Revue musicale - 31 mars 1842
Nous ne savons encore à quel motif attribuer la mise en scène de la Saffo du maestro Pacini, que le Théâtre-Italien vient de produire. Aux approches de la clôture, à cette époque de l’année où les soirées se comptent, l’administration n’aura certes pas spéculé sur les chances plus ou moins favorables d’une nouveauté qui, même en réussissant, eût offert des garanties moins certaines que les chefs-d’œuvre du répertoire courant. Faut-il voir dans cette représentation un caprice de prima donna entraînée par les séductions et le côté pittoresque d’un beau rôle à créer, ou tout simplement un acte de soumission au cahier des charges ? Nous l’ignorons. Quoi qu’il en soit, on ne saurait imaginer de plus pauvre musique. Vous ne retrouvez pas même là cette mélodie facile, abondante, fluide, peu originale sans doute, mais naturelle, et qui coule comme de source chez les maîtres italiens du troisième ordre. Qu’on se figure des motifs avortés et sans haleine, des phrases dont la simplicité va parfois jusqu’à la niaiserie, des chœurs de prêtresses d’Apollon à chanter dans un pensionnat de jeunes filles, des marches sacerdotales à faire danser les ours, puis, brochant sur le tout, un orchestre dont le tumulte étourdissant ne parvient pas à couvrir l’inexpérience déplorable, et l’on aura peut-être une idée assez juste de cette partition, l’une des plus faibles et des plus négligées qu’ait jamais produites l’improvisation italienne, qui certes, nous pouvons le dire, se connaît en négligences. Jusqu’ici nous n’avions guère entendu, en France, de M. Pacini, que sa cavatine de Niobe, morceau de coupe italienne, assez ordinaire si l’on veut, mais qui réussissait grace à je ne sais quel rhythme chaleureux dont l’ame du virtuose tirait parti, grace surtout à cette cadence que Rubini enlevait avec tant de verve et de précision. On cite aussi avec éloge une partition des Barons de Felsheim, du même auteur, où bon nombre de dilettanti prétendent avoir rencontré d’excellentes qualités bouffes, des motifs pleins de verve et des phrases de bon aloi. Nous n’avons rien à dire de cette opinion, si ce n’est qu’elle servirait, au besoin, à confirmer la nôtre, à savoir que le style grave et solennel ne saurait convenir à ce musicien. Loin de nous cependant l’idée qu’en musique le sentiment épique et le sentiment bouffe doivent toujours s’exclure l’un l’autre ; plus d’un exemple témoigne du contraire, mais, alors seulement, dans les régions supérieures. On écrit Idoménée et les Nozze di Figaro, la Cenerentola et la Semiramide, mais on est Mozart ou Rossini ; aussi l’étrange manie, à tous ces Italiens, de se lancer à travers l’antique, de prétendre, avec leurs cabalettes et leurs trilles, animer cet élément sublime auquel il ne faut rien moins, pour s’émouvoir, que les grandes voix de Mozart, de Gluck et de Beethoven ! En Italie, tout est mode : les drames romantiques ont eu leur temps, aujourd’hui le vent tourne à la tragédie. Poème et musique, au fond, c’est un peu toujours la même chose, et les situations ne varient guère plus que les rhythmes et les mélodies. Norma change sa couronne de gui pour la couronne de laurier d’or et s’appelle Saffo, Oroveze se drape de blanc et s’intitule Alicantro, et la jeune Gauloise Adalgise attache à son nom une désinence grecque ; voilà tout. La belle occasion, en vérité, pour un musicien de creuser son sujet et d’y chercher le caractère, de s’évertuer à faire passer dans son inspiration quelque souffle harmonieux des brises de Lesbos ! le poète lui donne si beau jeu ! Sauf l’ovale si pur de la Grisi et le roc de Leucade qu’on attend là comme la statue du commandeur dans Don Juan, je ne vois pas qu’il y ait rien d’antique en cette affaire. Pollion amant de Norma convoite Adalgise ; Phaon, lassé des charmes de Saffo, recherche la fille du prêtre d’Apollon et va l’épouser, lorsque la Lesbienne outragée se précipite comme une lionne au travers des pompes nuptiales, renverse l’autel et profane le sanctuaire des dieux. Si la situation n’était pas des plus neuves, du moins peut-on dire qu’elle prêtait au développement des passions musicales ; il y avait là, pour un maître, ample matière à un beau finale ; par malheur, M. Pacini n’a pas même abordé la question, et s’est contenté de se traîner d’un bout à l’autre sur les traces du finale de la Lucia et d’imiter servilement cette large composition, comme si Donizetti ne s’était pas chargé lui-même de la reproduire partout. En châtiment du sacrilége dont elle vient de se rendre coupable, Saffo est condamnée à mort. Mais patience, le dénouement nous ménage une intéressante surprise : au moment où le sacrifice suprême va se consommer, la Lesbienne retrouve son père dans le vénérable prêtre d’Apollon, et, par conséquent, sa sœur dans sa rivale. On le voit, l’imagination du poète italien se donne libre carrière et ne se fait pas faute d’en prendre à son aise avec la tradition classique. Si l’ardente