».

Alfred Darimon était l’ami et se disait l’élève de Proudhon ; c’était là son bagage ; il n’en eut jamais d’autre. Jules Favre était un orateur d’un grand talent, qui excellait à perdre les causes qu’il défendait. Ernest Picard, pétillant d’esprit, commun, bon enfant, semblait une sorte de gamin élevé à la dignité de bourgeois ; il était ambitieux, mais incapable de mauvais procédés pour satisfaire son ambition. Émile Ollivier, lorsque Adolphe Guéroult[5] le félicita de son élection, lui répondit : « Mon cher, je viens de faire le premier pas sur la route de Cayenne. » Cayenne était alors lieu de déportation pour les galériens. En parlant ainsi, il était de bonne foi, comme sont les inconscients. Dans ce quatuor, qui devait plus tard se diviser en duos adverses, on chanta des morceaux d’ensemble pendant quelques années ; chacun tenait sa partie avec habileté. Jules Favre était le baryton et descendait parfois jusqu’aux notes du basso profundo ; Émile Ollivier représentait le ténor di primo cartello ; Ernest Picard excellait aux chansonnettes comiques ; Alfred Darimon, personnage muet, battait la mesure, presque toujours à contretemps.

Entendre parler Ollivier, c’était un régal pour les dilettantes de la tribune, et ce régal on ne le leur ménageait pas, car il n’était question sur laquelle « notre jeune Démosthène » n’eût son mot à dire. Il siégeait à gauche, tout en haut, au sommet de la montagne. Rarement une discussion se terminait sans qu’il eût pris la parole ; autant que l’ordre des orateurs inscrits le permettait, il parlait le dernier, laissant l’assemblée sous une impression qu’elle subissait, mais qui ne la pénétrait pas. Pour Ollivier, sa première législature fut une série de discours, d’improvisations, de répliques qui, sans modifier les votes de la Chambre, popularisaient en dehors le nom de l’orateur. Il semblait que l’on ne pût échapper au charme des harmonies qui coulaient de ses lèvres et que même le président du Corps législatif, le comte de Morny, sceptique et blasé, n’y restait pas insensible, car il était plein de grâce envers lui et rendait plus exquise encore sa courtoisie naturelle. Un abîme les séparait, mais il paraissait qu’à travers le précipice on ne dédaignait pas de se faire les yeux doux.

Aux élections de 1863, Émile Ollivier se présenta de nouveau à la troisième circonscription de Paris, où il fut élu à une énorme majorité. Le gouvernement, cependant, bête comme presque tous les gouvernements, avait cru faire un coup de maître en lui opposant un gros bonnet du quartier nommé Varin, petit homme gros, court, trapu, gonflé de lui-même, disant : « J’ai payé ma dette à la société puisque j’ai fait fortune », marchand de toiles, convenablement enrichi par les fournitures de la literie militaire, incapable d’être autre chose qu’un législateur votant sur injonction. Contre un tel concurrent et en présence de ce que l’on nommait le réveil de l’opinion publique, la victoire d’Émile Ollivier, de l’enfant chéri de l’opposition, était certaine ; elle fut écrasante. Le marchand de toiles retourna à son comptoir et Émile Ollivier, rayonnant de toutes les espérances, monta au Capitole.

Dès le début de la session, il y eut quelque chose de changé dans son attitude ; il siégeait toujours à la montagne ; mais on eût dit qu’il en eût voulu descendre. Il fut rapporteur de la loi sur les coalitions ; sa parole s’était modifiée ; elle n’avait plus rien d’acerbe. Je ne sais quelle modération adoucissait sa phrase, autrefois agressive ; ses adversaires l’accueillaient avec des murmures approbateurs et ses amis commençaient à le regarder de travers. Il n’avait pas encore pris le chemin des Tuileries, mais certainement il n’était plus sur celui de Cayenne. Dès lors, on peut dire qu’il se tut. À ce flot d’éloquence que rien ne semblait pouvoir tarir avait succédé le silence ; en vain, dans certaines occasions, fut-il adjuré de se mêler aux discussions ; il refusait, secouait la tête et ne soufflait mot. L’esquinancie de Démosthène l’avait-elle rendu muet ? Les naïfs se perdaient en conjectures, les gens avisés souriaient et disaient : « Il y a quelque chose. » Que s’était-il donc passé ?

