Silhouettes contemporaines - Georges Goyau

Silhouettes contemporaines - Georges Goyau
Revue des Deux Mondes6e période, tome 58 (p. 317-332).




SILHOUETTES CONTEMPORAINES




VI[1]


M. GEORGES GOYAU






Un tout petit homme, maigre, menu, nerveux, au pas rapide, au geste vif, à la parole nette et concise, au bon sourire, au clair regard pur et fin tout ensemble… « Une haleine, une âme ! disait de lui François Coppée. Le minimun de matière mis au service d’un esprit. »

La première fois que j’ai entendu parler de Georges Goyau, c’était, — il y a plus de trente ans, — dans une de ces salles laborieuses et austères du lycée Henri iv qui ont vu passer tant de générations de futurs normaliens. Le délicieux Ernest Dupuy, — à la fois humaniste, érudit et poète, — nous initiait aux mystères du discours latin. Un jour, pour nous servir de modèle, il nous apporta et nous lut la copie qui, l’année précédente, avait obtenu le prix d’honneur au Concours général. Et je vois encore cet admirable maître dégustant avec volupté ce latin robuste, savant, ingénieux, dont la forte carrure cicéronienne s’ornait volontiers de traits à la Sénèque. Georges Goyau a beaucoup pratiqué Sénèque, et, — je signale l’argument aux détracteurs de la culture latine, — ce qu’il y a, parfois, d’un peu subtil, et même de précieux, dans son style, il le doit à la fréquentation de l’auteur des Lettres à Lucilius.

Georges Goyau était une des gloires du lycée Louis-le-Grand. Auparavant, il avait été l’une des gloires du lycée d’Orléans, où il avait eu pour maitre Anatole Bailly, l’auteur du Dictionnaire grec, qui l’avait bien vite distingué, et dirigé vers l’École normale. Élevé par une mère infiniment tendre et bonne, profondément chrétienne, et qui n’a vécu que pour son fils, quand il quitta pour Paris la vieille cité natale, où le culte de Jeanne d’Arc est une tradition séculaire, il emportait, avec un solide bagage de connaissances et de lectures, des directions très précises : beaucoup travailler, beaucoup savoir, conquérir quoique notoriété, afin de faire honneur à sa mère et de rendre témoignage à leur foi commune, tel était le noble programme de vie qui, de bonne heure, s’était imposé à la pensée de ce frôle adolescent. Il n’en devait jamais dévier.

La mère n’avait pas voulu quitter son fils : loin d’elle, dans la morose promiscuité des internats parisiens, il aurait moins bien travaille, soumis à des contacts plus rudes, sevré de la douce chaleur attentive du foyer maternel. On s’installa rue Gay-Lussac, à la porte de l’École normale, où, en 1888, après deux années d’intense préparation, le lauréat de Louis-le-Grand entrait cacique. Vous n’ignorez pas qu’on appelle ainsi à l’École le premier de chaque promotion.

Je ne crois pas que Georges Goyau ait gardé un mauvais souvenir de ses quatre années d’École normale. Ses camarades le taquinaient un peu, mais au fond, ils l’aimaient bien et ils étaient très fiers de lui : ils lui savaient gré de sa parfaite bonne grâce, de son ardeur à rendre service, de sa prodigieuse puissance de travail, de sa précoce érudition, et, sans bien s’en rendre compte parfois, ils subissaient le prestige de son élévation morale. Dans ce milieu juvénile et exubérant, ouvert aux quatre vents de l’esprit, son intelligence s’affina, s’assouplit, se prêta aux questions les plus diverses ; sa foi, qui semble d’ailleurs n’avoir jaunis subi aucune atteinte, s’aguerrit et se trempa, parmi ces discussions sans fin où se complait la vingtième année René Pichon, l’humaniste accompli, le philosophe Léon Brunschvieg, le futur éditeur de Pascal, appartenaient à cette promotion de 1888. Tout en suivant avec assiduité l’enseignement d’Ollé-Laprune et de Brunetière, Georges Goyau ne fut ni littérateur, ni philosophe : le maniement des idées abstraites ne le séduisait guère, et, d’autre part, il ne se sentait pas la vocation d’un pur lettré ; l’histoire, au contraire, avec la diversité d’aptitudes, de méthodes et d’informations, qu’elle exige aujourd’hui de ceux qui s’y appliquent, convenait admirablement à son tour d’esprit ; fervent de Bossuet, il avait appris à son école tout ce que l’histoire la plus objective peut receler de vertu apologétique ; il se fit donc historien. Sous la direction de Gabriel Monod, d’un excellent élève de Fustel de Coulanges, M. Gustave Bloch, du M. René Cagnat et de Mgr Duchesne, il s’initia à toutes les « sciences auxiliaire » de la discipline historique. L’histoire romaine, aux premiers siècles de l’ère chrétienne, l’attirait particulièrement, et c’est à cette période qu’il emprunta le sujet d’une thèse de doctorat qu’il a presque complètement écrite, mais qu’il n’a jamais soutenue, sur Dioclétien. Son riche fonds de culture classique, son activité d’esprit, son extrême facilité de labeur lui permettaient d’expédier rapidement ses travaux scolaires et de réserver le meilleur de son temps pour ses études personnelles. Grand dévoreur de livres, de journaux et de revues, servi par une étonnante mémoire qui retenait et classait tout, il accumulait sur tous sujets les connaissances les plus précises. Ses camarades le considéraient comme une encyclopédie vivante et le « feuilletaient » à l’envi, s’adressant à lui pour constituer la bibliographie de ce qu’ils appelaient — ironiquement — leurs « définitifs. » Dès sa seconde année d’École normale, il publiait une Chronologies de l’Empire romain, qui faisait l’émerveillement des hommes du métier. Il travaillait, en collaboration avec plusieurs de ses camarades, à un Dictionnaire des antiquités romaines. Ses maîtres s’instruisaient à ses leçons et étaient unanimes à lui prédire l’avenir d’un Fustel ou d’un Mommsen. Il acceptait ces prédictions avec la modestie souriante et discrète dont il ne devait jamais se départir. Et les meilleurs moments de cette vie d’intense labeur étaient ceux qu’il passait avec sa mère dans ce petit parloir de l’École où, chaque jour, on la voyait paraître, fine, menue, discrète et bonne, comme le fils dont elle avait créé l’âme à son image.

