Revue littéraire - Les Pensées de Pascal

Revue littéraire - Les Pensées de Pascal
Revue des Deux Mondes, 3e périodetome 34 (p. 933-945).
REVUE LITTERAIRE

Les Pensées de Blaise Pascal, texte revu sur le manuscrit autographe, avec une préface et des notes, par M. Molinier, 2 vol. in-8o. A. Lemerre, 1877-79.

Je voudrais pouvoir ici reproduire en fac-simile le manuscrit autographe, ou du moins ce que l’on est convenu d’appeler, pour la commodité du discours, le manuscrit autographe des Pensées de Pascal. Car d’en parler comme Victor Cousin, par exemple, et de montrer aux yeux « ce grand in-folio où la main défaillante de Pascal a tracé, dans l’agonie de ses quatre dernières années, les pensées qui se présentaient à son esprit, » ce n’est pas en avoir indiqué la physionomie vraie. Comprendrait-on, s’il ne s’agissait que d’un manuscrit comme tous les autres manuscrits, ou n’en différant qu’à peine par quelques difficultés de lecture, que le texte authentique de Pascal ne fût pas encore, depuis longtemps, et pour toujours, fixé ? Comprendrait-on que le caractère lui-même de l’œuvre fût un objet de controverse entre philosophes et chrétiens ? Comprendrait-on enfin qu’il pût y avoir sur Pascal tant d’opinion ? , si diverses, et dont chacune, il faut l’avouer, trouve dans quelque fragment des Pensées un commencement de justification ? Est-ce qu’il y a deux opinions sur l’Exposition de la Doctrine catholique ou sur la Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte ? c’est-à-dire, si les avis se partagent et que les sentimens s’opposent quand il s’agit de juger Bossuet, ses doctrines, son rôle d’évêque dans l’église et de prélat à la cour, pouvons-nous un seul instant nous méprendre sur ses intentions, et ne voyons-nous pas bien d’abord ce qu’il nous veut et où il nous mène ?

Or précisément, si le lecteur avait là, sous les yeux, l’autographe de Pascal, s’il voyait sur les pages du grand in-folio ces fragmens de papier jaunis, de toutes les formes, de toutes les grandeurs, collés à l’aventure, comme par une main d’ouvrier, singulièrement négligente ou pitoyablement malhabile, les uns, troués comme s’ils eussent été jadis enfilés par liasses, les autres, à la marge, dans un coin, au revers, barbouillés d’indications de toute sorte ou de figures de géométrie, tous couverts ou presque tous, — car il y en a quelques-uns qui ne sont pas de la plume de Pascal, — d’une écriture pénible, irrégulière, hâtive, sans orthographe ni ponctuation, dont les lettres sont à peine formées, dont les lignes se dirigent en tous sens, tantôt, par le milieu d’une phrase, brusquement interrompues ou tantôt disparaissant plus qu’à demi sous les surcharges et les ratures, il commencerait à soupçonner la nature de la difficulté. Mais s’il s’avisait de vouloir déchiffrer le texte, et surtout, après tant d’éditeurs, s’il essayait à son tour de s’orienter parmi ces ruines, de raccorder, de rapprocher, de relier entre eux tous ces lambeaux épars, de les ordonner enfin dans l’ensemble d’un plan où chacun parût occuper sa vraie place et produisît sur l’esprit toute son impression, c’est alors qu’il verrait à plein l’énigme, complexe, multiple, insoluble. Vingt éditions, lentement et minutieusement comparées, seraient moins instructives que ce rapide coup d’œil jeté sur les matériaux du grand édifice que Pascal rêvait de bâtir. C’est là que l’on voit combien l’œuvre était loin encore de son achèvement, et combien peu de confiance il est permis d’accorder à tant d’essais de restauration que l’on en a tentés.

C’est M. Frantin, je crois, qui le premier, vers 1835, s’avisa de vouloir « restituer » Pascal. On lui reproche d’avoir distribué les Pensées dans un ordre singulièrement arbitraire, plus arbitraire même que le désordre des anciennes éditions. En ce temps-là d’ailleurs Victor Cousin n’avait pas découvert, — c’est le vrai mot, — l’autographe de Pascal, et de sa grande voix retentissante appelé l’attention sur les mutilations sacrilèges que Port-Royal avait cru pouvoir faire subir au texte original. M. Faugère en 1844 put donc reprendre à nouveau le travail de M. Frantin. Beaucoup d’autres ont suivi depuis lors. Nous signalerons parmi les mieux intentionnés, mais non pas les plus heureux, M. Astié, pasteur protestant[1], et M. Rocher, chanoine d’Orléans[2]. La première de ces tentatives remonte à 1857, la seconde ne date que de 1873. Ce sont aussi bien, l’une et l’autre, tentatives indiscrètes, je veux dire dont les auteurs font trop visiblement effort pour tirer à eux tout Pascal. Elles n’offrent pas moins le plus grand intérêt, parce que, comme elles portent partout la marque d’un vrai zèle et d’une consciencieuse application, elles nous donnent en quelque façon sur le livre des Pensées le dernier mot des orthodoxes protestans d’une part et catholiques de l’autre. Elles n’ont rien de critique, ni de paléographique, ni de diplomatique, mais il est instructif de relever dans l’édition du pasteur les points de contact du jansénisme avec le protestantisme et dans l’édition du prêtre les différences qui séparent le jansénisme d’avec le pur catholicisme romain.

