Salammbô/Source principale

Louis Conard (p. 418-445).

I. SOURCE PRINCIPALE.

POLYBE, Histoire générale, liv. I.

[Nous en rapprochons, en petits caractères, les passages de Salammbô qui en sont inspirés.]

La première guerre punique vient de prendre fin. Elle a eu pour théâtre la Sicile, dont Rome et Carthage se disputaient la possession. Elle s’est terminée, en 241 av. J.-C., par la défaite d’Hannon et d’Hamilcar, aux îles Ægates, après de sanglants combats contre les forces romaines, commandées par Lutatius. Un traité de paix réconcilia, provisoirement, les deux Républiques.

LXVI. Aussitôt le traité conclu, Hamilcar Barca conduisit à Lilybée les troupes cantonnées à Éryx (*) ;

(*) Cf. supra : Salammbô, page 1, ligne 5.
cela fait, il se démit du pouvoir (*).
(*) Supra : page 10, ligne 28. Pourquoi les avoir abandonnés, la paix conclue ?…
Ce fut à Giscon, gouverneur de la place, qu’échut la charge de ramener en Afrique l’armée des Mercenaires (*) ;
(*) Page 6, ligne 19. Il avait remis à Giscon le gouvernement des Mercenaires.
il s’en acquitta avec sagesse et prévoyance. Ces hommes devant toucher à Carthage l’arriéré de leur solde, il fallait, pour éviter des désordres, donner le temps à la ville de payer les premiers débarqués et de les renvoyer chez eux, avant que les autres n’arrivassent. C’est dans cette pensée que Giscon régla le transport des Mercenaires : il les fit partir par détachements successifs, en ayant soin de laisser s’écouler un certain temps entre les convois (*).
(*) Page 6, ligne 3. Giscon, leur général, avait eu cependant la prudence de les renvoyer les uns après les autres pour faciliter l’acquittement de leur solde.

Mais le trésor des Carthaginois était vide, épuisé par les dépenses de la dernière guerre ; d’autre part, ils espéraient obtenir des Barbares la remise d’une partie de leur solde arriérée, même s’ils les rassemblaient tous à Carthage. C’est pourquoi, tous les Mercenaires qui leur arrivaient, ils les retinrent et les laissèrent s’accumuler dans leurs murs (*). De là, jour et nuit, des désordres.

(*) Page 6 ligne 1. La République épuisée par la guerre avait laissé s’accumuler dans la ville toutes les bandes qui revenaient.
Le Conseil avait cru qu’ils finiraient par consentir à quelque diminution.

Les Carthaginois ne tardèrent pas à s’émouvoir du nombre de ces soldats ; ils redoutaient les troubles qu’engendre la multitude ; ils s’adressèrent donc aux chefs des Mercenaires : « En attendant l’arrivée des derniers convois, et pendant que l’on prendrait les mesures nécessaires à la paye de la solde, accepteraient-ils de se retirer, eux et leurs hommes, dans la ville de Sicca ? On leur donnerait l’argent nécessaire aux besoins les plus urgents » (*).

(*) Page 26, ligne 3. On leur avait donné à chacun une pièce d’or, sous la condition qu’ils iraient camper à Sicca.

Les Mercenaires acceptèrent de bonne grâce. Ils demandaient seulement à laisser là leurs bagages, femmes et enfants, comme ils l’avaient déjà fait précédemment ; ils les reprendraient en venant toucher leur solde. Les Carthaginois refusèrent. Ils se dirent que parmi ces hommes qui venaient de faire un long séjour au loin, et que devait solliciter le désir de revoir qui sa femme, qui ses enfants, les uns refuseraient de quitter la ville, les autres, à peine partis, voudraient y revenir, et ce serait une occasion de troubles (*).

(*) Page 27, § 3. Tous étaient oppressés par la même inquiétude : on avait peur que les Barbares, en se voyant si forts, n’eussent la fantaisie de vouloir rester.
C’est pourquoi ils les forcèrent, malgré leur résistance et leurs protestations, à emmener avec eux leurs bagages, leurs femmes et leurs enfants (*).
(*) Page 28, § 2. Puis vint la cohue des bagages, etc.

Rassemblés à Sicca, les Barbares s’y trouvèrent dans un état d’oisiveté et de désœuvrement qu’ils n’avaient pas connu depuis bien longtemps : nul état n’est plus dangereux pour des troupes étrangères ; c’est pour ainsi dire la source unique des révoltes. Il en fut ainsi pour les Mercenaires (*).

(*) Page 42, ligne 23. Mais dans ce désœuvrement les caractères s’irritaient, etc.
Il s’en trouvait, parmi eux, qui, dans ces heures de loisirs, s’étaient mis à faire le compte de ce que Carthage leur devait (*) ;
(*) Page 42, ligne 18. Et toujours recommençant le même calcul ils dessinaient avec leurs doigts, etc.
ils imaginaient des sommes beaucoup plus fortes que celles qui leur étaient réellement dues ; il fallait les exiger de la ville. Tous, d’ailleurs, se rappelaient les promesses magnifiques que les chefs leur avaient faites, lorsqu’ils avaient besoin d’eux, au jour du danger ; ils avaient fondé sur ces promesses de vastes espérances, et s’attendraient à voir leurs peines largement récompensées (*).
(*) Page 77, ligne 9. Hamilcar leur avait fait des promesses exorbitantes… ils avaient pu croire, en débarquant à Carthage, etc.

LXVII. Aussi, lorsque, réunis à Sicca, ils entendirent Hannon, qui commandait alors les forces carthaginoises en Afrique, loin de tenir la parole des chefs, invoquer au contraire la lourdeur des charges qui pesaient sur la ville, parler de la misère générale (*),

(*) Page 46, ligne 18. Il exposait aux capitaines les charges infinies de la République. Son trésor était vide, etc.
et chercher à obtenir d’eux la remise d’une partie de leur solde (*), tout de suite le désordre et le tumulte éclatèrent.
(*) Page 77, ligne 13. Et quand ils virent que leur solde à peine serait payée, ce fut une désillusion pour leur orgueil comme pour leur cupidité.
Des rassemblements continuels se formèrent dans leur camp ; tantôt ils avaient lieu nation par nation et tantôt l’armée entière s’y portait. Au milieu de ces peuples de race et de langage différents, le camp était en proie à un désordre, à une confusion, à une anarchie indescriptibles…

Ces bandes étaient formées d’un ramassis de Gaulois, d’Espagnols, de Ligures, de Baléares, de demi-Grecs, pour la plupart esclaves ou déserteurs, et surtout d’Africains (*).

(*) page 3, ligne 5. Il y avait là des hommes de toutes les nations, des Ligures des Lusitaniens des Baléares des Nègres et des fugitifs de Rome…
Et page 45, § 5.

Un seul homme ne pouvait donc pas les réunir tous ensemble, pour leur donner des conseils, et tout autre moyen de leur parler était impraticable.

Le général pouvait-il s’adresser à chacun dans son dialecte spécial ? Aurait-il au contraire recours à des interprètes ? C’était s’obliger à revenir quatre ou cinq fois de suite sur les mêmes sujets ; la difficulté était plus grande encore (*).

(*) Page 45, § 5. Hannon parlait punique et ceux qui l’entouraient étaient des Campaniens, des Gaulois et des Grecs, si bien que personne dans cette foule ne le comprenait.

Restait de s’adresser aux capitaines, et, par eux, de transmettre aux insurgés conseils ou prières. C’est ce que fit Hannon (*).

(*) Page 46, ligne 4. L’idée lui vint de convoquer les capitaines.

Mais les capitaines, pour la plupart, ne comprenaient pas davantage ce qu’il leur disait (*).

(*) Page 47, § 3. Mais les capitaines, pas plus que les soldats, n’entendaient le punique.

Il arrivait aussi que, les uns par ignorance, les autres par perfidie, ils dénaturaient complètement, en les traduisant aux soldats, les paroles des chefs (*) ; et la confusion, la défiance, l’animosité redoublaient.

