Revue Musicale de Lyon 1904-01-19/La Littérature de l'orgue

La Littérature de l’Orgue

(suite)

Vers l’an 822, Louis le Débonnaire fait construire un orgue hydraulique pour son palais.

Au xiie siècle nous trouvons un orgue fonctionnant par la vapeur dans une église d’Angleterre.

Concurremment à l’orgue hydraulique, l’orgue pneumatique ou à soufflets s’employa jusqu’au xiie siècle. À partir de cette époque, l’hydraule fut presque complètement abandonnée. Nous citerons pour mémoire et comme curiosité un orgue hydraulique qui existait dans une grotte des jardins de Versailles au xviiie siècle. Nous espérons que le titulaire de cet instrument n’était pas arthritique.

Les premières orgues étaient portatives ainsi qu’en témoigne ce passage du roman de la Rose (xiiie siècle).

Orgues avaient bien maniables
À une main portables
Où il mesure souffle et touche
Et chante à haute et pleine bouche
Mottez à contre et à tenure.

Le premier emploi de l’orgue dans les églises date du viie siècle. En 757, l’empereur de Byzance fit cadeau à Pépin le Bref d’un orgue magnifique. Charlemagne, en 811, en fait venir un de Constantinople. Les chroniqueurs du xe siècle citent l’orgue extraordinaire de Winchester qui comprenait 400 tuyaux alimentés par 26 soufflets que maniaient 70 hommes robustes. Cet instrument se jouait en le frappant à coup de poings.

Ce fut au courant du xiiie siècle que l’orgue commença à se perfectionner. On intercala entre les touches diatoniques des octaves supérieures des demi-tons chromatiques.

L’invention des pédales, attribuée à Bernhard, facteur allemand du xve siècle, paraît être antérieure. Il existait à Saint-Nicolas d’Utrecht un orgue du xiie siècle qui possédait une pédale séparée.

Ces perfectionnement se poursuivirent jusqu’à la Réforme. Le protestantisme en France fut peu favorable à la musique religieuse, car les deux réformateurs Zwingle et Calvin supprimaient l’usage de l’orgue dans les temples. Au contraire, en Allemagne, Luther, bon musicien lui-même, avait compris l’importance de l’orgue dans le culte religieux. C’est pourquoi, suivant les principes posés par le docte réformateur, cet instrument prit une importance extraordinaire, car il fut chargé d’accompagner les masses chorales et le chant des fidèles. Aussi l’Allemagne, plus que tout autre pays, fut propice au développement de l’orgue. Déjà, au xvie et au xviie siècle, se trouvaient dans les principales villes des instruments aux proportions grandioses. L’architecture en était somptueuse. L’orgue était le joyau du temple saint. Il servait à l’édification des fidèles et aussi à leur amusement. C’est ainsi qu’on adjoignait aux jeux de l’instrument des registres accessoires tels que l’avicinium qui stimulait le gazouillement des oiseaux ou le Fuchsschwanz destiné à mystifier le curieux en lui envoyant une queue de renard à la figure dès qu’il tirait le bouton afférent au jeu. On y voyait aussi des figures mécaniques : anges battant des ailes et jouant de la trompette, sphères célestes animées d’un mouvement de rotation, aigles qui voletaient au devant des grands soleils dorés ou figures grimaçantes qui tiraient la langue.

Les progrès de la facture avaient développé le talent des exécutants et stimulé le génie des compositeurs. Jusqu’au xvie siècle le rôle de ces organistes consistait à accompagner sur les instruments la cantilène grégorienne ou à réduire les motets et canzones écrits pour voix seules.

Des siècles précédents il nous est resté seulement quelques noms. En Italie et au xive siècle Landino, organiste de la république de Venise qui fut couronné de lauriers par le roi de Chypre ; Francesco il Cicco (François l’Aveugle) organiste de Bologne.

Au xve siècle Antonius Sequaccialupus, organiste de Florence, et Bernhard, le prétendu inventeur de la pédale.

Au xvie siècle, le jeu de l’orgue se perfectionna sous l’influence des flamands fondateurs de l’école vénitienne, Willaert et Brun. Les principaux furent les deux Gabrieli, Cyprien de Rore auteur de madrigaux, le théoricien Zarlino et Claude Merulo, puis Frescobaldi à Rome.

En Angleterre nous trouvons toute une pléiade d’organistes. Fairfax, Tallis, Byrd, John Bull et Orlando Gibbons.

Dans les Flandres, le célèbre Péter Sweelinck, surnommé le fabricant d’organistes, qui compta parmi ses élèves les organistes les plus en renom de l’Allemagne du Nord et, parmi eux, Samuel Scheidt. Il a encore un autre mérite, celui d’être l’inventeur de la fugue d’orgue.

(À suivre)
Daniel Fleuret.

L’abondance des matières d’actualité nous oblige à renvoyer au prochain numéro la suite de l’étude de M. Vincent d’Indy sur CÉSAR FRANCK.