Sait-on encore qu’Alexandre Dumas et Dinaux, dont le vrai nom était Goubaux, ont fait un drame intitulé Richard d’Arlington, qui fut représenté et plusieurs fois repris avec succès à la Porte-Saint-Martin ? C’est l’histoire d’un jeune ambitieux qui réussit à se faire élire membre du Parlement d’Angleterre. Il est intelligent, éloquent et l’orateur préféré de l’opposition. Au cours d’une discussion importante, on n’attend que son discours pour culbuter le ministère. Pendant une suspension de séance, il a un entretien mystérieux avec un inconnu, qui n’est autre que le prince de Galles et qui fait miroiter à ses yeux toutes les promesses, tous les hochets dont l’ambition est avide. Il écoute, comprend à demi-mot, renonce à la parole et, par ce seul fait, consolide le ministère menacé, tout en se dirigeant vers la porte ouverte sur la grande avenue du pouvoir. Cette histoire est à peu près celle d’Émile Ollivier. Ce ne fut pas — et pour cause — l’héritier de la couronne qui entra en relation avec lui, ce fut celui que l’on nommait en plaisantant « Monsieur Frère », c’est-à-dire le comte de Morny.

Morny était habile, roué, ne croyant guère à l’inflexibilité des opinions, très ambitieux sous des dehors nonchalants et de visée lointaine. Vivant dans tous les mondes, au Jockey Club, au Club de l’Union dont il était membre, bien en cour, maître, ou peu s’en faut, dans tous les ministères, mêlé aux agioteurs et leur donnant l’exemple, très accessible aux faiseurs de projets dont il soutenait les entreprises, moyennant bon pot-de-vin, fréquentant les filles entretenues qu’il aimait, entouré de quelques gens de lettres complaisants dont le babil l’amusait, il avait l’oreille fine et savait entendre. Or les murmures, les susurrements venaient jusqu’à lui ; il reconnut que l’on était las d’une autorité à outrance, qu’on aspirait à une détente et que l’opinion publique se portait de plus en plus vers une extension de liberté.

Il sentit, avec perspicacité, que tôt ou tard des concessions seraient imposées au pouvoir ; il préféra les accorder — les offrir — de bonne grâce plutôt que de se les laisser arracher par la force et, dès après la campagne d’Italie, 1859, il pensa que l’heure était venue de laisser plus de latitude aux paroles de la tribune et aux discussions de la presse périodique. Volontiers, il eût été le chef de cette révolution gouvernementale qui, tout en modifiant les conditions du pouvoir, n’eût rien enlevé à l’autorité. Faire servir à la défense d’un régime nouveau les hommes — Billault, Rouher — qui avaient été les plus fermes soutiens d’une souveraineté sans contrôle lui paraissait impossible et compromettant. Il savait, mieux que tout autre, que l’Empire, créé en haine de la parole, n’avait pu et ne pouvait subsister que par la parole. L’état de choses issu du coup d’État de Décembre eut des avocats d’office jusqu’au ministère du 2 janvier 1870.

Morny, qui avait le courage, l’esprit d’intrigue, l’habileté, la grâce, qui fut l’homme le plus impudent, le plus hardi que j’aie jamais connu, restait muet devant une assemblée et ne pouvait parler ; cet admirable causeur de salon et d’intimité ne pouvait dire deux mots de suite au Corps législatif ; ses petites harangues étaient écrites et il ne s’en fiait pas à sa mémoire, car il les lisait ; il lui fallait donc un homme qui fût son porte-voix, qui commentât et fît accepter ses actes ; il jeta son dévolu sur Ollivier. Morny avait vu trop de compromis de conscience, il était trop expérimenté pour n’avoir pas aperçu derrière la raideur des opinions et la magnificence du langage quelque chose d’indécis et d’ondoyant, qui semblait l’indice d’une âme molle et un caractère toujours prêt à se guinder, pour dissimuler sa faiblesse.

