Le Monde illustré du 02 mai 1857 (p. 3-5).

RICHARD COBDEN.


Le Monde illustré serait incomplet s’il n’embrassait, dans son cadre, tout ce qui peut donner une satisfaction à l’esprit comme tout ce qui peut offrir un attrait à la curiosité ; c’est assez dire qu’il fera passer sous les yeux de ses lecteurs toutes les célébrités qui, à un titre quelconque, préoccupent l’attention publique.

Richard Cobden.

Quand on étudie la vie singulière de ce manufacturier, devenu une des célébrités les plus retentissantes de l’Angleterre, ce qui frappe surtout en elle, c’est la puissance que peut conquérir une volonté énergique au service d’une intelligence élevée. C’est bien de Richard Cobden qu’on peut dire qu’il est exclusivement l’enfant de ses œuvres.

Fils, lui neuvième, d’un petit propriétaire dont la fortune s’évanouit dans un procès malheureux, ce fut la pauvreté qui l’accueillit à son entrée dans la vie, ce fut elle qui fut la rude compagne de sa jeunesse. Coïncidence étrange ! l’ardent tribun de la liberté du commerce fut réduit, dans son enfance abandonnée, à garder les moutons à l’ombre des murailles féodales du château de Goodwood, résidence du duc de Richmond, destiné à être plus tard l’un des chefs du parti protectionniste.

Son enfance s’écoula dans les misères de cette vie rustique. L’homme qui devait devenir l’un des économistes distingués de l’Angleterre et l’un de ses orateurs les plus connus, vit commencer son adolescence sans savoir ni lire, ni écrire, ni compter ; l’homme qui devait prendre place parmi les riches industriels de Manchester vit sa jeunesse s’écouler dans la plus froide indigence. Recueilli par un oncle, fabricant de cotonnades fines, à Londres, il n’entra dans cette maison que pour la voir s’écrouler dans un désastre.

Son passage rapide n’y fut cependant pas stérile pour son avenir ; un fait avait frappé son esprit observateur et pénétrant, c’était la différence entre le taux des salaires de Londres, où se trouvait concentrée la fabrication des cotons imprimés, et de Manchester, où se confectionnaient les cotonnades unies. Cette remarque fut la source de sa fortune. Quelques années après, il était propriétaire de deux usines, l’une à Manchester, l’autre dans le voisinage, dans la petite ville de Stockport, dont il devint le représentant à la Chambre des communes.

Nous n’avons pas à le suivre dans sa carrière politique. On connaît la part qu’il prit dans les luttes municipales de Manchester et dans celles bien autrement profondes qui retentirent dans le Parlement. Un fait, c’est que l’Angleterre lui doit la réforme des lois sur les céréales.

Né en 1804, Richard Cobden est âgé de cinquante-trois ans.

F. G.