maîtresse de Phaon se précipite du rocher, c’est tout simplement qu’elle y est condamnée ; le désespoir amoureux n’entre pour rien dans son suicide. Voilà qui s’appelle avoir le génie des combinaisons dramatiques. Un musicien fort en renom au Conservatoire, Reicha, écrivit aussi un opéra de Sapho représenté, il y a tantôt vingt ans, à l’Académie royale de musique, et qui n’eut alors guère plus de succès que la partition italienne ne vient d’en obtenir à la salle Ventadour. Reicha n’était pas un mélodiste, chacun le sait, mais au moins pouvait-on admirer dans son œuvre un style élevé et correct, une tenue de langage en harmonie avec les conditions du sujet qu’il traitait. De l’héroïne traditionnelle, de la grande artiste passionnée et sublime, de cette mascula Sapho dont parle Horace, l’opéra italien n’a gardé que l’improvisatrice de la légende antique ; de la fable il n’est resté que la couronne de laurier et la lyre d’or : passe encore pour la couronne de laurier, elle sied si merveilleusement à la belle tête de Giulia Grisi ; mais pourquoi la lyre, puisque le musicien n’en pouvait évoquer le génie ? — Au moment de mourir, un beau délire s’empare de Saffo, son front s’illumine tout à coup d’une sérénité radieuse, les harpes de l’orchestre préludent, écoutez :
Tristes sons en vérité, pâles accords, musique ambitieuse et maniérée au moins autant que le vers que je viens de citer. Eh quoi ! cette lyre d’or de Sapho, cette couronne prophétique, tout cet appareil, toute cette pompe pour une si chétive et si mesquine inspiration ! Voilà cependant ce qui arrive tous les jours avec ces sujets grandioses, ces épopées musicales où se précipitent comme au hasard les imaginations les plus modestement douées. La Saffo de M. Pacini nous remet en mémoire le Stradella de M. Niedermeyer. Il faut être Gluck pour oser faire chanter Orphée. Du délire poétique à la démence il n’y a qu’un pas ; une fois sur la pente, Saffo ne s’arrête plus, et l’improvisation académique se termine en une scène de folie dans les règles. Au fait, comment la Lesbienne n’aurait-elle pas son quart d’heure d’égarement tout aussi bien que l’Émilia de la Vestale, tout aussi bien que Lucia, Elvire, Anna Bolena, et ses vingt autres sœurs du répertoire ? Un opéra italien serait-il donc un opéra italien, sans cette espèce d’intermède final où l’héroïne s’avance l’œil en pleurs, les cheveux dénoués, le sourire sur les lèvres, la main tendue vers son amant qu’elle appelle et croit voir, et récapitule l’un après l’autre, avec ses sensations de joie ou d’ivresse, tous les motifs épars çà et là dans le cours de l’ouvrage. M. Auber et les compositeurs de son école ont l’habitude de faire précéder leurs partitions d’une ouverture où glissent à la file, et plus ou moins adroitement présentées, les mélodies du drame musical qu’on va jouer. Ce que l’ouverture de M. Auber est à ses opéras-comiques, la scène de folie obligée l’est à l’opéra italien, et cette observation suffirait au besoin pour expliquer l’absence d’ouverture dans la plupart des opéras nouveaux. Les Italiens ont remplacé le prologue par l’épilogue. — Cependant, lorsque Saffo s’est livrée à son aise à tous ses désespoirs, lorsqu’elle a parcouru tous les degrés de son échelle de misères, et complété le sommaire des motifs contenus dans la partition de M. Pacini, son front rayonnant pâlit et s’incline, elle brise sa lyre, et, foulant sous ses pieds la couronne de laurier, elle s’élance échevelée sur le rocher classique du haut duquel le sacrifice de sa vie se consomme, non plus avec solennité et dans un libre arbitre généreux et sublime, mais froidement, sous le coup d’une nécessité banale. Ô Desdemona ! vous aussi vous aviez une harpe d’or qui s’échappait de vos mains languissantes après l’immortelle improvisation du Saule, vous aussi vous mouriez en inspirée ! Giulia Grisi semblait faite tout exprès pour représenter la Lesbienne Sapho telle qu’on se l’imagine, résumant en elle les qualités linéaires du style grec. Jamais on ne vit beauté plus resplendissante et plus fière. C’est au point qu’il faudrait représenter le chef-d’œuvre de M. Pacini seulement pour montrer la diva dans son costume du second acte, les tempes ceintes du laurier sacré, la chlamyde à demi flottante, abandonnée et retenue par les plis de la pourpre autour du corps, dont elle accuse la ligne vaguement. Quelle passion dans le regard, quelle harmonie dans le geste, quelle sérénité confiante dans la démarche et sur le front. C’est la tragédie antique en personne. Cependant, si le costume grec sied à ravir à la belle prima donna, avouons qu’en revanche il n’avantage guère les autres, les hommes surtout qui se trouvent par là travestis de la plus singulière façon. Tamburini emmailloté de longs voiles blancs, Tamburini grand-prêtre d’Apollon, mais assez chanteur encore pour ne pas négliger de se bien envelopper les bras dans des manches postiches du meilleur effet, est à coup sûr une physionomie sacerdotale