(*) Cf. page 48, § 3, la harangue de Spendius, dénaturant par perfidie les paroles d’Hannon.

De plus, les Mercenaires en voulaient à Carthage du choix de son ambassadeur : au lieu de leur adresser les généraux qui savaient tous les services qu’ils avaient rendus en Sicile et qui même leur avaient fait des promesses solennelles, la République leur envoyait à dessein un homme qui n’avait participé en rien aux épreuves communes ; cet Hannon, ils le méprisaient profondément ; ces officiers subalternes, ils s’en défiaient ; cette République se moquait d’eux. Ils marchèrent donc sur Carthage, et, au nombre de plus de cent vingt mille, vinrent camper à une distance de cent vingt stades de la ville, près de Tunis (*).

(*) Page 54.

LXVIII. Quand les Carthaginois comprirent leur erreur, il était déjà trop tard. Ils avaient commis une première faute en laissant s’amasser dans une même région une telle multitude de Barbares, alors qu’ils ne pouvaient espérer, en cas de conflit, aucun secours sérieux de leurs troupes nationales ; et, faute plus grave encore, ils avaient laissé échapper les femmes, les enfants, les bagages des Mercenaires, au lieu de s’en servir comme d’autant d’otages, pour envisager la situation avec plus de calme et peser avec plus de poids sur la détermination des Barbares.

Voilà que le camp ennemi était à leurs portes : ils en furent effrayés.

Comment essayer de calmer la fureur de ces hordes déchaînées ? On s’y employa par tous les moyens. Les Mercenaires demandaient des vivres, on leur en envoya à profusion (*),

(*) Page 72, § 4. Les soldats demandèrent des vivres… on leur envoya des bœufs, des moutons, des pintades…
pour des prix dérisoires, fixés au pur caprice des rebelles (*).
(*) Page 72, ligne 33. Ils offraient pour un bélier la valeur d’un pigeon, pour trois chèvres, etc.

À maintes reprises, on leur dépêcha en ambassade des sénateurs (*) avec promesse de satisfaire à leurs réclamations, aussitôt que possible.

(*) Page 72, § 2. Enfin des membres du Grand Conseil, etc.

Tous les jours, les Mercenaires imaginaient de nouvelles prétentions (*) :

(*) Page 75, § 2 et 3. Ils demandaient tout ce qui leur semblait beau, etc… ils réclamèrent des tentes, etc.
elles croissaient avec leur audace, et avec la crainte qu’ils sentaient peser sur Carthage. D’ailleurs, leurs anciens succès, les souvenirs de la guerre qu’ils avaient soutenue, en Sicile, contre les légions romaines, les grisaient ; ils s’imaginaient que personne n’oserait se mesurer avec eux, pas plus Carthage qu’aucun autre peuple.

C’est pourquoi, après avoir obtenu ce qu’ils voulaient sur la question de la solde, ils avancèrent de nouvelles exigences : Carthage devait leur rembourser la valeur des chevaux qu’ils avaient perdus à la guerre (*).

(*) Page 75, ligne 3. Il était juste, prétendaient les cavaliers que la République les indemnisât de leurs chevaux, etc.
Carthage ayant cédé sur ce nouveau point, ils demandèrent, en argent, le prix du blé qu’ils auraient dû recevoir depuis longtemps, au taux le plus élevé où il s’était vendu pendant la guerre (*).
(*) Page 76, § 2. Puis ils demandèrent qu’on leur payât en argent tout le blé qu’on leur devait, et au plus haut prix où il s’était vendu pendant la guerre.

Enfin, chaque invention nouvelle en amenait une autre, et, poussés par un tas d’intrigants et d’hommes sans aveu, les Barbares exigeaient pour leur soumission des sacrifices de moins en moins acceptables. Les Carthaginois étaient néanmoins résignés à toutes les concessions : ils proposèrent de s’en remettre à l’arbitrage des généraux qui avaient commandé en Sicile. Ils allèrent même plus loin ; les Barbares ne voulaient pas entendre parler d’Hamilcar Barca, leur ancien chef ; ce général, qui ne daignait même pas se présenter en député auprès d’eux, et qui avait abandonné leur commandement, ils le tenaient pour le principal responsable de leur situation ; au contraire, leur sympathie allait à Giscon, qui, durant son commandement en Sicile et surtout pendant le retour, s’était montré en mainte circonstance plein de bienveillance à leur endroit : c’est Giscon qui fut donc désigné comme arbitre (*).

(*) Page 78, § 2. Il fallut bien recourir à Giscon, etc.

LXIX. Giscon arriva à Tunis, par mer, avec de l’argent (*).

(*) Page 78, § 2. Un matin, ils virent les chaînes du port s’abaisser… etc.
Il réunit d’abord les capitaines, puis les soldats, nation par nation. Il commença par des reproches sur leur conduite passée (*),
(*) Page 78, § 6. Puis il blâma les torts de la République et ceux des Barbares, etc.
puis il leur exposa la situation présente, mais c’est surtout de l’avenir qu’il leur parla ; et il les suppliait de se montrer cléments pour une République, qui, depuis si longtemps, avait recours à leurs bras. Ensuite, il se mit à la paye de la solde, en procédant nation par nation (*).
(*) Page 79, ligne 1. Et Giscon se mit à la paye, en commençant par les Libyens.

Mais il y avait parmi les Mercenaires un Campanien, ancien esclave déserteur de Rome, d’une force merveilleuse et d’une astuce incroyable à la guerre : il s’appelait Spendius (*).

(*) Page 8, § 3. On le nommait Spendius, etc.
Cet homme redoutait de retomber au pouvoir de son ancien maître, qui le recherchait (*),
(*) Page 31, § 4, On l’avait pris, il s’était échappé…
Comme on devait rendre aux Romains…
et d’aller, selon la loi romaine, mourir sur la croix ; c’est pourquoi il n’était discours ni manœuvres qu’il n’employât pour faire échouer l’arrangement projeté entre les rebelles et Carthage. Il avait avec lui un Libyen, du nom de Mathos, homme de naissance libre, qui avait servi en Sicile, et était alors l’âme de tous les troubles (*).
(*) Cf. page 32.
Mathos avait peur de payer pour les autres, et il entrait ainsi dans les desseins de Spendius (*).
(*) Page 32. [On voit que le « roman » de Mâtho, son amour pour Salammbô, sa haine, ses tourments, ne trouvent pas place dans le récit de Polybe.]

Il (*) alla donc trouver les Libyens (*) et leur dit :

(*) Dans Salammbô, c’est Spendius. Cf. page 79.
(*) Page 79, ligne 28 … il alla réveiller les Libyens, etc.
« Quand les autres Mercenaires seront rentrés dans leurs foyers, après avoir touché leur solde (*), vous autres vous resterez en Afrique (*) ;
(*) Page 79. Il leur dit : quand les Ligures, les Grecs, les Balèares seront payés, ils s’en retourneront.
(*) Page 79. Mais vous autres, vous resterez en Afrique, etc.
et c’est sur vous que Carthage fera tomber toute sa haine, cherchant, par quelque horrible vengeance, à terrifier toutes les tribus africaines. »

Ces paroles soulevèrent les Libyens ; sous le fallacieux prétexte que Giscon, en acquittant la solde, remettait à plus tard le remboursement du blé et des chevaux (*), ils se déchaînèrent aussitôt.

(*) Page 83, ligne 17. Alors les Africains réclamèrent le blé…

Toutes les calomnies, toutes les accusations de Spendius et de Mathos contre Giscon et contre Carthage portaient leurs fruits : quiconque demandait la parole était lapidé et avant même que l’on sût si c’était en faveur de Spendius qu’il parlait ou contre lui (*)·

(*) Page 82, § 4. Quelques-uns montaient à ses côtés… ils étaient immédiatement lapidés, etc.
Les hommes, soldats ou capitaines, qui périrent de la sorte furent nombreux. Un seul mot était compris de tous : frappe ! tant le geste leur était habituel (*).
(*) Page 83, ligne 9. Le mot « frappe », différent dans chaque langue, était compris de tous.
Mais c’est surtout après le repas que leur fureur était terrible (*) ;
(*) Page 83, ligne 3. Ils devenaient terribles après le repas…
à peine le mot fatal, frappe, avait-il été dit, les meurtriers surgissaient de toute part, et avec une telle rapidité, que leur victime ne pouvait échapper à leurs coups. Finalement, nul ne se risqua à prendre part aux délibérations ; Mathos et Spendius furent nommés généraux (*).
(*) Page 116, § 4. et passim.