Nous ajouterons désormais à cette liste le nom de M. Molinier. L’édition de M. Molinier marque à certains égards un progrès dans l’histoire du texte des Pensées. M. Molinier sort de l’École des chartes : c’est louer d’un seul mot, j’imagine, l’étendue, la solidité de sa science paléographique. Il n’est pas mauvais d’être un peu paléographe pour déchiffrer l’écriture de Pascal. M. Molinier, dans plus d’un endroit, a donc pu découvrir d’importantes corrections à faire au texte tel qu’on l’imprimait depuis M. Faugère. Il a pu, dans tel fragment célèbre, l’un des plus considérables et des plus laborieusement travaillés du manuscrit, retrouver, sous les surcharges et les ratures, les différens états du style de Pascal et nous montrer ainsi le grand écrivain à l’œuvre. Il a pu signaler enfin, plus complètement qu’aucun de ses prédécesseurs, les emprunts de Pascal, ou même, dans un livre obscur que Pascal cite une fois en passant, — le Pugio Fidei du dominicain Raimond Martin, — faire connaître une source nouvelle parmi les sources des Pensées. Mais c’est là tout. On va voir que ce n’est peut-être pas assez pour se porter éditeur des Pensées.

Et d’abord, — sans vouloir ici toucher à la question de métier, — je puis dire au moins qu’il ne semble pas que les lectures nouvelles de M. Molinier soient toujours heureuses. En dépit de toutes les ressources et de toutes les finesses de la paléographie, je crains bien que telle variante ou telle correction qu’il propose ne soit pas toujours aussi certaine qu’il a l’air de le croire. Évidemment, il a cédé quelquefois à l’entraînement fâcheux de lire autrement qu’on ne faisait avant lui. Je n’en citerai qu’un exemple. On lisait dans les précédentes éditions : « Le ton de voix impose aux plus sages et change un poème ou un discours de face ; » M. Molinier veut qu’on lise désormais : « Le ton de voix change un poème ou un discours de force. » Est-il bien assuré de sa lecture ? Car entre force et face, dans une écriture difficile à démêler, il ne s’agit après tout que d’un jambage de plus ou d’un jambage de moins et l’on comprend que la lecture puisse hésiter. Mais ce que l’on comprend moins, c’est que M. Havet, enregistrant la correction[3], déclare que, « si cela n’est pas très bien dit, cela a pourtant plus de sens que l’autre leçon. » Je ne suis pas de son avis. Le vers d’Oreste :

Ma fortune va prendre une face nouvelle, me paraît être d’une langue meilleure et d’un sens plus plein que si Racine l’eût écrit ainsi :
Ma fortune va prendre une force nouvelle.


Je préfère aussi la leçon de Pascal, ou du moins celle de ses précédens éditeurs, à la leçon de M. Molinier. Il faut être sobre, et très sobre, d’innovations quand on irait, comme ici, sous prétexte de paléographie, tout simplement à détériorer le texte de Pascal.

Une autre et singulière innovation de M. Molinier, c’est, sous le même prétexte d’absolue fidélité, de reproduire impitoyablement l’orthographe très douteuse du manuscrit : « Ne seroisse donc pas faire tort à la joye d’un roy, d’occuper son âme à adjuster ses pas à la cadance d’un aeir ? » En vérité, je demande à quoi peut servir, dans un texte imprimé pour l’usage de la lecture, à ce que je suppose, l’étalage de cette orthographe bizarre. Et notez, — ce que l’exactitude sévère de M. Molinier ne devait pas oublier de rappeler, — que M. Faugère assure que ce passage précisément n’est pas de la main de Pascal. Au surplus, quand il serait vrai que la plume de Pascal écrivît tantôt « orgueil » et tantôt « orgeuil, » quel peut bien être l’intérêt de Pascal, de l’histoire de la langue ou de M. Molinier lui-même à ce que nous éternisions le souvenir de ce lapsus ? « Il n’est pas bon d’être tro libre. Il n’est pas bon d’avoire toutes les nésesité ; » voilà un autre exemple des scrupules de M. Molinier.

Ces scrupules font voir tro de délicatesse.