intéressante et curieuse. Que dire aussi de ces malheureux choristes et de ces étranges bandelettes dont leurs perruques se couronnent ? À la première représentation de Saffo, au moment où la Lesbienne outragée renverse l’autel, l’esprit de vin qui brûlait sur le trépied se répandit sur la scène, et, continuant à flamboyer par terre, effrayait déjà les chanteurs. Le trouble allait, selon toute apparence, se mettre dans le finale, sans l’inspiration d’un vénérable choriste, prêtre lui aussi du dieu qu’on adore à Délos, et qui, voyant le danger, s’en alla vite dans la coulisse chercher une éponge mouillée dont il se servit pour éteindre le feu sacré le plus sérieusement du monde. Faites donc de l’antique avec de pareils incidens, et surtout avec de la musique du genre de celle de M. Pacini ! — Combien ne préférions-nous pas à cette indigeste composition le Cantatrice villane de Fioravanti, représentée quelques semaines auparavant ! Qui n’aimerait cette musique si légère, si nette, si pleine de verve et d’aisance, d’esprit et de bonne humeur ? Peu s’en faut que cette partition n’ait rien perdu de sa grace originelle, de sa primitive fraîcheur ; supprimez çà et là quelques tours de phrase surannés, quelques formules où la désuétude s’est mise, et vous aurez un opéra bouffe italien de vieille roche, une musique parente à plus d’un titre du Matrimonio segreto. Au sortir des effroyables bacchanales du jour, on est tout ravi de ce style correct et naturel, de cette verve qui sait se modérer ; l’orchestre surtout vous enchante par sa sobriété bien entendue, les instrumens disent là ce qu’ils doivent dire, rien de plus, rien de moins ; c’est une causerie animée, piquante, semée de traits où le bon sens trouve toujours son compte, où la logique des sentimens n’est point sacrifiée à tout propos à cette fureur d’emboucher la trompette de six pieds qui semble posséder la plupart de nos hommes de génie. Le duo entre Lablache et son fils, au second acte des Cantatrice Villane, vaut, pour la mélodie et l’entraînement, les plus remarquables inspirations du genre. Ici l’élève a si bien imité, qu’on ne distingue plus, et ce morceau figurerait avec honneur dans une partition de Cimarosa. Lablache y est admirable de rondeur et de gaieté ; du reste, d’un bout à l’autre de l’ouvrage, sa veine bouffe ne se dément pas un instant. À voir comment il réussit dans cette excellente musique, on conçoit aisément que Lablache affectionne entre toutes la période italienne de Cimarosa et de ses élèves, et s’efforce de la reproduire aussi souvent qu’il peut. Mme Persiani, elle aussi, s’entend à merveille à chanter ces vieux maîtres ; nous n’en dirons pas tant de Mme Albertazzi, qui n’a rien trouvé de plus ingénieux que d’intercaler dans cette partition de Fioravanti, écrite il y a plus de cinquante ans, une sorte de tyrolienne de fraîche date composée par Donizetti pour son opéra de Bettly. Voilà qui s’appelle avoir du tact, ce qui n’empêche pas cependant que Mme Albertazzi ne chante la tyrolienne de Donizetti d’une manière assez brillante, et qu’on eût davantage applaudie sans cette transposition malencontreuse. Les Italiens ont terminé hier leur campagne au milieu des ovations accoutumées, bien qu’il soit tombé cette fois sur la scène moins de bouquets et de couronnes qu’aux temps mythologiques de Rubini. Maintenant, si nous récapitulons les travaux auxquels on s’est livré pendant la saison musicale qui vient de s’écouler, nous verrons que l’administration a su dignement tenir tête aux circonstances et marcher à travers les difficultés qui l’assiégeaient. En effet, d’une part les dépenses augmentaient : qu’on se rappelle la restauration de la salle et la subvention supprimée ; de l’autre, les chances de fortune diminuaient par la retraite de Rubini. Heureusement le Stabat de Rossini s’est trouvé là, le génie du grand maître est venu encore une fois en aide à son théâtre. Mais rien ne fait supposer qu’un aussi favorable évènement doive se reproduire ; aussi l’administration hésite, et, s’il faut en croire les bruits qui courent, elle serait sur le point d’abdiquer tout-à-fait. L’avenir l’effraie, les virtuoses en renom chez nous depuis dix ans commencent à vieillir, et pour les chefs-d’œuvre qui se composent aujourd’hui en Italie, la Saffo que nous venons d’entendre en donne la mesure. Le moment est critique, nous l’avouons ; cependant pourquoi désespérer ? Il y a au-delà des Alpes toute une jeune école de chanteurs dont en France nous ne savons rien encore : Moriani, Poggi, Ronconi, la Frezzolini ; ne pourrait-on chercher à se recruter de ce côté, lorsque les temps seront venus ? Donizetti continuera d’écrire, et qui nous dit que dans le nombre, il ne se trouvera pas quelqu’une de ces partitions fortunées que le succès fait vivre ? Il s’en faut d’ailleurs que le répertoire italien tombe si fort en désuétude ; le répertoire de Mozart, de Rossini et de Bellini est une bonne et féconde terre qui garde