Revue des Romans/Étienne-Léon de Lamothe-Langon

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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LA MOTHE-LANGON (le baron Étienne Léon de).
connu d’abord sous le nom de la Mothe-Houdancourt,
né à Montpellier le 1er  avril 1790.


L’ERMITE DE LA TOMBE MYSTÉRIEUSE, ou les Fantômes du vieux château, anecdote extraite des annales du XIIIe siècle, par Mme  Anne Radcliff ; traduit par le baron de la Mothe-Langon (traduction supposée), 3 vol. in-12, 1815. — L’ermite de la tombe mystérieuse est un vertueux chevalier persécuté par un frère déloyal, qu’il persécute à son tour au moyen de tous les prestiges que peut fournir la plus noire fantasmagorie. Toutes les ressources de cet art sont employées pour effrayer la conscience du coupable Atembert, qui, pour jouir du vaste domaine de Saint-Félix, a plongé son père dans un noir cachot, et a fait assassiner son frère aux environs de Carcassonne. On ignore que ce frère, qui n’est autre que l’ermite lui-même, a échappé aux coups des assassins. Arembert le croit mort, mais il est sans cesse obsédé par les plus étranges visions, l’ermite lui apparaît sous toutes sortes de formes, au milieu des camps, au fonds des forêts solitaires ; sa voix formidable va troubler la joie du festin, et porte la terreur dans l’âme du coupable jusque dans l’asile consacré au repos des nuits. Les hommes d’armes, les hautes tours crénelées, les machicoulis, ne peuvent empêcher l’ermite de pénétrer dans le château de Saint-Félix ; au moyen d’une galerie pratiquée dans l’épaisseur des murs, il est présent aux conversations les plus secrètes, et plus d’une fois il s’oppose à d’odieux attentats. L’action se passe à l’époque de la guerre des Albigeois ; les grands vassaux de la couronne, les seigneurs qui prennent parti pour ou contre, parmi lesquels figurent Raymond comte de Toulouse, et Simon de Monfort, se combattent avec acharnement. Une foule d’incidents amoureux se mêlent à ces dissensions politiques et religieuses ; les dames, les demoiselles enlevées par des guerriers discourtois, et retenues de force dans leurs châteaux, sont délivrées par de bons et loyaux chevaliers, qui les restituent intactes à leurs légitimes possesseurs, et qui parfois en obtiennent quelques douces paroles pour récompense. De longues romances, des récits de guerre et d’amour coupent la narration, et ceux qui aiment la poésie unie au merveilleux et unie à la chevalerie, liront certainement ce roman avec plaisir.