LXX. Dans l’anarchie et le tumulte universels, Giscon comprit toute la gravité du danger que courait la République ; et comme l’intérêt de Carthage passait, à ses yeux, avant tout, il ne désespéra pas de son œuvre : il continua à lutter contre la tempête (*) ;

(*) Page 83, § 3. Giscon savait bien que la Patrie l’abandonnait, etc.
tantôt c’est aux capitaines qu’il s’adressait, et tantôt il réunissait les hommes de chaque tribu et les exhortait au devoir. Un jour même que les Libyens réclamaient impétueusement leur argent, « demandez-le à Mathos », répondit Giscon pour les braver (*).
(*) Page 84. § 1. Comme ils criaient : « L’argent, l’argent », Giscon à la fin répondit : « Que votre général vous en donne ! »

À ces mots, leur fureur ne connut plus de bornes : ils se jetèrent sur l’argent (*) et arrêtèrent Giscon et sa suite(*).

(*) Page 84, § 1. Ils brisèrent la caisse de sycomore…
(*) Page 84, § 3. Giscon écarta les bras. Avec un nœud coulant, etc.

Mathos et Spendius, espérant que la guerre allait éclater enfin, si les Barbares se portaient à des actes réprouvés par le droit des gens, se mirent à les exciter encore, et non contents d’avoir pillé l’argent, les Barbares saccagèrent tous les bagages des Carthaginois (*).

(*) Page 84, § 4. Ils saccagèrent sa tente…
Enfin, Giscon et les siens furent ignominieusement garrotés et jetés en prison (*).
(*) Page 84, § 5. On les précipita dans la fosse, etc.

Dès lors, par une entente criminelle et au mépris de toutes les lois humaines, les Barbares portèrent contre Carthage une guerre ouverte. Tels furent les débuts de cette lutte, que l’on a appelée la guerre d’Afrique.

Mathos, tous ces exploits accomplis, expédia des hommes en ambassade à toutes les villes de la Libye, pour les appeler à la révolte et réclamer leur appui (*).

(*) Page 114, ligne 7. Spendius, Narr’Havas et Mâtho expédièrent des hommes à toutes les tribus, etc.
La plupart se joignirent ardemment à lui et lui envoyèrent à l’envi des vivres et des renforts (*).
(*) Page 115, lignes 23 et 28. On expédia des bestiaux et de l’argent. En même temps, les secours d’hommes affluaient…

Alors les Barbares divisèrent leurs forces en deux armées ; l’une irait attaquer Utique et l’autre Hippone (*),

(*) Page 116, § 4. Il fut décidé que Spendius irait attaquer Utique, Mâtho Hippo-Zarytce…
car, seules parmi toutes les autres, ces deux villes avaient refusé leur alliance aux rebelles (*).
(*) Page 116, § 2. Utique et Hippo-Zaryte refusèrent leur alliance. Colonies phéniciennes, etc.
LXXI.

LXXII. De toutes ces calamités si terribles, Carthage portait une lourde part de responsabilité. Durant la campagne précédente, s’autorisant des nécessités de la guerre pour se montrer exigeante, la République avait durement traité les Africains : elle leur avait pris la moitié de leurs récoltes ; elle avait frappé les villes d’impôts deux fois plus lourds qu’auparavant ; insensible et sourde aux supplications des pauvres, elle donnait ses encouragements et son estime non pas aux gouverneurs humains envers le peuple et bienveillants, mais à ceux qui, comme Hannon, par de douloureuses exactions, faisaient rendre le plus d’argent et savaient accroître les ressources de la République (*).

(*) Page 114, ligne 9. Carthage exténuait ces peuples ; elle en tirait des impôts exorbitants… Les gouverneurs étaient estimés comme des pressoirs, d’après la quantité qu’ils faisaient rendre…

Aussi, il ne fut pas besoin de longues exhortations pour faire prendre les armes à ces populations irritées : la seule nouvelle de la guerre suffit à les leur faire prendre (*) ;

(*) Page 115, ligne 11. Les courriers n’étaient pas encore partis que, dans les provinces, une joie universelle éclata…
les femmes, qui jadis avaient vu en silence leurs maris et leurs pères jetés en prison pour avoir résisté aux exacteurs, firent, dans toutes les villes, le serment de ne rien dissimuler de ce qu’elles possédaient de précieux : on les vit donner leurs bijoux, afin de subvenir à l’entretien des troupes (*).
(*) Page 115, ligne 18. Les femmes donnèrent leurs colliers, etc.
Grâce à cette générosité, Mathos et Spendius purent payer aux Mercenaires la solde qu’ils leur avaient promise pour les inciter à la résistance et firent face, en outre, à toutes les exigences de la guerre (*).
(*) Page 115, ligne 24. Mâtho paya vite aux Mercenaires l’arrérage de leur solde…
Ainsi Carthage apprenait que le sage ne doit pas seulement songer au présent : c’est surtout à l’avenir qu’il doit penser.

LXXIII. Tant de calamités épuisaient la République. Cependant, elle investit du commandement de ses forces Hannon, le conquérant des campagnes d’Hécatompyle, en Libye (*) ;

(*) Page 119, § 2. On décida de s’en remettre à Hannon, le vainqueur d’Hécatompyle.
elle enrôla des Mercenaires, arma tous les citoyens valides (*),
(*) Page 120, ligne 3. Il décréta l’enrôlement de tous les citoyens valides…
organisa et instruisit des cavaliers. Enfin, elle arma ce qui lui restait de sa flotte, quelques galères, des navires à cinquante rames, ses plus gros vaisseaux (*).
(*) Page 120, ligne 5. Il ordonna même la construction de quatorze galères, etc.

Cependant l’armée de Mathos, grossie d’environ soixante-dix mille Africains et divisée en deux corps, assiégeait tranquillement Utique et Hippone. Son camp, établi devant Tunis (*),

(*) Page 123, ligne 1.
était à l’abri d’une surprise et Carthage se trouvait coupée du reste de la Libye. La ville en effet, est située au fond d’un golfe, sur un promontoire en forme de presqu’île ; enserrée presque complètement entre un lac et la mer, elle communique avec le continent par un isthme, large d’environ vingt-cinq stades. Du côté de la mer, à une faible distance, c’est Utique ; du côté du lac, Tunis. De sorte que, sur chacun de ses flancs, la ville avait une armée de Barbares ; leurs attaques, de jour ou de nuit, les portaient jusqu’aux murailles et jetaient les Carthaginois dans une anxiété et une terreur sans bornes.

