Revue musicale - 14 juillet 1883

Revue musicale - 14 juillet 1883
Revue des Deux Mondes3e période, tome 58 (p. 440-452).
REVUE MUSICALE

Combien de gens, en visitant l’exposition d’horticulture, se sont exclamés d’admiration à la vue de cette infinie variété de plantes et de fleurs dans une même espèce du règne végétal ! Passons maintenant au règne animal et, par gradations toujours ascendantes, arrivons au monde intellectuel : nous éprouvons le même sentiment devant les mêmes phénomènes. La race, la nation, la famille, les individus, et, parmi ceux-là, autant de tempéramens, d’organisations et d’efflorescences diverses selon la culture. Chez ceux qui se ressemblent le plus vous saisissez le trait personnel, signature du caractère et du talent, sans quoi rien ne compte, et toujours, comme dans la nature, le mouvement progressif, le combat pour l’existence, le présent en révolte contre le passé qui n’en veut pas démordre et qui se venge, et le bon sens du public finissant par avoir raison de la critique. Car il est écrit que ce qui doit durer durera, et l’histoire en sait plus long là-dessus que toutes nos théories.

Trois noms, que l’Opéra-Comique vient de mettre en lumière, m’aideront à poursuivre ma démonstration : Bizet, Félicien David, M. Delibes, trois variétés diversement intéressantes d’une même espèce. Bizet, — toute l’Europe aujourd’hui le reconnaît et le proclame, je ne veux pas dire excepté nous ; — ce qu’il y a de certain pourtant, c’est que notre empressement envers sa gloire laisse à désirer et que cette partition de Carmen, qui, dans le steeple-chase du succès, arrive partout ailleurs toujours première, ne sera venue qu’en troisième au récent concours de l’Opéra-Comique. Lakmé l’a d’abord dépassée de deux têtes, puis la Perle du Brésil est arrivée seconde, et vous verrez que, cette fois peut-être encore, un pareil chef-d’œuvre sera renvoyé du répertoire avec tous les honneurs de la guerre.

Triste inconvénient d’un poème mal choisi, ce demi-succès qui accueillit Carmen à l’origine et qui vient de se reproduire à la reprise, les auteurs de la pièce l’ont sur la conscience. C’était là, pour un public qui se plaît aux sous-entendus, un sujet rebutant et dont le musicien allait encore accentuer la crudité par la vigueur d’une coloration toute moderne, d’autres diraient naturaliste et citeraient le dénoûment avec ses violences d’oppositions, où tous les cuivres de l’orchestre rassemblés derrière la coulisse mêlent aux derniers soupirs de la jeune femme leur fanfare de cirque qui double et triple, par sa vulgarité voulue, l’effet tragique du tableau. On s’effraie à penser à ce que cette Espagne de Mérimée et de Bizet doit inspirer de scrupules et d’horreur aux honnêtes gens qui n’ont jamais connu que l’Espagne du Domino noir. Ces contrebandiers, ces douaniers, ces toreros aux foulards enroulés formant résille, ces cigarières et ces tireuses de cartes, cette fille qui change d’amans d’un acte à l’autre, tout ce monde jouant du couteau et ne ménageant point les apparences, c’était de quoi porter le trouble dans les esprits. À Londres, à Vienne, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, les conditions sont différentes ; cette cause de défaveur inhérente au réalisme du poème n’existe pas pour l’étranger ou du moins lui échappe. Ainsi s’explique l’universel succès ; on court à la musique de Carmen et on l’applaudit d’un cœur libre d’arrière-pensée sur l’immoralité et l’incongruité du sujet, on goûte avec ravissement ce pittoresque et ce dramatique musical que n’endommagent plus, comme chez nous, les licences d’un libretto dont personne ne s’occupe. Connaissez-vous au répertoire, beaucoup de morceaux dignes d’être comparés à ce finale que je viens de nommer, lorsque Carmen, poignardée par son premier amant, expire sur le devant de la scène, tandis qu’au dehors les toreros chantent en chœur le triomphe du nouveau ? Une seule inspiration de cet ordre suffirait pour classer son homme parmi les maîtres du théâtre ; et la partition de Bizet en est pleine ; la scène de la cartomancie, où tant de vraie terreur intervient, le chœur des douaniers au deuxième acte, tout cela, vu, traité de haut, tragique à la fois et populaire. Citerai-je les couplets de Carmen et leur férocité câline qui vous laisse entrevoir le coup de navaja donné ou reçu ? La musique de Bizet est faite de ces pressentimens, elle a des dessous que vous ne trouverez ni dans Fra Diavolo ni dans Zampa, et ce caractère ethnologique que nous signalions ici même dès le premier jour n’a pas manqué de s’imposer aux étrangers, si bien qu’à l’heure où nous sommes, Carmen les ayant mis en goût, ils ont voulu pénétrer plus avant dans l’œuvre du maître.

