Revue des Romans/Jules Lacroix

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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LACROIX (Jules),
frère du précédent.


UNE FLEUR À VENDRE, 2 vol. in-8, 1835. — Il ne faut chercher dans ce roman ni leçon de morale, ni but philosophique, ni chasteté de style, ni pudiques détails. Tout y est nu et cru, sans voile, sans la gaze la plus légère et la plus diaphane. La fleur à vendre est une jeune et belle fille, que se disputent deux chalands, deux vieux garçons riches et débauchés, M. Bernier et M. Delfosse. Autrefois, à Naples, Delfosse, provoqué en duel par le mari d’une femme dont il était l’amant, a lâchement assassiné son adversaire pendant qu’il mesurait la distance d’un combat sans témoins. Complice du crime, la femme a suivi Delfosse, sous le nom de Mme Alvare ; elle loge chez lui, à Paris. Elle est joueuse, entremetteuse ; c’est elle qui vend à Bernier et à Delfosse la fleur à vendre, et lorsqu’elle apprend que cette fleur est sa fille, elle ne rompt pas pour cela le marché. Ainsi, dans ce roman, il y a d’abord un amant qui assassine le mari de sa maîtresse, et une mère qui vend sa fille, ou plutôt qui la joue contre quelques louis, perd et paye dans les vingt-quatre heures, ainsi que l’exige l’honneur du jeu. Il y a de plus un fils qui jette son père par la fenêtre, et puis, lorsque ce père, qui est Delfosse, est apporté tout brisé dans son lit, Mme Alvare, pour se venger de tout ce qu’il lui a fait souffrir, passe la nuit à son chevet, et tourmente son agonie en faisant couler de la cire brûlante dans ses plaies, en enfonçant dans ses chairs et dans son crâne une longue épingle rougie au feu. Delfosse, au milieu de ces tortures, brûle la cervelle à son bourreau. — Nous pensons en avoir dit assez pour que ce livre licencieux ne sorte pas de chez l’éditeur.

LE TENTATEUR, in-8, 1835. — Le Tentateur est un drame de la vie privée, précédé d’une préface en vers, qui est à la fois une élégie et une satire ; une élégie sur le triste sort d’une Fleur à vendre, qui a péri dans l’incendie de la rue du Pot de Fer, et une satire contre la critique, qui a reproché à ce roman ses peintures immorales. Le Tentateur est l’histoire d’un ménage que viennent troubler les manœuvres d’un séducteur et les piéges d’une coquette. Les détails sont pleins de charme, de sentiment et de vérité ; le dénoûment est inattendu, dramatique, déchirant. On doit féliciter M. Jules Lacroix du bon emploi qu’il a fait cette fois de son talent.

LE FLAGRANT DÉLIT, 2 vol. in-8, 1836. — Un chevalier d’industrie, qui se décore du titre de marquis et de plusieurs croix, se fait admettre à la cour, et fréquente, à ses moments perdus, les salons de la finance ; il jette de la poudre aux yeux d’un opulent banquier, et parvient à épouser sa fille, ange de pureté et riche à millions. Cet ange apprend que son mari est un joueur, un libertin, un faussaire et un bigame, cependant elle reste fidèlement attachée à ses devoirs. Mais le marquis d’Abletour voudrait disposer de la fortune de sa femme, et pour cela il faudrait que sa femme mourût. Un jour donc que Mme d’Abletour avait reçu la visite d’un beau jeune homme, et causait fort innocemment avec lui dans son salon, d’Abletour entre armé de deux pistolets, et tue sa femme et le jeune homme. « Je les ai surpris en flagrant délit, » dit-il, en se plaçant sous la protection de l’article 324 du Code pénal. La justice l’absout, le monde l’approuve, et il hérite paisiblement des grands biens de la femme qu’il a assassinée. Le marquis est ensuite nommé ambassadeur ; mais la Providence ne permet pas que le crime prospère plus longtemps ; le marquis meurt bientôt broyé par les rouages d’une filature.

LES PARASITES, 2 vol. in-8, 1837. — Monsieur et madame de Rougemont, vieux époux d’humeur différente, sont environnés de commensaux qui font honneur à leur table et convoitent leur succession. M. Rougemont est le meilleur des hommes ; depuis quarante ans il plie et tourne devant toutes les volontés de sa femme, et ne connaît qu’un seul plaisir, celui de la pêche à la ligne. Mme Rougemont est une petite vieille sèche et revêche, qui gronde sans cesse, est très-assidue aux exercices de piété, fait des aumônes ostensibles à sa paroisse, et laisse mourir de misère sa sœur, parce qu’elle s’est mariée contre son gré à un colonel de hussards, qui l’a laissée veuve avec un enfant. Après la mort de cette sœur, Mme Rougemont recueille sa nièce Pauline, jeune fille de quinze ans, héritière naturelle de la succession de la dévote, si les parasites n’étaient là. Ces parasites sont au nombre de quatre : Cleuré, prêtre ivrogne et glouton ; la comtesse de Charbois, dévote entre deux âges, soi-disant nièce du curé ; M. Robin, qui cache beaucoup de finesse sous l’enveloppe d’un rustre, et M. Montalbert, parasite de quatre-vingt-dix-sept ans. Ces quatre personnages dînent trois fois par semaine chez Mme Rougemont. Peu après l’arrivée de Pauline, la société fut augmentée d’un nouveau personnage, le baron de Cornille, jeune dandy de vingt-trois ans, qui passe l’hiver à Paris, et qui, le reste de l’année, fait des économies dans son vieux manoir, ce qui ne l’a pas empêché d’avoir déjà mangé la moitié de son patrimoine. Le dandy demande à Mme Rougemont sa nièce avec deux cent mille francs de dot ; la bonne tante lui rit au nez ; le dandy ne se décourage pas ; mais tous ses succès se bornent à faire partager son amour à Pauline, dont la destinée ne devait pas être heureuse. Un jour, M. Rougemont fut entraîné dans les flots et périt en se livrant à sa passion favorite. Mme Rougemont ne lui survécut pas longtemps : elle laissa tous ses biens aux parasites et pas une obole à sa nièce, qui fut réduite à se faire sœur de charité.

Nous connaissons encore de cet auteur : Une Grossesse, in-8, 1833. — Corps sans âme, 2 vol. in-8, 1834.