Revue des Romans/August Lafontaine

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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LAFONTAINE (Auguste),
célèbre romancier allemand, né à Brunswick le 6 février 1756.


TABLEAUX DE FAMILLE, ou Journal de Charles Engelman, trad. de l’allemand par Mme  de Montolieu, 2 vol. in-12, ou 2 vol. in-8, 1801. — « Qui n’a pas lu avec attendrissement, dit Chénier, les Tableaux de famille ! qui ne s’est pas intéressé au bon ministre Bemrode, à son excellente femme, à leur tendre fille Élisabeth, à leur fille Mina, si sensible, si spirituelle, à toute cette famille heureuse par l’amour et la vertu ! Entre les productions de l’auteur, il n’en est peut-être aucune où l’on rencontre des traits plus charmants. » — Deux frères, dont l’un a beaucoup d’analogie avec l’oncle Toby de Tristram Shandy, et dont l’autre, raisonneur philosophe, grand admirateur de la Bible, et qui a depuis longtemps l’habitude d’écrire sur les marges de ce livre divin tous les événements heureux ou malheureux de sa petite famille, vivaient unis ; les jours coulaient paisiblement dans cette maison de patriarches. Mais l’oncle Jacob avait une fille qui se laissa séduire ; il la traita avec rigueur, la chassa impitoyablement ; dès lors plus de bonheur pour tous ces braves gens. Quel était son séducteur ? un homme singulier, qui avait la plus détestable réputation, qui passait pour avoir voulu corrompre sa belle-mère et assassiner son père, et qu’enfin on désignait dans le pays sous le nom du Vaurien ; ce fut précisément cet homme qui obtint les faveurs de l’innocente Suzette et qui la rendit mère. Mais pour l’honneur de cette jeune fille, hâtons-nous d’ajouter que jamais homme ne mérita moins sa mauvaise réputation ; tout le bien qu’il avait voulu faire dans sa vie lui avait été imputé à crime, et c’est ce qui s’explique parfaitement dans le roman, auquel nous renvoyons le lecteur, s’il veut savoit ce que deviennent Suzette, le vaurien et les deux frères, en le prévenant que dès qu’il aura ouvert le livre, il ne pourra résister au désir d’en achever la lecture ; l’intérêt est si puissant, si bien gradué, qu’il se sentira entraîné irrésistiblement depuis le premier chapitre jusqu’au dernier.

ÉMILE, ou l’Homme singulier, trad. par Breton, 2 vol. in-12, 1801. — Le héros de ce roman est en effet un être fort singulier ; il a pour principe de fronder tous les usages reçus, de s’éloigner dans sa manière de vivre des coutumes adoptées, de braver, en un mot, tous les préjugés. L’auteur a eu l’art de mettre toujours la raison de son côté ; ce qui produit des contrastes remarquables, des situations piquantes et neuves. En s’identifiant avec Émile, le lecteur se dit qu’il n’agirait pas ainsi, et cependant il est forcé, le plus souvent, de ne pas blâmer ce qu’il n’eût pas voulu faire.

HERMANN ET ÉMILIE, traduit par Gérard de Rayneval, 4 vol. in-12, 1802. — Auguste Lafontaine a cherché à prouver par des faits dans ce roman combien l’homme de bien, modéré dans ses désirs et trouvant la subsistance dans son travail, parvient facilement à goûter la paix et le bonheur ; quand l’homme égoïste, ambitieux, avare et inhumain, est toujours, au sein de l’abondance, l’artisan de son propre malheur. Pour atteindre un but si louable, l’auteur nous montre Hermann éprouvé par des revers de plus d’un genre, mais constamment soutenu par sa confiance en Dieu et par l’espoir d’une meilleure vie, heureux enfin au sein de la médiocrité, et entouré d’êtres chers à son cœur ; et l’oppose à son père, infatué des préjugés de grandeur et d’opulence, sacrifiant tout à cette chimère, et consumant sa vie en de vaines et misérables intrigues ; il l’oppose encore à son frère Charles, ingrat, et inhumain ; à son ami d’autrefois, Hochsfeld, ne connaissant d’autres principes de conduite que son intérêt, et parvenu au faîte des grandeurs et de l’opulence ; tous trois cependant malheureux sans retour, le père par la perte de ses illusions, Charles et Hochsfeld par la voix déchirante du repentir et des remords.