Hier, on applaudissait à Vienne la Jolie Fille de Perth ; demain, nous recevrons de Londres ou de Berlin la nouvelle qu’on y monte les Pêcheurs de perles ; et peut-être alors nous aviserons-nous à notre tour d’y aller voir. Quand Herold fut mort en nous léguant ses deux chefs-d’œuvre, on s’enquit aussitôt de tout ce qu’il avait produit auparavant, et l’Opéra-Comique reprit Marie et le Muletier ; il en sera de même pour Bizet, dont les premiers ouvrages devront tôt ou tard nous renseigner sur les débuts d’un tel artiste. En attendant, souhaitons que Carmen me sorte plus du répertoire, et tâchons de profiter de la leçon que l’étranger nous a donnée là.

La meilleure manière de réparer nos torts envers cette musique serait d’en surveiller soigneusement la mise en scène. L’exécution actuelle est satisfaisante, mais rien de plus ; quelques-uns ont regretté l’ancienne distribution. Il y avait à cette époque une actrice qui brûlait les planches et ne reculait devant aucune audace : Mme Galli-Marié fut en personne la Carmen de Mérimée, et je puis dire aussi de Bizet ; car elle avait, pour triompher d’une mauvaise voix, son diable au corps et son instinct de musicienne. Auteurs, artistes et critiques, tous lui firent fête dans ce rôle, tous, hormis le public de l’endroit, qui s’émut de pudeur et de cant aux mines décidément trop délurées du personnage. Partout ailleurs, Mme Galli-Marié eût sauvé la pièce ; à l’Opéra-Comique, elle en compromit le succès, et voici Mlle Isaac qui nous en apporte aujourd’hui une édition expurgée ad usum delphini ; la couleur locale y perd sans doute quelque peu, mais la musique y gagne en proportion. Mme Galli-Marié jouait, parlait, brûlait le rôle, Mlle Isaac le chante ; elle y va posément, sûrement, d’une voix qui ne triche ni ne bronche et dont le medium vous charme. Elle restitue l’accent pathétique à cette large phrase du grand duo du second acte, comme du reste à toute la partie vocale. Je me demande néanmoins si Bizet serait content et ne se plaindrait pas qu’on lui ait changé sa Carmen ? Peut-être bien aussi regretterait-il son ténor des anciens jours ; à mesure que les formes dramatiques se sont agrandies, il semble que la taille des ténors ait diminué, et tel artiste qui d’ailleurs suffit au répertoire, produit l’effet d’un chanteur d’opérettes quand vous le mettez dans le Pardon de Ploermel ou dans Carmen. En revanche, l’orchestre est excellent, M. Léo Delibes écrivait « incomparable, » dans une lettre qu’il adressait à son chef M. Daubé le lendemain du succès de Lakmé, et tout en faisant la part de ce que peut contenir d’entraînement élogieux un manifeste de victoire, il demeure impossible de contester, après Lakmé, après Carmen, après la Perle du Brésil, la très réelle supériorité de cet orchestre.

Le nom que je viens de prononcer me serait une transition toute naturelle pour passer à Lakmé ; je préfère intervertir l’ordre du programme et commencer par la Perle du Brésil, m’appuyant sur cette considération que Félicien David a précédé d’un bon quart de siècle M. Detibes, dont il est du reste un peu le père en orientalisme. Si l’on aimait les analogies, on en trouverait ainsi plus d’une ; talens épisodiques tous les deux, moins dramatiques que lyriques et contemplatifs, celui-ci avec ses symphonies, l’autre avec ses ballets, côtoyant et contournant le théâtre au lieu d’y aborder franchement. Chez Félicien David, l’évolution fut plus interne ; jamais l’ombre de théorie, aucune information de ce qui réussissait au dehors ; c’était un innocent, un mystique, le saint François d’Assise de la musique : « Petits oiseaux mes frères, roses mes sœurs, idées, ma vie et ma lumière : omnis beatitudo nostra ! » Tel nous l’avons connu, affectueuse, attendri, sympathique aux choses d’art, de science et d’humanité, la plus belle âme qui se puisse voir et toute pleine de résonances divines qui, vaguement, vous rappelaient Mozart, de même que son inconscience générale vous faisait penser au saint de la légende. Méhul cultivait les tulipes ; lui, c’étaient les roses. Il en avait un jardinet éblouissant, et comme je passais alors mes étés à Montmorency, je lui portais des greffes que je prenais chez mon voisin, un célèbre horticulteur de ce temps-là, qui s’appelait Duval. Nous déjeunions ensemble ; après quoi, il se mettait à son piano et me jouait les Hirondelles, la Rêverie, la Mélodie-valse pour piano, vendues jadis en bloc à un éditeur de Lyon pour la somme de 75 francs, soit 25 francs par ouvrage, ce qui naturellement ramenait à me raconter les premières années de sa vie d’artiste.