encore en elle le germe des plus belles moissons. Le public a-t-il donné cette année le moindre signe de lassitude ou d’ennui ? Au contraire, on l’a vu accueillir avec empressement M. de Candia qui succédait à Rubini, applaudir comme par le passé Lablache, Tamburini, la Persiani ; la Grisi seule semblait sur la fin de la saison un peu tombée en défaveur, mais depuis trois mois la Grisi n’était plus guère, pour la voix et le talent du moins, que l’ombre d’elle-même, et ce discrédit tout accidentel eût cessé bientôt avec la cause. Le Théâtre-Italien est dans nos mœurs, il est dans nos goûts et nos habitudes, il faut qu’il dure. L’administration actuelle peut se retirer, libre à elle ; mais nous lui prédisons qu’avant peu elle en sera aux regrets.
À l’Académie royale de musique, les débuts, quelque temps interrompus, de M. Delahaye ont repris leur cours, sans que le public s’en soit bien vivement préoccupé. L’épreuve de Guillaume Tell n’a guère mieux réussi au nouveau ténor que l’épreuve de Robert-le-Diable. Certaines gens ne parlent qu’avec enthousiasme de l’organe de M. Delahaye, et ne se lassent pas de vanter à toute occasion le timbre et la sonorité de cette voix surnaturelle. Nous avons entendu M. Delahaye à sa première représentation, lorsqu’il était encore sous le coup d’une émotion inséparable du début, puis il y a quelques jours, c’est-à-dire à près de deux mois de distance, lorsque nous pensions pouvoir espérer, sans trop d’indiscrétion, qu’il nous mettrait dans sa confidence, et nous avouons que, si l’on excepte une émission stridente et gutturale, rien dans cette voix ne nous a frappé. Il est possible que ce timbre, encore enveloppé, parvienne un jour à se dégager à force de travail et grace à des études plus habilement dirigées que celles de M. Delahaye ne semblent l’avoir été jusqu’ici ; en attendant, il faut bien décompter et renoncer d’abord aux splendides illusions qu’on s’était faites. La Reine de Chypre conserve le privilége d’attirer la foule. Le public a pris goût, sinon à cette musique monotone et que nulle échappée mélodieuse n’éclaire, du moins au spectacle varié, à la pompe théâtrale qu’elle accompagne. Barroilhet contribue aussi puissamment au succès de cette partition que la fortune adopte à l’heure qu’il est, sans doute parce qu’elle n’a rien de mieux à faire à l’Opéra. La voix de Barroilhet, flexible, juste, sonore, pathétique, d’une vibration profonde et métallique, trouve par momens des effets auxquels on ne résiste pas. Ainsi, dans le duo du troisième acte, quand revient cet élan : Ô ma belle patrie ! c’est une conviction chaleureuse, une émission large et puissante qui vous remue jusque dans les entrailles. Barroilhet est aujourd’hui chez nous le seul chanteur qui gagne du terrain ; tandis que ses rivaux décroissent, lui de jour en jour prend racine et s’élève ; on sent que les encouragemens du public l’animent au travail et qu’il s’évertue à bien faire. À l’une des dernières représentations de la Reine de Chypre, Mme Stoltz, depuis quelque temps épuisée par les efforts auxquels elle se livre pour soutenir le répertoire dont la responsabilité pèse aujourd’hui sur elle seule, a failli ne pouvoir continuer son rôle, et, sans un excès de bonne volonté dont on doit lui savoir gré, le spectacle allait demeurer suspendu. D’autre part, Mme Dorus, retenue loin de la scène par une altération des régions vocales, ne fait plus de service, et, dans ces circonstances, force est à l’administration de laisser échoir les premiers rôles à des sujets de second et troisième ordre. Ne remarquez-vous pas que les destinées du théâtre se font bien menaçantes ? Nous parlions tout à l’heure de la difficulté que l’Opéra italien trouverait à se renouveler ; nous voici à l’Académie royale, et le même cas se présente. En Italie comme en France, musique et chanteurs manquent à la fois, la disette est partout. — Un ballet nouveau pour Carlotta Grisi, la Rosière de Gand, sera sans doute la première nouveauté à laquelle nous assisterons. Quant aux opéras qui se préparent, tous opéras de genre et signés de noms d’une importance musicale au moins problématique, nous doutons que l’administration fonde sur eux de grandes espérances et compte en faire autre chose que des prologues de ballets. La question est donc tout entière de savoir quand on aura l’opéra de M. Meyerbeer, et comment on en distribuera les rôles. Si éloignée que semble d’abord la mise en scène de cette œuvre, si enveloppée d’ombre et de vapeur que paraisse la date, il n’en est pas moins sûr que toutes les espérances doivent tendre vers ce but. Avant peu, l’illustre maître quittera Berlin pour venir agiter cette grande affaire dans le cabinet de la rue Lepelletier, et il ne s’agira plus que de s’entendre sur la cantatrice. Il ne faut en effet rien moins qu’un nouveau chef-d’œuvre de l’auteur de Robert-le-Diable et des Huguenots pour combler le vide d’un horizon où nul grand nom musical ne rayonne en perspective.