Que les érudits y prennent garde. Là pour eux et pour leurs études est le pire danger. Tôt ou tard, mais immanquablement, et plus tôt qu’ils ne le croient peut-être, ces petites manies, ces affectations de rigueur dans des choses fort indifférentes, détourneront d’eux et de leurs travaux, — et ce sera grand dommage, — ceux-là mêmes qui les suivent avec le plus d’intérêt, ceux qui croient savoir, comme eux, le prix d’une édition bien faite et ce que vaut un seul mot remis en sa vraie place dans le texte d’un grand écrivain. Ne poussons pas trop loin le respect des autographes. Il ne suffit pas de pouvoir « appliquer — au n° 9,202 de la Bibliothèque nationale — les procédés de déchiffrement qu’on applique aux textes anciens » pour pouvoir éditer les Pensées de Pascal. C’est quelque chose, ce sera même beaucoup si l’on veut, ce n’est pas tout, d’autant qu’ici nos bons déchiffreurs ont pour les aider à bien lire, deux excellentes copies de l’autographe, dont l’une au moins est du XVIIe siècle, très claires, parfaitement lisibles, autour desquelles on ne mène pas grand bruit, il est vrai, mais qu’on ne laisse pas, — et l’on a bien raison, — de consulter très attentivement[4]. Pour conduire à bien l’entreprise, il y faut encore un peu de littérature, un peu de philosophie : quelque teinture de théologie s’y joindrait qu’on en trouverait l’emploi tout de même et que l’édition ne pourrait qu’y gagner.

On ne s’imaginerait pas alors que par la vertu d’un système de ponctuation « le style de Pascal va complètement changer de caractère » et que trois ou quatre virgules supprimées, ajoutées ou déplacées dans une phrase vont la rendre « plus ornée » de courte et de brève qu’elle était d’abord. Au fond, c’est tout simplement méconnaître ici l’une des beautés de la prose française du XVIIe siècle, je veux dire cet agencement savant, ou pour donner l’idée de quelque chose de plus vivant, cette savante articulation des parties, qui se tiennent si bien toutes ensemble par le seul jeu des conjonctions que le secours de la ponctuation en devient quasi superflu. Mais ce n’est pas encore la plus extraordinaire des remarques de M. Molinier. Que penserons-nous de cette rare découverte qu’il ne faut plus parler aujourd’hui du style passionné de Pascal, attendu que Pascal « travaillait soigneusement son style avant d’arriver à une rédaction qui le satisfît complètement » et qu’il est bien difficile de trouver « toute la passion que l’on prétend dans des fragmens aussi soignés ? » Il y a là encore une qualité de la prose du XVIIe siècle que M. Molinier méconnaît. La raison y est toujours maîtresse et la passion s’y déploie sous la règle. Ses accens n’en sont pas pour cela moins tragiques dans le style de Pascal ou moins éloquens dans le style de Bossuet. J’aimerais autant que l’on dît que les fables de La Fontaine manquent de naturel et de naïveté, parce qu’en effet le bonhomme a « soigné » son style de plus près qu’aucun de ses contemporains. Je sais bien que, somme toute, M. Molinier « ne conteste pas l’admirable talent d’écrivain de Pascal, » et tout le monde lui saura gré de cette concession, mais pourquoi, de ci, de là, jette-t-il incidemment et sans songer à mal des réflexions de cette sorte ? C’est à l’endroit de ce fragment célèbre : « Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfans, c’est là ma place au soleil. — Voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre. » M. Havet, rapprochant un passage presque aussi connu de Rousseau, dans son second Discours, estimait que Pascal allait plus loin que Jean-Jacques. Le nouvel éditeur n’est pas de cet avis. C’est son droit assurément ; mais voici sa raison : « Pascal émet une réflexion en passant, réflexion dont il n’aperçoit pas toutes les conséquences pratiques, tandis que Rousseau… » C’est justement le contraire qu’il faut dire. Et peut-être n’est-il pas de différence qui sépare plus profondément nos grands écrivains du XVIIe et du XVIIIe siècle. C’est Pascal, et ce sont avec lui tous les écrivains de son temps qui calculent « les conséquences pratiques » de tout ce qu’ils disent et de tout ce qu’ils écrivent, ce sont eux qui s’appuient à l’expérience et qui ne quittent pas du pied le terrain de la réalité, mais ce sont précisément les écrivains du XVIIIe siècle, c’est trop souvent Voltaire, ce sont surtout les Diderot et les Rousseau qui se meuvent dans l’abstraction, dans le domaine de la pure logique, et qui bâtissent à l’aventure ces cités idéales ou fantastiques, plus fantastiques en vérité que la Néphélococcygie d’Aristophane lui-même.