LE VILLAGE DE LOBENSTEIN, ou le Nouvel enfant trouvé, trad. par Mme de Montolieu, 5 vol. in-12, 1802. — Lindner, garçon de quarante-cinq ans, qui s’était soustrait aux soucis du mariage pour se livrer à l’étude des anciens auteurs, son unique passion, habite avec sa sœur Sabine le village de Lobenstein, où ils n’ont pour société que M. Senk, leur voison, espèce de misanthrope, qui a pour les femmes une antipathie prononcée. Cependant la douceur et la bonté de Sabine l’ont presque réconcilié avec son sexe ; mais la honte de se rétracter l’a empêché, pendant dix années, de lui avouer l’amour qu’elle a su lui inspirer. Telle est la situation des trois personnages au moment où l’histoire commence. Un jour qu’ils causaient ensemble, un inconnu frappe à la fenêtre, la fait ouvrir, et remet une assez grande boîte à Lindner, qui l’ouvre et y trouve un enfant nouveau-né ; on cherche celui qui l’a apporté, mais il a disparu. Le bon cœur de Lindner le détermine à adopter l’enfant, auquel il donne le nom de Théodore. Senk et Sabine se marient ; ils ont un fils nommé Auguste, les deux enfants sont élevés ensemble ; les scènes qui peignent leur éducation et leur naissante amitié occupent tout le premier volume, et font le principal charme du roman. La baronne de Rorbane prend en amitié l’orphelin et offre de se charger de son sort ; mais Lindner, Sabine et Senk décident que Théodore restera avec eux et partagera leur héritage avec Auguste. Théodore en grandissant éprouve de tendres sentiments pour Héloïse, fille de la baronne, qui ne veut pas pour gendre d’un garçon dont l’origine est inconnue ; cependant Théodore retrouve son grand-père dans l’oncle de la baronne, qui consent alors à l’union des deux amants. — On ferait deux volumes fort intéressants des cinq dont se compose ce roman.

NOUVEAUX TABLEAUX DE FAMILLE, ou la Vie d’un pauvre ministre de village et de ses enfants, traduit de l’allemand par Mme  de Montolieu, 5 vol. in-12, 1804. — Nous n’entreprendrons pas de faire l’analyse des cinq volumes dont se compose cet ouvrage qui jouit en Allemagne d’une célébrité justement méritée, et dont la plupart des chapitres offrent une lecture vraiment délicieuse. Celui qui est intitulé la Fenêtre et le Signal est admirable de naturel et de sentiment ; c’est un mari de soixante ans qui se retrace l’amour qu’il eut jadis pour sa femme, en contemplant dans le lointain la fenêtre de la maison qu’elle habitait alors ; toutes les idées de cette rêverie sont à la fois touchantes et gracieuses. Il se représente son Auguste telle qu’elle était aux beaux jours de la jeunesse ; dans un transport excité par un si doux souvenir, il s’écrie : Ô mon Auguste ! … Une voix cassée répond derrière lui : Que me veux-tu, mon ami ? … C’est son Auguste avec des cheveux blancs et devenue grand’mère ! Il semble qu’ici l’intérêt doit finir, mais l’auteur le ranime ; le reste de la scène est de la plus douce sensibilité. Ce tableau est pur, vrai, profondément senti, il n’a rien de fade ou d’exagéré ; il fallait un grand talent pour l’offrir avec succès, surtout au commencement du XIXe siècle. — Le chapitre qui a pour titre la Veuve est aussi du plus grand intérêt. C’est un jeune ministre qui adopte pour sa mère une femme âgée, veuve de son prédécesseur ; elle lui raconte ses malheurs avec une simplicité touchante ; elle a perdu cinq enfants dans la chambre où ils sont, elle est isolée sur la terre. Le jeune pasteur tombe à ses pieds : Non, lui dit-il, vous n’êtes point seule au monde ; de ce moment vous avez un fils… Il faut lire ce chapitre dans l’ouvrage : on n’en peut rien retrancher, on ne saurait l’extraire sans le gâter. Dans le même volume, on lira avec le plus grand plaisir un chapitre d’un autre genre intitulé le Jeune prédicateur. On ne peut trop louer l’auteur d’avoir su peindre la pauvreté, non-seulement avec intérêt, mais avec charme ; ses tableaux la font aimer ; le meilleur traité de morale ne produira jamais autant d’impression.

