Revue des Romans/Elizabeth Simpson Inchbald

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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INCHBALD (miss Elis. Simpson depuis mistriss),
célèbre romancière anglaise, née en 1735, morte le 1er août 1821.


SIMPLE HISTOIRE, suivie de Lady Mathilde, trad. par Deschamps, nouv. édit. in-8, 1834. — Nous ne déflorerons pas par une sèche analyse cette charmante production, qui se trouve ou qui doit se trouver dans toutes les bibliothèques, et qu’on ne peut lire sans être attendri jusqu’aux larmes. L’auteur, cependant, ne put trouver à placer ce roman chez aucun libraire, ce qui est du reste arrivé à la plupart des livres que par la suite on a le plus recherchés. Ce déboire n’empêcha pas mistress Inchbald de composer pour le théâtre quelques pièces fort gaies, qui obtinrent beaucoup de succès. Alors, Simple histoire, que l’on avait dédaignée tant que ce n’avait été que l’œuvre d’un auteur obscur, fut achetée par le libraire Robinson, au prix de cent livres sterling le volume, et il n’eut pas lieu de se repentir de son marché.

LA NATURE ET L’ART, trad. par Deschamps, 2 part. in-8, ou 2 vol. in-12, 1796 ; idem, sous ce titre : Henri et William, ou la Nature et l’Art, trad. par Paquis, 2 vol. in-12, 1830. — Deux frères, William et Henri Norwynne, fils d’un petit marchand de campagne, après avoir perdu leur père, mort insolvable, viennent à Londres chercher fortune. William a plus d’instruction et de culture, Henri plus de naturel et de bonté. Ils ont beaucoup de peine à percer, et William mourrait de faim si Henri n’avait le talent de jouer du violon, ressource qui non-seulement tire d’affaire le musicien, mais lui fournit les moyens de procurer à son frère des places qui le mettent à portée de développer son mérite. Mais William est orgueilleux, ingrat, et rougit de devoir quelque chose à Henri. Les deux frères se marient : Henri épouse une cantatrice estimable ; William une fille de qualité ; aussi ne juge-t-il pas sa belle-sœur digne d’être présentée à sa femme ; de là une rupture entre les deux frères. Peu de temps après, Henri perd sa bonne et vertueuse épouse ; un accident le prive de la main droite et il ne peut plus jouer du violon ; il s’expatrie et passe en Afrique avec son fils. William a aussi un fils unique, auquel on donne ce qu’on appelle une éducation soignée. Quant au jeune Henri, il est abandonné à la simple nature dans son désert, et il arrive qu’il vaut beaucoup mieux que l’enfant de l’art. Lorsqu’il a atteint l’âge de douze ans, son père est obligé, pour lui sauver la vie, de l’envoyer à son frère, en Angleterre. Les deux cousins reçoivent ensemble la même éducation, mais la différence de leur caractère, et surtout des premiers principes qui leur ont été inculqués, produit des contrastes piquants, dans lesquels la nature a toujours l’avantage sur l’art. Cet avantage se continue dans un âge avancé ; William séduit une jeune villageoise nommée Hannah, lui fait un enfant, l’abandonne, et se marie par convenance. Henri devient amoureux d’une des filles du ministre de sa paroisse, mais il respecte celle qu’il aime, et leur inclination mutuelle n’est mêlée d’aucun remords. Enfin, le vertueux Henri se décide à aller chercher son père ; il dit adieu à sa maîtresse, et promet de revenir fidèle. La jeune infortunée que William a séduite devient mère ; sa faute fait périr son père de chagrin ; elle reste seule, orpheline et dans la misère, tandis que son séducteur est arrivé à la plus grande opulence ; bientôt elle traîne la vie la plus misérable ; servante d’abord à la campagne, puis à la ville, puis enfin dans un mauvais lieu, elle finit elle-même par se prostituer, commet un vol, et est traduite devant le juge criminel ; ce juge est William Norwynne, son premier séducteur ; Hannah le sait ; mais William est loin d’en avoir le moindre soupçon. La scène de la condamnation de la pauvre fille est du plus grand pathétique ; William, après les débats, place sur sa tête le fatal bonnet et se lève pour prononcer le jugement : Hannah jette un cri perçant en s’écriant : « Oh ! non, je ne puis l’entendre de votre bouche. » Ces paroles ne sont pas entendues de William, qui, avec un visage serein, plein de majesté, prononce la fatale sentence qui finissait par ces mots, condamnée à être pendue jusqu’à ce qu’elle soit morte, morte, morte. Hannah s’évanouit : à ses derniers moments, elle trace un écrit qui contient sa malheureuse histoire ; il est porté après l’exécution de la sentence au juge William, qui est frappé comme d’un coup de foudre, et qui voudrait au moins revoir son fils ; mais l’enfant, accablé de douleur, a suivi de près sa mère au tombeau. Que devient, pendant ce temps, le cousin de William ? son voyage en Afrique n’a pas été fort heureux ; il a rencontré son père, le ramène dans sa patrie, où tous deux arrivent pauvres, déguenillés, manquant de tout, mais heureux par les sentiments de leur cœur et par le témoignage d’une bonne conscience. En passant devant le château de William, ils rencontrent son convoi, et apprennent qu’il est mort sans être regretté de personne, et que son fils est détesté par son orgueil et son insensibilité. Alors ils renoncent de se présenter devant lui, et vont chercher l’ancienne maîtresse de Henri, la sage et modeste Rebecca, que son amant retrouve toujours la même, non plus jeune, mais belle à ses yeux parce qu’elle a le même esprit et le même cœur. Il l’épouse, et trouve entre elle et son père une vie douce et tranquille au sein de la médiocrité.