Ce n’est pas M. Molinier qui est en cause ici ; ce n’est pas même seulement son édition des Pensées ; ce sont certaines doctrines, contemporaines et certaines habitudes fâcheuses qui se sont introduites insensiblement dans la critique. Comme il était devenu banal de louer le XVIIe siècle, il est original et neuf aujourd’hui d’en parler très légèrement, voire, le cas échéant, avec une nuance de dédain. Sans doute il ne faut être la dupe de personne, — c’est le principe d’une sage critique, — mais il faut aussi garder une mesure. M. Molinier ne l’a pas gardée dans sa préface, il ne l’a pas gardée non plus dans son commentaire[5].

C’est ainsi qu’il ne semble pas se douter qu’il y ait des expressions que l’on ne saurait employer, par respect pour l’importance des problèmes qu’agite l’âme de Pascal, et j’ajoute par respect pour Pascal. Quand Pascal, abîmé dans la contemplation de l’infini, s’écrie que a la dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent, » on ne répond pas d’un mot que c’est là « raisonner en théologien » et l’on n’ajoute pas qu’en fait « il n’y a rien qui surpasse la raison humaine. » Quand Pascal, en un autre endroit, appuie sur les imperfections de notre triste nature humaine, on ne lui répond pas « qu’on peut soutenir que l’homme est l’être le plus parfait de la création, ou même qu’il est parfait absolument » et qu’en pareille matière « tout dépend de la tournure d’esprit du raisonneur. » Nous connaissons quantité de raisonneurs qui ont l’esprit furieusement mal tourné. Il dépendra de la « tournure d’esprit d’un raisonneur » aussi, de trouver que l’édition de M. Molinier est une excellente édition des Pensées. Mais surtout on ne par le pas du cercle vicieux dans lequel se débat la raison de Pascal, on ne par le de ses sophismes et on ne lui inflige pas cette étonnante leçon « qu’il eût mieux fait de se contenter de croire, sans essayer de donner les raisons de sa foi. »

Il résulte de tout cela que, si M. Molinier, par ses études spéciales, pouvait être admirablement préparé pour déchiffrer les énigmes du texte de Pascal, c’était peut-être de sa part un projet aventureux que de vouloir restaurer l’œuvre entière. Pas n’est besoin pour s’en convaincre de discuter le détail du plan qu’il nous propose : il suffit d’un simple rapprochement. Ce sont deux notes, l’une dans le premier volume, au bas d’une page de la préface, et l’autre dans le second, perdue parmi le commentaire. Voici la première : « Mme Périer montre, et la vérité de son assertion est prouvée par l’étude des fragmens autographes, que Pascal s’appuyait principalement sur les miracles pour établir la vérité de la religion. » Remarquez ce « principalement » et cet appel à « l’étude des fragmens autographes. » Dans l’intervalle du premier volume au second qu’a-t-il pu se passer ? Le commentateur a-t-il oublié ce qu’avait écrit l’auteur de la préface ? ou pour des raisons que nous ne sommes pas admis à connaître s’en est-il repenti ? Je l’ignore. Ce que je vois, c’est qu’en arrivant au chapitre qu’il intitule Des miracles en général et dans lequel on réunit tous les fragmens de Pascal sur les miracles, M. Molinier nous déclare u que la plupart des pensées qui forment ce chapitre et le suivant ne font plus réellement partie de l’ouvrage projeté par Pascal. » Ceci est bizarre. L’ouvrage projeté s’appuyait principalement sur les miracles, et les fragmens sur les miracles ne font pas cependant partie de l’ouvrage projeté ?

… Vous m’y voyez rêver !
J’en cherche la raison sans la pouvoir trouver.


Mais au moins M. Molinier nous a donné là une forte marque d’inattention.

Je ne le chicanerai pas cependant là-dessus, car en somme il se pourrait bien que cette grande entreprise d’une restauration de l’Apologétique de Pascal fût parmi ces entreprises qui ne laissent pas de faire grand honneur à quiconque les a tentées seulement, mais qui sont condamnées par avance à ne pas réussir. Il sera toujours glorieux d’y avoir échoué, mais on y échouera toujours.