MARIA MENZIKOF ET FÉDOR DOLGOUROUSKI, Histoire russe, trad. de l’allemand par Mme  de Montolieu, 2 vol. in-12, 1804. Dans ce roman, Auguste Lafontaine a abandonné cette fois ces scènes domestiques qu’il trace avec tant d’intérêt et sur lesquelles on s’arrête avec tant de plaisir, pour décrire l’intérieur des palais, et peindre l’ambition, la haine et la vengeance. Le jeune Fédor Dolgourouski, dans une guerre contre les Tartares, parvient par son courage à décider le gain d’une bataille importante, et est choisi pour en porter le nouvelle à l’impératrice. Retenu en route pas le débordement d’une rivière, il rencontre des femmes qui lui sont inconnues, auxquelles il a occasion d’être utile, et dont une, la belle Maria, a pour jamais décidé de son sort. Il les quitte et arrive à Saint-Pétersbourg. Au milieu d’une fête il voit paraître sa belle inconnue ; c’était Maria de Menzikof, la fille du plus grand ennemi de sa famille. Fédor et Maria sont unis par le cœur ; mais la haine de leurs maisons est un obstacle invincible à leur tendresse. L’impératrice meurt ; Menzikof devient tout-puissant et parvient à fiancer sa fille à l’empereur. Mais la faveur et les vexations de Menzikof grossissent le nombre de ses ennemis, sa fortune chancelle ; il est renversé et exilé en Sibérie avec toute sa famille. Maria, au milieu de son malheur, songeait à Fédor, et se voyait avec désespoir abandonnée de son unique appui. Mais au moment où elle l’accusait, Fédor la suivait, venait partager l’exil de la famille malheureuse, et la secourir dans sa détresse. Ici l’analyse ne peut donner une idée des scènes d’amour et de confiance qui se succèdent à chaque instant pendant le plus pénible voyage : c’est le triomphe de Lafontaine ; et quoique prolongées peut-être, elles sont toujours attachantes. La douce Maria parvient à être unie à son cher Fédor. Trois années se passent dans le lieu de leur exil, où Menzikof termine paisiblement la vie la plus orageuse. Maria, que la fatigue et les peines avaient affaiblie, expira bientôt aussi dans les bras de son époux, et Fédor ne put lui survivre.