Parlerons-nous du nouvel opéra de M. Auber au théâtre Favart, de ce charmant fleuron ajouté aux Diamans de la couronne ? Dirons-nous ce que personne n’ignore, à savoir que c’est là une musique ingénieuse, pétulante, facile, pleine de goût et d’esprit, où le motif (faculté surprenante après tant de travaux) perce encore et se laisse fort nettement saisir, le motif, cette ame des partitions de M. Auber, cette condition absolue de tant de jolis chefs-d’œuvre ? Il y a des musiques qui vivent par l’instrumentation, les recherches du style, le clair-obscur habilement ménagé, celle de M. Halévy, par exemple ; la musique de M. Auber vit de motifs, et point d’autre chose. Aussi le procédé de M. Auber (qui n’a le sien ?), assez facile à découvrir du reste, ne se laisse pas si aisément imiter qu’il en a l’air. Le motif tel que l’entend l’auteur de la Muette et du Domino noir n’est qu’un fragment d’idée sans doute, qu’un grain de poussière diamantine taillée à facettes ; mais que de gens n’ont pas même des fractions d’idée ! Le jour où le motif que M. Auber cherche partout à la pipée comme un poète sa rime, où ce gentil oiseau, dont il note les chansons au retour de ses promenades au bois, s’envolera pour ne plus revenir, ce jour-là, soyez-en sûrs, M. Auber cessera d’écrire. Rien n’indique dans le Duc d’Olonne que ce jour doive arriver bientôt. Vous retrouvez là, comme dans les Diamans de la couronne, de ces lueurs mélodieuses, de ces tours élégans qui vous séduisent ; je citerai entre autres, dans le duo du second acte entre le duc d’Olonne et la duchesse déguisée en moine, un trait d’orchestre d’une finesse exquise, et la sérénade du troisième acte, si ingénieusement combinée, si bien en scène. Avec Mme Damoreau, la cantatrice par excellence, le Duc d’Olonne aurait parcouru la carrière du Domino. S’il manque à ce succès un peu d’élan, c’est à Mme Thillon seule qu’il faut s’en prendre. Mme Thillon a tous les défauts d’une actrice d’opéra-comique sans en avoir les qualités ; j’en excepte une : elle est jolie. Dans la comédie, Mme Thillon ne joue pas, elle minaude ; un effroyable accent britannique s’oppose chez elle à toute espèce d’esprit dans le dialogue, de justesse dans le trait ; Mme Thillon ne se contente pas de chanter, elle parle faux. Cependant, malgré tous ces travers, je conçois encore que l’auteur du Duc d’Olonne l’emploie de préférence à Mme Rossi, talent plus sérieux sans doute, voix plus exercée, mais qui n’a rien de cette élégance flexible, de cette gentillesse dont sa musique ne saurait se passer. Mme Rossi entonne ces ariettes comme elle ferait d’une cavatine de Bellini ou de Mercadante. Une fois lancée, sa passion l’emporte ; au lieu de raser le sol, elle prend le large et s’envole ; lorsqu’il faudrait gazouiller à mi-voix, elle chante. Il suffit, pour s’en convaincre, d’entendre Mme Rossi dans le rôle d’Angèle du Domino noir. Vocalisation, tenue, intelligence dramatique, tout y est ; une seule chose manque, le secret de cette petite musique dans ce qu’elle a de fin, de minutieux, si l’on veut, le secret que Mme Damoreau avait si bien, et que Mme Thillon cherche sans le trouver. C’est trop et trop peu. Si jamais M. Auber emploie Mme Rossi, ce sera pour lui confier un rôle tout musical, et par conséquent à l’Opéra-Comique accessoire, un rôle à cavatine, dans le genre de la princesse de Zanetta, comme faisait M. Meyerbeer pour Mme Damoreau, qu’il admettait dans ses ouvrages, mais à titre d’objet de fantaisie et de luxe.