De quelles ressources en effet dispose-t-on ? Je sais bien que Mme Périer nous a laissé quelque chose, — autant du moins qu’elle l’avait compris, — du plan que Pascal se proposait de suivre. Nous avons même mieux que cela, puisque nous avons la préface de l’édition de Port-Royal, où le propre neveu de Pascal, ce même Etienne Périer dont il avait suivi de près et achevé l’éducation, nous donne tout au long l’analyse d’un discours prononcé vers 1658 ou 1660, et dans lequel, en peu de mots, Pascal aurait « représenté ce qui devait faire le sujet et la nature de son ouvrage, — rapporté en abrégé les raisons et les principes, — expliqué l’ordre et la suite des choses qu’il y voulait traiter. » Nous avons aussi cet admirable Entretien de Pascal avec M. de Saci, dont M. Ernest Havet a pu dire qu’il « contenait la clé des Pensées » et dont il a montré lui-même, dans une introduction de quelques pages qui sont parmi ce que l’on a jamais écrit sur Pascal de plus pénétrant, de plus précis et de plus serré, tout le parti qu’on pouvait tirer. Nous avons encore, dans le manuscrit autographe, quelques indications précieuses de Pascal. Et je sais enfin que Victor Cousin, dans son célèbre Rapport de 1843, a parlé non-seulement du plan, mais de l’ouvrage de Pascal comme s’il l’avait vu, lui, Cousin, de ses yeux. Il a déclaré publiquement « que ce n’eût pas été seulement un admirable écrit théologique et philosophique, mais un chef-d’œuvre -de l’art où l’homme qui avait le plus réfléchi à la manière de persuader aurait déployé toutes les ressources de l’expérience et du talent, la dialectique et le pathétique, l’ironie, la véhémence et la grâce, parlé tous les langages, essayé toutes les formes pour attirer l’âme humaine par tous ses côtés vers l’asile toujours ouvert du christianisme. » N’eussiez-vous pas juré qu’il l’avait lu ? Mais c’était le triomphe de Victor Cousin que de s’abandonner à l’impétuosité naturelle de son imagination et que d’anticiper ainsi, par une fougue d’éloquence, sur les conclusions que de plus scrupuleux, comme Sainte-Beuve, tenaient toujours en suspens. Il a résolu, comme cela, non-seulement en critique, mais en histoire, mais en philosophie, plus de vingt problèmes qui sont restés des problèmes, et c’est pourquoi son autorité n’en est pas une. Quant aux indications de Pascal, dans les fragmens autographes, elles ne sont par malheur ni si précises, ni surtout si certaines que Victor Cousin affectait de le croire. Comme le dit excellemment M. Ernest Havet : « Pascal avait un dessin général, de grandes divisions, telle préface ou tel chapitre en projet ; cela suffit pour ordonner un discours, non pour ordonner un livre. » Et cela ne saurait nous suffire pour affirmer par exemple que « c’était de la forme épistolaire qu’il voulait se servir. » L’Entretien de Pascal avec M. de Saci est à tous égards un morceau précieux, mais il est vraisemblablement de 1654, c’est-à-dire antérieur à ce miracle de la Sainte-Épine qui fut la suprême révélation de Pascal, le coup de foudre, l’illumination des dernières années de sa vie. Bien plus, le Pascal de l’Entretien avec M. de Saci n’est pas seulement encore le Pascal des Provinciales, et je crois qu’un psychologue, même exercé, ne laisserait d’avoir quelque peine à retrouver dans l’auteur des petites lettres tous les traits de l’auteur des Pensées. Cet entretien importe beaucoup à la connaissance de Pascal, je ne puis cependant accorder qu’il « contienne la clé des Pensées. » Pour la préface d’Etienne Périer, c’est assez d’un premier coup d’œil, et l’on voit que le plan qu’il donne pour le plan de Pascal diffère sensiblement du plan que donne Mme Périer. Y regarde-t-on de plus près ? Il semble qu’on ne puisse les concilier seulement, bien loin qu’on puisse essayer de les fondre l’un dans l’autre. Et puis on ne remarque pas assez que ce n’est pas Mme Périer qui nous a transmis elle-même les renseignemens qui figurent dans sa Vie de Pascal sur le plan de l’Apologie. Nous les y intercalons, mais elle les avait supprimés dans l’édition publique de son simple et touchant récit. Il faut croire qu’elle avait ses raisons. D’autre part Etienne Périer ne nous apprend-il pas, dans sa préface, que l’on tenta bien à Port-Royal l’entreprise « de suppléer l’ouvrage que M. Pascal voulait faire, » que « l’on s’y arrêta assez longtemps, » que « l’on avait même commencé d’y travailler, » et que l’on dut finir par comprendre « que ce n’eût pas été donner l’ouvrage de M. Pascal, mais un ouvrage tout différent. » Sans doute, ce ne sont pas là, si l’on veut, des raisons péremptoires de renoncer à toute entreprise de restitution des Pensées, et je ne les donne pas pour des conclusions dont on ne puisse appeler. Je dis seulement que si Nicole, Arnauld, le duc de Roannez et M. de Brienne, qui travaillèrent à la première édition des Pensées, ont pris avec le texte authentique d’étranges libertés, je ne répondrais pas que nous ne prissions, nous, des libertés bien autrement étranges avec l’esprit de l’Apologie de Pascal, en faisant, comme nous le faisons dans nos éditions savantes, voyager d’une page et d’un chapitre à l’autre ces immortels fragmens. Je penche même à croire que si Pascal revenait parmi nous, il se reconnaîtrait plutôt encore dans l’édition de Port-Royal que dans celle de M. Faugère et qu’il serait plus content du duc de Roannez que de M. Molinier[6].