Très combattu dans ses idées « libérales » par le parti autoritaire qui dominait près de l’Empereur et que soutenait l’Impératrice, Morny ne renonça point à ses projets, mais il en ajourna la réalisation. Il voyait Émile Ollivier secrètement et il ne lui fut pas difficile, avec ses façons de grand seigneur sceptique, d’avoir promptement raison des hésitations de l’avocat député. Je dois dire cependant, à la décharge d’Ollivier, que, tout en modifiant son attitude à la Chambre, tout en acceptant le rôle que l’on promettait à son ambition, il demandait comme conditions sine qua non la liberté absolue de la tribune et un ministère pris en partie dans le Corps législatif.

Morny approuvait, mais ne s’engageait pas ; il savait que, malgré cette défense de certains principes, malgré ces restrictions, Ollivier serait contraint de rendre les services que l’on attendait de lui, le jour où il entrerait dans la combinaison projetée. Cette combinaison, que l’on avait eu tant de peine à faire accepter à l’Empereur, était sur le point d’aboutir, lorsque la mort, avec laquelle on ne compte jamais assez, mit fin au projet, en emportant brusquement l’auteur. Le duc de Morny mourut en 1865. Il est probable que, sans ce départ prématuré, — il n’avait que cinquante-quatre ans, — la réforme libérale inaugurée en 1870 aurait été essayée, d’une façon moins complète, dès 1866, avec Ollivier comme collaborateur. Qu’en serait-il advenu ? Je ne suis pas assez grand clerc pour le deviner.

Morny a été une des figures les plus intéressantes, presque un personnage principal du Second Empire, qu’il a aidé, plus que nul autre, à sortir du palais de la Présidence. Je l’ai connu, et ce n’est pas un hors-d’œuvre d’en parler à propos du ministère du 2 janvier, car il l’avait non seulement prévu, mais préparé de longue main, et, s’il l’eût dirigé, bien des fautes, que le résultat a rendues criminelles, eussent été évitées. Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, dans le salon de Mme Gabriel Delessert, il était encore jeune, entre sa trentième et sa quarantième année ; il était charmant. Sa distinction était rare, son aisance admirable, sa grâce parfaite. Bien pris dans sa taille, qui n’était pas trop élevée, blond, prématurément chauve, avec de jolis yeux bleus et un sourire avenant, il traversa légèrement la vie, en enfant gâté de la fortune, « heureux comme un bâtard », me disait la grande-duchesse Marie de Russie en le regardant passer.

Il était le fils de la reine Hortense et du comte de Flahaut[6], qui avait été — cela se voyait encore lorsque j’entrai en relation avec lui — un homme d’une élégance et d’une beauté peu communes. Le comte de Flahaut, général de division à vingt-quatre ans, fut la coqueluche des grandes dames du Premier Empire ; on se le disputait dans les alcôves de la famille impériale, où il ne rencontra que des facilités, sinon des avances. Plus d’une fois Napoléon se fâcha, toujours en vain. Il était relativement pauvre, mais on lui avait donné un hôtel aux Champs-Élysées ; il possédait les plus beaux équipages de l’armée et trouvait cela tout simple. La reine Hortense ne lui fut pas plus rebelle que les autres, d’où, le 21 octobre 1811, provint un Charles-Auguste-Louis-Joseph, qui fut comte et ensuite duc de Morny.

Il est né à Paris, rue des Filles-du-Calvaire, dans une maison entourée d’un jardin clos de murs et que l’on avait louée pour la circonstance. Des joueurs d’orgue postés dans les environs n’auraient point permis d’entendre des cris et des gémissements, précaution excessive qui fut inutile. Quoi que l’on en ait dit, l’enfant eut un état civil régulier et le nom qu’il porta ne fut point un nom de fantaisie[7]. On avait découvert à Villetaneuse un vieil officier pauvre, fatigué de l’être, qui s’appelait Demorny et qui, moyennant une rente de six mille francs qu’il toucha jusqu’à sa mort, n’hésita pas à reconnaître l’enfant qu’il ne connaissait pas. Auguste fut élevé par la mère du comte de Flahaut, qui, en secondes noces, avait épousé le baron de Souza. Il vécut, dès son adolescence, dans la familiarité de Talleyrand, de Montrond[8], de Pozzo di Borgo, de Metternich, d’Alexandre de Girardin[9] ; ce n’est point en telle compagnie qu’il se forgea des principes bien rigides, mais il y apprit la science du monde à laquelle il excella. Il fut un des plus brillants officiers de l’armée française. Il donna sa démission en 1838, afin de ne point s’éloigner de la comtesse Le Hon[10], qui était alors dans tout l’éclat de sa beauté blonde et un peu vulgaire.

