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LES DRESSEURS DE MERLES

À côté de l’homme qui tue, l’homme qui élève, l’homme qui perfectionne, l’homme qui éduque : le professeur laïque pour merles sauvages.

Comme tous les bienfaiteurs de l’humanité, le dresseur de merles est modeste. Peut-être ne cherche-t-il pas dans les honneurs de ce monde la récompense de ses bienfaits.

Le métier est simple : étant donné un jeune merle qui ne sait rien, lui apprendre à siffler des airs variés.

Le merle, à son état primitif, ne coûte rien ; on n’a qu’à le « cueillir » dans les bois. Quand on est parvenu à lui donner un talent de chef d’orchestre, on le revend huit, dix, douze et jusqu’à quinze francs. Pour ce dernier prix, il siffle des airs d’opéra.

Quand le sujet se montre rébarbatif, on lui crève les yeux. C’est une manière de lui faire le caractère et de lui apprendre à bien se tenir en société.

La nourriture a, parait-il, une influence sur la voix du merle. Quand on lui donne à manger des « vers blancs », il chante comme un poète.

Voici ce que font les dresseurs :

Ils se rendent dans les principaux moulins de Rouen et, avec une faible rémunération offerte aux gardiens, on rapportent une moisson assez abondante d’« annelées » que digère très-bien le volatile.

Au bout d’un mois, pour les oiseaux qui ont des dispositions naturelles ; de six semaines pour les « philistins », le sifflage commence et, avec lui, la vente.

Il y a trois ou quatre dresseurs de merles à Rouen. Ils habitent tous au dernier étage de vieilles maisons et n’ont pas d’enseignes à leur porte.