L’histoire d’autrefois n’absorbait pas tout entière la pensée de Georges Goyau ; l’histoire d’aujourd’hui le passionnait, et il ouvrait largement les yeux sur son temps. Ces années 1888-1892 marquent un moment décisif de la vie française. En politique, en littérature, en philosophie, partout, des tendances nouvelles se manifestent alors avec éclat. C’est le moment précis où la génération du second Empire, son œuvre finie, passe la main à celle qui lui succédera. Un « esprit nouveau » a soufflé. Ce qu’on a justement appelé le « scientisme, » décidément battu en brèche, fait place à une conception plus haute et plus large des choses et de l’homme. Le Disciple de M. Bourget, l’Essai sur les données immédiates de la conscience de M. Bergson, le Dix-huitième siècle d’Émile Faguet, qui paraissent coup sur coup, sont des témoignages divers, mais également significatifs de ce nouvel état d’esprit, qui, un peu plus tard, devait s’exprimer avec tant de vivacité dans l’article Après une visite au Vatican. À ces préoccupations nouvelles les « directions pontificales » et l’encyclique Rerum novarum faisaient noblement écho. Sur toutes les questions que soulevaient ces livres et ces manifestes, on discutait avec ardeur à l’École normale, et Georges Goyau n’était pas le moins ardent à prendre parti. Il faisait plus. En collaboration avec Jean et Bernard Brunhes, il publiait, sous l’anonyme, un petit livre intitulé Du Toast à l’Encyclique, qui ne passa point inaperçu, et qui était, en même temps qu’une exposition historique fortement documentée, une apologie assez batailleuse des doctrines politiques et sociales de Léon XIII. D’autre part, en compagnie de Jean et Bernard Brunhes encore, de Victor Giraud et de quelques autres normaliens, il collaborait à un journal hebdomadaire, la Concorde, qui, avec une fougue toute juvénile, applaudissait aux diverses manifestations de l’« esprit nouveau. » — « Une voix s’élève, — y disait l’un, — de plus en plus forte, de plus en plus éloquente, de plus en plus confiante aussi, et qui, s’adressant aux chefs de la génération précédente, s’écrie, désabusée : Ô maîtres, vous avez voulu nous abreuver de science. Mais la science nous a trompés. Nous croyions nous connaître, et nous ne savions pas comment vivre. Vous avez cru nous rendre plus sages : vous n’avez pas su nous rendre meilleurs. Puisque telle n’a pas été votre œuvre, il faut que ce soit la nôtre. » Si épris qu’il fût de science positive, Georges Goyau souscrivait à ces paroles, et, pour sa part, il travaillait à remplir ce programme. Le miracle était que, parmi tant d’occupations extra-scolaires, il trouvât encore le temps de préparer l’agrégation et d’y conquérir la première place. Il est vrai qu’il n’a jamais admis pour lui-même la journée de huit heures, et qu’il lui arrivait souvent de passer des nuits entières à sa table de travail. L’ascétisme est la condition de toutes les grandes œuvres.