Ces raisons, un peu générales et partant un peu vagues, prendront une force nouvelle si l’on réfléchit à l’importance qu’avait pour Pascal l’ordre du discours. Nous connaissons tous par cœur cette sorte de défi qu’il jetait aux commentateurs à venir, comme s’il les eût devinés empressés à relever ses moindres emprunts : « Qu’on ne dise pas que je n’ai rien dit de nouveau, la disposition des matières est nouvelle. » Et dans un autre endroit : « J’aurais bien pris ce discours d’ordre comme celui-ci[7], mais l’ordre ne serait pas gardé. Je sais un peu ce que c’est et combien peu de gens l’entendent. » En effet, quand on raisonne comme Pascal, c’est-à-dire en logicien rigoureux « pour qui toutes les vérités sont tirées les unes des autres, » en logicien passionné, qu’une suite de preuves bien disposées enlevait, selon l’expression de Mme Périer, l’ordre est tout, et de la longue chaîne de ses déductions s’il nous échappe un seul anneau, que dis-je, si nous ne connaissons pas le vrai point de départ, c’est exactement comme si nous n’en connaissions rien. Discutait-il d’abord la question des miracles et le problème du surnaturel ? Mme Périer le dit. Commençait-il par « une peinture de l’homme dans laquelle il n’oubliait rien de ce qui peut le faire connaître ? » Etienne Périer l’assure. Ou bien encore, a brisant et anéantissant » l’un par l’autre Épictète et Montaigne « pour faire place à la vérité de l’Évangile, » débutait-il ainsi par une démonstration de l’impuissance de la philosophie ? Le fait est que nous n’en savons rien, et cependant tout est là.

Ajouterai-je que, pour prendre parti résolument, il faudrait pouvoir pénétrer beaucoup plus avant que nous ne saurions le faire dans la connaissance de Pascal lui-même. C’est ici le cercle d’où nous ne sortirons pas aisément. Pour ordonner méthodiquement les Pensées, il faudrait avoir vécu dans l’intimité des méditations de Pascal, et justement nous n’y pouvons vivre que par le secours des Pensées. Aussi le connaissons-nous assez mal. Il y en a peut-être toujours qui continuent de lui faire cette injure de révoquer en doute la solidité de sa raison, qui parlent avec pitié de son « amulette » et de ses « hallucinations, » et qui traiteraient volontiers les Pensées, à la façon de Voltaire et de Condorcet, comme le rêve d’un malade. D’autres nous l’ont représenté, pendant sa courte vie, travaillé mortellement des angoisses du doute, et, dans l’excès insupportable de je ne sais quelle désespérance romantique, se jetant au pied de la croix et se réfugiant, comme au suprême asile, dans les austérités de la vie monastique. Sainte-Beuve prétend que pour « un cœur ardent comme celui de Pascal, il n’y avait que l’abîme ou le Calvaire. » Victor Cousin décide « qu’il y avait du fanatique » dans l’auteur des Pensées. D’autres encore ne veulent voir en lui qu’un chrétien sincère et convaincu, plus humble qu’un petit enfant, s’efforçant de communiquer à ses semblables la paix qu’il goûte lui-même dans la possession des vérités éternelles, et « devenant théologien dans l’intérêt de ceux qui n’ont pas eu le bonheur de faire les mêmes expériences que lui[8]. » Nous n’avons point de choix à faire parmi toutes ces hypothèses, nous tirons seulement de leur diversité cette conséquence qu’il n’est pas facile de restituer l’Apologie de Pascal. Si l’on veut descendre au détail, on en voit l’impossibilité.

Je ne reviendrai pas sur l’état du manuscrit, si ce n’est pour faire observer qu’il renferme un assez grand nombre de passages que l’on parvient maintenant à lire et qui ne nous restent pas moins incompréhensibles, celui-ci, par exemple : « Jamais on ne s’est fait martyriser pour les miracles que l’on dit avoir vus, car ceux que les uns croient par tradition, la folie des hommes va peut-être jusqu’au martyre, mais non pour ceux qu’on a vus. » Il ne me paraît pas qu’on ait fait beaucoup pour l’éclaircir en écrivant comme on écrira désormais, « car ceux que les Turcs croient par tradition. » On trouvera dans l’édition de M. Astié une autre manière encore de lire ce même fragment.

