Revue des Romans/Edward Bulwer-Lytton

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
◄  Brunton Bunyan  ►


BULWER, romancier anglais du XIXe siècle.


PAUL CLIFFORT, traduit par Cohen, 4 vol. in-12, 1831. — Paul Cliffort est né d’une pauvre prostituée, victime de l’aimable rouerie de deux jeunes seigneurs. Jeté par le hasard dans une taverne d’un des quartiers honteux de Londres, asile habituel de l’écume de sa population, il y passe son enfance ; et aidé d’une intelligence vive, d’un caractère ardent, il profite si bien des leçons et des exemples qu’il a sous les yeux, qu’à quinze ans il est un coquin achevé. Il n’en sort que pour s’attacher à la rédaction d’un journal obscur intitulé l’Asinœum, où son éducation se perfectionne encore. Accusé d’un vol qu’il n’a pas commis, Cliffort est condamné à la réclusion dans une maison de correction où il perd le reste des scrupules honnêtes qu’il avait encore au fond de l’âme, et d’où il sort pour se faire voleur de grands chemins. Toutefois, comme c’est un voleur lettré, il exerce son métier avec distinction, avec de la politesse et de bonnes manières ; il sait toujours dire des choses très-aimables aux gens qu’il dévalise. Paul est un fort bel homme : dans une des ses campagnes, le hasard veut qu’il se montre sous un jour très-avantageux aux yeux d’une jeune personne, fille d’un gentilhomme campagnard, qu’autrefois il aperçut à Londres et dont il devient passionnément épris. Il s’introduit chez ce vieux seigneur, gagne ses bonnes grâces, et au moyen de ses manières élégantes, se fait, pendant toute une saison à Bath, le chevalier publiquement reconnu de miss Lucie Brandon. Cette passion réveille en lui ce que la nature avait mis de grand et de généreux au fond de son cœur. Il veut quitter son infâme métier : c’est alors que les liens de la société l’entravent et l’embarrassent de toutes parts, et le repoussent malgré lui dans son infamie. Bref, il est blessé, arrêté, renfermé, la veille du jour qu’il avait fixé pour quitter l’Angleterre et aller chercher ailleurs une autre vie, un nouveau baptême d’honnête homme. Nous sommes forcés de supprimer, dans cette analyse, tout ce qui fait le charme du roman. Il se trouve que Paul est le fils de l’homme qui le condamne à mort pour son dernier crime, et qui, par son injuste accusation, l’a fait jeter tout jeune dans une maison de correction. Ce juge était le premier auteur de sa perte. Tous ces détails ne lui sont connus qu’au moment où, placé sur son siége aux assises, Brandon va prononcer la sentence de mort contre son fils. Cette situation et tout le caractère de Brandon sont peints admirablement. — Il est impossible de rendre avec plus de finesse et de vérité que ne l’a fait l’auteur, les mœurs de l’aristocratie anglaise, et de mêler plus habilement les traits d’observation les plus délicats aux scènes de passion les plus pathétiques ; mais il ne se borne pas seulement à reproduire les vices et les plaisirs des classes priviligiées ; il réunit les deux extrêmes et présente une peinture des folies, des crimes, des misères des classes pauvres. C’est ce modèle que Bulwer s’est attaché à faire ressortir, et il faut convenir que son pays lui offrait le modèle le plus parfait de cette monstrueuse inégalité des destinées humaines.

