Sermon LXXXIX. Le figuier maudit.

Œuvres complètes de Saint Augustin (éd. Raulx, 1864)


SERMON LXXXIX. LE FIGUIER MAUDIT[1]. modifier

ANALYSE. – Ce figuier maudit par Notre-Seigneur désigne la partie stérile de la Synagogue réprouvée par lui, comme la montagne qu’il donne à ses Apôtres le pouvoir de jeter dans la mer, figure la foi chrétienne qui devait s’implanter au sein des vagues de la gentilité. La preuve que Jésus avait en vue autre chose que le figuier, c’est que la malédiction lancée sur cet arbre serait autrement inexplicable, car si Jésus n’y trouva pas de fruits, un Évangéliste, observe que la saison des fruits n’était pas arrivée. – Il ne faut donc pas prendre à la lettre ce qui est dit du Sauveur, qu’il alla vers cet arbre pour y cueillir du fruit. J’oserai affirmer qu’il feignit de vouloir cri cueillir, comme il feignit, devant les disciples d’Emmaüs, de vouloir aller plus loin. De même en effet qu’il y a des paroles que l’on doit prendre dans le sens littéral, d’autres qui ne s’expliquent que dans le sens figuré, d’autres enfin qui comportent l’un et l’autre sens ; ainsi il y a des actions qui s’expliquent par elles-mêmes, il en est d’autres que fou doit regarder uniquement comme des symboles, et d’autres enfin qui sont à la fois historiques et figurées. Celles qui sont simplement symboliques peuvent être nommées des fictions. Telles sont la recherche des fruits sur le figuier et la volonté d’aller plus loin, à Emmaüs.


1. La dernière lecture qu’on vient de nous faire, du saint Évangile, est une invitation formidable à ne pas porter des feuilles sans fruits. Si le fait est rapporté en peu de mots, c’est sans doute afin qu’il n’y ait pas abondance de paroles et disette d’actions ! Quel sujet de frayeur ? Et qui ne craindrait en voyant des yeux du cœur, dans le récit sacré, un arbre desséché tout-à-coup, et desséché au point qu’on lui dit : « Que jamais ; qu’éternellement fruit ne naisse de toi ? » Que cette frayeur nous corrige et une fois corrigés portons des fruits : Sans aucun doute, effectivement, le Christ Notre Seigneur avait en vue une espèce d’arbre qui méritait d’être desséché pour avoir porté des feuilles sans fruits. Cet arbre est la Synagogue, non pas la Synagogue élue, mais la Synagogue réprouvée. Car c’est de la Synagogue que sortait le vrai peuple de Dieu, ce peuple qui attendait réellement et sincèrement le salut de Dieu, Jésus-Christ prédit dans les prophètes. Aussi pour l’avoir fidèlement attendu, mérita-t-il de jouir de sa présence. De là venaient les Apôtres et toute cette foule qui précédaient le Seigneur sur sa monture et qui s’écriaient : « Hosanna au Fils de David ! Béni Celui qui vient au nom du Seigneur[2] ! » Car il y avait un grand nombre de Juifs fidèles, oui un grand nombre de Juifs qui croyaient au Christ avant même que pour eux il eut versé son sang. Était-ce en vain qu’il n’était venu en personne que vers les brebis perdues de la maison d’Israël[3] ? D’autres lui offrirent, quand il fut crucifié et monté au ciel, des fruits de pénitence. Il ne dessécha point ceux-là, au contraire il les cultiva avec soin dans son champ et les arrosa de l’eau de sa parole. De ce nombre étaient les quatre mille Juifs qui crurent en lui au moment où ils virent ses disciples et ceux qui les accompagnaient, remplis du Saint-Esprit et parlant les langues de tous les peuples ; don des langues qui annonçait en quelque sorte la future propagation de l’Église dans tout l’univers. Ces Juifs crurent donc alors ; aussi faisaient-ils encore partie des brebis perdues de la maison d’Israël que le Fils de l’homme retrouva également, parce qu’il était venu chercher et sauver ce qui était perdu [4]. Au milieu de quels buissons n’avaient-elles pas été entraînées et cachées par les loups ravissants ? Aussi le Sauveur ne parvient à les découvrir qu’en se faisant déchirer par les épines de la passion. Il y parvint cependant, il les trouva et les racheta. Ces malheureux dans leur fureur s’étaient donné la mort autant qu’à lui : ils durent leur salut au sang répandu pour eux. Car ils furent contrits en entendant les Apôtres ; ils avaient percé le Sauveur d’une lance, ils se sentirent blessés dans la conscience. Sous ce sentiment de componction ils demandèrent conseil, ce conseil leur fut donné, ils le reçurent, firent pénitence, trouvèrent grâce et burent avec foi le sang versé par eux avec fureur.[5] C’est ce qui reste aujourd’hui de cette race, maudite et stérile jusqu’à la fin des siècles, qui a été figuré par cet arbre. Tu viens à eux et tu y trouves tous les écrits des prophètes. Mais ce ne sont que des feuilles. Le Christ a faim, le Christ cherche du fruit ; mais il n’en trouve point là, parce qu’il ne s’y trouve pas. Car c’est être sans fruit que de n’être pas attaché au Christ ; et c’est n’être pas attaché au Christ que de n’être pas attaché à l’unité du Christ, que de n’avoir pas la charité ; d’où il suit que de manquer de charité, c’est être sans fruit. Écoute l’Apôtre : « Le fruit de l’Esprit, dit-il, c’est la charité. » Il la montre comme une belle grappe, comme un beau fruit. « Le fruit de la charité, dit-il donc, est la charité, la joie, la paix, la patience[6]. » Après avoir vu la charité venir la première, ne t’étonne pas de ce qui la suit.
2. Aussi voyant ses disciples surpris en présence de cet arbre desséché tout-à-coup, il leur recommanda la foi et leur dit : « Si vous aviez une foi qui n’exceptât rien ; » en d’autres termes : Si pour tout vous aviez foi en Dieu, sans dire : Il peut ceci, il peut cela ; si vous aviez confiance en la toute-puissance du Tout-Puissant ; non-seulement vous feriez cela, mais encore « vous diriez à cette montagne : Lève-toi et te jette dans la mer, et elle le ferait. De plus, tout ce que vous demanderiez dans la prière avec foi, vous l’obtiendriez. » Nous lisons que les disciples du Sauveur ont lait des miracles, ou plutôt que le Sauveur en a faits par eux, puisqu’il leur a dit : « Vous ne pouvez rien faire sans moi[7]. » Le Seigneur en effet pouvait beaucoup sans ses disciples, mais sans lui ses disciples ne pouvaient rien ; et lorsqu’il travailla à les former, il ne fut pas certainement aide par eux. Or en parcourant les miracles des Apôtres, nous ne voyons nulle part ni qu’ils aient desséché un arbre, ni qu’ils aient transporté une montagne dans la mer. Cherchons donc comment cette promesse s’est accomplie, attendu que les paroles du Seigneur ne sauraient être vaines. Or, si l’on ne considère que les arbres ordinaires et les montagnes connues, la promesse ne s’est point exécutée. Mais si l’on considère l’arbre mystérieux dont j’ai parlé, et cette montagne du Seigneur dont un prophète a dit : « On verra dans les derniers jours la montagne du Seigneur à découvert[8] ; » si dis-je, l’on considère et l’on comprend ce sens, la promesse s’est accomplie et accomplie par les Apôtres. L’arbre donc désigne la nation juive, mais je le répète, la partie de cette nation réprouvée et non élue ; cet arbre ainsi