LES DEUX FRÈRES, ou les Étourderies, trad. par Breton, 4 vol. in-12, 1810. — Le capitaine Schllauch, homme franc, loyal et bon ami, a deux neveux : Édouard, étourdi, vaillant, amoureux ; Adolphe, hypocrite, faux et libertin. Adolphe est chéri, recherché ; tandis que l’innocent Édouard est chargé de toutes les iniquités de son frère. Conseillé par un scélérat consommé, l’hypocrite et libertin Adolphe séduit et abandonne une jeune fille qui, malgré des fautes très-graves en apparence, n’en est pas moins le modèle des filles amantes, et même la plus vertueuse des femmes. Adolphe, ne sachant comment se tirer de ce mauvais pas, confie tout au brave Édouard sous le sceau du secret, et ce secret fatal fait le nœud du roman, dont nous ne pousserons pas plus loin l’analyse, pour ne pas enlever au lecteur le plaisir de débrouiller lui-même l’intrigue compliquée de cette production. Nous en détacherons seulement un épisode plein d’intérêt qui se rattache directement à l’histoire principale. — Le capitaine Schllauch, mis au collége dans sa jeunesse, se lia d’amitié avec un certain Torunhill ; le capitaine était toujours le premier de sa classe, Torunhill avait beau travailler sans relâche, il ne pouvait jamais être que le second ; dans leurs jeux, dans leurs plaisirs, Schllauch l’emportait toujours ; dans le monde, Torunhill parcourt toutes les carrières de la vie, et partout son espoir, son ambition, son amour même sont déjouées par le capitaine, qui n’apprend jamais le mal qu’il a fait que quand il n’est plus temps d’y remédier. Enfin cette fatalité, qui les poursuit tous les deux, change tellement le caractère de Torunhill et fait naître dans son cœur une haine si forte, qu’il ne respire plus que pour la vengeance lorsque le bon capitaine songe sans cesse à lui prouver son amitié. Torunhill se marie, perd sa femme qui lui laisse une jeune fille à élever ; il devient la victime d’une accusation injuste portée contre lui : condamné pour la fabrication de fausses lettres de change, il est obligé de quitter son pays et d’abandonner son jeune enfant sans secours. Aussitôt que le bon capitaine apprend son malheur, il cherche à lui être utile ; sa fille manque de tout, il s’en charge, et cachant ses bienfaits sous un nom supposé, il la place chez un honnête bourgeois qui l’élève ; mais par suite de la fatalité qui poursuit les deux amis, cette malheureuse enfant est enlevée par un des neveux du capitaine, et déshonorée par l’autre.

HENRI, ou l’Amitié, trad. de l’allemand par Mme  ***, auteur de un Hiver à Londres, 2 vol. in-12, 1811. — Trois caractères de femmes dominent dans ce roman ; toutes les trois sont d’une admirable beauté, toutes les trois sont extrêmement séduisantes, mais par des qualités bien différentes ; l’une, Amanda, l’héroïne du roman, par cette exaltation d’idée, de sentiments, de vertus, par ce vague de désirs purs et célestes, par ce langage mystique et poétique interprète de ses sentiments et de ses désirs, enfin, par cette conduite que les âmes froides appellent de la folie, par ces discours qui leur paraissent du galimatias, mais auxquels les âmes tendres donnent le beau nom de mélancolie ; la seconde, Rosalie, par une raison plus calme, plus éclairée, ornée des mêmes grâces, et capable des mêmes sacrifices ; la troisième, Henriette, par les charmes les plus piquants, par l’esprit le plus délié et le plus cultivé, par la coquetterie la plus adroite, les défauts les plus aimables, enfin par les vices les plus brillants. Amanda est mise en scène dès l’âge de douze ans et y figure très-bien. Née en Italie, formée par le malheur, élevée dans la solitude et développée par la mélancolie, elle offre déjà toutes les énigmes de conversation et de conduite naturelle aux personnes dominées par ce sentiment. Dès cet âge tendre, elle est conduite par un entraînement irrésistible, et sans savoir ce qu’elle fait, à aimer Henri Wilkens, à nourrir tristement et sans espoir ce sentiment au fond de son cœur. Cet amour, qui est réciproque, commence par une scène charmante de petite fille, de rossignol, de flûte et de téléscope. La mélancolie est peu du goût de la coquetterie, aussi la coquette Henriette se moque-t-elle un peu de la mélancolique Amanda. Avant de l’avoir lu dans Auguste Lafontaine, nous n’aurions pas cru que toutes les ruses, tous les piéges, tous les manéges de la coquetterie la plus raffinée fussent aussi à l’usage d’une Allemande ; et cela prouve ce que disait une Française qui avait beaucoup voyagé et très-bien observé : que si les hommes des diverses nations diffèrent beaucoup entre eux, les femmes diffèrent bien moins. Rien n’est plus séduisant que l’esprit d’Henriette ; elle sait s’accommoder parfaitement à l’humeur et aux goûts de ceux avec qui elle se trouve, tour à tour jouant tous les rôles, affectant toutes les vertus, ou s’élevant au-dessus de tous les préjugés. Prise dans ses propres embûches, et abandonnée de tout le monde, elle se demande à elle-même : Que me reste-t-il dans un tel embarras ? et elle répond : Moi, moi dis-je, et c’est assez ; il faut savoir gré à une Allemande de cette fermeté, et à une Allemande de cette citation. Malheureusement tant d’heureux dons parent le caractère le plus pervers ; ils ne servent qu’à faire plus facilement tout le mal possible, surtout au bon Henri et à l’aimable Amanda. Par bonheur, Rosalie est là et détourne adroitement tous les coups. Rosalie est l’ange tutélaire des deux amants : amante elle-même d’Henri, elle sacrifie héroïquement son amour. Cependant cette raison toujours éclairée, toujours calme, toujours maîtresse d’elle-même, plaît peut-être moins, a quelque chose de moins piquant que l’exaltation d’Amanda. En France, nous ne pouvons certainement pas exiger que nos demoiselles soient plus jeunes, plus belles, plus jolies ; qu’elles aient plus d’instruction, plus de vertu et même plus d’amour ; mais nous voulons qu’elles soient moins assurées, et qu’elles se mêlent de moins de chose que Rosalie. — En résumé, on retrouve dans ce roman tout le talent qui distingue les meilleures productions d’Auguste Lafontaine.