EUGÈNE ARAM, sujet tiré des causes célèbres d’Angleterre, 2 vol. in-8, 1832. — Seul, inaccessible, farouche ; vivant de recherches, de sciences, de travaux métaphysiques ; réfugié avec ses livres au fond d’une vallée déserte ; toujours inquiet, triste, quoique l’étude lui fournisse des distractions, Eugène Aram est une existence à part, une individualité, un problème. Que nourrit-il dans sa pensée ? Des souvenirs de bonheur ou de crime ? des regrets ou des remords ? Houseman seul le sait, lui… Houseman, voleur par goût, qui se complaît dans le vagabondage : tous deux furent autrefois complices d’un meurtre. Pauvre, ignoré, repoussé de tous, se sentant né pour la gloire, mais voyant la faim se dresser devant lui avec toutes ses horreurs, ses angoisses ; tremblant pour les trésors d’érudition qu’il a amassés à grande peine, qu’il voulait transmettre au monde, qui seront perdus à jamais à cause de sa misère, Aram tue un riche, un débauché, inutile à ses semblables ; avec la fortune de cet homme il fera des heureux et des prosélytes à la science. Malheur ! trois jours après il fait un héritage inespéré. Trois jours ! et s’il avait attendu… Se trouver continuellement sous la main inflexible de la justice !… Une déposition de son complice perd Aram, et malgré sa défense éloquente, qu’il prononce lui-même, les juges le condamnent. Il se tue en prison. — Le portrait du vieux Lester et de ses deux filles est un beau prologue qui ouvre simplement la marche du récit. Madeleine et sa sœur rappellent peut-être Mina et Brenda, ou du moins, en suivant la poétique opposition des deux caractères, nos souvenirs se reportent involontairement vers les premiers chapitres du Pirate ; mais cette ressemblance n’a rien qui tienne du pastiche ; l’entretien d’Eugène Aram avec Houseman son complice, la découverte des ossements de sa victime, son arrestation, son procès, et surtout sa confession, sont de magnifiques épisodes. L’entrevue de Walter, cousin de Madeleine et rival dédaigné d’Eugène Aram, auprès d’elle, la veille de l’interrogatoire, touche aux dernières limites de la terreur dramatique. Quand Walter, fils de Clarke, celui-là même qui a péri sous les coups d’Eugène Aram, se jette aux genoux de Madeleine et la prie de lui pardonner la mort de son amant, la vengeance de son père, les yeux s’emplissent de larmes et la critique est désarmée.

PELHAM, 4 vol. in-12, 1832. — Henri Pelham est un dandy achevé, qui peut servir de modèle et d’étude à tous ceux qui, n’ayant rien à faire en ce monde, incapables de haine et d’amitié, ennemis des livres qui les ennuient, des voyages qui les fatiguent, méprisant la vie de famille comme un engagement importun et la vie politique comme un tracas soucieux, reportent volontairement toute leur activité sur la manière de prononcer un mot, d’écarter les épaules, de lorgner à bout portant une femme qui passe ou même à qui l’on parle, et préfèrent le mérite d’un jockey à celui de Canning ou de Schéridan. Envisagé sous ce point de vue, Pelham serait encore un livre inestimable ; car il est tel chapitre dont la lecture attentive et répétée peut former un jeune homme à l’impertinence, au vice et à l’oisiveté, mieux et plus sûrement que trois duels et que six procès de criminal conversation. Le héros donne sur sa famille des détails curieux et qu’il faut méditer pour bien comprendre sa destinée et son rôle. Il raconte à merveille comment lady Pelham, ayant lu tous les romans historiques publiés depuis dix ans, commence l’éducation de son fils, seule et sans conseil. Toutes les lettres adressées à son fils pendant son séjour à l’université et son voyage en France sont des chefs-d’œuvre d’ironie et d’exclusion. Les soins qu’il faut apporter dans le choix de ses amitiés, l’art d’utiliser à son profit les relations les plus indifférents en apparence, de se lier publiquement avec une femme de ton, pour se ménager l’entrée des meilleures maisons, la tendre mère n’oublie rien. Absente, elle veut encore servir de guide et de mentor à son enfant, et pour atteindre ce but honorable, elle ne regrette ni son temps ni son éloquence. — En lisant ce livre, on regrette qu’il ne se compose pas tout entier de satire et de comédie. Sans doute il eût été possible de jeter dans la fable, qui, à vrai dire, n’est pas très-solidement nouée, un intérêt dramatique ; mais alors cet intérêt aurait dû planer sur les principaux acteurs. Il eût dû, au lieu d’être épisodique, pénétrer dans les entrailles même du sujet.