Il avait dans sa chambre à coucher un portrait de la reine Hortense et tirait vanité de son origine ; avant qu’il ne fût nommé duc et ne reçût pour armes les armes des anciens dauphins d’Auvergne, il portait l’écusson des Morny, au franc quartier d’or chargé d’une fleur d’hortensia de gueules, avec la devise : tace et memento. Lorsqu’il fut choisi pour présider le Corps législatif, le Punch publia une de ces fortes charges que les Anglais savent si bien faire. On voyait Morny assis au fauteuil de la présidence et tombé en rêverie ; il se disait : « Ma mère, c’est la reine Hortense ; mon père, c’est le comte de Flahaut ; l’empereur Napoléon III est mon frère, la princesse Louise Poniatowska est ma fille ; tout cela est naturel. » Après sa mort, lorsque le comte Walewski, fils de Napoléon Ier et de la comtesse Walewska, fut appelé à lui succéder, on cita le vers :

Chassez le naturel, il revient au galop.

D’une obligeance rare, suffisant, accoutumé aux succès, cherchant plus d’une mouture dans le même sac, brassant toute sorte d’affaires, expert aux bonnes mains, ne négligeant ni les gros, ni les petits bénéfices, il fit, défit, refit sa fortune plusieurs fois et mena, à notre époque, l’existence d’un grand seigneur du temps de Louis XV avec les soupers débraillés, la petite maison, la politique d’intrigues et la vie sans mesure. Il avait profité des leçons de Montrond, et l’élève se montra digne du maître. J’ai ouï conter à Alfred Mosselmann, qui était le frère de la comtesse Le Hon, une anecdote qui peint l’homme. Morny avait le goût des pierres ; il aimait surtout les rubis et les saphirs cabochons. Il achetait plus volontiers qu’il ne payait et ne s’inquiétait guère de laisser ses dettes en souffrance. Dans l’été de 1856, au moment où il venait d’être nommé ambassadeur extraordinaire en Russie pour représenter la France au couronnement de l’empereur Alexandre II, un bijoutier qui, je crois bien ne pas me tromper, se nommait Lemonnier, le pria de régler son compte dont le total s’élevait à une soixantaine de mille francs.

Morny l’ajourna à l’époque de son retour à Paris ; le bijoutier insista : il avait tablé sur cet argent, il avait des billets à payer, enfin il chanta l’antienne ordinaire aux fournisseurs armés de leurs factures. Morny lui dit : « Est-ce que les bijoux français sont frappés de droits de douane à leur entrée en Russie ? — Certainement, et même de droits considérables. — Ah ! les bagages du corps diplomatique sont exemptés de toute visite ; je vous attache à l’ambassade ; emportez vos plus belles parures ; vous les passerez en franchise et vous les vendrez là-bas avec cent pour cent de bénéfice. » Le bijoutier se confondait en remerciements et allait prendre congé. Morny l’arrêta : « Acquittez donc votre facture avant de partir. » L’honnête marchand de pierres s’exécuta ; le pot-de-vin était sérieux, mais le gain réalisé à Pétersbourg et à Moscou fut plus sérieux encore. Trois fois le bijoutier fut envoyé en mission « diplomatique » à Paris, pour en rapporter de nouveaux bijoux, et une fois à Londres, pour y acheter les joyaux de la reine d’Oude[11]. Alfred Mosselmann m’a affirmé que Morny avait été de moitié dans l’opération ; j’ai peine à le croire.

Il fut mêlé de près à l’expédition du Mexique, dont le résultat fut déplorable. Hortense Cornu considérait Morny comme un des principaux instigateurs de l’entreprise. Le conflit éclata, on se le rappelle, sur la réclamation d’une créance Jecker que le gouvernement mexicain, présidé par Juarez, refusait de reconnaître. La somme était de poids et, si je ne me trompe, dépassait soixante millions. Ce Jecker, qui devait, au mois de mai 1871, être assassiné par les gorilles de la Commune, avait émis des bons pour la valeur des dettes dont il réclamait le paiement. L’affaire semblait louche à l’Empereur, qui hésitait à se jeter dans cette aventure. Morny sans doute y avait intérêt, et ce fut lui qui se chargea de la mettre en œuvre.

