COUR D’APPEL DE RENNES


AUDIENCE SOLENNELLE

Du 16 Octobre 1900


RENNES EN 1800


DISCOURS PRONONCÉ

Par M. DENIER

Avocat Général



RENNES

IMPRIMERIE RENNAISE, RUE BOURBON, 5. — Ve L. CAILLOT


1900

Extrait

du

Registre des Délibérations de la Cour d’Appel de Rennes

TENU AU GREFFE DE LADITE COUR

OU EST ÉCRIT CE QUI SUIT :

L’an mil neuf cent, le seize octobre,

La Cour, réunie au Palais de Justice, sur la convocation et sous la présidence de M. Maulion, Premier Président, s’est rendue à onze heures du matin, en corps et en grand costume, à la chapelle du Palais de Justice, où la Messe du Saint-Esprit a été célébrée, en présence du Tribunal civil, du Tribunal de commerce, de MM. les Juges de paix, du barreau et de MM. les Avoués,

Après la Messe, la Cour s’est réunie dans la Grand’Chambre, en Assemblée générale, pour tenir l’audience solennelle de rentrée.

Les Corps judiciaires et les Autorités civiles et militaires occupaient les places qui leur avaient été réservées dans l’enceinte.

La Cour, ayant à sa tête M. le Premier Président, précédée de ses huissiers, a pris séance, après avoir été annoncée à haute voix.

M. le Premier Président, après avoir déclaré l’audience solennelle ouverte, a donné la parole à M. le Procureur Général et M. Denier, Avocat Général, chargé de remplir le devoir prescrit par l’article 34 du décret du 6 juillet 1810, s’est levé et a prononcé le discours suivant :

Monsieur le Premier Président,

Messieurs,

Chargé de prendre aujourd’hui la parole par M. le Procureur Général Herbaux, auquel je suis heureux de pouvoir adresser publiquement de nouvelles et respectueuses félicitations pour sa nomination au poste élevé que lui ont valu ses éminentes qualités et ses brillants services, j’ai cru bon, dans le choix du sujet de ce discours, de me conformer au goût marqué du jour pour les choses du passé.

Quelle est cette mystérieuse puissance qui nous attire ainsi vers elles ? Ne cherchons-nous que la satisfaction d’une banale curiosité, ou plutôt, n’obéissons-nous pas à un sentiment plus élevé qui nous porte à nous rapprocher de tout ce qui fut mêlé à la vie de nos pères ? Pieux pèlerinage qui nous permet de mieux les comprendre, en les étudiant dans le cadre où ils ont vécu, qui nous met en communication plus directe et plus intime avec eux, qui fait passer dans notre âme quelque chose de leur âme, qui nous fait aimer davantage tout ce qu’ils ont aimé : le sol de la patrie, sa grandeur et sa gloire. Je vous convie donc, Messieurs, à remonter avec moi d’un siècle en arrière, pour nous retrouver à Rennes, en l’an 1800.


1800, date rayonnante et féconde pour la France qui, retrouvant toute sa vigueur et toute son énergie, sentant en quelque sorte courir dans ses veines un sang rajeuni, sut mener de front, en cette année fameuse, et ces pacifiques travaux de réorganisation qu’attendait le pays et ces audacieuses expéditions militaires que couronnait la victoire.

Pour ne pas ressembler au Directoire qui, suivant le mot énergique de M. Thiers, ne différait de la Terreur que « par plus d’anarchie et moins de cruauté »[1], le nouveau Gouvernement se mit résolument à l’œuvre et parvint, dès l’an VIII, à doter le pays d’un grand nombre de lois nécessaires, notamment de lois financières qui assuraient au Trésor épuisé les ressources dont il avait tant besoin, et de ces deux lois organiques du 28 pluviôse et du 27 ventôse, dont l’une constituait les grandes lignes de notre régime départemental et communal, et dont l’autre créait notre système judiciaire avec ses Tribunaux de première instance et ses juridictions d’appel.

La République ne se laissa point troubler ni détourner de ses utiles travaux par les menaces et les violentes agressions de l’Europe monarchique coalisée contre elle. Elle savait qu’elle pouvait compter, pour sa défense, sur le bras de ses enfants. En effet, au cri de la Patrie en danger, se levèrent en masse, d’un bout à l’autre du territoire, des hommes au cœur vaillant, à l’insurmontable endurance, à l’irrésistible courage, « héroïques va-nu-pieds », qui dans un prodigieux élan culbutèrent les armées ennemies et contraignirent les étendards des vieilles royautés européennes, à s’abaisser et à fuir devant les radieuses couleurs de notre jeune drapeau.

Je ne puis oublier, en ce moment, que dans les rangs de ces phalanges victorieuses, figurait ce grand Breton, âme généreuse, chevaleresque et patriote qui, le 27 juin 1800, tomba fièrement à la tête de la 46e demi-brigade dans les champs d’Oberkausen. L’armée, à laquelle s’associait la France tout entière, saluait récemment son image à Carhaix sur les hauts plateaux de nos landes armoricaines, et ne continue-t-elle pas, par un usage désormais séculaire, à lui rendre chaque jour un solennel hommage, lorsque devant la troupe assemblée, à l’appel du nom de Théophile-Malo Corret de la Tour d’Auvergne, premier grenadier de France, on répond : Mort au champ d’honneur.

