Revue des Romans/Mme de Blesenski

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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BLESENSKY (Mme de)


LADISLAS, ou Suite des Mémoires de la famille du comte de Revel, in-12, 1811. — Sous ce titre, madame de Blesensky a entrepris la tâche assez difficile de donner une suite au charmant roman d’Eugénie et Mathilde. Après la mort d’Eugénie, on était libre de former telles conjectures qu’il passait par l’esprit sur le sort de Ladislas ; la plupart des femmes opinaient pour la mort ; d’autres se révoltaient à l’idée, qu’avait manifestée Eugénie, de lui faire épouser Mathilde ; d’autres, enfin, imaginaient que si, dans l’insupportable douleur de quitter ce qu’on aime, l’idée la plus affreuse est celle de la douleur qu’on lui laisse, Eugénie avait dû saisir la seule possibilité qu’elle pût entrevoir pour que cette douleur s’adoucît, elle devait vouloir que Ladislas se consolât, puisqu’elle voulait qu’il vécût, et elle ne pouvait vouloir qu’il se consolât qu’avec Mathilde, qu’avec celle dont le cœur toujours plein du souvenir d’Eugénie devait la faire vivre toujours entre eux deux. C’est ce qu’a pensé aussi madame de Blesensky. Pour calmer les inquiétudes que nous avait si imprudemment laissées l’auteur d’Eugénie et Mathilde, elle n’a pas eu de repos qu’elle ne nous eût montré Ladislas consolé, amoureux, marié en moins de six mois, et père de famille dans le temps requis. On retrouve dans son roman tous les personnages qui intéressaient dans le premier ; on retrouve la calèche de Ladislas, qui conduit toute la famille à la promenade ; on retrouve l’anneau de Mathilde, qu’elle avait vendu pour subvenir aux nécessités de sa famille ; mais tous ces détails d’une vie ordinaire, si profondément touchants dans Eugénie et Mathilde, parce qu’ils s’y rattachent tous à des sentiments dont on pénètre notre âme, sont insignifiants ici, parce qu’ils ne rappellent que ce que personne ne se soucie de retrouver. Comme nous n’avons que fort peu de plaisir à demeurer plus longtemps au milieu de cette nouvelle famille de Revel, dont les noms, accoutumés à exciter d’autres émotions, nous trompent à chaque minute, pour nous détromper au même instant d’une manière bien fâcheuse, nous nous empressons de la quitter pour revenir à nos premiers souvenirs.