Satires (Horace, Leconte de Lisle)/I/7

1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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SATIRE VII.


Je pense que tous les chassieux et tous les barbiers savent comment l’hybride Persius se vengea du pus et du venin de Rex Rupilius le proscrit. Ce Persius, riche et faisant de grandes affaires à Clazoménæ, avait de fâcheux procès avec Rex. C’était un homme dur, plus haïssable encore que Rex, plein de lui-même, orgueilleux, et si amer en paroles qu’il dépassait en cela sur ses chevaux blancs les Sisenna et les Barrus.

Je reviens à Rex. Rien ne pouvait les concilier (car ces gens hargneux sont comme les braves que la guerre divise. Entre Hector Priamide et l’ardent Achillès la haine fut telle qu’elle ne pouvait cesser que par la mort, et pour cette raison que le courage était extrême des deux côtés ; tandis que si la discorde se met entre deux lâches, ou si le combat oppose des forces inégales, comme il arriva de Diomédès et du Lycien Glaucus, le plus faible cédera en faisant des présents). Donc, Brutus étant præteur de la riche Asia, luttent Rupilius et Persius, couple mieux assorti que Bacchius et Bithus. Ils s’avancent avec ardeur devant le tribunal, spectacle merveilleux. Persius expose la cause, et toute l’assemblée se met à rire. Il loue Brutus, il loue son cortège ; il appelle Brutus le soleil de l’Asia et ses compagnons des étoiles de salut, à l’exception de Rex qu’il prenait pour la constellation du Chien, détestée des laboureurs. Il se ruait comme un fleuve hivernal là où la cognée est rarement nécessaire. Alors le Prænestin, rude et indompté vendangeur, répond par des invectives à ce torrent d’amères injures, ainsi que, du milieu des vignes, il a souvent fait taire le passant appelant à haute voix le coucou. Le Græc Persius, inondé de ce vinaigre Italique, s’écrie : « Par les grands Dieux, Brutus, je t’en conjure, toi qui as l’habitude d’en finir avec les rois, pourquoi n’étrangles-tu pas ce Rex ? crois-moi, c’est un soin qui te concerne. »