L’ANGLETERRE ET LES ANGLAIS, 1 vol. in-8, 1833. — Le livre de M. Bulwer est sans contredit celui qui peint le mieux l’Angleterre et les Anglais. L’auteur, répandu dans la société, membre du parlement, lié par ses sentiments politiques avec toute l’aristocratie whig, rapproché de la bourgeoisie par sa vie antérieure, ayant eu à souffrir, comme esprit libéral, comme esprit supérieur et comme écrivain, de tous les préjugés de la société anglaise, était dans une excellente situation pour observer les mœurs de ses compatriotes et mettre le doigt sur les plaies de son pays. M. Bulwer l’a fait sans ménagement, avec toute la verve, la finesse, la propriété d’expression, le génie de sarcasme dont il avait déjà fait preuve dans Pelham, dans Falkland et dans Eugène Aram. M. Bulwer pose d’abord en fait que la vanité nationale des Français consiste à appartenir à un si grand pays, tandis que la vanité d’un Anglais se délecte dans la pensée que son pays lui appartient. Le fondement de toutes nos idées comme de toutes nos lois, dit-il, est placé dans le sentiment de la propriété. C’est ma femme que vous ne devez pas insulter, c’est ma maison dans laquelle vous ne devez pas entrer, c’est mon pays dont vous ne devez pas dire de mal, et, par une sorte d’appropriation qui s’élève au-dessus de la terre, c’est mon Dieu dont vous ne devez pas blasphémer. L’Anglais est donc vain de son pays, ajoute M. Bulwer. Pourquoi ? Pour ses édifices publics ? il n’y entre jamais. Pour ses lois ? il les décrie sans cesse. Pour ses écrivains ? il ne les connaît pas. Il est vain de son pays pour une excellente raison : c’est que ce pays le produit, lui ! C’est là le principe sur lequel repose tout le livre de M. Bulwer. C’est par cette excessive concentration d’égoïsme qu’il explique tous les phénomènes de prospérité, de grandeur, de bizarrerie, tous les effets bons et mauvais de l’esprit national, le défaut de sociabilité, en un mot, tout le mouvement social de l’Angleterre. De longues vues, empreintes d’un sens exquis, ont présidé à toutes ces observations, formulées en une série de portraits originaux, où derrière l’homme politique on retrouve toute la verve du romancier. M. Bulwer explique surtout parfaitement la nature de l’influence qu’exerce l’aristocratie anglaise, dont les membres, au lieu de se ternir à l’écart des autres classes et de renfermer leur dignité au sein des distinctions héraldiques, se sont mêlés à la nation en s’appropriant tous les avantages d’une telle alliance. Les nobles anglais ne se font pas scrupule d’épouser des filles de banquiers, d’avocats ou de négociants ; leurs assemblées d’agriculture et de comté les mettent en contact avec des personnes de tous les rangs ; leurs relations politiques les lient intimement avec les hommes de talent et de capacité de toute espèce. Ce mélange a eu pour effet de réduire de plus en plus la valeur de l’homme à celle que lui donnent ses richesses, et de rétablir un niveau d’égalité qui tend de plus en plus à effacer les autres distinctions. M. Bulwer n’a pas jeté un coup d’œil moins sagace sur les classes inférieures que sur l’aristocratie. Son chapitre de l’influence des cabarets sur la santé et les mœurs du peuple est un morceau plein d’intérêt et de vues nouvelles. Ses portraits sont surtout caractéristiques.

LES DERNIERS JOURS DE POMPÉÏ, 2 vol. in-8, 1835. — Au commencement de l’ère chrétienne, en l’an 79, vivait à Pompéï un jeune Athénien nommé Glaucus, et une belle et gracieuse orpheline athénienne nommée Jone. Glaucus et Jone s’aimaient ; mais la belle orpheline était en la puissance de son tuteur, l’Égyptien Arbace, qui en était lui-même épris. Arbace, directeur des mystères d’Isis, imposteur odieux, était un profond scélérat ; pour se défaire de son rival, il fait administrer à Glaucus, par une main amie, un breuvage qui le prive de la raison. Cependant Apœcides, frère de la belle Jone, révolté des jongleries d’Arbace, lui déclare follement qu’il a le projet de le démasquer le lendemain devant le peuple assemblé. Il était nuit ; l’Égyptien et son ennemi étaient seuls, Arbace armé et son ennemi sans défense : d’un coup de stylet Arbace étend Apœcides mort à ses pieds. En ce moment le hasard amène le malheureux Glaucus près du meurtrier et de sa victime. Aussitôt Arbace accuse Glaucus du meurtre d’Apœcides. Glaucus est arrêté, jugé sur le témoignage de son rival, et condamné aux bêtes ; alors sa raison lui revient, et le lendemain il est conduit dans l’arène pour être la proie d’un lion. Le lion sort, mais il semble égaré par une mystérieuse terreur, refuse le combat, et rentre dans sa cage. En cet instant, un message est remis au préteur ; un cri se fait entendre ; Glaucus est innocent, Arbace est le vrai coupable ; le peuple soulevé va le lancer dans l’arène, quand tout à coup le jour se change en nuit ; la terre tremble ; une pluie de cendres mêlées d’eau bouillante et de pierres calcinées tombe sur la ville, la mer et les campagnes. Toute la population fuit épouvantée, éperdue, à la lueur des éclairs volcaniques, au bruit des édifices qui s’écroulent ; partout la terreur, le désordre, les cris, le désespoir, la mort. Arbace périt misérablement dans sa fuite. Glaucus et Jone réunis gagnent, à travers mille dangers, le rivage de la mer, et s’embarquent pour Athènes.