Celui-là pouvait parler de la misère pour l’avoir connue et surmontée avec courage. Resté de bonne heure orphelin et sans fortune, il s’était mis en campagne sur la foi d’une vocation qui s’annonçait par d’heureuses facultés, courant la Provence et ses maîtrises, enfant de chœur à Aix aussi longtemps que sa jolie voix de soprano le lui permit, et bientôt, la Mlle étant venue, s’acheminant d’étape en étape vers le Conservatoire, où Cherubini le fait entrer. Étudier la composition et l’art du clavier sous des professeurs éminens est certes un grand avantage ; mais la question du pain quotidien, comment la résoudre ? « Moi ! s’écriait-il plus tard, je soutiens que la misère tue l’imagination. » La misère ne tua point chez lui le don de créer, mais elle avait un par l’induire en réflexions philosophiques sur l’état dès sociétés ; de telle sorte que le saint-simonisme arrivant le trouva tout préparé. « A chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres. » Cette doctrine le tenta, et, pour décider l’impulsion, il lui suffit de reconnaître quelques-uns de ses amis parmi les propagateurs de la foi nouvelle.

Quelques amis ! c’était déjà un auditoire dans le présent, et, dans l’avenir, quelle gloire d’avoir inventé le type liturgique d’une religion, d’être le saint Ambroise, le saint Grégoire, le Palestrina et le Luther des psaumes du saint-simonisme ! Reportez-vous aux temps, songez à cette tête de méridional en proie aux hallucinations du jeûne, aux amertumes d’un long et douloureux apprentissage, et vous comprendrez cette escapade au pays de l’idéal, même dans ce qu’elle eut de folie picaresque. Car, il n’y a pas à dire, il y eut prise d’habit : la toque, la tunique bleue, le plastron blanc, servant de gilet, et le large pantalon retenu par une ceinture. La ceinture était l’emblème de l’apôtre voyageur ; le plastron, qui se boutonnait sur le dos, était l’emblème de la fraternité, parce qu’on ne pouvait le vêtir sans le secours d’une main amie. Paris, qui ricane de tout, s’amusait de cette mascarade. Je me souviens qu’à Bourbon, au sortir de classe, dès que nous apercevions un saint-simonien, la consigne était de courir sus, ce qui ne nous empêchait pas d’aller le soir nous faire endoctriner par Bûchez, qui tenait boutique de palingénésie humanitaire rue Chabanais, tandis que les autres, logés d’abord rue Monsigny, avaient construit leur temple à Ménilmontant, où pontifiait Enfantin, revêtu du titre de père suprême et costumé selon le rite, cela va sans dire. Bûchez, au contraire, officiait bourgeoisement, en redingote, mais le symbolisme n’y perdait rien. C’est à son cours que j’aperçus, pour la première fois, Alfred de Vigny, que la petite église s’efforçait de racoler, et qui répondit à ses avances par l’épisode d’André Chénier dans sa Consultation du docteur noir. Plus exemplaire et plus consolante fut la conduite de Félicien David ; il soutint son apostolat musical comme il eût été désirable pour Bûchez et sa doctrine que l’auteur de Stello eût rempli sa mission poétique. On le vit, à Ménilmontant, composer des chœurs religieux pour les divers exercices de la foi, que dis-je, composer ? Il fit un bien autre miracle, il enseigna ces chœurs aux frères, il fit chanter d’ensemble des mathématiciens, des ingénieurs et des économistes qui n’avaient jamais appris la musique.

Après un tel effort, qu’était-ce qu’une expédition en Orient ? On quitta l’ingrate patrie, où les persécutions avaient commencé devant la police correctionnelle, et, sur l’ordre du père, on se dispersa, le sac au dos, le bâton de pèlerin à la main, pour aller porter la vie et la fécondité à l’antique terre des Pharaons : le barrage du Nil, le canal de Suez, les télégraphes, autant de projets dont la pensée remonte à cette époque[1]. Félicien David fut le musicien de cette caravane, et Dieu sait au prix de quelles tribulations tragiques et comiques ; menacé, honni, chassé de partout, tantôt par la police des pachas, tantôt par la colère des moines, qui refusaient d’admettre dans leurs établissemens hospitaliers le missionnaire de Belzébuth. Au Caire, on lui proposa un emploi, enseigner l’art du piano aux épouses du vice-roi, et, quand il se présenta au palais, il trouva trois eunuques apostés là pour recevoir la leçon et la transmettre aux dames invisibles du harem, ses élèves par procuration ! N’importe, cette joie immense lui fut donnée de percevoir l’Orient et d’en pénétrer les secrets dans les conditions spéciales de son art. Ces perceptions immédiates de la couleur, des bruits, de l’atmosphère, ces confidences que les peintres seuls et les poètes avaient eues jusqu’alors, il les reçut à son tour en musicien. On se le figure à Smyrne, au moment de la brise du soir, faisant monter son piano de voyage sur la terrasse, et là, dans le profond silence de la ville orientale, improvisant de la voix et des doigts des préludes, des cantilènes, des fantaisies de toute sorte. Ainsi naîtra et se formera d’elle-même l’ode-symphonie. Cette mélodie, en célébrant les délices de la fraîcheur du soir au sein de l’oasis, après une journée de marche dans les sables brûlans du désert, combien de fois le musicien-poète n’avait-il pas du se la répéter, et, la réflexion aidant, comment, d’un pareil germe, l’œuvre entière ne se serait-elle pas dégagée dans son étendue et sa consistance ? L’oasis implique le désert ; le désert, la caravane, la caravane avec ses alternatives d’agitation et de repos, c’est-à-dire une suite de tableaux pris sur la nature, tout un poème.