Entre temps, il faisait la connaissance d’un homme qui devait exercer une influence considérable sur l’orientation de sa pensée et de ses travaux, et dont la personnalité originale mériterait une longue étude. Henri Lorin a été en France, dans les vingt dernières années du dernier siècle, le théoricien par excellence et l’apôtre du catholicisme social. Ancien polytechnicien, ami d’Albert de Mun et de La Tour du Pin, nourri de la Bible, des Pères de l’Église et de saint Thomas, il estimait que seul le catholicisme intégral est qualifié pour résoudre suivant la justice les angoissantes questions sociales que pose la vie contemporaine ; il avait conçu tout un système, rigoureux et hardi, qui battait fortement en ruine les théories économiques mises en honneur par la Révolution et par l’école dite libérale ; pour réformer notre régime actuel du salariat, il appelait de ses vœux une sérieuse législation sociale et une sage organisation professionnelle. Il avait rallié à ses vues nombre de catholiques intelligents et généreux ; ce n’était pas un chef d’école, mais c’était un chef de groupe. Très écouté à Rome, estimé et aimé de Léon XIII et du cardinal Rampolla, il y a quelque chose de lui, de ses idées, dans l’encyclique Rerum novarum. Il n’était ni orateur, ni écrivain : mais c’était un brillant et séduisant causeur ; et de sa parole chaude et incisive, un peu tranchante parfois, de toute sa personne robuste, franche et cordiale, il se dégageait une telle puissance de vie, de générosité et d’idéalisme, qu’il était difficile de ne pas se laisser convaincre. Il se plaisait à grouper dans son salon du faubourg Saint-Honoré tous les catholiques d’action et d’avenir qui vivaient ou passaient à Paris ; il aimait les jeunes et il s’en entourait volontiers. Jean Brunhes, René Pinon, Maurice Masson, Édouard Le Roy, Maurice Legendre se rencontraient autour de sa table hospitalière. Idées, suggestions, projets de toute sorte naissaient, s’échangeaient, dans cette atmosphère intelligente et sympathique, sous les regards aimables et les sourires encourageants du maître de la maison. Georges Goyau fut bientôt l’un des hôtes favoris de l’accueillante demeure ; il devint à son tour un fervent adepte du catholicisme social, et, plus d’une fois, il a repris, filtré, précisé des vues d’Henri Lorin.

Pour un normalien que l’histoire de l’antiquité attire, il y a un supplément de culture et d’initiation qui s’impose : c’est celui que procure un séjour aux Écoles françaises de Rome ou d’Athènes. Deux années durant, Georges Goyau fut un des pensionnaires du palais Farnèse. Il y poursuivit ses recherches d’archéologie et d’histoire romaines, poussa son Dioclétien ; mais la Rome moderne, avec laquelle il avait pris, deux ans auparavant, un rapide contact, l’intéressait plus vivement encore que la Rome antique. Pour qui sait voir et entendre, en effet, il n’y a pas au monde d’observatoire comparable à celui-là. Et c’est ce que l’excellent M. Geffroy, directeur de l’École, prêchait sans relâche à ses élèves. Un jour, il leur signalait, pour joindre l’exemple au précepte, une remarquable Lettre de Rome qui venait de paraître au Journal des Débats : il ne se doutait guère que l’auteur de cette Lettre anonyme était précisément l’un de ceux qui l’écoutaient, et qu’il s’imaginait enfoui dans ses travaux d’érudition, Georges Goyau en personne. Celui-ci, que sa mère avait accompagné à Rome, avait eu de bonne heure ses entrées au Vatican et chez notre ambassadeur auprès du Saint-Siège, M. Lefebvre de Béhaine. Léon XIII, qui avait deviné la qualité d’âme et de pensée que recouvrait la modestie charmante de ce jeune Français, l’accueillait volontiers, lui prodiguait les encouragements et les conseils. Le cardinal Rampolla s’était pris d’une vive amitié pour lui, et l’on conte, — est-ce une légende ? — qu’il arrivait au futur auteur de l’Allemagne religieuse de se présenter en pantoufles chez l’illustre secrétaire d’État. Plus tard, Georges Goyau, mettant à profit les admirables travaux historiques du cardinal, devait écrire sur Sainte Mélanie un petit livre solide et charmant, que le grand public non seulement religieux, mais profane, a très chaleureusement accueilli. Nul doute, en tout cas, qu’au contact de ce monde romain, si souple et si habile, l’esprit de finesse et de diplomatie, qu’il avait inné, ne se soit aiguisé encore et développé en lui. À ceux qui ont quelque tendance à trop vivre dans les livres, la connaissance et le maniement des hommes apportent toujours le plus heureux des correctifs.