Nous ne quitterons pas l’Opéra-Comique sans dire quelques mots d’un petit acte représenté voici tantôt deux mois. Le Diable à l’école, de M. Boulanger, est le coup d’essai d’un jeune homme de talent, qui aux prises avec un poème des plus ridicules et d’assez pauvres chanteurs, a trouvé moyen de se tirer d’affaire comme il faut. Il y a dans cette musique de l’ingénuité, de la grace, de la fraîcheur, comme aussi de l’inexpérience, de la diffusion, du trop plein, en un mot, les qualités et les défauts d’un premier début. Les musiciens nouveau-venus ressemblent un peu à ces écrivains qui voudraient faire tenir toute une encyclopédie en quinze pages ; les uns n’ont jamais assez de notes, comme les autres jamais assez de noms propres. Nous reprocherons encore à M. Boulanger de déposséder trop souvent les voix en faveur de l’orchestre ; presque tous les motifs du Diable à l’école restent dans l’accompagnement ; il est vrai qu’à l’Opéra-Comique c’est peut-être ce qu’un musicien a de mieux à faire. On se réfugie où l’on peut, et, lorsque les voix ne chantent pas, on s’adresse aux violons. Quoi qu’il en soit, ce petit acte semble promettre pour l’avenir, et mérite qu’on le note dans cette multitude d’ouvrages avortés que le gouffre du répertoire engloutit à chaque instant.
Si depuis deux mois environ les nouveautés manquent à la scène, si les théâtres lyriques s’endorment, en revanche les concerts se succèdent et se multiplient avec une infatigable activité. Cette époque de l’année est d’ordinaire la période musicale par excellence ; les notes y pleuvent comme les giboulées. À la débâcle de Pâques, c’est à qui s’adressera aux virtuoses italiens, à qui profitera de ces quelques jours de liberté que Lablache, la Grisi et la Persiani comptent entre la campagne de Paris et celle de Londres. On les supplie, on les circonvient, on les assiége, et tant de démarches et d’obsessions finissent toujours par une cavatine chantée à la matinée musicale d’un bénéficiaire plus ou moins illustre. Qui n’a donné, qui ne donnera son concert ? Voulez-vous entendre un air de ténor chanté par une basse, voilà M. Géraldi qui va vous débiter d’une voix d’enterrement la cavatine de Ponchard dans la Dame Blanche ; voulez-vous entendre une ame de jeune homme qui s’exhale en un mélancolique adagio, voilà M. Batta et son violoncelle. Parlerai-je de M. Chopin ? Avec lui, les choses ont un vernis de plus haute élégance. Le talent de M. Chopin ne se produit qu’à de longs intervalles, et s’entoure alors de toute sorte de soins minutieux et de ménagemens. M. Chopin n’admet à ses révélations annuelles qu’un public d’initiés, qu’un monde tout d’élite ; il faut à son talent exquis, délicat, merveilleux, mais fragile et d’une ténuité qui se dérobe à l’analyse, un auditoire expressément composé d’organisations nerveuses, de natures presque éthérées ; il y a dans le jeu de M. Chopin quelque chose de perlé, de rare, d’éolien, que de simples mortels ne pourraient saisir. Le jour où l’on inventera un microscope pour les oreilles, ce jour-là M. Chopin sera divinisé. Cependant, au-dessus de ce monde de petites passions, de petites coteries et de petite musique, règne le Conservatoire. Ici du moins il s’agit encore d’art et de grands maîtres ; avec quel noble zèle cette admirable institution se perpétue ! comme depuis quinze ans cet orchestre et ce public s’entendent et s’encouragent ! quel enthousiasme chaleureux, convaincu, désintéressé, d’une part, quelle exactitude ponctuelle de l’autre ! Il y a des orchestres et des sociétés musicales en Allemagne, mais la société des concerts n’existe que chez nous ; et dire qu’il faut venir de Vienne et de Berlin pour entendre Beethoven et Weber, pour embrasser dans son idéal l’exécution des chefs-d’œuvre du génie allemand ! Voilà, certes, qui est beau, et répond dignement aux