ERNEST MALTRAVERS, 2 vol. in-8, 1837. — Ce roman n’a presque rien de romanesque. Les acteurs dispersés vont, reviennent, se mêlent, disparaissent, reparaissent, non-seulement sans art, mais contre toutes les données de l’art. Après nous avoir intéressé, ils disparaissent. Tout à coup réduits à l’état d’ombres, devenus fantômes, muets après avoir parlé, oubliés dans un coin de la scène qu’ils ont remplie de leurs mouvements et de leurs cris, ils y tiennent à la fois trop et trop peu de place. Mais les portraits de tous ces acteurs sont bien véritablement des portraits et non pas des caricatures, et les tableaux de mœurs que retrace l’auteur ont réellement existé. Vous avez connu Ferrers, Mlle de Ventadour, Castruccio, François Montaigne et M. Templeton ; vous avez soupé près du lac de Garda avec les Milanais que M. Bulwer a si légèrement esquissés ; Templeton le banquier, le suzerain moderne, portant dans la vie civile le puritanisme de Cromwel, est le type du capitaliste anglais, à demi trompé, à demi trompant, s’emparant de tout, envahissant tout, crédit, sainteté, magistrature et fortune ; Mlle de Ventadour est la femme française du XIXe siècle par excellence ; Florence Lascelles est une coquette gâtée par les hommages, combattant contre un amour profond qui pèse sur son cœur et sa vanité, qui se révolte contre le joug que lui impose ce sentiment. Castruccio, poëte manqué, est un génie impuissant, débile, envieux, et atroce dans ses vengeances. Le portrait de François Montaigne est admirablement tracé ; mais Maltravers est un héros manqué, dont le portrait est à peine esquissé. — Ernest Maltravers, après avoir parcouru une partie de l’Allemagne, se trouve seul, à minuit, sur une grande route ; il frappe à la porte d’une cabane isolée, et demande un guide pour atteindre la ville prochaine. Cette cabane est un coupe-gorge habité par un brigand et par sa fille Alice qui se dévoue au salut de l’étranger. Forcée au silence par la présence de son père, elle essaye, par sa pantomime, d’apprendre à Ernest que Darvil a résolu de le tuer ; elle réussit à le sauver, le rejoint sur la grande route, lui demande asile et protection, devient sa pupille, puis sa maîtresse. Alice est une jeune fille de seize ans, plus ignorante qu’une Indienne qui n’aurait jamais quitté sa tribu, car elle ne possède pas la notion de Dieu ; l’éducation de cette jeune fille, le développement simultané de l’amour et du sentiment religieux, sont racontés par l’auteur avec une grâce et une simplicité remarquables. Rappelé par son père, Ernest abandonne Alice, et lorsqu’il revient avec l’espérance de la retrouver, elle a disparu ; la maison qu’elle habitait a été pillée par Darvil et ses compagnons ; le brigand a enlevé sa fille, qui s’échappe, devient mère, mendie pour nourrir son enfant et est recueillie par une dame charitable. Plus tard, Alice tire parti de ses talents, épouse M. Templeton. Ernest, pour se consoler de la perte d’Alice, part pour l’Italie en compagnie de Lumley Ferrers. À Naples, il devient amoureux de Valérie de Ventadour, femme de l’ambassadeur de France, qui offre l’alliance heureuse de la coquetterie et de la loyauté ; fière de sa beauté, de son intelligence, de sa grâce, elle aime à régner, à gouverner les hommes qui l’entourent sans jamais rien promettre, sans jamais s’engager ; mariée à un homme qu’elle n’a jamais aimé, elle a pris de bonne heure son parti, et s’est résolue courageusement à ne pas tenter l’épreuve des passions. Elle est arrivée à trente ans et se croit désormais à l’abri du danger ; mais la passion d’Ernest lui fait comprendre qu’elle va succomber si elle ne parvient à l’éloigner. Elle se refuse à celui qu’elle aime, en lui avouant qu’elle est heureuse et fière de l’amour qu’elle inspire et qu’elle partage, et le force à partir pour devenir, d’après ses conseils, un grand poëte et un grand homme d’État. Deux ans après, Valérie retrouve celui qu’elle a banni et auquel elle n’aurait plus le courage de résister si elle ne voyait clairement qu’elle n’est plus aimée ; fidèle à sa dignité, elle cache son désespoir sous les dehors d’une impartiale amitié. Cependant Ernest, à son arrivée à Londres, a publié des poëmes admirables et est devenu célèbre en peu de mois ; il est entré au parlement où il a prononcé des discours admirables ; mais il encourt la haine du poëte Castruccio, dont il a édité un poëme qui ne s’est pas vendu. La gloire poétique et politique d’Ernest éveille l’admiration et la sympathie de Florence Lascelles, fille de lord Saxingham, qui, à la richesse et à la naissance, joint la beauté, la grâce, la majesté, le savoir et l’intelligence. Florence s’est éprise du talent d’Ernest, et, sans le connaître personnellement, elle engage avec lui une correspondance suivie sur divers ouvrages de littérature. Bientôt la tête embrase le cœur, et elle avoue franchement son amour à l’homme qu’elle préfère ; mais Ferrers, qui convoite la main de l’héritière, appelle à son aide la haine de Castruccio ; celui-ci écrit à Ernest pour lui demander ce qu’il pense du caractère de Florence et des garanties de bonheur qu’elle offrirait à un mari. Ernest, qui ne sait pas encore que Florence est la femme inconnue avec laquelle il est en correspondance, répond franchement que la fille de lord Saxingham lui paraît plus digne d’admiration que d’amour. Peu après, le mariage d’Ernest et de Florence est arrêté. Ferrers, au moyen de la lettre écrite par Ernest à Castruccio, et à laquelle il a changé quelques mots, réussit à exciter la colère de Florence contre Ernest ; elle se croit trahie, supplie celui qu’elle aime de se justifier, et elle n’obtient pour toute réponse qu’un silence dédaigneux. Le mariage est rompu ; Castruccio s’avoue coupable, et offre sa vie en expiation. Ernest diffère sa vengeance, ou plutôt fait ses conditions ; si Florence, que le désespoir a mise en danger de mort, revient à la vie, il pardonne à Castruccio ; si elle meurt, il tuera Castruccio ou sera tué par lui. Florence meurt après avoir langui quelques semaines. Ernest provoque Castruccio ; mais le colonel chargé de régler le combat trouve Castruccio en proie au délire. Ernest, attendri par ce cruel spectacle, renonce à sa vengeance, et part pour le continent, dégoûté de la gloire, de la politique et de l’amour. La fille d’Alice, devenue lady Vargrave, épouse Lumley Ferrers.