Eugène-Melchior de Vogué avait été très frappé des Lettres romaines qu’il avait portées lui-même aux Débats. Avec cette chaleur d’intuition et de sympathie qui le caractérisait, il avait deviné dans ces pages une personnalité de tout premier plan. Il voulut en connaître directement l’auteur. Se trouvant à Rome, il lui arriva de décliner une invitation au palais Farnèse pour dîner en tête à tête avec Georges Goyau. D’affectueuses relations s’établirent entra eux. Ce fut Vogüé qui écrivit l’éloquente conclusion du livre que, en collaboration avec deux autres « Romains, » le regretté Paul Fabre et M. André Pératé. Georges Goyau composait alors sur le Vatican, les Papes et la Civilisation¸ et qui contient peut-être quelques-unes de ses pages les moins connues et les plus belles. Plus d’une fois, en lisant cette Vue générale de l’histoire de la Papauté qu’il y a insérée. — « vue» un peu trop systématique peut-être, mais singulièrement originale et suggestive, — on ne peut s’empêcher de penser à la manière puissamment abréviative et impérieusement entraînante du Bossuet de l’Histoire universelle[2]. Georges Goyau n’a jamais choisi de médiocres modèles.

Il ne s’en tenait pas là. Sous le pseudonyme symbolique de Léon Grégoire, il avait publié, avant de quitter Rome, un livre qui, en même temps qu’un livre d’histoire, était un acte, et qui dut profondément réjouir le cœur de Léon XIII. Ce livre, intitulé le Pape, les Catholiques et la Question sociale, fut soumis à Brunetière, qui en admira la vigoureuse construction, la fougue intérieure, la forte et persuasive dialectique. Il connaissait son ancien élève. De son coup d’œil aigu et rapide, il vit le parti qu’on pouvait tirer d’un esprit déjà si riche, d’un talent déjà si mûr. Il lui fit des ouvertures. Vers le même temps, l’Université de Fribourg en Suisse proposait à Georges Goyau une chaire de langue et de littérature latines. Au fond, il n’avait qu’à moitié la vocation de l’enseignement; il avait bien plutôt celle de publiciste ; et, pour l’avenir des idées qui lui étaient chères, la retentissante tribune qu’on lui offrait était bien faite pour le tenter. Il accepta les ouvertures de Brunetière, qui était pressant, presque impérieux. Georges Goyau fut attaché à la Revue ; Brunetière l’envoya en Allemagne étudier la pensée sociale et l’histoire religieuse de nos voisins d’outre-Rhin. Il avait vingt-cinq ans. Plus que beaucoup d’autres à trente, il était armé de faits, de méthodes et d’idées. Sa vraie carrière commençait.

Elle s’est déroulée presque tout entière ici même. Plus de vingt-cinq volumes, fortement documentés, riches d’aperçus de toute sorte, magistralement composés et construits, voilà ce qui compose cette œuvre imposante d’historien. Je dis bien : d’historien. Car si l’on peut répartir en trois principaux groupes, — études religieuses, études sociales, études politiques, — ces vingt-huit ou trente volumes, et si toute une philosophie, très nette et parfaitement cohérente, s’en dégage, les substructions, la méthode, l’esprit même de cette œuvre sont rigoureusement d’un historien.

Quel que soit en effet le sujet auquel s’applique Georges Goyau, son premier soin, avant de le traiter, est d’utiliser et d’épuiser toute l’information positive qu’il comporte. Étude minutieuse et critique des faits, dépouillement méthodique des documents et des textes, recherche des sources, examen consciencieux des ouvrages antérieurs, enquêtes patiemment conduites sur place, interviews même, il n’est aucun des procédés d’investigation en usage et en honneur parmi les praticiens les plus déterminés de l’histoire « scientifique, » auquel il ne recoure pour découvrir l’exacte vérité sur les hommes, les événements, les institutions, les mouvements d’idées qu’il se propose de connaître et de faire connaître. De là tous les solides « dessous » de ses moindres pages, « dessous » qui se font discrètement sentir aux plus profanes, mais que seuls des spécialistes peuvent apprécier à leur juste valeur. Ceux-là savent qu’il est tel des articles de Georges Goyau qui leur résumera toute une bibliothèque et où ils trouveront non seulement une impeccable documentation livresque, mais encore ces mille renseignements épars et précieux que la vue des choses et le contact des personnes vivantes peuvent seuls fournir, et auxquels rien ne supplée. Les Allemands avouent qu’ils n’ont rien de comparable, — même de très loin, — à l’Allemagne religieuse.

L’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la Suisse, voilà les quatre pays qu’a particulièrement explorés Georges Goyau, et sur la mentalité desquels il nous a rapporté des informations de tout premier ordre. Non sans peine quelquefois, et non sans difficultés et aventures de toute sorte. Sous le ministère Crispi, ses allées et venues avaient fini par attirer l’attention de la police politique italienne. À Milan, il tombe malade, et dans l’hôtel où il s’est fait inscrire comme élève de l’École française de Rome, il fait venir un médecin italien. Celui-ci l’ausculte consciencieusement et lui dit : « Vous faites des correspondances politiques! » Il était trop bien renseigné ! Une autre fois, en Styrie, — Georges Goyau préparait alors son admirable et prophétique article sur l’Allemagne en Autriche, — il va voir un évêque pour l’interroger sur le mouvement du Los von Rom, et lui présente des lettres d’introduction du cardinal Matthieu et du cardinal Kopp. L’évêque croit ces lettres fausses, et le seul service qu’il consente à rendre à son visiteur est… de lui offrir l’aumône. Pareil accueil dans tous les milieux ecclésiastiques de la région. Le voyageur éconduit s’informe, et il finit par apprendre qu’il était le quatrième Français circulant depuis le début de l’année dans ces parages : les trois premiers avaient tué ou assassiné, et l’un d’entre eux avait même dévalisé la cassette épiscopale.