L’impératrice Eugénie, fort écervelée, prodigue, dépensant un argent fou pour ses toilettes, en retard avec ses fournisseurs, était, malgré les libéralités de l’Empereur, toujours sans argent, ce que Morny se gardait d’ignorer. Il porta à l’Impératrice six millions en bons Jecker, que le Crédit Mobilier, gouverné par Émile et Isaac Pereire, escompta pour quatre millions cinq cent mille francs qui furent passés à « Profits et Pertes ». Les dettes de l’Impératrice furent payées et Morny eut, près de l’oreille de l’Empereur, une alliée qui poussa si bien à l’expédition que celle-ci fut décidée et se termina comme l’on sait.

Lorsque Morny, devenu subitement amoureux à Pétersbourg de Sophie Troubetskoï, qui avait seize ans, l’épousa au mois de janvier 1857, il écrivit à la comtesse Le Hon : « La France désapprouve notre liaison. » On en rit, la lettre fut montrée, car Mme Le Hon ne la cachait guère.

La pauvre femme était désespérée et se lamentait. Elle se vêtit de deuil et reçut comme veuve. On allait lui faire des visites de condoléance ; ce fut une comédie ; tout Paris y courut, l’Empereur le premier. Il y avait des intérêts en commun qu’il était urgent de régler ; mission délicate dont fut chargé le ministre des Finances, car il fallait éviter le scandale d’une réclamation que la vieille Ariane semblait décidée à confier aux tribunaux. On eut à examiner bien des paperasses, bien des comptes d’agent de change, bien des comptes de banquier. On fit une cote mal taillée. Morny restait débiteur d’une somme de trois millions ; l’Empereur la paya et Mme Le Hon sécha ses larmes.

J’étais en visite chez M. X…, au printemps de 1857, lorsque le comte de Morny y présenta sa femme. Quelle merveille ! La fée des Neiges ! Si blanche, si blonde, avec des yeux noirs étonnés et curieux ; elle était frêle, mignonne, comme l’on dit au pays d’Anjou, couverte de dentelles, avec des mains fluettes et le pied de Cendrillon. Morny semblait radieux ; on eût dit Jason montrant la toison d’or. Il avait une trentaine d’années de plus que sa femme, et dans sa joie on reconnaissait quelque peu de fatuité. Leur lune de miel dut être douce, mais elle s’éclipsa rapidement. Pour ce viveur, le mariage n’avait été qu’une bonne fortune. Les vieilles habitudes reprirent le dessus ; la petite maison ne fut pas fermée et toute fantaisie y trouva place.

Morny avait un ami intime qui n’était point pour le maintenir dans la bonne route ; c’était le marquis Fernand de Montguyon, dont le frère, général de mérite, avait — dit-on — épousé morganatiquement la duchesse d’Orléans. Ce marquis de Montguyon était le type même du « vieux beau », quoiqu’il eût toujours été assez laid ; teint fardé, maquillé comme une actrice, il avait une impudence d’allures et une impertinence de maintien dont on souriait ; il ne savait jamais le nom de personne ; pour désigner le duc de Malakoff[12] ou le prince de La Trémoille, il disait : « chose » ou « machin ». Quant aux petites gens, il les appelait : « Psitt ». Sa vie se partageait entre le club et les coulisses de l’Opéra, où il était de bon ton de ne rien lui refuser. Il lançait volontiers les femmes et pilotait les étrangers. Dans le monde des viveurs et des élégants, il avait une importance avec laquelle on avait pris l’habitude de compter.