rappelle la nation juive ; et la montagne, d’après l’autorité du prophète, figure le Seigneur même. L’arbre desséché, c’est le peuple Juif sans la gloire du Christ ; et la mer est le monde de la gentilité tout entière. Écoute maintenant les Apôtres s’adressant à cet arbre pour le dessécher et lançant la montagne en pleine mer. On les voit, au livre des Actes, parler aux Juifs contradicteurs et rebelles à la parole de vérité ; en d’autres termes à l’arbre chargé de feuilles mais dépouillé des fruits. « Il fallait, leur disent-ils, vous annoncer la divine parole ; mais puisque vous la repoussez ; » puisque vous répétez les paroles des prophètes sans reconnaître Celui qui fut annoncé par eux, c’est-à-dire puisque vous n’avez que des feuilles : « Voici que nous nous tournons du côté des gentils[9]. » Le prophète d’ailleurs l’avait prédit ainsi : « Voici que je t’ai établi pour être la lumière des gentils et leur salut jusqu’aux extrémités de la terre[10]. » Ainsi l’arbre est desséché, et le Christ annoncé aux nations est la montagne transportée dans la mer. Comment d’ailleurs l’arbre ne sècherait-il point, attendu qu’il est placé, dans une vigne dont il a été dit : « Je défendrai à mes nuées de répandre la pluie sur elle[11] ? »
3. Le Seigneur a voulu nous montrer avec évidence qu’il agissait ainsi d’une manière prophétique, qu’il n’entendait pas simplement l’aire un miracle sur cet arbre, mais faire un miracle qui présageât l’avenir. Plusieurs circonstances nous disent, nous prouvent, nous forceraient même à avouer malgré nous que telle fut son intention. Et d’abord, cet arbre avait-il péché pour n’être pas alors couvert de fruits ? Fût-on au temps des fruits, il n’était point répréhensible de n’en point porter. Quelle faute peut-on reprocher à un arbre insensible ? Ajoutez, comme le rapporte expressément un autre Évangéliste, que « ce n’était pas le temps des figues[12]. » C’était le moment où le figuier pousse ces feuilles délicates qui précèdent toujours les fruits, nous le savons et ce qui le démontre, c’est d’une part que l’on était proche de la passion, et nous savons d’autre part à quelle époque le Seigneur l’endura ; mais ne fissions-nous pas attention à cette circonstance, nous devons croire à l’Évangile ; or l’Évangile dit : « On n’était pas au temps des figues. » Ah ! si le Seigneur n’avait voulu faire qu’un miracle, s’il n’avait pas eu dessein de nous donner une figure prophétique de quelque évènement futur, il eût agi d’une manière beaucoup plus douce et plus digne de sa miséricorde, et s’il avait rencontré un arbre mort, il lui eût rendu la vie, comme il se plaisait à guérir les malades, à purifier les lépreux, à ressusciter les morts. Comment expliquer ici une conduite en apparente aussi contraire aux règles ordinaires de sa bonté ? Il rencontre un arbre bien vert ; cet arbre ne porte pas encore de fruits ; mais ce n’en est pas la saison, mais il n’en refuse pas à celui qui le cultive, et le Seigneur le dessèche ! N’était-ce pas dire à chacun de nous : Je n’ai pas pris plaisir à faire mourir cet arbre, mais j’ai voulu t’avertir que je n’ai pas agi sans motif et te porter à réfléchir avec plus de soin à ce que je viens de faire ? Je n’ai pas maudit cet arbre, je n’ai pas entendu infliger de châtiment à un être insensible ; mais j’ai voulu t’inspirer une frayeur salutaire et te porter, si tues attentif, à ne mépriser pas le Christ quand il a faim et à chercher plutôt à être couvert de fruits que chargé d’un sombre feuillage.