Georges Goyau n’a jamais dévalisé que des bibliothèques. Ses matériaux une fois réunis et classés, il les met en œuvre avec un art savant et ingénieux qu’il faut essayer de définir. Il consiste essentiellement à laisser parler les faits. Par des citations habilement amenées, par des analyses, des résumés, des réflexions adroitement groupées et enchaînées, l’historien donne l’impression que les événements qu’il raconte, baignés en quelque sorte dans une calme atmosphère intellectuelle, se déroulent successivement sous nos yeux. Et il y a dans son ton une telle sérénité, une si évidente probité, un si manifeste désir de ne rien déguiser de la réalité, un tel besoin d’impartialité à l’égard même des doctrines ou des hommes qui lui sont le plus profondément antipathiques, que le lecteur se sent bien vite en confiance, et qu’il ne tarde guère adonner son adhésion. — Est-ce à dire que les jugements portés par l’écrivain sur les faits, les idées ou les personnages dont il retrace l’histoire ne se ressentent jamais de ses convictions propres ? Ce serait l’avoir bien mal lu que de le prétendre. Quand il parle des hommes dont la vie et la pensée lui sont chères, insensiblement son ton s’élève et s’échauffe et trahit le sentiment personnel qui l’anime. Au contraire, quand il lui arrive de mettre en scène des hommes ou des doctrines que, dans son for intérieur, il croit néfastes, presque à son insu son exposition se relève et s’égaye parfois d’une petite pointe d’ironie, à peine saisissable, mais fort spirituelle, et qui suffit à nous avertir qu’il n’est point dupe. Et tout ceci pour ne rien dire des jugements et des conclusions, par où s’échappe sa pensée de derrière la tête, et qui, évidemment, seraient tout autres, si ses croyances étaient elles-mêmes différentes.

J’estime que rien n’est plus légitime que cette attitude. L’impartialité en histoire ne consiste pas, comme on se l’imagine parfois, à ne jamais prendre parti, à tout mettre, hommes et choses, sur le même plan, à prodiguer aux doctrines, aux personnalités les plus opposées la même sympathie, — ou plutôt la même banale indifférence. Elle consiste au contraire, et uniquement, à ne pas juger trop vite, à s’entourer de tous les éléments d’information qui peuvent nous amener à modifier, corriger ou atténuer les réactions toutes spontanées de notre sensibilité, à ne jamais altérer la réalité des faits ou des doctrines que l’on expose, à s’efforcer enfin d’être juste envers tout le monde, amis et adversaires. À entendre certains partisans de l’histoire dite « scientifique, » — laquelle n’est qu’un mythe, — on pourrait croire que l’élaboration de la vérité historique se fait aussi simplement, aussi infailliblement dans l’esprit de l’historien que la combinaison d’un acide et d’une base dans une éprouvette de laboratoire. Ils oublient que l’éprouvette est ici une âme humaine, une force spirituelle indépendante et irréductible qui, déjà, est intervenue nécessairement dans le choix des matériaux qu’elle utilise, et qui, non moins nécessairement, s’ajoute à eux pour les pénétrer de sa propre substance. Vouloir éliminer en histoire « l’équation personnelle, » obliger l’historien à n’être en quelque sorte qu’un simple appareil enregistreur, c’est d’abord chose impossible et illusoire, et, si c’était possible, ce serait le réduire à la plus parfaite insignifiance. Bacon disait de l’art qu’il est l’homme ajouté à la nature, homo additus naturæ ; il faut dire de l’histoire qu’elle est, et qu’elle ne peut pas ne pas être l’homme ajouté aux faits, homo additus rebus.

Georges Goyau, — et il faut l’en louer, — a mis sa personne dans son œuvre. Il est trop évident qu’un protestant convaincu ne raconterait pas tout à fait comme lui l’histoire du Protestantisme allemand, ou celle de Genève. Mais il est intervenu dans les opérations de son esprit avec tant de discrétion, il s’est soumis à l’objet de son étude avec une si scrupuleuse loyauté, il s’est efforcé avec une si touchante bonne foi de comprendre et de faire comprendre les idées et les personnalités qui lui étaient le plus naturellement étrangères, que ceux-là même qui résistent le plus vivement à ses conclusions s’instruisent et s’éclairent, en le lisant, sur les sujets qu’ils croient le mieux connaître. Il ne serait pas très malaisé, à l’aide de quelques menues retouches, d’extraire de ses œuvres une apologie complète et fort persuasive de l’individualisme protestant. Je sais des protestants qui goûtent fort les études sur le Protestantisme allemand et genevois, et les deux volumes sur Genève ont été récemment l’objet d’un rapport extrêmement élogieux de M. Ferdinand Buisson.