Comme il est de bon ton d’avoir des croyances religieuses, il en avait. Il en donna des preuves qui furent louées par les chroniqueurs du temps. Une danseuse de l’Opéra, décharnée, fort laide, très agile, nommée Emma Livry, alluma sa jupe en passant près d’un bec de gaz, pendant une répétition, et fut brûlée. Elle était la fille d’une Emarot, qui avait été mime pour les ballets de caractère, et d’un certain baron de Chassiron. On disait plaisamment : « Comment un chat si rond a-t-il pu faire un chat si maigre ? » La pauvre fille souffrit cruellement. Fernand de Montguyon s’installa près d’elle et, jusqu’à la dernière heure, lui lut les Évangiles, l’Imitation de Jésus-Christ, l’Introduction à la vie dévote. Lorsqu’elle mourut, sa mère, Emarot, se montra inconsolable ; pour l’aider à calmer son chagrin, l’empereur Napoléon III, dont la main était toujours ouverte, sollicité par Morny, par le général Fleury et quelques autres familiers, lui accorda une pension de douze mille francs. La veuve d’un maréchal de France aurait-elle obtenu pareille aubaine ?

Comment Auguste de Morny, qui était un esprit fin et délicat, s’était-il lié d’une véritable amitié avec ce Montguyon ? Je ne le sais ; à l’armée, sans doute, où j’imagine qu’ils avaient été dans le même régiment. Compagnons de plaisirs, compagnons de jeu, compagnons d’armes, compagnons de vices, cela rapproche et soude parfois les natures les plus intellectuellement opposées. Montguyon, qui avait assisté Emma Livry pendant ses derniers jours, assista le duc de Morny à l’instant suprême, mais d’une autre façon. Morny se croyait simplement malade et ne se figurait point qu’il fût en danger. À la suite d’une consultation de médecins, il vit Montguyon revenir près de lui avec le visage altéré ; il lui dit : « Est-ce que l’on a de l’inquiétude ? » La réponse fut brutale et je la reproduis telle quelle : « Tu es foutu ; il faut mettre ordre à tes affaires. » Morny savait qu’un homme de race ne doit point pâlir devant la mort et ne pâlit pas.

Il fit appeler ses secrétaires, les hommes d’État avec lesquels il désirait s’entretenir une dernière fois et chargea Montguyon de brûler toutes les lettres — les lettres de femmes — contenues dans un meuble qu’il désigna. À la première brassée, le feu prit dans la cheminée ; alors Montguyon emporta les lettres par paquets et les jeta dans le water-closet ; il les enfonçait à l’aide d’un manche à balai, pendant que deux domestiques de confiance versaient de l’eau, à pleins bras, pour faciliter l’écoulement. Tout fut englouti — lettres d’actrices, lettres de duchesses, lettres de marquises, lettres de grisettes, lettres d’ambassadrices, lettres de princesses du sang — et disparut dans le gouffre que vidèrent les tonneaux de la voirie. Ce fut une scène horrible qu’Alphonse Daudet, ancien secrétaire de Morny, a racontée dans Le Nabab avec une exactitude scrupuleuse. Dans le même roman, le duc de Morny, qui est le duc de Mora, est assez fidèlement représenté. Quant au portrait de Fernand de Montguyon, peint sous le nom de Montpavon, il est éclatant de ressemblance.

Malgré ses défauts, malgré ses vices, malgré son immoralité intellectuelle, à cause d’elle peut-être, Morny était un homme politique de premier titre. Sa crânerie naturelle, son caractère, qui avait de la fermeté, lui faisaient concevoir de beaux projets et lui permettaient d’autant mieux de les exécuter qu’il n’était point homme à hésiter devant des scrupules de conscience ou à être arrêté par des principes. L’association de Morny et d’Émile Ollivier aurait sans doute été féconde ; celui-ci n’eût été qu’un sous-ordre et, malgré son incommensurable vanité, il eût subi, qu’il l’eût voulu ou non, l’influence d’une volonté plus sérieuse et moins stérile que la sienne. Si Morny eût vécu, aurait-il consolidé l’Empire, qui avait ramassé tant de causes de mort dans son propre berceau ? Je l’ignore, mais je crois qu’il en eût prolongé l’existence, car jamais il n’eût permis la folie de 1870. Lorsque la poussée libérale des élections de 1869 eut démontré à l’Empereur qu’il fallait changer de système, Morny dormait, depuis quatre ans, son dernier sommeil ; à côté d’Ollivier, il n’y avait plus de guide pour lui montrer la route ; c’est lui, lui seul, qui devait conduire la France sur les nouveaux chemins ; aveuglé par son infatuation, il ne voyait pas où il mettait les pieds ; il se jeta au précipice et nous avec lui.