LXXIV. Hannon excellait aux préparatifs de la guerre ; il les poussa énergiquement. Mais dès qu’il se mettait en campagne, c’était un tout autre homme : il ne savait pas profiter des circonstances, et les événements le trouvaient désarmé et sans ressort. On le vit tout de suite : ayant marché au secours d’Utique (*),

(*) Page 120, ligne 27. Utique avait déjà réclamé plusieurs fois les secours de Carthage…
il avait commencé par jeter l’effroi parmi les ennemis, par le nombre de ses éléphants (il n’en avait pas moins de cent) (*) ;
(*) Page 120, § 3. Il perdit encore trois lunes à équiper les cent douze éléphants.
et il touchait à la victoire, lorsqu’il laissa échapper la fortune et manœuvra si mal, qu’il faillit, du même coup, faire écraser son armée et entraîner les gens d’Utique dans son désastre. Il avait fait descendre de la vile des traits, des catapultes, tout un matériel de siège (*) et, adossé aux murailles, il avait attaqué les retranchements des Barbares.
(*) Page 127, ligne 20. Enfin apparurent les échafaudages des hautes machines, etc. …

À peine les éléphants se furent-ils avancés (*)

(*) Page 129, ligne 17. Aussitôt la terre s’ébranla, etc.
que les ennemis, incapables de résister à la masse et à l’impétuosité des bêtes, prirent la fuite et abandonnèrent le camp ; un grand nombre moururent écrasés (*) ;
(*) Page 129.
les survivants se réfugièrent sur une colline escarpée et boisée (*),
(*) Page 130, ligne 4. Ils se cachaient dans les collines, etc.
qui, par sa position, semblait leur offrir un abri assuré. Quant à Hannon, habitué à combattre les Numides et les Africains, qui, lorsqu’ils sont battus, se mettent à fuir sans arrêt pendant deux et trois jours, Hannon s’imagina que c’en était fait des Barbares, qu’il ne lui en restait plus à vaincre ; il laissa là les soldats et le camp, et, retournant dans la ville, il alla faire donner des soins à sa personne (*).
(*) Page 130, ligne 18. Il se fit conduire aux étuves et appela ses cuisiniers. Trois heures après, il était encore enfoncé dans l’huile, etc.
Mais les Mercenaires réfugiés sur la colline avaient été formés à l’audace par Barca ; dans la campagne de Sicile, ils avaient pris l’habitude des multiples retraites, suivies, dans la même journée, de multiples et brusques retours offensifs : ils n’eurent pas plutôt vu le général rentrer dans la ville, et la plupart de ses hommes, grisés par leur succès, se répandre à l’abandon hors du camp, qu’ils se réunirent, tombèrent sur les retranchements, massacrèrent un grand nombre de Carthaginois, et rejetèrent honteusement le reste jusqu’aux murs et aux portes d’Utique (*).
(*) Page 134, ligne 10. Les Carthaginois n’avaient point cherché à poursuivre les Barbares, etc.
Ils s’emparèrent de tous leurs bagages, des machines de guerre et des munitions qu’Hannon avait laissées hors des murs, exposées à un coup de mains de l’ennemi(*).
(*) Page 136, § 4. On avait perdu… un bagage considérable et toutes les machines de guerre…
Ce ne fut d’ailleurs pas la seule occasion où Hannon fit preuve d’une telle impéritie : peu de jours après, devant la ville de Gorza (*),
(*) Page 135, ligne 32. Quatre jours après, il était à Gorza…
face à face avec les Barbares, deux fois, s’il avait su profiter des circonstances, il aurait pu les anéantir par une bataille rangée, et deux fois par un assaut : mais malgré la proximité de l’ennemi et l’occasion si favorable, il laissa passer la fortune (*).
(*) Page 136, ligne 2.

LXXV. Voyant la tournure que prenaient les choses entre les mains d’Hannon, les Carthaginois appelèrent de nouveau au commandement Hamilcar Barca (*) ;

(*) Cf. chap. VII.
ils l’envoyèrent contre les Barbares avec soixante-dix éléphants (*),
(*) Page 189, ligne 23. Il organisa une phalange de soixante-douze éléphants.
tout ce qu’ils avaient pu recruter comme Mercenaires (*),
(*) Page 188. Il envoya dans la Ligurie acheter des soldats…
tous ceux qui avaient déserté le parti de l’ennemi, des cavaliers et des fantassins de Carthage ; en tout, dix mille hommes (*).
(*) Cf. le détail, page 190.

Dès sa première campagne, Hamilcar fondit sur les Barbares, les étourdit, jeta la confusion dans leurs âmes et délivra Utique ; il apparut alors, digne à la fois de ses anciens exploits et des espérances du peuple. Voici comment les choses se passèrent. Les collines qui enserrent le défilé par lequel Carthage communique avec l’Afrique sont d’un abord difficile, et ne permettent l’accès de la plaine que par quelques chemins tracés de main d’homme.

Les positions les plus avantageuses, Mathos avait eu soin de les faire toutes garder par ses troupes (*).

(*) Page 194.
De plus, il occupait l’unique pont du Makar (*),
(*) Page 194, ligne 15. Spendius, avec quinze mille hommes, se porta jusqu’au pont bâti sur le Macar, etc.
fleuve qui en plusieurs points coupe toute communication entre Carthage et la campagne et dont la profondeur est telle qu’il n’est presque jamais guéable. Mathos avait même bâti une ville à la tête de ce pont ; de sorte que les Carthaginois ne pouvaient ni se porter en masse vers la campagne, ni sortir isolément de Carthage, sans tomber sous les regards de l’ennemi. Mais Hamilcar savait tirer parti de toute chose et de toute circonstance, et voici l’expédient qu’il imagina :

Il avait remarqué qu’à l’endroit où le Makar se jette dans la mer les sables s’y amoncelaient sous l’influence de certains vents et formaient ainsi une chaussée naturelle, recouverte par une mince couche d’eau (*).

(*) Page 197, ligne 25. Il avait remarqué que le vent d’ouest, en poussant les sables, obstruait le fleuve et formait dans sa longueur une chaussée naturelle…
Il ordonna donc à ses hommes de se tenir prêts à partir, et, sans s’ouvrir à personne de son dessein, il guetta l’occasion favorable (*).
(*) Page 195, ligne 29… tous se demandaient ce qui retardait Hamilcar.
Aussitôt qu’elle se présenta, il sortit de Carthage pendant la nuit (*),
(*) Page 196, § 2. Au coucher du soleil, l’armée sortit, etc.
et le jour commençait à peine à poindre que, sans que personne s’en fût douté, le Malcar était franchi (*).
(*) Pages 196-197.
Ce coup de génie étonnant encore, par son audace, Carthaginois et Barbares (*),
(*) Page 197, ligne 33. Ce tour de génie enthousiasma les soldats…
que déjà Hamilcar était dans la plaine et marchait sur les Mercenaires qui gardaient le pont (*).
(*) Page 198, ligne 5. Les quinze mille autour du pont furent surpris de voir, etc.

LXXVI. À cette vue, Spendius avec ses soldats se porta contre Hamilcar (*),

(*) Page 199, ligne 19. Spendius barbouilla ses joues, etc. et courut après sa troupe etc.
cependant que ceux qui gardaient la ville à la tête du pont, au nombre de dix mille environ, et ceux qui venaient d’Utique au nombre de quinze mille, se joignaient à lui (*).
(*) Page 199, ligne 22. Sa troupe qui se hâtait vers celle d’Utique.
Ils prirent à peine le temps d’opérer leur jonction (*)
(*) Page 199, ligne 24. Elles se rejoignirent toutes les deux si rapidement…
et, persuadés qu’ils avaient cerné Hamilcar, ils se consultèrent, s’encouragèrent et commencèrent l’attaque.

Lui, cependant, continuait à avancer : les éléphants venaient en tête, puis la cavalerie, puis les fantassins et en arrière-garde les soldats lourdement chargés (*).

(*) Page 199, ligne 26. Les éléphants s’arrêtèrent ; au fond de leurs intervalles, on distinguait les vélites ; plus loin, etc.
Et tout à coup, lorsqu’il vit les Barbares, emportés par leur élan, accourir sur lui, il commanda à toutes ses troupes de faire volte-face (*) ;
(*) Page 200, § 3. Mais quand on fut à trois cents pas, etc,
les premières lignes se replièrent précipitamment tandis qu’une conversion s’opérait à l’arrière-garde et portait peu à peu celle-ci en contact avec l’ennemi.

Les Africains et les Mercenaires, croyant que les Carthaginois se débandaient pour prendre la fuite, rompirent les rangs, se jetèrent sur eux et en vinrent résolument aux mains. Mais voici que la cavalerie, tournant bride subitement, vint se ranger auprès des premières lignes ; voici que le reste de l’armée d’Hamilcar revenait au combat ; à cette vue, les Barbares, surpris par la manœuvre, au milieu de leur poursuite désordonnée, en furent réduits à la déroute : les uns, se rejetant sur ceux qui les suivaient, les entraînaient avec eux dans leur perte ; les autres, et ce furent les plus nombreux, furent écrasés par les éléphants ou anéantis par la cavalerie (*).