Et de même qu’il sait rendre à ceux qui ne partagent point ses idées une très exacte justice, Georges Goyau se garde bien de flatter ses coreligionnaires et de les suivre jusque dans leurs erreurs. Il a su dire, le cas échéant, des vérités assez dures à certains catholiques français. Et, en dépit des sollicitations qui lui venaient d’outre-Rhin, il a cru devoir arrêter à la mort de Bismarck l’histoire du catholicisme allemand : c’est qu’il voyait le parti du noble Windthorst abdiquer peu à peu devant l’Empereur luthérien et devenir le parti domestiqué d’Erzberger. La guerre étant venue rendre cette transformation criante, il en esquissa l’instructive histoire dans un article, puis dans une brochure, dont les courtoises sévérités furent douloureuses aux hommes du Centre. La Gazette populaire de Cologne qui jusqu’alors avait apprécié d’une façon très flatteuse les travaux historiques de Georges Goyau, déclara sans ambages que « la guerre l’avait rendu fou. » On ne sait pas, en Allemagne, rendre courtoisement hommage à la clairvoyance religieuse et patriotique.

Comme tous les écrivains modernes, que les hasards de l’actualité sollicitent dans les directions les plus diverses, Georges Goyau, en marge de ses grandes œuvres, a écrit un grand nombre d’essais ou d’articles dont l’unité intérieure nous échapperait un peu, si l’auteur n’avait pris soin de nous l’indiquer par le titre même sous lequel il les a recueillis : Autour du catholicisme social. Sans négliger, certes, les autres aspects du catholicisme, c’est sous cet aspect particulier qu’il l’envisage le plus volontiers. Convaincu que pour résoudre les conflits sociaux dont nous souffrons, et qui vont s’exaspérant tous les jours, seul le catholicisme est capable de fournir une doctrine pleinement satisfaisante, c’est cette doctrine qu’il s’efforce de dégager de tous les faits, anciens ou nouveaux, qu’il est conduit à étudier, de tous les livres qui s’offrent à son attention. Et ainsi se sont formés au jour le jour ces cinq recueils d’études extrêmement variées, attachantes et suggestives. Portraits d’écrivains ou d’hommes d’action morts ou vivants, discussions d’idées ou de faits, essais sur des livres qui viennent de paraître, méditations même, il y a un peu de tout dans ces alertes et pleins volumes. Je sais des lecteurs, — et des lectrices, — que les dimensions imposantes de l’Allemagne religieuse effraient un peu, et qui goûtent vivement ces ouvrages. Sous une forme plus libre, moins impersonnelle et plus variée, ils y retrouvent toutes les qualités d’information, de vigueur, d’autorité et d’élévation spirituelle qui forment l’habituel apanage de l’écrivain ; et ils sont heureux d’y voir reparaître, à tous les tournants, s’enrichissant progressivement de nuances et de précisions nouvelles, l’idée maîtresse, dont il poursuit inlassablement l’illustration. Cette idée, dont l’histoire française de demain pourrait bien mettre définitivement en lumière la profonde justesse et la fécondité, est que le catholicisme, bien conçu et généreusement pratiqué, loin d’être la grande « force de réaction » que dénoncent les préjugés à la mode, est au contraire l’une des grandes forces sociales de l’avenir. Pour régler les rapports, si souvent faussés, entre le capital et le travail, entre l’État et les individus, l’Église dispose non seulement d’indications théoriques, mais de directions pratiques éprouvées. Qu’elle n’hésite pas à approfondir, à développer ses réserves doctrinales, à pousser à l’action positive ceux qui viennent à elle. Et un jour viendra, plus prochain peut-être qu’on ne pense, où, sur ce terrain imprévu, se rencontrant avec elle, le monde étonné devra constater que tous les progrès qu’il avait conçus, tous les rêves de justice sociale dont il s’était enivré, tout cela était contenu en germe dans la divine parole : Misereor super turbam...