  1. Comtesse de Boigne, veuve de Benoît Leborgne, comte de Boigne (1751-1830), officier français qui, de 1786 à 1794, commanda les armées d’un prince hindou. (N. d. É.)
  2. Pasquier (Étienne, duc), 1767-1862. Préfet de Police sous le Premier Empire, ministre sous Louis XVIII, président de la Chambre des pairs, après la révolution de 1830, fait chancelier en 1837 et duc en 1844. Reçu en 1842 à l’Académie française. (N. d. É.)
  3. Giraud (Eugène), peintre et graveur (1806-1881). (N. d. É.)
  4. Roqueplan (Nestor), 1804-1870. Littérateur et journaliste, dirigea successivement, de 1840 à 1860, les théâtres des Variétés, de l’Opéra et de l’Opéra-Comique, et fut chargé, en 1862, du feuilleton dramatique du Constitutionnel. (N. d. É.)
  5. Guéroult (Adolphe), 1810-1872. Homme politique et publiciste, directeur de La Presse (1857), fondateur de L’Opinion nationale (1859), député de 1863 à 1869. (N. d. É.)
  6. Je trouve dans l’Histoire générale des Émigrés, par H. Forneron, un renseignement intéressant sur l’origine du comte de Flahaut : « Une autre femme à bel esprit trônait en même temps à Hambourg : Adélaïde Filleul, veuve du vieux Flahaut. Elle avait déjà écrit son roman d’Adèle de Sénanges, mais elle était dans la misère, avec son fils, Auguste, le futur aide de camp du roi Louis Bonaparte. La mère Filleul avait été une des gardiennes des filles du Parc aux Cerfs ; c’était assez pour permettre à Adélaïde de se dire fille de Louis XV ; Adélaïde était une femme ardente qu’avait adorée, que haïssait Talleyrand, et dont tomba épris un frêle Portugais, le baron de Souza ; il l’épousa. » (Édit. in-16, 1884, t. I, p. 382-383.) (Note de l’Auteur.) Voir page 148, n. 1.
  7. Voici l’acte de naissance du duc de Morny : « L’an 1811, le 22 octobre, à midi sonné, par-devant nous, maire du 3e arrondissement de Paris, soussigné, faisant fonction d’officier de l’état-civil, est comparu le sieur Claude-Martin Gardien, docteur en médecine et accoucheur, demeurant à Paris, rue Montmartre, 137, division du Mail, lequel nous a déclaré que le jour d’hier, à dix heures du matin, est né chez lui un enfant du sexe masculin, qu’il nous présente et auquel il donne les prénoms Charles-Auguste-Louis-Joseph, lequel enfant est né de Louise-Émilie-Coralie Fleury, épouse du sieur Auguste-Jean-Hyacinthe Demorny, propriétaire à Saint-Dominique, demeurant à Villetaneuse, département de la Seine. Lesdites présentation et déclaration faites en présence des sieurs Alexis-Charlemagne Lamy, cordonnier, âgé de quarante-deux ans, demeurant à Paris, rue Buffault, 23, ami, et de Joseph Mauch, tailleur d’habits, âgé de quarante ans, demeurant à Paris, rue des Deux-Écus, n° 6, ami.

    « Lequel déclarant et témoins ont signé avec nous, après lecture faite. »

    Cet Auguste-Jean-Hyacinthe Demorny décéda le 5 avril 1814, à l’hospice de Versailles.

  8. Montrond (Clément Fourchent de), écrivain catholique (1805-1879). (N. d. É.)
  9. Girardin (Alexandre, comte de), 1776-1855. Général de l’Empire, puis premier veneur de Louis XVIII et de Charles X ; père du journaliste Émile de Girardin. (N. d. É.)
  10. Le Hon (comtesse), née Mosselmann, fille d’un grand industriel belge, épouse de Claude-Joseph Le Hon (1792-1868), diplomate belge, qui fut ambassadeur à Paris de 1848 à 1852. (N. d. É.)
  11. L’Oude (ou l’Aoude) : ancien royaume de l’Inde, annexé par les Anglais à leur empire en 1856. (N. d. É.)
  12. Ce titre avait été donné au général Pélissier, en même temps que le bâton de maréchal, le 8 septembre 1855. (N. d. É.)