AMÉLIE, ou le Secret d’être heureux, trad. de l’allemand par Berton, 2 vol. in-12, 1812. — Le vieux Marten, trahi par une épouse qu’il adorait, ne croit plus à l’honneur des femmes ; il imagine d’élever dans la clotûre la plus sévère une fille en bas âge qui lui reste de cette union malheureuse, et place près d’elle six jeunes filles qu’il dote et marie à l’époque du mariage de sa fille. Une seule de ces jeunes filles, Baptistine, refuse de se marier ; en proie à une morne tristesse, elle tombe dans une affreuse consomption dont on ne peut pénétrer la cause. Pour la distraire, M. Marten entreprend, avec sa fille et son mari, un voyage pendant lequel on doit visiter les principales villes de l’Allemagne. Hélas ! le remède était plus dangereux que le mal ; une passion irrésistible pour Charles Horst, le mari de sa jeune amie, était la maladie secrète qui minait la santé de Baptistine. De fréquents et inévitables tête à tête ne font qu’augmenter la violence de l’amour qui la dévore ; et Charles, sans s’apercevoir de la révolution qui se fait en lui, commence à brûler de cette flamme illégitime. Une nuit, pendant que Baptistine songe avec une mélange de volupté et d’effroi au charme qu’elle a goûté auprès de Charles dans une soirée consacrée à la danse et au plaisir, la porte de sa chambre s’ouvre tout à coup ; un homme entre… Baptistine conjure Charles de se retirer : il s’avance, elle veut fuir… sa fuite même la livre aux emportements du téméraire… le ravisseur se retire enfin. Charles disparaît avant le lever du soleil, et laisse un billet par lequel il annonce que des affaires imprévues l’obligent de s’éloigner. Quelque temps après, l’infortunée jeune fille découvre que les suites de sa funeste aventure vont la trahir ; elle s’éloigne, donne en secret le jour à une fille, et consacre tous ses soins à son éducation. La jeune Amélie grandit ; à dix-huit ans sa beauté fait impression sur le jeune Théophile Zimmer, qui a le bonheur de lui plaire ; il la demande à sa mère, aucun obstacle ne saurait s’opposer à cette union, mais Baptistine apprend que Théophile n’est autre que le fils de Charles Horst, et, pour dissiper l’erreur d’Amélie, lui avoue qu’il est son frère. Il n’en était rien cependant ; l’erreur se découvre, Théophile n’est point le frère d’Amélie ; la fameuse scène nocturne s’explique. Ce n’était pas Charles Horst, mais un étranger qui s’est introduit dans la chambre de Baptistine. Cet étranger confesse lui-même son attentat, et le répare loyalement en conduisant Baptistine à l’autel ; il va sans dire que Théophile épouse Amélie. — Il est peu de compositions d’Auguste Lafontaine où cet auteur ait su répandre une aussi grande variété d’incidents que dans ce roman, dont on ne saurait pressentir le dénoûment avant d’être parvenu aux dernières pages.