Dans l’intervalle de ses études d’histoire religieuse, Georges Goyau avait été amené à s’occuper de diverses questions d’histoire politique et scolaire. De très nombreux documents épistolaires sur les origines de la Ligue de l’enseignement, d’autres pièces imprimées qui n’ont jamais été déposées à la Bibliothèque nationale, mais que certaines bibliothèques privées ont précieusement conservées, avaient été mis libéralement à sa disposition. En dépouillant avec sa conscience habituelle ces multiples documents, il se rendit compte que l’anticléricalisme, dans la France contemporaine, avait, en fait, partie liée avec des doctrines qui, sous le couvert d’un vague humanitarisme et d’un pacifisme militant, aboutissaient à la négation de l’idée de patrie. Les deux causes qui lui tenaient le plus au cœur, le catholicisme et la France, se trouvaient ainsi compromises par d’insidieuses campagnes et des menées ténébreuses qu’il s’agissait de dénoncer à l’opinion publique. L’historien de l’Allemagne religieuse n’hésita pas ; et sans quitter le terrain solide de la stricte histoire documentaire, il se mit courageusement à l’œuvre. Ainsi sont nés ces livres sur l’École d’aujourd’hui, sur l’Idée de patrie et l’humanitarisme, qui ont ouvert les yeux à tant d’honnêtes gens imprudents ou mal informés, et qui n’ont pas peu contribué, dans les années où se préparait la grande crise européenne, à assainir l’atmosphère morale. Si, entre 1910 et 1914, l’anticléricalisme a été un peu en baisse en France, si l’on y a parlé d’ « apaisement, » si, même dans les milieux primaires, l’inquiétude patriotique s’est fait jour, si, en un mot, « l’union sacrée » en face de l’éternel ennemi se préparait dans les consciences françaises, les livres de Georges Goyau y sont certainement pour quelque chose.


Il travaillait ainsi avec une activité infatigable, cherchant, pour sa modeste part, à réconcilier « l’Eglise et le siècle, » ensevelissant dans de nouveaux livres et de bonnes œuvres les grandes douleurs intimes qui ne lui avaient pas été épargnées, quand la guerre éclata. Quoique l’Allemagne, qu’il connaissait si bien, lui fût un sujet de préoccupation constante, je ne crois pas qu’il ait, plus que beaucoup d’autres, prévu l’atroce conflit. Il voyageait en Suisse, Il venait de passer plusieurs mois à Genève, enquêtant sur l’histoire de la « ville-Église, » expliquant dans certains milieux protestants qui lui avaient demandé des conférences les choses du catholicisme. Il s’empressa de repasser la frontière, reprenant à son compte la belle parole de Théophile Gautier en 1870 : « On bat maman, j’accours ! » Et n’étant pas soldat, il se mobilisa lui-même au poste où il pouvait être pratiquement le plus utile, dans ce service de santé, dont les douloureuses imperfections et les invraisemblables lacunes témoigneront devant l’histoire du coupable aveuglement de nos politiciens pacifistes, et qui, plus que tous les autres peut-être, avait besoin que le dévouement, la méthode, l’esprit d’organisation vinssent suppléer aux néfastes imprévoyances de l’avant-guerre.

Quatre années durant, sans un jour de relâche, Georges Goyau fut sur la brèche. À la question qu’il faut poser à tout Français : « Qu’avez-vous fait pendant la guerre ? » il pourra répondre qu’il aura contribué à sauver plus d’une vie française ; et celles qu’il n’aura pu sauver, son inlassable charité aura su leur adoucir leurs derniers moments. Non content d’administrer avec son habituelle et scrupuleuse conscience un hôpital auxiliaire, il apportait sa précieuse collaboration aux services de la Croix-Rouge. Cette vie toute nouvelle pour lui, toute pleine d’humbles devoirs quotidiens, et comme fondue dans le sacrifice anonyme de la collectivité française, avait interrompu tous ses travaux commencés. Il avait à peu près renoncé à écrire. Les trois ou quatre articles qu’il a pu, en prenant sur ses veilles, par un rude effort de volonté, rédiger en marge de ses absorbantes occupations, sont encore des actes, et des actes de guerre. Sans abdiquer la méthode historique, il dénonçait les capitulations successives des catholiques allemands devant les prétentions antichrétiennes de l’Empire évangélique, les hypocrites menées germaniques qui, sous couleur d’exploiter les divisions entre Flamands et Wallons, avaient pour objet de rompre le front intérieur de la Belgique amie et alliée ; il mettait en un vigoureux relief le rôle de l’Église de France pendant la guerre ; enfin, il dressait en pied la haute et noble figure du cardinal Mercier. Aucune déclamation dans ces pages ; une grande objectivité de manière, de méthode et de ton ; mais, au frémissement involontaire de certaines phrases, on sent la vibrante émotion qu’elles recouvrent. Plus que personne, l’historien du Vatican a compris que la guerre qui a désolé notre sol était, dans son fond, une véritable guerre religieuse, et que ce qu’elle a mis ou remis en question, c’est l’avenir même de la civilisation chrétienne.

