Revue des Romans/Hippolyte Bonnellier

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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BONNELIER (Hippolyte).


URBAIN GRANDIER, un vol. in-12, 1825. — Le jugement d’Urbain Grandier, l’horrible supplice qui le suivit, voilà le dénoûment de ce roman ; les causes premières et les progrès de l’accusation monstrueuse sous laquelle succomba le curé de Loudun en forment le nœud ; l’odieuse jalousie des prêtres, la haine de la supérieure Jeanne de Belseil, le ressentiment du tout puissant Richelieu, la froide cruauté du conseiller Laubardemont, en lient l’intrigue, et fournissent à l’auteur de sombres tableaux. Grâce au Dictionnaire philosophique, l’histoire de Grandier étant connue de tout le monde, nous n’entrerons dans aucun détail sur le plan du roman.

GUY-EDER, ou la Ligue en basse Bretagne, 2 vol. in-12, 1830. — « En 1589, un jeune gentilhomme breton, âgé de quinze ans, s’échappe du collége Boncourt, troque avec des juifs sa robe de chambre et ses livres de classe contre un poignard et une épée, et part seul, à pied, pour Orléans, où se trouvait alors le duc de Mayenne. Des brigands arrêtent et dévalisent le jeune aventurier. Il revient au collége, s’en échappe encore, et, cette fois, se dirige sans obstacle vers la basse Bretagne, où le duc de Mercœur soutenait le partie de la Ligue. Peu de mois après, l’enfant de quinze ans commande à trois mille hommes ; et son nom, qui est devenu un cri de guerre, fait verser le sang, allumer des incendies, ruiner les villes de la Cornouaille… La Ligue s’éteint : il disparaît un instant de la scène pour y reparaître trois ans après, faussement accusé dans la conspiration de Biron… — Ce jeune gentilhomme, cet aventurier, ce dévastateur de la Cornouaille, c’est Guy-Eder. » Tel est le thème du roman de M. Bonnelier, tel qu’il l’indique lui-même dans sa préface. Sur cette courte donnée historique, il a reconstruit, pour ainsi dire, toute la vie du ligueur breton. Son livre est donc moins un roman historique qu’une sorte de biographie embellie de développements pittoresques et de scènes dramatiques qui forment un tout assez animé.

LE MARÉCHAL DE RAIZ, 2 vol. in-8, 1834. — Héritier d’un patrimoine considérable et jouissant d’un revenu estimé à un million, le maréchal de Raiz eut bientôt dévoré presque tous ses biens par son faste et ses profusions. Il vendit et aliéna ses domaines, et ces ressources épuisées, il eut recours à l’alchimie. Ses déréglements dépassèrent toute mesure. Son manoir de Tiffauges s’était transformé en véritable caverne d’ogre ; de zélés serviteurs battaient la campagne, séduisaient ou enlevaient les jeunes filles, et surtout les jeunes garçons, qui une fois tombés dans l’antre n’en sortaient plus vivants. Ces forfaits se prolongèrent pendant plus de dix ans ; mais enfin la clameur publique dénonça l’infâme assassin, le vampire de l’enfance bretonne. Raiz fut arrêté, confronté à deux de ses complices, confessa ses crimes effroyables, fut condamné à mort, et subit son supplice sur la prairie de la Madeleine, près de Nantes, le 25 octobre 1440. Tel est le personnage choisi par M. Bonnelier pour le héros de son roman. Il a envisagé le maréchal de Raiz comme une sorte d’énigme physiologique et psychologique, et en a trouvé le mot dans une monomanie. Tigre voluptueux, dès la première fois qu’il pressa une biche timide, Raiz céda au fatal besoin de lui enfoncer ses griffes et de faire couler le sang. Ainsi périt Anna Keranna ; Catherine de Thouars paraît menacée du même sort, et si elle y échappe, elle doit son salut à un double prodige que nous tairons pour ne pas nuire aux émotions des lecteurs, lorsqu’ils en seront aux chapitres intitulés : l’Alcôve des noces, et Si j’y viens, c’est mon droit. Cette Catherine, longtemps mariée sans être femme, sert de pivot à l’action ; elle aime un jeune page, Clodomir Rheun, qui meurt victime des précautions soupçonneuses du seigneur et de son confident. À côté d’elle agit, se meut, se démène une vieille paysanne, veuve d’un tailleur de Cornouaille, qui joue dans le cours du roman le rôle des Megg de Walter Scott.