Le Désert terminé, Félicien David eut à compter avec les difficultés de l’exécution. « Les petits anicrochemens sont cachés sous le pot aux roses. » Sage sentence d’un ancien que tout moderne auteur appréciera. Trop pauvre pour subvenir aux frais de copie, il s’imposa cette aride et accablante besogne de transcrire lui-même les parties de chant et d’orchestre. Puis commencèrent les démarches, où l’on vit pourtant déjà poindre la notoire influence du saint-simonisme, qui depuis ne l’abandonna plus dans sa carrière. En attendant les bons offices que MM. Émile et Isaac Pereire lui prêtèrent, il obtint la salle du Conservatoire par l’intervention de M. Michel Chevalier. Malgré tout, cependant, les frais devaient s’élever à 2,000 francs, et en cas d’insuccès, il avait résolu de vendre son piano pour payer ses musiciens. Ici se place un détail navrant. Quelques jours avant le concert, un de ses amis le rencontre : « Prenez donc une loge pour mon concert, lui dit Félicien David. — Une loge, répond celui-ci, c’est trop cher pour ma bourse, et je suis à mon grand regret forcé de me contenter d’une stalle. — Mais il ne s’agit pas de bourse, réplique alors l’infortuné compositeur. Si je vous offre cette loge, croyez-vous donc que ce soit pour vous la faire payer ? J’ai besoin de remplir ma salle et surtout d’être écouté par des gens intelligens. » Et il se mit en devoir de fouiller dans une de ses poches dont il ne parvenait pas à tirer un énorme paquet. « Bonté divine ! que pouvez-vous avoir dans cette poche ? — Mon bureau de location, » répondit Félicien David avec un sourire triste et doux.

Affreuse période de misère, noblement traversée, sans révoltes à la Berlioz, ni cris de paon, et que la matinée du 8 décembre 1844 vint à la fois clore et venger. Tout le monde aujourd’hui connaît cette description du silence dans l’immensité qui sert d’introduction à la symphonie du Désert. Dès les premières mesures, on pressentit l’œuvre d’un maître ; presque aussitôt la marche de la caravane enleva les applaudissemens, qui se changèrent en acclamations pendant la danse des almées, et quand le tableau du soleil levant se déploya, l’enthousiasme devint du délire. Rien ne nous serait plus facile que de remettre en cause cette musique, sans doute un peu démodée, quoiqu’elle se défende encore et que nous la voyions chaque hiver faire assez bonne contenance chez Colonne et chez Pasdeloup ; mais ces sortes de discussions ne convertissent personne, et c’est d’ailleurs un sot métier que de vouloir prouver aux gens qu’ils ont tort d’aimer ce qu’ils aiment. A la critique de dénigrement du passé au profit de l’heure présente, mieux vaudrait en opposer une autre, plus généreuse et plus féconde, celle qui révise et qui relève.

Au Désert succéda l’ode-symphonie de Christophe Colomb, conception inclinant davantage vers le théâtre. Tout musicien a cet objectif ; Félicien David n’y faillit point : préludant par un intermède dramatique qui devait être représenté sur la scène d’un jardin public qu’on appelait le château des Fleurs, — quelque chose dans le genre de l’Éden-Théâtre d’aujourd’hui, la pièce elle-même était intitulée : l’Éden, — mais l’entreprise tourna mal ; le château des Fleurs s’écroula et l’Eden disparut sous ses ruines.