LE VAMPIRE, ou la Vierge de Hongrie, 3 vol. in-12, 1824. — Édouard Delmont, entré fort jeune au service, avait suivi pendant plusieurs années le mouvement rapide qui entraînait nos armées à travers l’Europe. Au milieu de tant de marches et de fatigues, la Hongrie lui offrit quelque repos et les charmes d’un amour partagé ; mais des cris de guerre l’arrachèrent bientôt à une situation si douce, il fallut reprendre les armes. L’ambition, la gloire, s’emparèrent de nouveau de toutes ses pensées, et, en moins d’une année, il perdit le souvenir de celle qu’il avait aimée. Nommé colonel, Delmont se marie, et devient père de deux enfants charmants ; il vivait heureux à Paris, lorsque vers la fin de l’année 1815, une lettre venue d’Allemagne, et dont il ne communiqua pas le contenu à sa famille, changea tout pour lui. Dès le lendemain il annonce à sa femme qu’une raison impérieuse l’oblige à quitter Paris sur-le-champ ; le colonel donne sa démission, renonce à toutes ses liaisons, et l’on partit pour aller se fixer dans une maison de campagne aux environs de Toulouse. La famille s’y établit, le colonel reprit sa gaieté, et tout allait bien lorsqu’une sœur qu’il avait à Nantes lui mande que des affaires importantes y exigeaient sa présence ; après avoir hésité longtemps, Delmont partit. En son absence, Mme Delmont rencontre un jour une dame qui habitait une petite maison voisine de la sienne ; elle l’aborda, et fut frappée de sa beauté et de sa parure singulière ; la blancheur de sa peau était extrême, de vives couleurs l’embellissaient ; mais il y avait dans ce gracieux mélange des nuances terreuses et verdâtres, et rien ne peut donner l’idée de la vivacité redoutable qui animait ses yeux. Un incident singulier, l’incendie de la maison de l’étrangère, fournit à Mme Delmont l’occasion de lui offrir un asile. Cette proposition fut acceptée, et, à son retour, le colonel trouva l’étrangère établie chez lui. Quel fut son étonnement lorsqu’il reconnut en Mme Alinska la jeune Hongroise à laquelle il avait jadis donné sa foi ! c’était pour la fuir qu’il avait quitté Paris, et il la retrouvait près de lui ! … Dès lors une fatale influence exerça ses ravages dans la famille du colonel. Un de ses enfants tomba malade et mourut ; la petite fille fut également atteinte d’un mal qui ne fit que s’accroître, et elle mourut. Mme Delmont, elle-même, tomba dans un état de langueur effrayent, elle vint à Toulouse, languit pendant quelque temps, et mourut. Lorsque le colonel fut redevenu libre, son amour pour la belle Hongroise se ranima ; il résolut de lui offrir sa main, et de tenir ainsi ses premiers serments. Alinska frémit d’horreur à cette proposition, bien qu’elle témoignât au colonel un amour frénétique ; néanmoins, elle consentit à céder à ses vœux, à condition que les formalités civiles consacreraient seules leur union. Delmont promit, mais il fit avertir en secret le curé du lieu ; celui-ci se présenta à l’improviste devant Alinska, et voulut saisir sa main, qu’on avait remarqué être toujours gantée… Alinska, ou plutôt le Vampire, car on a déjà deviné que c’en était un, fit un cri affreux. Le tonnerre éclata au-dessus de la maison ; Delmont tomba mort ; et c’est ainsi que s’accomplit la punition de son infidélité. On verra dans l’ouvrage, par quelle suite de malheurs, de prodiges, de catastrophes, une jolie fille était devenue un méchant farfadet.

MONSIEUR LE PRÉFET, 4 vol. in-12, 1824. — Le titre et le cadre de cet ouvrage sont bien choisis, c’est un tableau des mœurs du temps, piquant par sa sévérité. Nous ne pensons pas cependant qu’on rencontre en France beaucoup de préfets qui rassemblent dans leur personne tous les travers, tous les ridicules qu’il a plu à l’auteur pour en orner le héros de son roman ; il a fait ce que font les auteurs de comédies de caractère, et ce que fit le célèbre artiste qui avait emprunté les charmes de mille beautés différentes pour en composer la Vénus. Le sujet, par lui-même fécond, est traité avec art, et fourmille de scènes comiques ; c’est un drame à tiroir plein de mouvement ; les caractères sont variés et bien soutenus ; sous le masque de la folie, l’auteur instruit en amusant ; souvent au milieu des scènes les plus gaies, on en trouve de plus sérieuses et qui peuvent donner lieu à d’utiles réflexions.

LA PROVINCE À PARIS, ou les Caquets d’une grande ville, 4 vol. in-12, 1835. — Le jeune vicomte de Sonnebreuse, doué de toutes les qualités du cœur et de l’esprit, brillant de toutes les grâces physiques, et riche des dons de la fortune, arrive à Paris, et apprend à son ami Mellevaut, qu’il a été forcé de quitter sa petite ville par les caquets de plusieurs personnes ; il espère jouir à Paris d’une parfaite tranquillité, et compte que personne ne surveillera plus ses démarches, ne dénaturera plus ses discours. Mais les Parisiens sont pour lui comme les provinciaux ; tous ceux qui l’entourent se plaisent à rapporter sous un faux jour ce qu’il dit et ce qu’il fait ; grâce à eux, Sonnebreuse, qui veut toujours être modéré, passe pour jacobin parmi les ultras, pour ultra parmi les libéraux ; de là des événements variés. On le brouille avec ses prétendues ; on le fait battre avec un poëte romantique et un peintre ; il veut parvenir dans la diplomatie, et ne sait pas obéir assez aveuglément au ministre ; tout lui réussit mal ; et bientôt, dégoûté de Paris, où il retrouve les mêmes désagréments que dans sa province, il prend le parti d’aller se confiner dans une de ses terres. — Des détails piquants, une observation vraie des vices et des ridicules de la société, des situations comiques, un style rapide et animé, mais déparé par de nombreuses incorrections, sont les qualités qui distinguent ce roman.