ALICE, ou les Mystères, 2 vol. in-8, 1837. — Alice est la suite et le complément d’Ernest Maltravers. Dans le premier de ces romans, on voit Ernest débuter par une liaison toute d’aventure et de poésie avec Alice Darvil. Puis cette liaison, fatalement formée, se brisait plus fatalement encore. Ernest passait à d’autres amours, à l’ambition littéraire et politique ; Alice Darvil ne reparaissait que de loin en loin, et toujours séparée d’Ernest ; mais il était clair que ces deux destinées devaient se rapprocher. Ce rapprochement s’opère dans le second roman. Une vive passion s’allume dans le cœur d’Ernest, qui rêve, à trente-six ans, la félicité dans l’amour d’une belle et pure jeune fille de seize ans, destinée à l’hymen d’un de ses amis, du vil et brillant Lumley, à qui lord Vargrave lègue son titre et sa belle fille Évelyne. Évelyne a lu les ouvrages de Maltravers avant de le connaître ; l’admiration de l’auteur l’a prédisposée à l’amour de l’homme. Évelyne répond donc aux sentiments qu’elle inspire, et déjà il est question de mariage entre elle et l’ancien amant d’Alice Darvil. Mais Lumley, qui ne voit pas sans regret enlever sa riche proie, découvre qu’Évelyne est la fille d’Ernest et d’Alice. À la première lueur de cette affreuse découverte, Ernest recule épouvanté. Sa paternité n’a pour base qu’une erreur ; mais cette erreur s’environne de tant de vraisemblance, qu’il est excusable de s’en laisser fasciner. Enfin la vérité se révèle, les mystères s’éclaircissent. Alice Darvil, longtemps pauvre et malheureuse, irréprochable toujours, avait fini par épouser le vieux lord Vargrave, sans cesser d’être fidèle à Maltravers. Le fruit de leurs jeunes amours avait péri depuis longtemps ; Évelyne n’est que la fille adoptive d’Alice. Mais au moment où il a revu cette femme chérie, Maltravers ne peut vivre que pour elle. Un fou se charge de venger l’ordre social en tuant Lumley, et Évelyne épouse un mari de son âge.

Nous connaissons encore de Bulwer : Devereux, 4 vol. in-12, 1832. — L’Enfant désavoué, 4 vol. in-12, 1832. — Falkland, 2 vol. in-18, 1833. — Les Pèlerins au bord du Rhin, 2 vol. in-8, 1834. — La France sociale et littéraire, 2 vol. in-8, 1834. — L’Étudiant, contes, nouvelles, etc., 2 vol. in-8, 1835.