En 1850, la Perle du Brésil fut présentée à M. Perrin, qui la reçut et ne la joua pas, ce qui le distingue une fois de plus de M. Carvalho, qui ne l’avait jamais reçue et la joue. Le temporisateur éternel et l’homme de toutes les initiatives, quelqu’un qui s’amuserait à rapprocher ces deux types de directeurs trouverait peut-être dans cette idée le sujet d’une glose digne de former le pendant du chapitre sur l’art spagirique de la mise en scène. M. Carvalho, lui, ne sommeille pas ; sa troupe ressemble aux remparts de Bossuet qui réparent leurs brèches. La porte du théâtre ne s’est pas encore refermée sur Mlle Isaac, que déjà, sort d’une trappe Mlle Nevada, un vrai démon de féerie ; étrange, singulier, fulgurant et même inquiétant pour la diversité de ses qualités et de ses imperfections. Demain, peut-être, ce sera du génie ; en attendant, c’est du phosphore, et le public extasié la porte aux nues. Nous l’entendrons bientôt dans Mignon, quelle étudie en ce moment, avec M. Thomas, mais à n’en juger que d’après la Perle du Brésil, l’organisation est merveilleuse : aptitude vocale, foyer d’inspiration, plasticité instinctive du geste et du mouvement : une Malibran in nuce, pourvu que tout cela se fonde, s’harmonise, et qu’un tantinet de prononciation française lui soit communiqué par cette atmosphère élogieuse et glorieuse où déjà elle nage !

Mlle Nevada nous arrive du nouveau-monde par l’Italie. ; ainsi la vieille Europe musicale aura désormais son école de chant américaine. Comptons un peu : la Patti d’abord, puis l’Albani, Marie Van Zandt et miss Nevada. Il est vrai que jusqu’ici, nous n’avons eu que le côté des femmes ; espérons qu’il nous sera fait grâce des ténors et des barytons. Tant de petits défauts peuvent ne point trop déplaire chez une très jeune personne, qui deviendraient insupportables chez un homme : de ce nombre, l’accent, dont Mlle Van Zandt et Nevada usent chacune à leur manière et, le dirai-je ? non sans charme. Je prends comme exemple ces quatre mots de la légende de Lakmé « dans les grands mimosas. » Il semble que, par la profusion de ses accens circonflexes, Mlle Van Zandt en double ; l’expression, ou plutôt qu’elle donne, à cette expression je ne sais quoi de vague et d’exotique qui sied à la fantaisie du tableau.

Le talent de Mlle Van Zandt se compose ainsi de mille riens que le public s’amuse à mettre en valeur et dont on fera bien de profiter pendant qu’ils réussissent. Chez Mlle Nevada, l’art tient plus de place ; elle sait chanter, la voix est petite, mais sonore et bien posée, et, sur le chapitre des difficultés, les collectionneurs de points d’orgue peuvent accourir ; elle a dans sa chanson « du Mysoli » un trille sur l’ut et le suraigus suivis d’un contre-mi qui réduirait au silence les fameuses notes piquées de Mlle Van Zandt dans Lakmé, si le public continuait d’encourager ces deux pinsons à s’entre-égosiller dans un duel à mort. Sans vouloir jouer le moins du monde le rôle barbare des parieurs hollandais, ni provoquer aucune ombre de rivalité entre ces deux voix, on aimerait à les étudier dans leurs affinités et surtout dans certains traits particuliers aux cantatrices américaines ; voix blanches, voix d’enfant, d’une fraîcheur exceptionnelle, mais qui, à la première fatigue, montrent la corde. Tout leur capital est placé sur les notes hautes, et leur médium n’a de timbre que dans les pianissimo. Là, par exemple, le son devient exquis, mais presque toujours l’ampleur manque ; déjà très faciles à saisir chez la Patti et l’Albani, ces qualités et ces défauts nous apparaissent comme signes de. race chez les deux charmantes jumelles de l’Opéra-Comique ; le calme, le dessin, l’autorité, bref, le style est ce qui leur manque. Mlle Van Zandt ne chante pas ; Mlle Nevada, je le répète, sait chanter, mais elle chante avec sentiment, avec effet plus qu’avec style ; on dirait que sa voix, dès qu’elle aborde un andante, perd cette aisance dont elle vous donne l’impression en jonglant avec les difficultés. Il faut l’entendre dans ses couplets du Mysoli enlever sa cadence finale ; c’est prestigieux. Mais que d’épisodes intéressans contient, en outre, cette partition : le duo entre Cora et Lorentz, la ballade du grand Esprit des bois, l’hymne guerrier, l’entracte-symphonie qui précède le troisième acte ! De son vivant, on reprochait à Félicien David de n’être pas un musicien de théâtre ; on le renvoyait à sa symphonie. Aujourd’hui c’est une autre histoire ; sa symphonie elle-même est démodée, et les maîtres de l’heure actuelle n’en veulent plus ; cela s’appelle en bon français n’avoir pas de chance.