rivalités mesquines de ces petits princes du Nord, qui prétendent chasser nos gloires de leurs temples. Cette année encore, Beethoven a fait tous les frais de musique religieuse pendant la semaine sainte ; les hymnes spéciales les plus en renom, les langoureuses psalmodies du Stabat de Pergolèse lui-même, ont paru apprêtées et froides auprès de ces immortelles symphonies où la douleur humaine revêt une expression si magnifiquement élégiaque. On vivrait là des semaines entières en contemplation des chefs-d’œuvre et des belles harmonies ; cet enthousiasme héroïque pour les grands maîtres vous repose du charlatanisme quotidien, et vous sentez que le sérieux, chassé de jour en jour du domaine des arts, s’est réfugié dans cette salle comme dans son dernier asile. Si de la tragédie nous passons à la petite pièce, du sévère au plaisant, nous trouvons aussitôt sur notre route les nouveaux triomphes de M. Liszt à Berlin. L’illustre virtuose exploite ainsi l’une après l’autre toutes les capitales de l’Europe. L’an passé, c’était Vienne, si nous avons bonne mémoire ; aujourd’hui c’est Berlin, demain ce sera Pétersbourg, et partout des hourras et du délire, partout le fanatisme au sein des populations agitées ! Certes, après le fameux sabre de Hongrie, la Prusse avait fort à faire pour ne pas être en reste. Heureusement le corps universitaire s’est levé comme un seul homme, et l’ovation de Berlin formera un épisode non moins intéressant que les triomphes de Vienne dans l’épopée de cette vie d’artiste. M. Liszt, en homme d’esprit qu’il est, s’adresse volontiers aux influences dominantes dans le pays qu’il visite. Il donne à Vienne ses concerts à l’aristocratie, à Berlin il les dédie aux étudians. Or, l’étudiant allemand a plus d’une analogie avec l’étudiant de Salamanque, et, s’il lui ressemble par son goût passionné pour la musique, il lui ressemble encore davantage par le vide de sa bourse. En abaissant le prix de ses concerts au niveau des plus modiques fortunes, M. Liszt ne pouvait manquer de se concilier les plus bruyantes sympathies. L’enthousiasme est une sorte d’appoint qu’on ajoute au chiffre du billet, une monnaie que les gens qui paient cher économisent, et que la plupart du temps les autres jettent par les fenêtres. — Dire quelles acclamations accueillirent le virtuose dans ses concerts serait chose impossible. Sérénades, galas, toasts, illuminations, on ne savait comment célébrer sa bienvenue. Quand arriva le jour des adieux, la ville ne voulait plus le laisser partir. Dès le matin, une foule immense assiégeait les abords de l’hôtel où M. Liszt était descendu. Un carrosse attelé de six chevaux blancs attendait le musicien à sa porte. On sortit de Berlin en triomphe, au milieu des hourras et des fanfares d’une musique de janissaires. Arrivé au premier relai, le cortége s’arrêta ; des discours furent prononcés de part et d’autre ; on parla de l’humanité, des droits des peuples, de la monarchie et de la papauté ; puis le virtuose, montant dans sa voiture de voyage, disparut dans un nuage de poussière, non sans avoir adressé pour derniers adieux à la multitude qui l’entourait ces trois vers d’un personnage du Philtre :
Adieu, adieu, mes bons amis,
Vivez unis ;
Je reviendrai dans ce pays !
Tels sont les faits que rapportent les gazettes allemandes, s’il faut en croire les notes transmises aux journaux par des mains pieuses, auxquelles on ne contestera pas le privilége d’orner et d’embellir tout ce qu’elles touchent. Il y a dans la noblesse hongroise certaines maisons qui conservent encore de nos jours des droits souverains. Quand un de leurs membres arrive dans sa principauté, les cloches sonnent, le canon gronde, les bannières flottent sur les murailles. M. Liszt partage désormais ces priviléges féodaux avec les Esterhazy. Qu’on nie encore la souveraineté de l’art !
