Revue des Romans/Adélaïde-Gillette Dufrénoy

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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DUFRÉNOY (A. G. Billet),
née à Paris en 1765, morte le 7 mars 1825.


LA FEMME AUTEUR, ou les Inconvénients de la célébrité, 2 vol. in-12, 1812. — Plusieurs circonstances de la vie de Mme Dufrénoy portent à croire que ce roman se compose, en grande partie, sinon des événements qui lui sont arrivés à elle-même, au moins des sentiments qu’elle a éprouvés, et de ceux dont elle a été l’objet. — Anaïs n’était encore qu’une enfant, lorsqu’un jour on agita devant elle cette question : « Des différents genres de gloire, quel est celui qui mérite la préférence sur tous les autres ? » Son père se déclara pour la gloire du poëte, et dit qu’il donnerait tout au monde pour avoir un fils qui ressemblât à Racine. Ce mot décida de la vie entière d’Anaïs ; elle tourna vers la poésie toutes ses pensées, et, dans l’espace de trois années, elle fut couronnée par l’académie des Jeux floraux, reçut un prix de l’Académie française, et ses succès lui firent une réputation imposante. Son père mourut, et à la révolution elle devint veuve d’un mari qui n’avait pas senti ou goûté son mérite. Anaïs se retira dans la seule terre qui lui restât, et elle y donna asile au duc de Lamerville, dont le neveu, général dans l’armée française, réunissait tous les genres de perfection. Le vieux duc, charmé de son hôtesse, fit un testament qui instituait son neveu légataire universel, à condition qu’il épouserait Anaïs, et, en cas de refus, rendait Anaïs elle-même propriétaire de tous ses biens. Le général, qui avait une aversion prononcée pour les femmes beaux esprits, écrivit qu’il renonçait à la succession. Mais Anaïs, moins intéressée que sensible, était devenue éprise du général à la vue de son portrait et au récit de toutes ses belles qualités. Le hasard le lui ayant fait rencontrer au bal de l’Opéra, elle commença, sous le masque et par le seul charme de sa voix et de son esprit, à lui communiquer un peu de l’amour extrême qu’elle ressentait pour lui. Le général, étant retourné à l’armée, fut blessé ; les eaux de Bade lui furent ordonnées ; il s’y rendit et y retrouva Anaïs, qui, cachée sous un nom d’emprunt et accompagnée d’une amie, fit complétement sa conquête. Un jour, dans le salon, la conversation vint à tomber sur le chapitre des femmes célèbres par leurs écrits, et quelqu’un cita la fameuse Anaïs de Simiane ; tout le monde rendit justice à ses vertus ainsi qu’à ses talents ; Lamerville seul, fidèle à son préjugé, soutint qu’une telle femme ne pouvait pas faire le bonheur d’un mari. C’était la sentence d’Anaïs, qui, désespérant de vaincre la fatale prévention de son amant, partit le lendemain à la pointe du jour ; mais bientôt Lamerville fut sur ses traces et la rejoignit. Anaïs fut-elle la victime de sa célébrité jusqu’à perdre son amant ? Lamerville fut-il l’esclave de son préjugé jusqu’à sacrifier sa maîtresse ? Les lecteurs trouveront la solution de ces questions dans l’ouvrage même. — Ce roman, mêlé d’ivresse et d’enthousiasme, est purement et élégamment écrit ; le caractère d’Anaïs a du charme et de l’originalité ; celui de Lamerville est rempli de noblesse et de grâce.

On doit encore à Mme Dufrénoy : Les Jeux des quatre saisons, in-18, 1816. — Les Françaises, nouvelles, 2 vol. in-12, 1818. — Le Livre des femmes, 2 vol. in-18, 1823.