Pauvre Félicien David ! lorsqu’il naquit, à Cadenet, dans sa Provence, aucune étoile ne dansait au firmament, ce qui n’a pas empêché sa musique de vivre et ne l’empêchera pas de survivre à bien de prétendus chefs-d’œuvre ; la Perle du Brésil, Lalla-Roukh, se joueront encore que telle grosse partition ne sera plus que de l’humus historique. Eh ! mon Dieu ! le côté faible de cette musique n’est pas un secret ; il lui manque la fièvre de l’inconnu, ce Nitimur in vetitum qui tourmente et désespère les générations tardives. Félicien David n’a cure d’innover. La langue d’Haydn, de Mozart, de Méhul, qu’il a reçue par tradition, suffit à l’expression de ses idées, et il n’en sort pas. « Avoir des idées, c’est la grande affaire, » nous disait un jour Verdi, et il aurait pu ajouter, pour compléter sa pensée : « Si l’on savait combien le reste est peu de chose ! » Dire qu’au temps où nous sommes, ce peu de chose-là doit compter pour tout ! De ce que la musique de la Perle du Brésil est faite à coups d’idées, on aurait tort de conclure que le contrepoint en soit relâché : la mélodie y plane à chaque instant au-dessus des harmonies les plus charmantes, et d’ailleurs cette rare distinction du travail symphonique général atténuerait beaucoup, si elle ne les supprime, les critiques adressées aux accompagnemens. J’allais oublier une autre querelle d’Allemand qu’il plaît aux algébristes de l’école de Bayreuth d’intenter à cette musique. On lui reproche d’avoir conservé les anciennes formes. Un opéra-comique qui renferme des airs, des duos, des quatuors, des romances, des couplets et des chœurs, voyez-vous pas le beau scandale ! Il est vrai qu’il y a moyen de se tirer d’affaire comme M. Saint-Saëns, qui naguère, dans son Henry VIII, rayant les mots, gardait la chose. Somme toute, les amis de Félicien David n’ont rien à craindre pour sa gloire, sa partition de la Perle du Brésil, triomphant à la fois du plus absurde des poèmes et de la malveillance des théoriciens, doit nous rassurer là-dessus.

C’est un virgilien, il vivra par son religieux sentiment de la nature : les batailles d’école sont pour les charlatans et les imbéciles, l’art veut des inspirés. Ayez une note, mais qui vous soit propre ; l’auteur du Désert a la sienne : l’Orient. « Pour lui, la nature s’était enrichie d’horizons nouveaux ; à quelques sites vulgaires et voisins des villes le peintre voyageur substituait l’Océan, l’Amérique, l’Italie, la Grèce, l’Égypte, la Judée, tous les grands points de vue de la terre et de l’histoire : cette solitude, artificiellement rêvée par Rousseau, il la faisait entrer dans la poésie et l’ajoutait comme une nouvelle scène au drame inépuisable du cœur. » Ces paroles de Villemain sur Chateaubriand seraient ici presque de circonstance. Ne creusons pas davantage l’analogie, mais constatons que cette nécessité où l’on se trouve, pour définir le coloriste, d’aller chercher des termes de comparaison parmi nos écrivains et nos peintres, prouve qu’avant Félicien David, cette note absolument pittoresque n’existait pas dans la musique. Nommer Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand ne suffit pas, il me faudrait aussi nommer Delacroix, Decamps et Marilhat, et quand j’aurais ainsi fait appel à tous ces interprètes merveilleux des pays du soleil, je n’aurais pas tout dit, tant qu’il me resterait à citer cet admirable livre d’Eothen, résumé de l’impressionnisme moderne et dont la symphonie du Désert, avec son abondance et son intensité de rythmes, de mélodies, de psalmodies, de dessins d’orchestre et de couleurs, vous apparaît comme la traduction la plus exacte. Auber, qui, volontiers, éludait les questions par un mot d’esprit, répondait à quelqu’un qui, dès le lendemain du succès, l’interrogeait sur l’avenir du compositeur : « Patience ! nous verrons cela plus tard, quand il descendra de son chameau. » Le malheur eût été justement qu’il en descendît ; ce qu’il n’a jamais fait, grâce à Dieu, car ce chameau symbolique, c’était l’Orient, le génie même de sa musique, l’Orient, sa conquête et sa raison d’être, et dont la note inspirée se reproduit partout dans son théâtre comme dans ses symphonies.