Admirables campagnes, merveilleuse épopée, où Moreau de l’autre côté du Rhin, Bonaparte par delà les Alpes neigeuses, frappèrent ces grands coups d’épée qui retentirent dans le monde avec tant d’éclat.

Ah ! je comprends le patriotique enthousiasme qui s’emparait de notre cité, lorsque le télégraphe, s’agitant dans les airs, jetait du haut des tours Saint-Pierre sur la foule frémissante de nouveaux bulletins de victoire. La Municipalité sortait alors de la Maison de Ville, escortée par les grenadiers et la Garde nationale, accompagnée des généraux et fonctionnaires de tout rang et proclamait ces joyeuses dépêches sur les places et les carrefours, aux accords des musiques militaires, au bruit des salves d’artillerie et aux applaudissements du peuple. Le soir, la foule circulait dans les rues illuminées et traduisait son allégresse par les cris mille fois répétés de : « Vive l’armée ! Vive la République ![2].

Perpétuel retour des choses d’ici-bas ! N’est-ce pas par ce double cri que nous aimons encore, après tout un siècle écoulé, à acclamer notre vaillante armée, et que nous applaudissions hier ces brillantes manœuvres de la Beauce qui ont valu à l’éminent Chef et aux superbes régiments du Xe Corps, un succès spécial et remarqué. Vive l’armée, Vive la République ! en 1800 cri de joie et de victoire, aujourd’hui cri de nos indéfectibles espérances, et demain, oui qui sera demain — dans le siècle futur, — le cri des définitifs triomphes et des immuables délivrances.

Rennes était déjà à cette époque, avec ses 25,000 habitants, disent ses historiens, une ville de haute mine et de grand aspect. Après avoir brisé l’enceinte trop étroite de ses remparts dont il ne restait plus de loin en loin que quelques pans de murailles lézardées, quelques portes et quelques vieilles tours, elle commençait à étendre ses faubourgs sur les campagnes voisines. Sans doute, elle n’avait point encore cette ligne majestueuse de quais, ces grandes percées qui la traversent et l’assainissent en l’embellissant aujourd’hui. Mais elle se présentait avec ses rues nouvelles, régulièrement construites, avec ses vastes et nombreux édifices, ses clochers aux joyeux carillons, et au cœur de la cité avec ces deux monuments, centres de sa vie civile et de sa vie judiciaire : son Hôtel de Ville et son Palais, autour desquels se dérouleront les épisodes de ce discours.

Que vous dirai-je de ses habitants ? Je ne puis mieux faire que de vous en tracer le portrait d’après le tableau qui nous en a été laissé par le citoyen Féburier, commissaire du Gouvernement près de l’Administration municipale de Rennes[3].

« Le Rennais, dit-il, est naturellement bon, et ses mœurs sont en général fort douces, mais les injustices et les vexations le révoltent. Ami de l’indépendance, digne de la liberté, attaché pour ce motif à la Constitution à laquelle il a tout sacrifié, il se plie difficilement aux formes despotiques et on ne peut parvenir à le conduire qu’avec la raison et la douceur ».

Si nous vous le montrons, en outre, économe et laborieux, occupé de ses affaires privées et de son négoce, mais prenant volontiers part aux affaires publiques de la cité, goûtant peu les manifestations bruyantes de la politique, mais n’en restant pas moins ferme dans ses convictions républicaines, fier de sa ville qu’il veut voir prospérer et embellir et dont il aime à faire valoir les beautés, nous aurons le Rennais tel que nous le rencontrons de nos jours.

Le peuple Rennais était en 1800 favorable au nouveau gouvernement et se montrait tout disposé à lui accorder sa confiance, pourvu qu’il abandonnât les regrettables pratiques du Directoire, qu’il lui assurât une organisation forte et vigilante, des fonctionnaires honnêtes et respectés, le repos et la sécurité.

Nous trouvons dans le compte rendu du citoyen Féburier un écho de l’opinion publique qui se montrait encore plus sévère que M. Thiers pour le Gouvernement déchu[4].

« Le pouvoir, écrivait-il, s’efforçait de maintenir la brigue et la cabale dans les Assemblées primaires pour le choix des mandataires du peuple, et de faire triompher l’esprit de parti et d’intrigue.

» Les places à la disposition du Gouvernement étaient devenues la proie d’intrigants incapables dont beaucoup étaient indignes de remplir les fonctions auxquelles les liens du sang ou d’autres motifs avilissants les ont fait parvenir…

» L’on ne pourra réformer l’esprit public tant qu’on continuera à laisser les finances aux mains des agioteurs, tant que la brigue et le favoritisme feront disposer des emplois en faveur de particuliers dont le mérite et les services consistent à faire leur cour dans les antichambres des premiers fonctionnaires de l’État ».