(*) Pages 201 et suiv.
Il resta sur le terrain près de six mille Libyens et étrangers (*) ;
(*) Page 214, ligne 18. On se répétait qu’il y avait eu six mille Barbares de tués.
deux mille environ furent faits prisonniers (*) ;
(*) Page 214, § 2. Pour éblouir le peuple, Hamilcar avait envoyé à Carthage les deux mille captifs.
les autres s’en furent, qui dans la ville construite près du pont, qui dans le camp établi devant Utique. Quant à Hamilcar, après cette bataille il s’attacha aux pas de ses ennemis, s’empara de la ville placée à la tête du pont, en rejeta les défenseurs dans Tunis, puis parcourut le pays en vainqueur, reçut la soumission de plusieurs places, et força plusieurs autres à capituler (*).
(*) Cf l’énumération des places page 213.
Il rendit ainsi aux Carthaginois un peu d’énergie et de courage et fit renaître en eux l’espoir qu’ils avaient perdu.

LXXVII. Cependant, Mathos restait devant Utique, dont il continuait le siège ; il recommanda à Autarite, le chef des Gaulois, et à Spendius de ne pas perdre de vue Hamilcar : ils devaient fuir les plaines, à cause du grand nombre de chevaux et d’éléphants dont disposait l’ennemi, et suivre le pied des montagnes pour fondre sur les Carthaginois à la première occasion (*).

(*) Page 217.

En même temps il envoya demander des renforts aux Numides et aux Libyens, en les suppliant de ne pas laisser passer une occasion si favorable à la conquête de leur liberté. Spendius leva donc, sur les diverses nations qu’il avait sous ses ordres, à Tunis, une troupe d’environ six mille hommes, et se mit à suivre les Carthaginois dans leurs évolutions, en utilisant la montagne. Il avait également avec lui les Gaulois d’Autarite, environ deux mille hommes ; le reste des Mercenaires gaulois avait, jadis, lors du siège d’Eryx, passé aux Romains. Hamilcar venait de s’arrêter dans une plaine que des montagnes entouraient de toutes parts, lorsque précisément les troupes de renfort, envoyées aux Barbares par les Numides et les Libyens, firent leur jonction avec celles de Spendius (*).

(*) Page 221, ligne 33. Tout à coup de grands panaches se levèrent… c’était l’armée de Spendius.
De sorte qu’Hamilcar se trouva subitement dans la position suivante : en face de lui, les Libyens ; derrière lui, les Numides ; sur ses flancs, Spendius (*). Il était malaisé d’en sortir.
(*) Page 222, § 1.

LXXVIII. Or il y avait, en ce temps-là, un chef Numide du nom de Naravas, guerrier plein de valeur et l’un des plus considérables parmi les siens ; il avait toujours éprouvé pour Carthage une affection que lui avait léguée son père et qui, dans les circonstances présentes, s’était accrue de l’admiration que lui inspirait Hamilcar. Il jugea le moment venu de renouer avec lui et d’engager des pourparlers ; accompagné d’une centaine de Numides, il se rendit au camp d’Hamilcar et, arrivé au pied des retranchements, s’arrêta et fit signe de la main (*).

(*) Page 273, ligne 9. Tout à coup, Narr’Havas marcha résolument vers une sentinelle, etc.
Intrigué, le général lui dépêcha un de ses cavaliers ; Naravas répondit qu’il désirait parler à Hamilcar. Puis, tandis qu’Hamilcar hésitait encore, il remit ses armes (*)
(*) Ibid. Il jeta son épée, sa lance, ses javelots et disparut au milieu des Carthaginois.
et sa monture entre les mains de ses compagnons et pénétra hardiment dans le camp. Une telle audace plongea les assistants dans un étonnement voisin de la stupeur. Enfin ils le reçurent et le conduisirent auprès d’Hamilcar. Naravas prit la parole : Il aimait tous les Carthaginois, mais, surtout, il désirait devenir l’ami de Barca ; il venait lui offrir son alliance, prêt à s’associer, avec un dévouement absolu, à toutes ses entreprises comme à tous ses projets (*).
(*) Page 273.

La confiance dont le jeune chef avait témoigné en se rendant au camp, autant que la franchise de ses paroles, charmèrent si fort Hamilcar, que, non content d’accepter l’offre de son alliance, il lui promit de lui donner sa fille (*),

(*) Page 275, § 4. En récompense des services que tu m’as rendus, Narr’Havas, je te donne ma fille, etc.
si Naravas restait fidèle à Carthage. Leur arrangement conclu, Naravas revint, à la tête des Numides, dont il était le chef ; ils étaient environ deux mille. Ayant reçu ce renfort, Hamilcar se prépara à combattre. De son côté, l’armée de Spendius rejoignit celle des Libyens et, abandonnant les hauteurs pour la plaine, ils offrirent la bataille aux Carthaginois (*).
(*) Page 272, § 4.
Ce fut une terrible mêlée ; mais Hamilcar en sortit victorieux, grâce à l’impétuosité des éléphants et surtout à l’appui de Naravas, qui rendit ce jour-là d’immenses services. Autarite et Spendius durent prendre la fuite ; près de dix mille hommes restèrent sur le terrain ; Carthage fit quatre mille prisonniers (*).
(*) Cf. chap. XII.
Après la victoire, Hamilcar autorisa ceux d’entre eux qui voulaient s’enrôler parmi ses troupes à rester auprès de lui (*)
(*) Page 282, ligne 7. Le Suffète avait proposé à tous les captifs de servir dans ses troupes.
et il leur donna, pour équipement, des dépouilles enlevées à l’ennemi (*).
(*) Page 282, ligne 13… on leur avait distribué les armes de l’ennemi.
Quant au reste des prisonniers, il les réunit et leur déclara qu’il leur accordait rémission de leur crime et qu’ils pouvaient se retirer où bon leur semblerait. Il leur faisait seulement défense de reprendre les armes contre Carthage, sous peine, s’ils retombaient entre ses mains, d’être châtiés impitoyablement (*).
(*) Page 282, ligne 10. Il les avait renvoyés, en leur ordonnant de ne plus combattre Carthage.

LXXIX. Il arriva qu’à la même époque, en Sardaigne, les Mercenaires que Carthage entretenant dans l’île suivirent l’exemple de Mathos et de Spendius : ils se soulevèrent contre les Carthaginois. Ils commencèrent par emprisonner dans la citadelle le commandant des troupes auxiliaires, un certain Bostar, puis ils le mirent à mort en même temps que ses compatriotes. La République expédia en Sardaigne des troupes, avec Hannon comme général ; mais ces troupes firent elles-mêmes défection et passèrent aux rebelles ; les Mercenaires se saisirent d’Hannon, le mirent en croix (*)

(*) [Flaubert a expliqué dans sa lettre à Sainte-Beuve, les raisons qui l’ont porté, « par amour de la clarté », à « fausser l’histoire » quant à la mort d’Hannon.] Voir Correspondance, III, p. 332.
et finirent par exterminer tous les Carthaginois de Sardaigne avec une cruauté inouïe et après leur avoir infligé les supplices les plus raffinés (*).
(*) Page 283, ligne 4. On les rangea par terre, etc.
En peu de temps, ils se rendirent maîtres de toutes les places et gouvernèrent le pays sans partage, jusqu’au jour où les Sardes les rejetèrent en Italie. C’est ainsi que Carthage perdit la Sardaigne, si considérable par l’étendue de son territoire, sa population et ses richesses. Cependant Mathos, Spendius et le Gaulois Autarite (*)
(*) Page 285, ligne 3. Enfin, les trois chefs et le Shalischim se demandèrent…
n’avaient pas vu sans inquiétude Hamilcar se montrer si clément envers les prisonniers ; attirés par des procédés de ce genre, les Africains et les autres Mercenaires n’allaient-ils pas se tourner vers Carthage et profiter de l’asile qu’elle leur offrait ? Il importait donc de trouver quelque expédient nouveau qui excitât jusqu’à outrance la haine de leur soldatesque contre Carthage (*).
(*) Page 285, ligne 12. Donc, ils devaient poursuivre la guerre à outrance, etc.