Un autre orientaliste, mais beaucoup moins convaincu, c’est M. Léo Delibes, orientaliste d’occasion, disons plutôt excursionniste. Avec lui, nous rentrons dans la fantaisie de la muse parisienne. Vous vous souvenez du Dieu et la Bayadère et du Premier Jour de bonheur ; n’en demandez guère davantage à la partition de Lakmé comme vérité fondamentale. C’est le même art de convention, subtil, délicat, habile, historié, émaillé selon le goût régnant. Inde anglaise ou chinoise, ne nous embarrassons point de ce détail. Tout poème qui se passe de nos jours, « aux environs de Bénarès, » implique un personnel de gentlemen et de ladies faisant contrepoids ou repoussoir à l’orientalisme du sujet. Dans l’opéra d’Auber, c’était le sémillant Maillepré, représenté par Capoul qui menait la bande ; cette fois, c’est le rêveur Gerald sous les traits de M. Talazac, tous militaires et petits-neveux du sous-lieutenant de la Dame blanche. Il faut toujours peu ou prou que le vieil opéra comique soit de la partie ; quand on ne l’invite pas, il force la porte. Laissons-au régisseur du théâtre le soin d’éliminer ce qui peut nuire ; dès la seconde représentation, le trio des Anglaises en habits de chasse avait disparu. Lakmé, Nilakanlha, la pagode, Vischnou, Brahma, Siva, les lotus, l’eau sacrée, les bambous et la cabane sous les grands mimosas, voilà le charme et l’attrait du spectacle. Sur cette civilisation européenne prosaïque, sur ce poncif d’uniformes ennuyeux, de toilettes et d’ombrelles ébouriffantes, s’enlèvent poétiquement, dans une demi-teinte hiératique modérée, les figures de la jeune fille et du vieux bramine. Tout ce que Lakmé chante vous intéresse, à commencer par le joli petit duo de l’introduction : un amour de rythme ; puis viennent les strophes dont un accompagnement de violons en sourdine souligne la mélancolique langueur : Pourquoi dans des grands bois ? nostalgie d’une âme qui s’ignore, appel de colombe au ramier, suave idylle dont nous aurons au second acte la contrepartie dans la légende de la Fille du paria. Dirai-je que je préfère, et de beaucoup, la thèse à l’antithèse, décidément trop surchargée de fleurs et que l’on trouverait mieux à sa place dans un cahier d’études de staccato ? Mais, que voulez-vous ! un musicien qui veut réussir se doit aux prouesses de sa virtuose alors même que ces prouesses sont des extravagances. Rossini appelait Roméo et Juliette un opéra en trois actes et trois duos d’amour ; l’économie du drame de Lakmé menaçait M. Delibes d’un pareil danger. A chaque acte, les deux amans ont un duo, et chacun de ces duos se compose de deux mélodies, et l’auteur a su n’être pas un seul instant monotone, variant et graduant toujours ses effets, passionnant son jeu : de ses trois pages maîtresses, celle que je préfère, est pourtant le duo du second acte, dont les deux mélodies sont ravissantes. Je n’oserais affirmer que Schubert et Schumann n’aient point-passé par là, et M. Delibes, empruntant des formes nouvelles au lied allemand, ne doit pas encourir plus de reproche que n’en méritait Meyerbeer lorsqu’il s’en fallait au même champ moissonner ces brassées de mélodies dont est jonché le cinquième acte de l’Africaine. Les moindres épisodes sont ingénieux ; rythmes, accompagnemens, détails d’orchestre, tout cela nuancé, fouillé, d’un style très orné, quoique procédant trop par application, mais, en somme, très homogène et très personnel en sa modernité.

On ne rencontre pas tous les jours des gens heureux dans l’histoire de la musique ; les deux que nous tenons de voir, George Bizet et Félicien David, nous l’ont prouvé. Aussi, lorsqu’il plaît aux dieux immortels de nous gratifier du spectacle d’un compositeur qui a su ne pas mourir de faim et produire à fleur de jeunesse et de talent des opéras qui réussissent, tâchons de ne pas nous montrer dédaigneux et consolons-nous avec lui des leçons du martyrologe. L’auteur de Lakmé est un homme heureux ? il n’eut en quelque sorte qu’à se laisser guider par la fortune. Excellemment doué, dûment approvisionné d’un stock d’études amassé au Conservatoire dans la classe d’Adolphe Adam et qu’il se réservait d’étendre, de varier selon les circonstances et le progrès des temps, il eut tout d’abord cette suprême originalité de ne pas concourir pour le prix de Rome, et, — voyez l’ironie du destin, — au lieu de porter la peine d’une pareille dérogation aux lois organiques du métier, il en aura été récompensé en arrivant au but avant les plus diplômés de ses camarades d’école. L’activité, la gaîté de sa nature aidant, c’est à force de se prodiguer sur le marché qu’il se fit connaître : chœurs d’orphéons, opérettes, rien ne lui coûta. Il battit l’estrade des alcazars, courut les petits théâtres des Champs-Elysées, devint plus tard le fournisseur attitré des Bouffes du passage Choiseul, toujours de belle humeur et se riant. Quel répertoire ! le Serpent à plumes, l’Omelette à la Follembuche, Deux Vieilles Gardes, Mon Ami Pierrot, Malbrouch s’en va-t-en guerre, les Musiciens de l’orchestre, ce dernier ouvrage en collaboration d’Hignard le shakspearien, l’homme de cette curieuse partition d’Hamlet, qui semble écrite en notes marginales sur le texte même du poète : il n’y a que la vie de jeunesse pour rapprocher deux esprits si divers.