La musique et le Conservatoire viennent de faire une perte irréparable ; l’auteur de Médée et des Deux Journées, le chantre illustre de la Messe du Sacre, Chérubini, est mort dernièrement. Génie austère et correct, d’une inspiration toujours sobre et mesurée, inimitable dans ses combinaisons instrumentales où jamais le travail ne se laisse sentir, Chérubini emporte avec lui le secret de toute une école classique dont il était le représentant suprême. Je comparerais volontiers sa musique à une eau de roche : elle en a la profondeur et la transparence, comme aussi, par momens, le froid glacial. Avec lui, l’art domine toujours ; si le maître intervient dans ces œuvres de longue haleine, dans ces monumens de grand style, c’est par accès, par boutades, moins pour chanter que pour maudire et tonner du fond de son nuage, un peu à la manière du Jéhovah de la Bible. Les sentimens évangéliques, la douleur suave et résignée, ne sont pas en général ce qui l’attire. Sa présence dans l’œuvre se dénote par je ne sais quelle irritation nerveuse et maladive qui, du reste, était dans son organisation. Une fois cependant le maître a connu cette effusion d’amour, cette langueur divine, une seule fois, dans la marche de la communion de sa Messe du Sacre, page vraiment sublime, cantique tout parfumé d’encens et de bénédictions, et qu’on dirait tombé du livre des archanges. Depuis long-temps Chérubini n’écrivait plus, et, pour trouver la date de sa dernière partition, il faudrait remonter à la représentation d’Ali-Baba. L’accueil presque indifférent qu’on fit à cette partition éloigna le maître d’une scène dont il ne parlait plus la langue, et de ce jour il revint (non sans quelque amertume envers les temps) à cette muse austère qu’il cultivait encore aux approches de la mort, et que M. Ingres a surprise derrière le fauteuil du grand artiste. Chérubini se sentait vieillir avec peine, son grand âge le chagrinait ; l’auteur de tant de chefs-d’œuvre voyait avec horreur venir le moment où il lui faudrait dire adieu à cette gloire si laborieusement conquise, à cette muse qu’il adorait, à ces respects, à ces déférences dont il était l’objet de toutes parts. Comme on pense, dans de pareilles conditions, un esprit comme le sien devait avoir son franc parler sur les choses et les hommes ; ses bons mots n’épargnaient personne, et tombaient comme la grêle ici et là, impitoyablement. Enfermé dans sa retraite du Conservatoire, chargé d’ans et de gloire, Chérubini exerçait, sur la génération musicale nouvelle, cet effet prestigieux de M. de Châteaubriand dans les lettres. C’était un peu ce buste d’Homère régnant dans le fond dont parlait dernièrement M. Sainte-Beuve. Je cite Châteaubriand, c’est peut-être Royer-Collard qu’il faudrait dire, pour la vivacité du trait, le mordant de la repartie, qui souvent emportait la pièce. Chérubini avait désigné pour son successeur, dans les fonctions de directeur du Conservatoire de musique, M. Halévy, son élève affectionné, celui auquel il a transmis tout ce qu’il y a de transmissible dans l’héritage du génie. L’administration en a décidé autrement, et, quelque respect que nous ayons pour les dernières volontés du grand maître, nous ne pouvons que louer l’administration, dont le choix s’est fixé sur M. Auber. Le gouvernement du Conservatoire ne pouvait tomber en des mains plus dignes et plus capables. Avant tout, il faut, à la tête de cette noble institution, un grand nom musical, dont l’autorité impose au dedans comme au dehors. À ce titre, Auber devait succéder à Chérubini, l’auteur de la Muette à l’auteur de Médée. M. Auber entre à la direction du Conservatoire, l’esprit exempt de tout préjugé systématique, libre de toute influence de coterie ; il s’efforcera de tout voir par lui-même, portant son activité sur bien des points négligés par l’illustre vieillard, dont l’âge paralysait souvent les intentions. Tout provisoire va donc cesser. Les études vocales appelleront en premier lieu la sollicitude du nouveau directeur, et nous avons assez de confiance dans le goût éclairé et l’expérience de M. Auber, pour espérer qu’avant peu d’utiles réformes s’accompliront dans cette partie de l’enseignement. La mort de Chérubini a donné l’éveil aux directeurs de l’Opéra-Comique, et la reprise des Deux Journées, qui, du vivant de l’auteur, semblait naguère encore indéfiniment renvoyée, paraît, à l’heure qu’il est, toucher à sa réalisation : rien ne lève les difficultés d’une mise en scène laborieuse comme la mort. Vous aurez beau être un grand musicien, avoir eu cinquante ans, du génie, et fondé votre renommée sur la fortune des théâtres, les obstacles naîtront par milliers dès qu’il s’agira de reprendre un de vos chefs-d’œuvres ; et, pour les remettre au répertoire, on attendra que vous soyez mort. Le succès est comme les corbeaux, il ne s’abat que sur les tombes. — On se demande qui succédera à Chérubini dans le fauteuil laissé vacant à l’Institut. Déjà les ambitions sont en campagne, les deux candidats entre lesquels le scrutin aura, selon toute apparence, à se prononcer, paraissent être M. Onslow et M. Adolphe Adam. M. Onslow, bien que d’un renom moins populaire que l’auteur du Postillon de Lonjumeau, possède cependant des titres plus sérieux aux suffrages de l’Institut. Nous ne rappellerons pas ici ses quatuors et ses quintettes, tous les gens qui s’occupent de musique en France aussi bien qu’en Allemagne admirent la savante clarté et les grandes qualités de style par lesquelles se recommandent ces compositions instrumentales. Quant à M. Zimmermann, l’habile professeur du Conservatoire, nous ne pensons pas qu’il ait de chances, pour cette fois du moins. On a parlé d’une quatrième candidature ; s’il fallait en croire certains journaux, l’auteur de la Symphonie fantastique se mettrait, lui aussi, sur les rangs. La survivance académique de Chérubini à M. Berlioz ! Quel dommage que le malin vieillard, qui s’est tant de fois égayé sur les malencontreuses élucubrations du chantre d’Harold aux montagnes, n’ait pas eu vent de cette outrecuidante fantaisie ! il y avait là de quoi piquer au vif une dernière fois son humeur sarcastique.