Revue des Romans/Simon de Coiffier de Moret

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839


COIFFIER DE MORET.


LE CHEVEU, précédé du Voyage, par un capitaine de dragons. — Le fond de ce roman n’a rien de bien original ; il est, ainsi que beaucoup d’autres, imité du Sopha, de Crébillon fils, ouvrage agréable, quoiqu’un peu scandaleux. L’auteur du Cheveu suppose qu’il a été l’amant de la fée Mélusine, qu’il a irritée par une indiscrète curiosité, et dont l’amour se change en haine implacable. Celle-ci, en quittant son indiscret, lui adresse ces paroles : « Tu aimeras encore, tu aimeras plusieurs fois ; mais sitôt que l’objet aimé t’aura donné la dernière preuve de son amour, tu deviendras l’un de ses cheveux, et la métamorphose ne pourra cesser que lorsqu’un amant favorisé coupera lui-même le cheveu qui te servira de prison. Autant de fois tu aimeras, autant de fois tu éprouveras cette marque de mon ressentiment jusqu’à ce qu’un rival heureux te coupe sur la tête d’une beauté qui cependant t’aura toujours été fidèle. » Télis (c’est le nom du héros), après avoir éprouvé plusieurs fois les effets du ressentiment de Mélusine, tente une dernière épreuve ; il se marie, et sa jeune épouse se trouve veuve à son réveil. Désespérée, elle se retire dans un couvent pour s’y consacrer au service divin ; mais elle a retrouvé dans son directeur un de ses anciens amants, et à l’instant où il dépose la chevelure de la future religieuse au pied des autels où elle se dévoue, celle qui allait devenir l’épouse de Dieu redevient tout à coup l’épouse de Télis. — Un petit conte en vers libres, intitulé le Voyage, précède ce roman tant soit peu scandaleux, et n’est pas du tout propre à lui mériter l’absolution.

LES ENFANTS DES VOSGES, 2 vol. in-12. — Le héros de ce roman est un bon et honnête vieillard, habitant de l’Alsace, et qui, dans le temps de nos troubles civils, avait le double tort de posséder des richesses et des vertus. Il se voit forcé de dérober sa tête à la hache des assassins ; mais il ne peut dépasser la frontière et aller chercher du repos sur un sol étranger. Consolé, secouru dans sa détresse par deux enfants pleins de candeur et de sensibilité, il se cache parmi les ruines d’un vieux château depuis longtemps abandonné, et n’attend plus que de leur amitié sa subsistance journalière. On aime à suivre ce vieillard dans les longs souterrains où il a trouvé un asile contre ses persécuteurs ; on partage son effroi lorsqu’il y rencontre un misérable couvert de sang et près d’expirer, et qu’il reconnaît en lui un de ses plus cruels ennemis ; on voit avec intérêt le proscrit rentrer furtivement dans la maison qui fut la sienne, et dont le père des deux enfants qui ont sauvé ses jours est devenu propriétaire. Le bon vieillard trouve moyen d’acquitter envers ses petits amis la dette de la reconnaissance, en s’exposant au plus grand danger pour secourir leur père dont la vie est menacée. Après ce trait héroïque, la fortune cesse de le persécuter, et recouvrant la meilleure partie de ses biens, il s’empresse d’adopter pour ses héritiers le bon petit George et la douce Henriette.