L’autographe contient en outre quantité d’indications qui ne pouvaient avoir de valeur que pour Pascal, et que je ne comprends pas que l’on continue d’imprimer dans le corps des Pensées. M. Faugère au moins les avait rejetées comme en appendice. Ainsi je lis : « Il faut mettre au chapitre des Fondemens ce qui est en celui des Figuratifs touchant la cause des figures, » et je dis aussitôt à l’éditeur : Mettez au chapitre des fondemens ce qui est au chapitre des figuratifs, et supprimez cette indication, qui ne m’apprend rien si vous l’avez suivie, mais qui me démontre l’inutilité de votre tentative, si vous n’avez pas pu la suivre. Le malheur est à la vérité que, sauf cette mention, il n’existe pas ombre ni trace du chapitre des Fondemens.

Ailleurs, ce sont des « paquets » de citations sacrées ou profanes. L’une par exemple est de Sénèque, l’autre de Cicéron, la troisième de Sénèque encore, une autre de Virgile, une autre de Térence, et bien entendu qu’elles n’offrent entre elles aucun rapport. Pouvez-vous en faire usage et les mettre en leur vraie place ? Non. Alors ne les imprimez pas. Un hémistiche de Virgile a son prix, et de même un vers de Térence, je les lirai dans Virgile ou dans Térence ; mais ce n’est pas du Pascal. Ou si vous les imprimez, que ce soit au moins comme M. Fau-gère, à la fin du volume, et non pas, comme M. Molinier, au beau milieu d’un chapitre ; mais ni dans l’un ni dans l’autre cas, ne nous parlez d’une restitution de l’Apologie.

En un autre endroit ce seront les variantes d’une même pensée, sur laquelle Pascal est revenu plusieurs fois : « 1° Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. — 2° Rien ne montre mieux la vanité des hommes que de considérer quelle cause et quels effets de l’amour ; car tout l’univers est changé, le nez de Cléopâtre. — 3° Vanité. La cause et les effets de l’amour. Cléopâtre. » Vous sentez-vous le courage de choisir entre ces trois versions ? Si oui, de quelle autorité, sur quels motifs[9] ? ou sinon que devient cette belle ordonnance que vous nous promettiez, et, pour emprunter les expressions de M. Rocher, « ce vaste monument, aux lignes régulières, aux proportions majestueuses, » et qu’à vrai dire vous n’osez pas seulement débarrasser de ses échafaudages, crainte en effet qu’il ne croule.

En de telles conditions, que tout se brouille et que tout se confonde, il n’y a pas de quoi s’étonner, et si l’éditeur en arrive jusqu’à ne plus reconnaître sous une expression légèrement différente une seule et même pensée, rien de plus fâcheux pour Pascal, mais aussi rien de plus naturel. Voici, par exemple, une pensée qu’on ne saurait trop, à ce qu’il semble, recommander à la méditation des érudits : « Puisqu’on ne peut être universel et savoir tout ce qui se peut savoir sur tout, il faut savoir peu de tout. Car il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose : cette universalité est la plus belle. Si l’on pouvait avoir les deux, encore mieux ; mais s’il faut choisir, il faut choisir celle-là, et le monde le sent et le sait, et le monde est un bon juge souvent. » Les textes imprimés donnent au moins pour qui sait lire trois ou quatre variantes de ce seul fragment[10]. Je serais curieux de savoir quelles bonnes raisons ont décidé dans l’esprit des éditeurs que telle de ces variantes devait faire partie de l’Apologie, et les autres non. Et plus généralement, de quel droit faisons-nous sortir du plan de Pascal, à volonté pour ainsi dire, tel ou tel fragment qu’il nous plaît ? Parce que nous n’en apercevons pas, nous, le rapport avec ce plan ? Voilà une étrange raison. M. Faugère avait rejeté parmi les Pensées diverses la pensée sur Cléopâtre. Il me semble cependant, à y regarder d’un peu près, qu’elle n’était nullement déplacée, par exemple, au chapitre des Puissances trompeuses ou encore de la Misère de l’homme. M. Molinier rejette à son tour telle autre pensée sur l’éloquence ou sur le style. Que savons-nous pourtant si Pascal n’en eût pas fait usage et n’en eût pas tiré quelque argument imprévu pour sa cause ? Il n’est pas jusqu’aux fragmens que L’on réunit tous ensemble comme relatifs aux Provinciales qui n’eussent peut-être leur place indiquée dans l’Apologie de Pascal, si j’en juge par un passage de la préface de Port-Royal[11].