Cette civilisation encore une fois sauvée, non pas uniquement, mais principalement par la France, il s’agissait de dissiper certains malentendus qui, au cours, des siècles, mais plus particulièrement dans les dernières années, s’étaient glissés entre la « nation apôtre » par excellence et l’Église catholique, malentendus qui expliquent, sans toutefois la justifier complètement, l’attitude de certains catholiques neutres à l’égard de la France pendant la guerre. Ce fut l’objet du petit livre intitulé : Ce que le monde catholique doit à la France. Il s’agissait, d’autre part, de montrer que, dans l’Europe nouvelle, en quête d’un nouveau droit international, l’Église, enfin libérée de certaines servitudes qui avaient entravé sa mission, avait son mot à dire et son rôle à jouer, et qu’elle se trouvait replacée par l’histoire dans la grande voie royale de sa destinée. La conclusion de toutes ces constatations diverses était que la France, — la France victorieuse de 1918, la France des Croisades et de cette Jeanne d’Arc que l’Église vient de canoniser, — ne peut plus ignorer Rome, et qu’il y a entre les intérêts français et les intérêts catholiques une sorte d’harmonie préétablie que tout commande de respecter et de renforcer. Le livre l’Église libre dans l’Europe libre venait prêter un corps à ces idées. Une fois de plus, Georges Goyau exprimait la si bien la pensée profonde de la génération à laquelle il appartient, que l’événement n’allait guère tarder à lui donner raison.

Si modeste qu’il fût, Georges Goyau avait fini par se rendre aux vœux de tous ses nombreux amis, de toute cette jeunesse qui s’est nourrie de ses articles et de ses livres et qui le considère comme un maître, et il avait posé sa candidature à la succession académique d’Émile Faguet. Il eût fait un bel éloge de l’auteur du Dix-huitième siècle. L’éloge d’Émile Faguet sera prononcé par Georges Clemenceau, devant lequel les candidatures les plus justifiées ont tenu à honneur de s’effacer. L’historien de l’Allemagne religieuse s’est remis au travail avec joie. M. Hanotaux a eu l’heureuse pensée de lui demander sa collaboration à la grande Histoire de la nation française que, dans un récent article, M. Louis Madelin signalait aux lecteurs de la Revue ; il lui a proposé de compléter et de couronner son œuvre par une Histoire religieuse de la France, qui nous manque encore et que tout le prédestinait à écrire : ses goûts, ses idées, ses travaux antérieurs, son désir d’apostolat, la nature de son talent, si religieux et si français tout ensemble. Ce grand livre, — qui aura la bonne fortune d’être illustré par Maurice Denis, — est fort avancé ; ce sera probablement le chef-d’œuvre de Georges Goyau, et je sais que d’excellents juges, qui en connaissent certaines parties, déclarent qu’il n’a rien écrit de plus parfait, de plus profond et de plus fort. On les en croit sans peine. Les plus beaux livres, dans tous les ordres, sont ceux qu’on a longtemps portés, parfois presque involontairement, en soi et dans lesquels on peut se mettre tout entier. Après avoir tant médité sur le problème religieux, sur le génie et les destinées de la France, après avoir, par mille travaux d’approche, investi telle ou telle portion de ce vaste sujet, l’auteur du Vatican est admirablement préparé à retracer dans un tableau d’ensemble, la vie religieuse de son pays à travers dix-neuf siècles d’histoire. Et son livre, paraissant à une époque de restauration morale et sociale, pourra être une sorte de Génie du Christianisme, très différent de l’ancien et tel qu’il convient à notre temps.


Ceux qui savent lire, et auxquels les renommées bruyantes n’en imposent guère, n’auront pas attendu ce moment-là pour reconnaître en Georges Goyau l’un des écrivains qui, par l’abondance et la qualité de leur œuvre, font le plus d’honneur à la pensée française d’aujourd’hui. Et si par hasard ils ont vécu, ou même simplement voyagé à l’étranger, ils ont pu constater, et non pas seulement dans les milieux catholiques, de quelle estime respectueuse est entouré son nom. Nous avons en France trop de tendance à croire que la littérature d’imagination est toute la littérature, et que tel roman à la mode ou telle petite pièce de théâtre suffit à témoigner de la persistante vitalité de l’esprit français. Si nous franchissons nos frontières, nous serons vite détrompés. Les étrangers cultivés lisent nos bons romans pour se divertir; mais les ouvrages qu’ils lisent pour s’instruire, voilà ceux qui comptent à leurs yeux. Taine et Renan, Brunetière et Vogué n’auraient pas eu la réputation européenne qu’ils ont conquise, s’ils n’avaient pas satisfait à ce besoin primordial. Parmi les écrivains français qui viennent d’atteindre la cinquantaine, il en est peu dont la réputation soit, hors de France, aussi solidement assise que celle de Georges Goyau

Fidus.
  1. Voyez la Revue des 15 janvier et 15 mars, 15 avril, 15 mai et 15 juin 1920.
  2. Rendant compte de ce livre dans une revue allemande, le baron de Hertling, le futur chancelier impérial, ne ménageait pas les éloges à l’auteur, mais il le trouvait trop… « démocrate ! »