4. Voilà une première circonstance destinée à nous montrer que le Seigneur avait en vue quelque signification mystérieuse. En est-il une autre ? – Il a faim, il s’approche de l’arbre et il y cherche du fruit. Ignorait-il que ce n’en était pas encore la saison ? Le Créateur de cet arbre ne savait-il pas ce que savait le jardinier ? Le voilà donc qui cherche sur cet arbre un fruit qui n’y est pas encore. Cherche-t-il réellement, ou plutôt ne feint-il pas de chercher ? Car s’il cherche réellement, il se trompe, et loin de nous une idée semblable ! Alors il feint ? Mais tu crains de l’avouer. Tu confesses donc qu’il se trompe ? Tu ne peux l’admettre encore et tu. te rejettes sur la feinte. Nous voici tourmentés, agités, nous nous desséchons. Dans cette fièvre d’anxiété, demandons la pluie du ciel pour nous rendre la vie, et gardons-nous de rien dire qui soit indigne du Seigneur, ce serait nous vouer à la mort. Le texte de l’Évangile porte : « Le Seigneur alla vers cet arbre et n’y trouva pas de fruit. » Nous ne lirions pas cette expression : « Il n’y trouva point », s’il n’y avait cherché ou feint de chercher les fruits qu’il savait n’y être pas. Point de doute à cet égard, le Christ assurément ne s’est point trompé. Il a donc feint ? Mais le dirons-nous et comment sortir de cet embarras ? Voyons si quelque Évangéliste n’a pas dit ailleurs ce que de nous-mêmes nous n’oserions affirmer. Reproduisons d’abord ce qu’a dit cet Évangéliste, et travaillons à le comprendre après l’avoir reproduit. Mais pour le comprendre croyons-le d’abord. « Si vous ne croyez, vous ne comprendrez pas », dit en effet un prophète[13]. Le Seigneur Jésus, après sa résurrection, voyageait avec deux de ses disciples, et saris en être encore reconnu, il cheminait avec eux comme un troisième voyageur. On arriva à l’endroit où allaient les deux premiers ; mais Jésus dit l’Évangéliste, « feignit d’aller plus loin. » Eux le retenaient par politesse, lui disaient qu’il était déjà tard et le priaient de rester avec eux. Il accepte l’hospitalité, prend du pain, le bénit, le rompt ; et on le reconnaît. Pourquoi donc craindre de dire qu’il feignit de chercher du fruit, puisqu’il est écrit qu’il feignit d’aller plus loin ? Mais voici surgir une autre question. Nous avons hier soutenu pendant longtemps la véracité des Apôtres ; et dans le Seigneur lui-même nous rencontrerions aujourd’hui quelque feinte ? Ici donc, mes frères, nous devons vous exposer, vous expliquer, dans la faible mesure des forces que Dieu nous donne pour vous servir ; nous devons enfin vous faire comprendre la règle qui doit vous diriger dans l’interprétation de toutes les Écritures. Toute parole ou toute action y doit être entendue soit dans un sens propre, soit dans un sens figuré, soit en même temps dans l’un et l’autre sens. Voilà une triple distinction ; appuyons-la sur des exemples, et des exemples tirés des Lettres divines. Expressions prises dans le sens propre : Le Seigneur a souffert, il est ressuscité et monté au ciel ; nous ressusciterons aussi à la fin des siècles, et si nous ne le dédaignons pas, nous régnerons éternellement avec lui voilà un langage qu’il faut prendre à la lettre ; prends-le dans le sens propre sans y chercher de figures ; les choses sont réellement telles qu’elles sont exprimées. Voici des faits : l’Apôtre monta à Jérusalem pour y voir Pierre ; il y monta réellement, cet acte doit être aussi entendu dans le sens propre [14] ; c’est le récit d’un fait, d’un fait où il n’y a rien de figuré. Voici maintenant du figuré : « La pierre rejetée par les constructeurs est devenue la tête de l’angle[15]. » Si nous prenons à la lettre ce terme de pierre, de quelle pierre est-il dit que rejetée par les constructeurs elle