Sais-tu combien il est parfois mélancolique (Haag)


X


Sais-tu combien il est parfois mélancolique
Ce chemin que je fais le soir en te quittant,
Ce long chemin à travers ce quartier tragique,
Ce boulevard désert plein de soleil couchant ?
Ah ! dis-moi, le sais-tu, toi mon âme, mon rêve,
Dont le nom adoré sur mes lèvres s’achève
Par un baiser, dis-moi si quelquefois tu sens
Cette tristesse étrange et vague dont mes sens

Sont pénétrés ; si quelquefois ta rêverie
Tourne en sanglots, et si ton âme est envahie
Par ce souffle à la fois si doux et si navrant
Qui fait qu’on pleure et qu’on est heureux en pleurant ?

Lorsqu’après nos adieux et tes tendres promesses
J’ai vu comme dans une extase les caresses
De ton dernier regard disparaître au détour
De quelque mur bornant un lointain carrefour,
Et lorsque j’ai repris ce chemin monotone,
Ce chemin tout rempli des tristesses d’automne
Qui me ramène à la populeuse cité,
En traversant ce long quartier inhabité
Et dont la solitude a d’indicibles charmes,
Ah ! que de fois mes yeux se sont remplis de larmes !
Comment te dire alors les pensers pleins d’émoi,
Les rêves oubliés qui revivent en moi
Pareils aux flots pressés, débordante harmonie
D’une mystérieuse et grave symphonie ;
Pareils aux tons mouvants qu’au soir d’un beau jour pur,
Le soleil expirant fait flotter dans l’azur.
Je songe à cette vie, à son troublant mystère,
Au présent qui sourit, doux rayon éphémère,
Au changement possible, à l’avenir douteux,

Et, tandis que je vais, passant silencieux,
Reflétant vaguement dans mes yeux mes pensées,
Et qu’au ciel le couchant aux teintes nuancées
Mêle à son tendre adieu l’enivrant souvenir
Du jour qui fuit et que je voudrais retenir,
J’entends confusément dans mon âme assombrie
Mourir, écho lointain, ta douce causerie.