Concluons donc modestement que vouloir rétablir, ne fût-ce que dans les grandes lignes, le vrai plan de Pascal, c’est ce qu’il faut appeler traiter Pascal en pays conquis. Nous adoptons ici contre l’opinion de tous les autres éditeurs l’opinion de M. Havet. Il a raison : ne nous flattons pas de retrouver « ce qui n’était pas même arrêté dans la pensée de Pascal. »

Je conçois, à la vérité, que dans une intention de charité chrétienne un pasteur protestant, un prêtre catholique, tentent encore l’entreprise. Mais je doute qu’ils atteignent leur but, parce qu’enfin, quelque opinion que l’on ait sur Pascal, il faut avouer que dans les Pensées, telles qu’elles nous sont parvenues, la misère de la condition humaine et les motifs de désespoir sont marqués d’un trait bien autrement fort, bien autrement original et saisissant que la félicité des élus. Que si cependant on persiste, alors il n’y a pas deux partis à prendre, ni deux routes à suivre : il faut en revenir à l’édition de Port-Royal, et s’y tenir. On aura beau répéter contre ce pauvre duc de Roannez les éloquentes imprécations de Victor Cousin, cela ne fera pas que le duc de Roannez, — encore qu’il n’eût pas inventé l’éclectisme, — fût plus avant que Victor Cousin lui-même dans la confidence du secret de Pascal. Il faut accepter en ce cas toutes les corrections, tous les adoucissemens, tous les retranchemens, toutes les mutilations que Port-Royal a fait subir au texte, sans compter les additions. Port-Royal avait ses raisons. Son édition doit faire loi. Rien ne nous autorise à supposer, — pas même cette perspective de l’histoire qui met, dit-on, les choses à leur vrai point, — que nous discernions mieux que Port-Royal, en 1670, le vrai sens des intentions de Pascal et la pensée de ses Pensées. Et nous n’avons vraiment que faire du manuscrit autographe.

Mais si, plus curieux que vraiment chrétiens, et médiocrement soucieux de demander à Pascal des motifs d’édification, nous ne voyons en lui qu’un grand esprit et qu’un grand écrivain, c’est une autre question. L’édition de M. E. Havet marque alors pour nous le terme de ce que l’on peut faire subir d’arrangemens aux Pensées de Pascal. Nous demandons qu’on nous donne tout Pascal, et ses ratures, et ses surcharges, et ses corrections, et jusqu’aux moindres mots échappés de sa plume, et jusqu’à ces fragmens qu’il a barrés de sa main, tout Pascal, mais rien que Pascal, c’est-à-dire qu’on renonce une fois pour toutes à vouloir le restituer. C’est une autre manière de concevoir une édition des Pensées, c’est la plus prudente. Il se pourrait aussi que ce fût la meilleure. Il y a des ruines auxquelles il faut savoir ne pas toucher.

Au surplus, le dirai-je ? mais je ne sais si le monument de Pascal eût produit sur nous cette forte impression que produit l’ouvrage inachevé. Peut-être le Pascal de l’Apologie eût-il égalé le Pascal des Provinciales, le Pascal des Pensées, était le seul qui pût le surpasser. Sainte-Beuve l’a dit d’un mot : « Pascal, admirable écrivain quand il achève, est peut-être encore plus grand là où il fut interrompu ; » et ce mot, selon nous, a tranché le problème.


F. BRUNETIÈRE.

  1. Pensées de Pascal, disposées suivant un plan nouveau. Paris et Lausanne, 1857. George Bridel.
  2. Pensées de Pascal, publiées d’après le texte authentique et le seul vrai plan de l’auteur. Tours, 1873. Alfred Marne.
  3. Revue politique et littéraire du 24 mai 1879.
  4. Je n’insiste pas pourtant sur les copies, parce que je ne suis pas bien sûr qu’elles ne compliquent pas encore la difficulté du problème.
  5. On le lui a déjà clairement et très justement reproché dans la Revue critique du 21 juin 1879.
  6. C’était l’avis de A. Vinet, un homme qui connaissait admirablement Pascal et qui le goûtait comme personne.
  7. C’est-à-dire : voilà bien une disposition possible.
  8. Astié.
  9. Il y aurait bien un motif ici : c’est que la seconde version ne figure que dans une copie, et encore y est-elle barrée ; je demande alors quelle est cette plaisanterie que de la reproduire, et dans le corps de l’Apologie prétendue ?
  10. Il y en a trois dans l’édition de M. Molinier ; t. I, p. 114, 119, 120. M. Molinier les met toutes trois dans un même chapitre, Faiblesse, Inquiétude et Défauts de l’homme. Il rejette, sans en donner aucune raison, le fragment que nous citons au t. II, p. 151, parmi les Pensées diverses.
  11. Voici ce passage : « Le grand amour et l’estime singulière qu’il avait pour la religion faisait qu’il ne pouvait pas… souffrir… qu’on la blessât et qu’on la corrompit en la moindre chose. De sorte qu’il voulait déclarer la guerre à tous ceux qui en attaquent ou la vérité ou la sainteté, c’est-à-dire non-seulement aux athées, mais même aux chrétiens et aux catholiques qui, étant dans le sein de l’église, ne vivent pas néanmoins selon la pureté des maximes de l’Évangile. » Et là-dessous, comme le remarque M. Havet, tout le monde entendait les jésuites.