À cet effet, ils réunirent leurs hommes et amenèrent au milieu d’eux un prétendu courrier qui leur était soi-disant envoyé par leurs compagnons de Sardaigne (*).

(*) Page 285, ligne 17. Deux heures après, un homme qui arrivait du côté d’Hippo-Zaryte, etc.
La lettre dont ce courrier était porteur leur recommandait de surveiller étroitement Giscon et les siens, dont ils s’étaient saisis traîtreusement à Tunis, comme nous l’avons dit ; il fallait faire bonne garde, car on savait que les Carthaginois avaient noué des intelligences dans le camp des Mercenaires pour délivrer leurs prisonniers (*).
(*) Page 285. (Les soldats grecs de la Sardaigne) recommandaient à leurs compagnons d’Afrique de surveiller Giscon avec les autres captifs, etc.
Aussitôt Spendius d’exhorter les Barbares (*) :
(*) Page 286, § 3. Spendius lut d’abord la lettre, etc.
« Gardez-vous, leur dit-il, de vous laisser prendre à la clémence qu’Hamilcar a affecté de témoigner envers les captifs ; ce n’est pas pour les sauver qu’il les a ménagés, c’est dans espoir de faire venir à lui, par l’appât de cette générosité même, tout le reste de notre armée (*) :
(*) Page 286, § 4. La douceur du Suffète était un appât pour les prendre, etc.
de la sorte, ce n’est pas sur quelques têtes seulement qu’il fera tomber sa vengeance, mais sur nous tous, et voilà où notre crédulité nous conduirait. Méfiez-vous donc, ajouta-t-il ; en laissant fuir Giscon, vous ne gagnerez que le mépris de vos adversaires et vous sacrifierez en même temps vos intérêts ; c’est un personnage considérable, un général valeureux : il sera votre plus dangereux ennemi. »

Et pendant qu’il parlait de la sorte, voici que parut un second courrier ; il se disait envoyé par les gens de Tunis (*) :

(*) Page 286, § 2. Mais le lendemain… un second coureur parut…
les conseils dont il était porteur étaient les mêmes que ceux qui venaient de Sardaigne.

LXXX. Autarite le Gaulois prit la parole : « Il n’y a pour nous, dit-il, qu’un moyen de salut, c’est d’abandonner tout espoir en Carthage. Quiconque attend quelque chose de la générosité de ces gens, ne saurait être un allié véritable. Ceux qu’il faut croire, ceux qu’il faut écouter, ceux à qui il faut obéir, ce sont ceux qui vous proposeront contre Carthage les extrémités les plus violentes et les plus impitoyables ; les autres, vous les traiterez en ennemis et en traîtres (*) ».

(*) Page 287, § 3. Un seul (projet) peut nous perdre ! pas de pitié ! On reconnaîtra les bons à la vitesse de leurs jambes et à la force du coup.
Il termina par cette exhortation : « Quant à Giscon et aux autres prisonniers que nous avons faits depuis, qu’ils périssent sur la croix ! (*) »
(*) Page 287, ligne 10. Le supplice des captifs était un jeu d’enfants. Pourquoi donc les épargner, etc.

Il était écouté dans les assemblées, parce que la plupart comprenaient ses paroles ; à vivre depuis si longtemps dans les armes, il avait appris le phénicien, et la majeure partie des soldats entendaient suffisamment cette langue, qu’ils avaient eu le temps d’apprendre pendant la dernière campagne. Sa harangue eut un immense succès, et il se retira sous les applaudissements. Cependant, un grand nombre de capitaines des diverses nations se précipitèrent en souvenir de la bienveillance que Giscon leur avait jadis témoignée, ils voulaient s’élever contre ce supplice de la croix (*).

(*) Page 288, ligne 2. … gênés par de vieux souvenirs, ils se tenaient à distance…
Mais il était impossible de saisir ce qu’ils disaient, car chacun parlait dans sa langue et, lorsqu’on eut compris que ce qu’ils demandaient c’était un adoucissement au supplice, un assistant cria : « Frappe » et aussitôt on lapida ces téméraires. Leurs amis les relevèrent, déchirés comme par des bêtes.

Quant à Giscon et aux autres prisonniers, au nombre d’environ sept cents, les gens de Spendius se saisirent d’eux, les entraînèrent hors des retranchements et, arrivés en vue du camp carthaginois, leur coupèrent d’abord les mains. Ce même Giscon que, peu de temps auparavant, ils préféraient à tous les autres Carthaginois, qu’ils appelaient leur bienfaiteur et avaient pris pour arbitre, c’est par qui qu’ils commencèrent le supplice (*).

(*) Cf. page 288.

On les mutila, on les mit à la torture, on leur cassa les jambes (*),

(*) Page 268, ligne 27… à coups de barres d’airain leur avaient cassé les jambes…
et, vivants encore, on les jeta dans une fosse (*).
(*) Page 268, ligne 28. Et ils périssaient tous, pêle-mêle, dans une fosse…

LXXXI. C’était, pour les Carthaginois, un malheur affreux et irréparable ; ils en reçurent la nouvelle avec une douleur indignée et mandèrent à Hamilcar et à Hannon, leur autre général, de les assister dans leur malheur et de venger les suppliciés.

En même temps, ils envoyèrent des hérauts aux rebelles, pour leur demander la permission d’enlever leurs morts (*).

(*) Page 288, § 5. Bientôt…deux étendards… signe convenu pour réclamer les cadavres…
Les Barbares refusèrent et les avertirent même de ne leur envoyer à l’avenir ni hérauts ni ambassadeurs, parce qu’ils leur infligeraient le même sort qu’à Giscon (*).
(*) Page 288, § 6. et que l’on renverrait les parlementaires avec les mains coupées.
Ils arrêtèrent ensuite de mettre à mort tout Carthaginois qui tomberait en leur pouvoir et, quant aux alliés de la République, de leur couper les mains et de les renvoyer dans cet état à Carthage ; ils ne manquèrent pas de le faire dans la suite…

LXXXII. Alors Hamilcar, cruellement anxieux devant tant d’atrocités, appela auprès de lui Hannon ; il espérait que les deux armées réunies viendraient plus facilement à bout des Barbares (*).

(*) Page 289, ligne 23, et page 290, ligne 8. … il ordonnait qu’on lui expédiât une autre armée. … Hannon en avait accepté le commandement…
Désormais, tout ennemi pris sur le champ de bataille, il le ferait tuer sans désemparer, et tout captif qu’on lui amènerait, il le ferait jeter aux bêtes (*) ;
(*) Page 289, ligne 19. Il prit la résolution d’être impitoyable.
il n’apercevait qu’un moyen d’en finir, c’était l’extermination.

Or, au moment même où les Carthaginois auraient pu se flatter des espérances les plus sérieuses, un coup terrible et imprévu allait les atteindre. À peine réunis, les deux généraux en vinrent à un tel degré de désaccord que, non contents de laisser échapper les occasions de battre l’ennemi, ils lui permirent, bien des fois, de prendre sur eux l’avantage ; tant était ardente la rivalité qui les animait (*).

(*) Page 290, § 1. Hannon se contentait…
Sa jalousie l’empêchait de secourir le Suffète…
Avertie de ce dissentiment, la République ordonna que l’un des deux généraux serait rappelé ; celui que les troupes préféreraient resterait à leur tête (*).
(*) Page 290, ligne 34. Hamilcar écrivit au Grand Conseil de l’en débarrasser…

Ces malheurs ne furent pas les seuls : la ville d’Empories avait expédié par mer un convoi de vivres et de provisions que l’on attendait avec la plus vive impatience ; il fut assailli par une tempête et englouti dans les flots (*).