LA PETITE HARPISTE, ou l’Amour au mont Géant, 2 vol. in-12, 1815. — La scène se passe dans un village de Silésie, au pied du mont Géant. Annette et Antonin sont enfants des deux frères, riches paysans de Brombach, frontières de la Bohême. Tous deux ont reçu une éducation au-dessus de leur état, surtout Annette, dont la mère, vaine et ambitieuse, ne veut point que sa fille reste au village. C’est bien malgré elle que la pauvre Annette est élevée en demoiselle ; et lorsqu’en suivant sa mère chez la femme du pasteur pour y faire une visite de cérémonie, elle voit les jeunes paysans jouer gaiement devant leur porte, elle ne peut s’empêcher de soupirer. Annette était passionnément aimée de son cousin, et elle le chérissait tendrement. Mais les assiduités du comte de Lindt, dont elle fait la conquête à une foire voisine, ses présents, ses flatteries, les fêtes qu’il donne dans son château, altèrent un peu son amour pour le pauvre Antonin. Celui-ci souffre des accès de coquetterie de sa maîtresse ; mais à la fin l’amour l’emporte ; Annette s’échappe du château du comte au moment où elle allait l’épouser ; elle quitte ses parents, s’unit secrètement à son cousin, et tous deux vont de village en village mendier en faisant de la musique. Après la naissance de leur premier enfant, les deux époux reviennent dans leur village, où le comte de Lindt les met pour toujours à l’abri des revers de la fortune. — Il y a dans ce roman de jolis détails et des scènes villageoises pleines de fraîcheur et de grâce.

ROSAURE, ou l’Arrêt du Destin, traduit de l’allemand par la comtesse de Montholon, 3 vol. in-12, 1818. — Le baron de Gottorp aime une jolie veuve et en est aimé ; il est assez malheureux pour être trahi par son propre frère, qui, abusant d’une ressemblance apparente, sollicite et obtient des faveurs qu’on ne croyait accorder qu’à l’amant chéri. La veuve, désespérée, s’ensevelit dans la solitude, où elle donne le jour à une fille et meurt. Les circonstances qui accompagnent la naissance de Rosaure (c’est le nom de cette fille) la condamnent à une existence mystérieuse, et le mystère lui devient funeste ; elle inspire l’amour le plus vif au fils du suborneur de sa mère, dont elle partage la passion incestueuse ; erreur qui lui coûte le bonheur et la vie.

RODOLPHE ET MARIE, ou la Société secrète, traduit de l’allemand par Mlle  S. V. Dudrezène, 4 vol. in-12, 1819. — Cet ouvrage est, à proprement parler, un de ces prologues à l’aide desquels on fait passer des vérités utiles. Toute l’Europe, tous les peuples en rapport avec elle, reconnaissent aujourd’hui cette vérité : « La philosophie n’est autre chose que l’application de la raison aux différents objets sur lesquels elle peut s’exercer. » On en trouvera, dans l’ouvrage d’Auguste Lafontaine, une heureuse application aux circonstances les plus importantes de la vie des hommes et de la durée des nations, ainsi qu’aux révolutions politiques. L’auteur a réuni, dans des tableaux dignes de son pinceau, des scènes tantôt guerrières et tantôt pastorales, touchantes ou héroïques, pleines de naturel ou de magie, suivant qu’il a voulu opposer la raison à l’artifice, la bonté du cœur au génie du mal. — Cet ouvrage se distingue de tous ceux d’Auguste Lafontaine ; il a obtenu le plus grand succès en Allemagne ; il est devenu classique dans l’étranger pour l’étude la langue allemande.