est devenue la pierre de l’angle ? Et si à la lettre encore nous entendons le terme d’angle, de quel angle cette pierre est-elle devenue la tête ? En supposant au contraire qu’il y a un sens figuré et en s’y attachant, on voit le Christ dans cette pierre angulaire et dans cette tête d’angle le Chef de l’Église. Mais comment l’Église est-elle comparée à un angle ? Parce qu’elle attire à elle, d’un côté les Juifs et d’un autre côté les Gentils ; ils sont comme deux murs qui viennent de directions différentes, qui se réunissent en elle et dont elle maintient l’union par la grâce qui produit la paix dans son sein. « Car le Christ est notre paix, et de deux choses il en a fait une seule [16]. »
5. Voilà donc des actes et des expressions dans le sens propre, ainsi que des paroles dans le sens figuré. Vous demandez maintenant des exemples d’actions figuratives. Il en est beaucoup. Citons provisoirement le trait que nous rappelle ce que nous venons de dire de la pierre angulaire. C’est l’onction que fit Jacob à la pierre qu’il avait placée sous sa tête durant ce sommeil mystérieux où il vit des échelles qui allaient de la terre au ciel, des hommes qui montaient et descendaient, et le Seigneur debout au sommet de ces échelles. Cette dernière circonstance lui fit comprendre ce que devait signifier cette pierre, et pour nous démontrer qu’il n’était point étranger au sens de cette vision, de cette révélation sublime, il répandit sur cette pierre l’onction destinée à rappeler qu’elle figurait le Christ[17]. Pourquoi t’étonner de cette onction ? N’est-ce pas d’onction que vient en grec le nom de Christ ? Ce même Jacob est donc appelé dans l’Écriture un homme sans artifice ; il y porte aussi le nom d’Israël, vous le savez. N’est-ce pas pour cela qu’il est écrit dans l’Évangile qu’en voyant Nathanaël le Seigneur s’écria : « Voici vraiment un Israélite en qui il n’y a point d’artifice ? » Mais ne sachant encore qui lui adressait la parole, cet Israélite répliqua : « D’où me connaissez-vous ? « — Lorsque tu étais sous le figuier, répondit le Seigneur, je t’ai vu ; » c’est-à-dire, lorsque tu étais encore dans les ombres du péché, je t’ai prédestiné. Mais lui, se rappelant avoir été sous un figuier quand le Seigneur n’était point présent, reconnut sa divinité et s’écria : « C’est vous le Fils de Dieu, c’est vous le Roi d’Israël. » C’est ainsi, c’est ainsi qu’en reconnaissant le Christ, il n’était point devenu une figue sèche tombée sous le figuier. Le Seigneur ajouta : « Parce que j’ai dit t’avoir vu lorsque tu étais sous le figuier, tu crois : tu verras de plus grandes choses. » Quelles sont-elles ? Rappelle-toi d’un côté qu’il s’agit ici d’un Israélite sans artifice ; souviens-toi aussi qu’il est dit de Jacob qu’il était également sans artifice, et que le Seigneur fait allusion à la pierre qu’il avait sous la tête, à ce qu’il vit dans son sommeil, aux échelles qui allaient de la terre au ciel, et aux anges qui montaient et qui descendaient. Tu comprendras alors le sens de la réponse que fait le Sauveur à cet Israélite sans artifice. « En vérité je vous le déclare, dit donc Jésus ; vous verrez le ciel ouvert : » Nathanaël, sans artifice, écoute bien ce que rit Jacob, sans artifice également : « vous verrez le ciel ouvert, et les anges montant et descendant : » vers qui ? « Vers le Fils de l’homme[18]. » Le Fils de l’homme était donc la pierre mystérieuse, qui soutenait le chef de Jacob ; et de fait si l’homme est le chef de la femme, le Christ à son tour est le chef de l’homme[19]. Si le Sauveur ne dit pas que les Anges montaient au-dessus du Fils de l’homme et descendaient vers lui, c’est pour ne pas laisser croire qu’il fût seulement au ciel et seulement sur la terre. « Ils monteront et descendront vers le Fils de l’homme. » Car il est au ciel et c’est lui qui crie : « Saul, Saul. » Il est aussi sur la terre, et c’est pourquoi il ajoute« Pourquoi me persécutes-tu[20] ? »