(*) Page 291, § 2. Mais trois jours après, une flotte qui venait de la Byzacène, apportant des vivres à Carthage, sombra dans une tempête.

De plus, nous avons vu que la Sardaigne avait secoué le joug de Carthage et c’était une île qui, plus d’une fois, dans des circonstances critiques, avait rendu à la République des services considérables (*).

(*) Page 291, § 2. Comme si ce n’était pas assez d’infortunes à la fois, on apprit que les Mercenaires de la Sardaigne, etc.

Enfin, calamité plus grande encore, Hippone et Utique, les seules villes d’Afrique qui eussent soutenu loyalement la guerre, qui avaient, jadis, repoussé les assauts d’Agathocle et ceux des Romains et qui, en aucun temps, n’avaient fomenté contre Carthage, Hippone et Utique passèrent à l’ennemi (*).

(*) Page 291, § 3 et 4. Alors les citoyens d’Hippo-Zaryte… Utique endurait…
Bien plus, elles ne se contentèrent pas de trahir : elles affichèrent subitement pour les Mercenaires une affection et un zèle absolus, et pour Carthage, une haine et une colère implacables (*).
(*) Page 292, ligne 2. Dès lors les deux villes syriennes montrèrent à leurs nouveaux amis un opiniâtre dévouement et à leurs anciens alliés une haine inconcevable.
Elles commencèrent en effet par massacrer les soldats que la République avait envoyés à leur secours, environ cinq cents hommes, avec leur général, puis les jetèrent du haut des murailles (*)
(*) Page 291, ligne 25. Survenant derrière eux, ils les prirent aux jambes et les jetèrent par-dessus les remparts…
et ouvrirent leurs portes aux Barbares. Elles n’accordèrent même pas aux Carthaginois la permission d’enterrer leurs morts.

En présence de ces événements, Mathos et Spendius s’enhardirent ; ils décidèrent de mettre le siège devant Carthage elle-même (*).

(*) Page 295, ligne 18. Ils allèrent s’établir plus loin tous bien résolus à faire le siège de Carthage.

Cependant la République envoya auprès d’Hamilcar le général Hannibal (*) ;

(*) [Ce général, qui n’était pas le fils d’Hamilcar Barca, ne joue aucun rôle dans Salammbô. Flaubert, qui a tenu à faire une place dans son roman au fils d’Hamilcar, s’est trouvé amené à supprimer l’autre Hannibal, celui dont parle Polybe, pour éviter une confusion entre ces deux personnages.]
elle le plaçait à la tête des troupes qui, avec la permission de Carthage, avaient renvoyé Hannon, lors de la rivalité des deux chefs. Alors, aidé d’Hannibal et de Naravas, Hamilcar parcourut toute la région, interceptant les convois de vivres de Mathos et de Spendius. Cette fois-là, comme bien d’autres, Naravas se montra le plus précieux des auxiliaires. Telle était la situation des forces en campagne.

LXXXIII. Carthage, cernée de tous côtés, se trouva réduite à implorer secours auprès des villes ses alliées. Hiéron de Syracuse avait suivi jusque-là les péripéties de cette guerre avec la plus vive attention et, en toute circonstance, s’était employé de son mieux à satisfaire aux demandes de Carthage ; cette nouvelle démarche le trouva plus zélé que jamais, car il estimait conforme à ses intérêts personnels et nécessaire au maintien de son autorité en Sicile et à ses bonnes relations avec Rome de sauver Carthage. Il ne voulait pas que Rome, devenue maîtresse sans rivale, conduisit le monde à son gré (*) ; prudente et sage conception !…

(*) Page 356, § 3. Hiéron, qui gouvernait à Syracuse, etc.
D’ailleurs, de son côté, Rome, exécutant fidèlement son traité, ne ménageait pas à Carthage les marques de son intérêt, Au début il s’était bien élevé quelques difficultés entre les deux États ; comme les Carthaginois saisissaient et emprisonnaient tous ceux qui, d’Italie, cherchaient à approvisionner leurs ennemis, et qu’ils avaient ainsi jeté en prison plus de cinq cents Italiens, les Romains s’étaient vivement émus. Mais l’ambassade qu’ils avaient alors envoyée à Carthage avait obtenu la libération de tous les captifs, et la reconnaissance de Rome fut si grande que, par un échange de procédés courtois, elle restitua à Carthage les prisonniers qui lui restaient de la guerre de Sicile (*).
(*) Page 356, § 2. La surprise des Carthaginois fut encore plus forte, lorsque arrivèrent quatre cents des leurs, faits prisonniers pendant la guerre de Sicile. En effet, Hamilcar avait secrètement renvoyé aux Quirites, etc.
À dater de ce moment, Rome accueillit avec empressement et faveur toute demande venant de Carthage. C’est ainsi qu’elle prescrivit aux marchands de fournir aux Carthaginois tout ce dont ils avaient besoin, en leur interdisant tout commerce avec les Mercenaires. C’est ainsi encore que, lorsque les Mercenaires de Sardaigne se soulevèrent contre Carthage et appelèrent les Romains, ceux-ci repoussèrent leur proposition (*).
(*) Page 356, § 2. Elle dédaigna les ouvertures des Mercenaires dans la Sardaigne.
Utique voulut se donner à eux, ils refusèrent par respect pour le traité (*).
(*) Page 356, § 2. Et même elle ne voulut point reconnaître comme sujets les habitants d’Utique.

De sorte que les Carthaginois, grâce à l’appui de ces amitiés, purent soutenir le siège (*).

(*) Cf. chap. XIII. [On sait que Flaubert, dans sa lettre à Sainte-Beuve, tout en reconnaissant avoir « voulu faire un siège », s’est défendu de l’avoir « complètement inventé ». Les passages de Polybe qui précédent, et celui qui suit, semblent bien établir, en effet, que Carthage a subi un siège en règle.]

LXXXIV. Mathos et Spendius n’étaient pas moins assiégés qu’assiégeant, et Hamilcar les réduisit à une telle disette qu’il leur fallut finalement lever le siège (*).

(*) Page 357, ligne 1. … il les détacha de leurs campements. Spendius fut obligé de les suivre ; Mâtho, etc.
Au bout d’un certain temps ils rassemblèrent les plus valeureux d’entre les Mercenaires et les Libyens, en tout cinquante mille hommes (*),
(*) Page 357, § 5. Leur armée était de quarante mille hommes.
parmi lesquels le libyen Zarzas et sa troupe (*),
(*) Dans Salammbô, Zarxas est le chef des frondeurs Baléares.
et se remirent à suivre l’armée d’Hamilcar par des mouvements parallèles. Ils prenaient grand soin d’éviter les plaines, à cause des éléphants et des cavaliers de Naravas (*) et s’attachaient aux crêtes et aux défilés.
(*) Page 357, § 6. Ce qui les tourmentait, c’étaient les cavaliers de Narr’Havas…

Durant cette campagne, ils ne se montrèrent inférieurs à leurs adversaires ni par la vigueur de leurs attaques, ni par leur hardiesse, mais leur expérience leur valut plus d’un échec ; c’est alors, semble-t-il, et par cet exemple, que l’on peut juger toute la distance qui sépare une tactique rigoureuse et l’habileté d’un vrai général des procédés d’une soldatesque combattant sans méthode et sans dessein. On vit plus d’une fois Hamilcar, coupant la retraite à des détachements isolés, les envelopper comme un joueur habile et les exterminer. Ou bien, lorsque l’ennemi lui offrait une bataille rangée, il l’attirait dans quelque adroite embuscade et le décimait (*).