LE MOINE BLANC, 2 vol. in-8, 1836. — Madame Mondovi cherche à marier avantageusement sa fille Géorgine. M. Dutillet, ami dévoué, s’est mis en quête d’un bon parti, et il a trouvé la perle des maris, un jeune homme qui possède une belle fortune et un esprit borné ; Géorgine devient donc madame Herbineau. Mais une autre femme s’était aussi aperçue que le mari de Géorgine était d’un caractère facile à mener, et cette dame, à qui Herbineau échappe un instant pour se marier, reprend si bien son empire après la noce, que le jeune mari laisse sa femme à la campagne et vient renouer à Paris ses habitudes de garçon. La famille de Géorgine fut indignée, mais elle n’eut pas un instant l’idée de faire du scandale ; d’ailleurs Géorgine n’aimait pas son mari, et ne demandait pas mieux que d’être seule avec la poésie pour consolation, car Géorgine est poëte. Dans un moment de loisir elle a composé un proverbe sur un événement arrivé dans le pensionnat où elle a été élevée, qui révèle un fait blessant pour une honorable famille espagnole ; cette pièce, destinée à rester en portefeuille, est livrée à l’impression par les ennemis de l’auteur, qui en envoient un exemplaire à M. de Sandoval, dont la sœur joue un malheureux rôle dans cette comédie. M. de Sandoval jure de tirer de cette injure une éclatante vengeance. Géorgine ne se doute de rien ; elle est allée au bal de l’Opéra, et elle cause tranquillement avec une de ses amies, lorsqu’un moine blanc entre dans sa loge. Ce moine est un jeune docteur qui aime Géorgine en secret, et qui vient la protéger contre le danger qui la menace. Grâce à son intervention, Géorgine échappe au péril qu’elle courait, et toute la colère de M. de Sandoval tombe devant les explications du docteur et les excuses ingénues de madame d’Herbineau. Le roman finit d’une façon vague et indéterminée.

LA GRILLE ET LA PETITE PORTE, 2 vol. in-8, 1837. — Les deux romans publiés sous ce titre démontrent clairement une vérité que l’auteur n’a probablement pas cherché à mettre en évidence, que de l’horrible au grotesque il n’y a qu’un pas. Dans la Grille, trois personnages occupent le premier plan : Antoine Minard, fils d’un président à mortier au parlement de Paris, en 1559 ; Annette Sutard, fiancée d’Antoine, puis le président Minard. De ces trois personnages, l’un, le président, meurt assassiné de la main de Jacques Sutard, père d’Annette ; Annette meurt en couche ; Antoine meurt dans une cave, en cherchant à franchir une grille ingénieusement placée dans cette prison de nouvelle espèce, afin de donner aux prisonniers des tentations de fuite. Or, cette grille est à bascule ; quiconque s’avise de vouloir l’escalader ne parvient qu’à la faire tourner sur elle-même, et tombe, la tête la première, dans d’incommensurables abîmes. — Dans le roman de la petite Porte, la scène se passe en 1834. Louisa est la fille de M. Dorencourt, magistrat jouissant d’une honnête aisance. Louisa a été mal élevée : on a encouragé son penchant à la coquetterie ; une fatale complaisance maternelle lui a laissé croire qu’elle était charmante, spirituelle et infaillible : aussi le premier pas que fait Louisa est une faute. Annibal Mariani, séduisant secrétaire d’ambassade, l’abandonne. Cependant le monde croit encore à la pureté de Louisa. Un peintre du nom de Fauvel sollicite et obtient l’honneur de s’allier à la famille Dorencourt. Trois mois se sont passés depuis l’accomplissement de ce mariage, lorsque la vérité luit aux yeux de Fauvel ; il s’aperçoit que Louisa est sur le point d’être mère. Bientôt il a découvert le nom de l’infâme ; une rencontre a lieu, Mariani est frappé mortellement. Fauvel quitte la France ; Louisa, demeurée seule, est pour la vie condamnée au mépris public.

On a encore de M. Bonnelier : Deux Nouvelles : Éliza Tarrakonoff, nouvelle russe, et Mélectal, nouvelle suisse, in-12, 1822. — Les vieilles Femmes, ou l’Île de Sein, 3 vol. in-12, 1826. — La Fille du Libraire, 2 vol. in-12, 1828. — Calomnie, in-8, 1832. — La Plaque de cheminée, in-8, 1833. — Une Méchante femme, in-8, 1833. — Mœurs d’Alger (Juive et Mauresque), in-8, 1833. — Nostradamus, 2 vol. in-8, 1833. — Un Homme sans cœur, 2 vol. in-8, 1835. — L’Anneau de paille, 2 vol. in-8, 1836. — Matinées, in-8, 1837. — Contes d’un Villageois, in-12, 1837. — Un Malheur domestique, in-8, 1837.