Nous connaissons encore de ce fécond romancier : *Claire Duplessis et Clairant, 2 vol. in-8, 1796. — Romulus, 2 vol. in-18, 1801. — Saint-Julien, 3 vol. in-12, 1801. — La Vengeance, in-18, 1801. — William Hilnel, 3 vol. in-18, 1801. — Nouveaux Contes moraux, 2 vol. in-12, 1802. — Molkau et Julie, in-12, 1802. — Rodolphe et Julie, 2 vol. in-12, 1802. — Le Baron de Fleming, 3 vol. in-12, 1803. — Contes moraux, 2 vol. in-12, 1803. — Henriette Belmann, 2 vol. in-12, 1803. — Aristomène, 2 vol. in-12, 1804. — Fleming fils, ou la Manie des systèmes, 3 vol. in-12, 1804. — Six Nouvelles, 2 vol. in-12, 1804. — La Famille de Halden, 4 vol. in-12, 1805. — Rodolphe de Werdemberg, in-12, 1805. — La nouvelle Arcadie, 4 vol. in-12, 1809. — Élise, ou les Papiers de famille, 4 vol. in-12, 1809. — Les Querelles de famille, 2 vol. in-12, 1809. — Aline de Riesenstein, 4 vol. in-12, 1810. — Barneck et Saldorf, 3 vol. in-12, 1810. — Charles et Emma, 2 vol. in-12, 1810. — Les deux Fiancées, 5 vol. in-12, 1810. — Raphaël, ou la Vie paisible, 2 vol. in-12, 1810. — Le Testament, 3 vol. in-12, 1812. — Blanche et Minna, 4 vol. in-12, 1813. — Histoire de la famille Bloum, 4 vol. in-12, 1813. — Petits romans et Contes, 4 vol. in-12, 1814. — Le Presbytère au bord de la mer, 4 vol. in-12, 1816. — Walther, ou l’Enfant du champ de bataille, 4 vol. in-12, 1816. — Les Aveux au tombeau, 4 vol. in-12, 1817. — Le Bal masqué, 4 vol. in-12, 1817. — Ludwig d’Eisach, 3 vol. in-12, 1817. — Welf-Budo, 3 vol. in-12, 1817. — Agnès et Bertha, 2 vol. in-12, 1818. — La Comtesse de Kiburg, 3 vol. in-12, 1818. — Édouard et Winter, 4 vol. in-12, 1818. — Reinhold, 5 vol. in-12, 1818. — Les deux Amis, 3 vol. in-12, 1819. — Le Frère et la sœur, 3 vol. in-12, 1819. — Le Hussard, ou la Famille de Falkenstein, 5 vol.  in-12, 1819. — Les Morts vivants, 2 vol. in-12, 1819. — Le Suédois, 4 vol. in-12, 1819. — Le Chevalier Huldmann, 3 vol. in-12, 1820. — Choix de Contes et Nouvelles, 2 vol. in-12, 1820. — La Ferme aux abeilles, 2 vol. in-12, 1820. — Henri et Amélie, 2 vol. in-12, 1820. — L’Orphelin de la Westphalie, 2 vol. in-12, 1820. — Émilie et Erlach, 3 vol. in-12, 1821. — La jeune Enthousiaste, in-12, 1821. — Léonie, ou les Travestissements, 3 vol. in-12, 1821. — Lydie et Franz, ou les Maris par échange, 2 vol. in-12, 1821. — Les Voies du sort, 4 vol. in-12, 1821. — La Belle-Sœur, 4 vol. in-12, 1822. — La Nouvelle année, in-8, 1822. — La Victime persécutée, 3 vol. in-12, 1823. — Agathe, ou la Voûte du tombeau, 4 vol. in-12, 1824. — Les Séductions, 2 vol. in-12, 1824. — La Fille de la nature, in-8, 1825. — Le Sceptre des ruines, in-12, 1826. — La Grande dame et le villageois, 3 vol. in-12, 1829. — La Croix du meurtre, 4 vol. in-12, 1831. — Un Mariage sans mari, 4 vol. in-12, 1835.