(*) Cf. page 356, § 5.
Tantôt le jour, tantôt la nuit, brusquement, sans que rien ait signalé son approche, il surgissait, semant l’épouvante ; et tous les hommes qu’il capturait vivants, il les jetait aux bêtes. Il finit par établir son camp dans une position aussi fâcheuse pour les Barbares qu’elle lui était avantageuse, et les réduisit à un état si critique que, n’osant livrer bataille, incapables de fuir, cernés par ses retranchements (*),
(*) Cf. page 359.
ils subirent une effroyable famine et en arrivèrent à se manger entre eux (*).
(*) Page 363, ligne 9. Alors des Garamantes se mirent lentement à rôder tout autour, etc.
Ainsi le destin leur faisait expier, par un juste retour, les atrocités sacrilèges qu’ils avaient infligées aux autres. Livrer bataille, ils ne l’osaient pas, pris entre la peur de la défaite et celle des supplices qui attendaient les prisonniers ; se rendre, ils n’y pensaient même pas, tant ils avaient conscience de leurs crimes. Et ils attendaient toujours ces secours de Tunis, que leurs chefs leur avaient annoncés (*) ;
(*) Page 361, § 4. L’armée de Tunis, allait venir. Et page 365, § 4… et ils attendaient toujours l’armée de Tunis.
cela leur donnait le courage de supporter toutes les rigueurs qu’ils s’infligeaient entre eux.

LXXXV. Enfin leur ultime nourriture s’épuisa ; il ne restait plus de prisonniers, plus d’esclaves (*), et Tunis n’envoyait toujours rien.

(*) Page 364, ligne 3. Mais ne possédait-on pas des Carthaginois, etc.
Alors, devant l’irritation des soldats, leur désespoir, les menaces qu’ils proféraient contre les chefs (*),
(*) Page 362, ligne 25. Ils accusaient leurs chefs et les menaçaient…
Autarite, Zarzas et Spendius décidèrent de se rendre et de traiter avec Hamilcar (*).
(*) Cf. page 368, § 5. Autharite, qui n’avait plus, etc., et toute la page.
Ils envoyèrent donc aux Carthaginois une ambassade de dix hommes, avec un héraut (*).
(*) Page 369, § 2. Spendius, Autharite et Zarxas, quatre Italiotes, un Nègre et deux Spartiates s’offrirent comme parlementaires.
Hamilcar leur fit la proposition suivante : les Carthaginois auront le droit de choisir parmi les Mercenaires dix hommes, à leur convenance ; tous les autres pourront s’en aller, en ne conservant qu’une tunique (*).
(*) Page 371, ligne 29. Il exigeait qu’on lui livrât dix des Mercenaires à son choix, sans armes et sans tunique (sic).
Les ambassadeurs acceptèrent ; alors Hamilcar : « Aux termes de nos conventions, je choisis les députés présents » (*).
(*) Page 372. … c’est vous que je choisis, et je vous garde…
C’est ainsi que Carthage mit la main sur Autarite, Spendius et les plus illustres de ses adversaires. Quant aux Mercenaires, comme ils ignoraient les conventions qui venaient de se conclure, l’arrestation de leurs ambassadeurs leur parut une trahison ; aussitôt qu’ils l’apprirent, ils coururent aux armes (*).
(*) Page 373, § 2. Leurs compagnons, qui les attendaient, ne les voyant pas revenir, se crurent trahis…
Mais Hamilcar lança sur eux ses éléphants avec toutes ses forces et les massacra jusqu’au dernier.
(*) Page 373, § 6. Outre l’épieu de leur poitrail, etc.
Ils étaient plus de quarante mille, et le lieu du carnage s’appelait « La Hache », par suite de sa ressemblance avec l’instrument qui porte ce nom (*).
(*) Chap. XIV.

LXXXVI. Pour la seconde fois, Hamilcar rendait l’espérance à Carthage, alors qu’elle croyait tout perdu. Avec Naravas et Hannibal, il parcourut la campagne et es villes et, ayant reçu la soumission des Africains, que ses derniers exploits venaient de rallier à la République et repris presque toutes les places, les trois généraux marchèrent sur Tunis, décidés à assiéger Mathos (*).

(*) Page 378, § 6. L’important était de prendre Tunis, etc.
Hannibal s’établit sur le versant qui regardait Carthage, Hamilcar du côté opposé (*).
(*) Page 383, § 1. Hamilcar établit son camp sur le côté méridional ; Narr’Havas, à sa droite, etc.
Puis ils amenèrent sous les murs Spendius et les autres captifs et, ayant dressé des croix bien en évidence, ils les crucifièrent.
(*) Page 383, § 2. Il fit crucifier les dix ambassadeurs… en face de la ville.
Cependant Mathos s’aperçut que l’armée d’Hannibal était sans défiance et à la merci d’un coup de main ; il se jeta sur ses tranchées, refoula les Carthaginois hors du camp, en tua un grand nombre, fit main basse sur les bagages et prit Hannibal vivant (*).
(*) Page 384. [Dans le récit de Flaubert, c’est Hannon qui remplit le rôle d’Hannibal. Nous avons, plus haut, dit pourquoi. Cf. lettre à Sainte-Beuve, Correspondance, III, p. 332.]
On le mena aussitôt au pied de la croix de Spendius, dont on détacha le cadavre et, après l’avoir torturé atrocement, on l’attacha sur le même bois et on égorgea trente des plus nobles Carthaginois sur le corps de Spendius (*).
(*) Page 385, § 4. À la base des trente croix, etc.
Le camp d’Hamilcar était trop loin pour qu’il pût connaître immédiatement le résultat de l’attaque de Mathos (*) ;
(*) Page 388, § 2. Le Suffète n’avait rien pu savoir, etc.
et même lorsqu’il l’apprit, il ne put se porter au secours d’Hannibal, car le terrain était trop difficile. Il s’éloigna de Tunis, gagna le Malcar et s’établit tout près de la mer, à l’embouchure du fleuve (*).
(*) Page 389, ligne 1. Il se porta vers les embouchures du Macar.

LXXXVII. … Carthage, une fois de plus, fit tête au destin ; elle choisit trente sénateurs, et parmi eux Hannon, ce même général que l’on avait jadis obligé à quitter son armée ; elle équipa en outre ce qui lui restait de citoyens valides et envoya à Hamilcar sénateurs, troupes et général. Les sénateurs avaient pour mission expresse de mettre fin, par tous les moyens en leur pouvoir, aux divisions entre les généraux et de les réconcilier devant les malheurs de la patrie. Au cours de l’entrevue qu’ils eurent avec les chefs, ils se montrèrent si pressants et si éloquents qu’Hamilcar et Hannon durent céder : ils se rapprochèrent. À partir de ce jour, préoccupés seulement du salut de Carthage, ils y travaillèrent en toute circonstance. Ils infligèrent d’abord à Mathos de multiples défaites, au cours d’engagements successifs, près de Leptis et devant d’autres places (*)

(*) Page 390, § 5. Alors les engagements se multiplièrent…
et l’amenèrent enfin à demander une bataille qui décidât entre eux ; c’est ce qu’ils voulaient eux-mêmes (*).
(*) Page 391, ligne 1. Ils souhaitaient une grande bataille, pourvu qu’elle fût bien la dernière.
… Hamilcar acceptait leur défi.
Alors chacun convoqua tous ses alliés, appela toutes les garnisons des villes ; le sort de tous allait se jouer dans ce combat. Les préparatifs de la bataille terminés, les deux armées prirent leurs formations et l’attaque commença simultanément (*).
(*) Cf. page 392, §3 et 4.
La victoire demeura aux Carthaginois : la plus grosse partie de l’armée ennemie resta sur le terrain ; les autres, après avoir cherché refuge dans je ne sais quelle ville, se rendirent peu après.

Mathos tomba vivant aux mains des Carthaginois (*).

(*) Page 399, § 3. Son pied heurta un glaive, etc.

LXXXVIII. Aussitôt après cette victoire, Carthage rétablit son autorité sur tout le reste de la Libye. Il ne restait plus qu’Utique et Hippone… Mais Hamilcar et Hannon les forcèrent bientôt à capituler… Quant à Mathos et à ses compagnons, au cours d’un triomphe célébré dans Carthage, les jeunes gens leur infligèrent les supplices les plus cruels (*).

(*) Cf. page 402.
La lutte avait duré trois ans et quatre mois ; ce fut la guerre la plus affreuse, la plus impie dont j’aie jamais entendu parler…