6. J’ai cité des expressions à prendre dans le sens propre : nous ressusciterons; des actes pris également à la lettre : Paul monta à Jérusalem pour y voir Pierre; des expressions figurées : la pierre réprouvée par les constructeurs; un acte figuratif aussi : l’onction de la pierre placée sous la tête de Jacob. Je dois maintenant, pour vous satisfaire, produire un trait qui soit en même temps littéral et figuré. Nous savons tous qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante, et l’autre de la femme libre voilà tout à la fois un évènement et un récit à entendre dans le sens propre. Mais qu’y a-t-il de figuré ? « Ce sont là les deux alliances[21]. » Des expressions figurées sont donc des espèces de fictions. Mais comme elles finissent par avoir une signification, et une signification conforme à la vérité, on ne saurait les accuser de mensonge. Un semeur s’en alla semer, et pendant qu’il semait, la semence tomba une partie dans le chemin, une partie dans des endroits pierreux, une autre au milieu des épines, une autre enfin sur une bonne terre. Quel est ce semeur ? Quand s’en alla-t-il ? Quelles sont les épines ? Quelles sont les pierres ? Quel est le chemin ? Quel est le champ où il jeta sa semence ? Si tu vois ici une fiction, comprends assurément qu’elle signifie quelque chose. Or, c’est bien une fiction. Si d’ailleurs il s’agissait ici d’un semeur véritable qui eût répandu sa semence dans les différents endroits dont il vient d’être parlé, ce ne serait pas à la vérité une fiction, mais ce ne serait pas non plus un mensonge. Il y a ici fiction, mais il n’y a pas non plus de mensonge. Pourquoi ? Parce que c’est une fiction qui désigne quelque chose et qui ne trompe pas. Elle demande à être comprise, mais n’induit pas en erreur.

C’est ce qu’avait en vue le Christ lorsqu’il chercha des fruits sur le figuier ; c’était une fiction, mais une fiction figurative et non pas trompeuse, et conséquemment une fiction honnête et irrépréhensible ; une fiction qui ne jette point dans l’erreur si on l’examine, mais qui découvre la vérité lorsqu’on en approfondit le sens.

7. Je sais ce qu’on demandera encore : Explique-nous, dira quelqu’un, ce que voulait faire entendre le Sauveur, lorsqu’il feignit d’aller plus loin ; car s’il n’avait pas prétendu faire connaître quelque chose, c’eût été tromper et mentir. – Les principes et les règles qui nous guident avec tant d’exactitude serviront à vous faire comprendre ce que signifiait cette feinte, de vouloir aller plus loin.

Le Sauveur feint donc de vouloir aller plus loin et on le retient, on l’en empêche. N’est-il pas vrai qu’on le croyait absent de corps ? Or cette absence présumée était comme l’éloignement du Seigneur Jésus. Pour toi, retiens-le fidèlement, retiens-le au moment de la fraction du pain. Que dirai-je encore ? La connaissez-vous ? Si vous la connaissez, vous savez que le Christ est là. Mais il ne faut pas en dire davantage du sacrement redoutable. Ceux qui diffèrent de s’en instruire, laissent le Seigneur bien éloigné d’eux. Ah ! qu’ils l’apprennent au plus tôt et ne perdent pas le trésor ; qu’ils offrent l’hospitalité, et on les invite au ciel.

  1. Mat. 21, 19-21
  2. Mat. 21, 9
  3. Id. 15, 24
  4. Luc. 19, 10
  5. Act. II
  6. Gal. 5, 22
  7. Jn. 15, 6
  8. Isa. 2, 4
  9. . 13, 46
  10. Isa. 49, 6
  11. Id. 5, 6
  12. Mrc. 11, 13
  13. Isa. 7, 9, sel. LXX
  14. Gal. 1, 18
  15. Psa. 117, 22 ; Mat. 21, 42
  16. Eph. 2, 14
  17. Gen. 28, 11-18
  18. Jn. 1, 47-52
  19. 1Co. 11, 3
  20. Act. 9, 4
  21. Gal. 4, 22, 24