MONSIEUR ET MADAME, 2 vol. in-8, 1837. — C’est un livre triste que Monsieur et Madame, un livre qui nous peint le monde sous un jour bien hideux, bien repoussant ! Une jeune fille qui s’amourache d’un inconnu en blouse qu’elle a entrevu dans un corridor, puis qui, néanmoins, ne recule ni devant un mariage de convenance, ni devant deux ou trois autres honteuses liaisons ; un mari qui trafique de la beauté de sa femme, et fait marché de son honneur en échange d’une lucrative fonction de finance ! … sont-ce là les mœurs du temps ? sont-ce au moins celles d’un certain monde ? Nous avouerons hautement et sans regret que, si ce monde existe, il nous est inconnu.

Nous connaissons encore de ce fécond romancier : Cinq Chapitres de mon roman, in-12, 1808. — Clémence Isaure et les Troubadours, 5 vol. in-12, 1808. — Gabriel, ou le Fanatisme, 4 vol. in-12, 1809. — La Tête de mort, 4 vol. in-12, 1817. — *Mystères de la Tour Saint-Jean, 4 vol. in-12, 1818. — *Maître Étienne, ou les Fermiers et les Châtelains, 4 vol. in-12, 1819. — *Le Spectre de la galerie du château d’Estalens, 4 vol. in-12, 1819. — Jean de Procida, ou les Vèpres siciliennes, 4 vol. in-12, 1820. — *Les Apparitions du château de Tarabel, 4 vol. in-12, 1822. — L’Étendard de la mort, 4 vol. in-12, 1824. — *Le vingt et un janvier, 3 vol. in-12, 1825. — L’Espion de police, 4 vol. in-12, 1826. — La Cour d’un prince régnant, 4 vol. in-12, 1827. — Duranti, 4 vol. in-12, 1828. — Le Chancelier et les Censeurs, 5 vol. in-12, 1828. — Le grand Seigneur et la pauvre fille, 4 vol. in-12, 1829. — Le Ventru, 4 vol. in-12, 1829. — *Mémoires de Mme  la comtesse Dubarry, 6 vol. in-12, 1829-30. — *Mémoires et Souvenirs d’un pair de France (le comte Fabre de l’Aude), 4 vol. in-8, 1829-30. — Le Fournisseur et la Provençale, 4 vol. in-12, 1830. — *Mémoires d’un émigré, 2 vol. in-8, 1830. — Voyage à Paris, ou Esquisses des hommes et des choses, in-8, 1830. — *Mémoires et Souvenirs d’une femme de qualité sur le Consulat et l’Empire, 4 vol. in-8, 1830 ; Mémoires d’une femme de qualité sur Louis XVIII, etc., 4 vol. in-8, 1830 ; Idem, depuis la mort de Louis XVIII jusqu’à la fin de 1829, 2 vol. in-8, 1830 ; Idem, Révélations sur les années 1830 et 31, 2 vol. in-8, 1831, en tout 12 vol. in-8. — Cinq mois de l’histoire de Paris, in-8, 1831. — Le Duc et le Page, 4 vol. in-12, 1831. — La Princesse et le Sous-officier, 5 vol. in-12, 1831. — Le Diable, 5 vol. in-12, 1832. — Un Fils de l’Empereur, 5 vol. in-12, 1832. — Louis-Philippe-Joseph Égalité, 2 vol. in-8, 1833. — Le Gamin de Paris, 5 vol. in-12, 1833. — Louvel et l’Inconnu, 2 vol. in-8, 1834. — Le Comptoir, la Plume et l’Épée, 2 vol. in-8, 1834. — Les jolies Filles (avec M. Touchard-Lafosse), 2 vol. in-8, 1834. — Mademoiselle de Rohan, 2 vol. in-8, 1835. — La Famille du voleur, 2 vol. in-8, 1835. — Les Après-dîners de S. A. S. Cambacérès, 4 vol. in-18, 1836-37. — Mémoires de mademoiselle Sophie Arnoult, 2 vol. in-8, 1837.