Cependant un joli ballet, Coppélia, avait commencé d’apprendre aux connaisseurs le nom de M. Delibes, mais ce fut seulement avec le Roi l’a dit, son premier grand ouvrage représenté à l’Opéra-Comique (24 mai 1873), qu’il sortit vraiment des faubourgs. La partition du Roi l’a dit m’a laissé les meilleurs souvenirs ; le premier acte surtout pétillait de verve et d’esprit, comme si le don Magnifico de la Cenerentola eût secoué par-dessus l’énorme gaîté de sa perruque. Je ne saurais oublier un certain octuor « de la révérence, » où les voix s’étageaient par imitations de manière à former un groupe musical d’un style rétrospectif bien réjouissant. Que sont-elles devenues ces voix qui s’appelaient alors Mlle Chapuy, Mlle Priola, Mlle Révilly, MM. Lhérie, Sainte-Foy, etc., alas, pour Yorick ! Dix ans à peine se sont écoulés, et s’il fallait reconstituer aujourd’hui cet éclat de rire gargantuesque, peut-être n’aurait-on devant soi qu’un rictus macabre. Le théâtre est en ce sens un lieu des plus mélancoliques. On n’y marche ou plutôt on n’y chante, on n’y danse que sur des tombeaux. Mais si les chanteurs ont disparu, la musique de ce premier acte est restée et comptera, quoi qu’il advienne, dans l’œuvre du compositeur. C’est la tradition de Boeldieu, d’Herold, d’Adam, d’Auber et d’Halévy, tradition pure et simple que l’auteur a depuis modifiée suivant son tempérament et l’esprit de réforme applicable au genre. Plus prés d’Halévy dans Jean de Nivelle, plus voisin d’Auber dans Lakmé, il vous le rappelle par la grâce et les élégances de son écriture, pour l’abondance du motif, que nous lui reprocherions de ne point creuser assez, — un Auber plus en surface et moins les grandes envolées de la Muette.

Dans une période de vulgarisation technique comme la nôtre, louer un musicien de savoir son métier serait presque faire un pléonasme ; on nous permettra toutefois de signaler chez M. Delibes certaines facultés spéciales d’exécutant que les maîtres eux-mêmes ne possèdent pas toujours, et j’en veux citer un exemple pour terminer. Aussitôt après la mort de Meyerbeer, M. Emile Perrin, directeur de l’Opéra, était parti pour Berlin à sa conquête de la Toison d’or. Il s’agissait d’enlever l’Africaine et il l’enleva, plus heureux que d’autres à qui l’avare Achéron refusa de rendre sa proie. M. Léo Delibes remplissait alors les fonctions de chef du chant. A peine de retour, M. Perrin le fit venir dans son cabinet de la rue Drouot et, la porte hermétiquement close, plaçant sur le pupitre du piano le précieux manuscrit : « Mon cher Delibes, lui dit-il, préparez-vous à l’une des plus grandes émotions de votre vie d’artiste et lisez-moi cela. »

C’était la partition orchestre du chef-d’œuvre.

— Diable ! fit le jeune musicien, interrogeant, palpant le gros volume et comme pris d’épouvante sacrée en présence d’un tel défi porté à brûle-pourpoint. — Et vous pensez que je vais pouvoir, moi, déchiffrer d’un bout à l’autre cet hiéroglyphe et, séance tenante, vous en révéler le sens caché ?

— Parbleu ! est-ce que je ne vous vois pas tous les jours à l’œuvre ?

— A vos ordres, monsieur le directeur, reprit intrépidement Léo Delibes. — Épreuve formidable qui dura quatre heures et dont il sortit moins brisé de fatigue qu’ébloui de tout ce qu’il venait de découvrir en naviguant à travers mille écueils sur cet océan de merveilles !

Nous-même, il nous ressouvient à ce propos d’avoir été témoin d’un pareil tour de force à l’occasion d’une œuvre posthume en cinq actes d’Halévy, son Noé. Était-ce seulement un manuscrit ? Non, pas même ; c’était un brouillon, un fouillis de pattes de mouches, mais le lecteur aborda ce texte à livre ouvert et, jusqu’à la fin, ne s’arrêta plus ; aujourd’hui, cela s’appellerait de l’intuition, de la « pénétration : » Pour Bizet, c’était la chose la plus simple du monde : une lecture !


F. DE LAGENEVAIS.

  1. Un volume de la collection Heugel, publié en 1863, contient de curieux détails sur la marche et les aventures de l’expédition. L’auteur, Alexis Azevedo, était un original bien connu des promeneurs du boulevard des Italiens. On l’y rencontrait tous les jours de quatre à six heures, philosophant de omni re scibili et quelquefois en homme ayant de certaines clartés, mais négligé, cynique, exubérant, embrouillant tous les sujets. En musique, il n’avait que deux admirations, Rossini et Félicien David, deux enthousiasmes qu’il promenait partout avec le zèle aveugle d’un fakir broyant le pauvre monde sous les roues du char de son idole ; et notez que ce pauvre monde, c’était Beethoven, Schumann, Mendelssohn et Meyerbeer !