Le Corps municipal s’associait à ces doléances et à ces vœux et les transmettait aux Consuls.

Il appelait également leur attention sur l’état troublé de la région et invoquait leur appui pour réprimer les désordres, derniers restes de la guerre civile, et faire renaître la sécurité.

Les guerres vendéennes semblaient, en effet, terminées par la signature d’un armistice. Mais si la convention était scrupuleusement exécutée par les troupes républicaines dont les instructions portaient « de respecter la trêve quelles que soient les vexations exercées par les Chouans sur les habitants des campagnes et les contributions qu’ils leur imposent »[5], elle était loin d’être observée par l’autre partie qui ne profitait de cette suspension d’armes que pour se livrer à la préparation de mouvements insurrectionnels dont la conséquence fut la mise hors la loi des départements bretons. Des bandes se formaient dans les alentours et, ravageant le pays jusqu’aux portes de la ville, étaient pour Rennes une cause de perpétuelles alertes.

Le 2 nivôse an VIII, l’Administration municipale qui, déjà le 23 pluviôse avait protesté contre la mise hors la loi, adressa, en ces termes, une nouvelle réclamation aux citoyens Consuls :

« Après avoir applaudi à cet armistice, qui tend à ménager l’effusion du sang, elle doit détromper le Gouvernement sur les résultats qui ont été obtenus. L’armistice est observé par les troupes républicaines, mais, loin de suivre cet exemple, les Chouans en profitent pour l’exécution de leurs projets et se sont répandus sur tout le territoire ; ils pillent, volent, désarment, embauchent non seulement les soldats de la République, mais encore les habitants des campagnes, ils les enlèvent par centaines et menacent de les fusiller, en cas de retour dans leurs foyers et tiennent parole, ils emportent des grains, disposent des bestiaux, s’emparent du produit des caisses publiques, établissent des contributions et les perçoivent, etc…

» Il est regrettable que dans un temps où l’état de siège existe dans les départements de l’Ouest, les militaires n’aient pas reçu l’ordre d’arrêter le brigandage, le vol, l’enlèvement des citoyens…

» Le pays est ruiné et sera dans l’impossibilité de payer l’impôt. — La Garde nationale est excédée de fatigue…

» Venez au secours de contrées chères à la liberté, Rennes fut son premier berceau ».

Ces plaintes n’étaient point exagérées : beaucoup d’anciens rebelles, surtout après le décret d’amnistie du 7 nivôse an VIII, avaient, il est vrai, fait leur soumission, et les autorités militaires, en échange de la remise de leurs armes, leur délivraient une sorte de brevet de civisme, rédigé dans le style prétentieux de l’époque.

Mais il en resta beaucoup, jeunes gens pour la plupart, qui, après avoir mené longtemps cette existence errante et batailleuse, s’être habitués à vivre de réquisitions et de pillage, ne voulurent s’astreindre ni à la vie régulière ni aux travaux paisibles de leur profession. Ils refusèrent de déposer les armes, et comme il était nécessaire, pour se maintenir dans cette situation de révoltés, de se procurer de l’argent, des munitions et des vivres, ils se répandirent dans les campagnes, brûlant, saccageant, volant, torturant, assassinant, se livrant aux plus sauvages excès.

Ne croyez pas que je veuille assombrir ce tableau, les Registres du Tribunal criminel à cette époque et les dossiers de vos archives sont remplis des récits de leurs exploits sanguinaires, et, si la justice envoyait à l’échafaud, revêtus de la chemise rouge des incendiaires et des meurtriers, les coupables qu’elle parvenait à saisir, elle était néanmoins impuissante à arrêter le cours de leurs forfaits.

L’on a parfois cherché à disculper les Chouans des terribles accusations portées contre eux, en prétendant que ces crimes étaient l’œuvre de malfaiteurs qui n’avaient rien de commun avec les anciens soldats des armées royalistes. Vaines tentatives, car tout, dans les procédures, établit leurs antécédents : et les noms de guerre dont ils s’affublent tels que : l’Invincible, Monte-à-l’Assaut, la France, Brise-Ville, Royal-Carnage, Cœur-de-Roy ; et le choix de leurs victimes prises parmi les anciens rebelles ayant fait leur soumission, ou parmi les partisans et fonctionnaires du Gouvernement républicain ; et les manifestations auxquelles ils se livrent dans l’exécution de leurs forfaits : haine et mépris de la cocarde tricolore, bris de clôture aux cris de Vive le Roy ! vols commis sous le nom de perception d’impôts au nom du Roy ; et leurs aveux enfin consignés dans leurs interrogatoires qui ne laissent aucun doute sur leur passé.

Rennes et les campagnes environnantes vivaient sous le coup de perpétuelles terreurs, en apprenant sans cesse de nouvelles atrocités.

En voulez-vous quelques rapides exemples tirés de nos archives ?[6].

Le 21 frimaire an VIII se déroulait devant le Tribunal criminel, dans cette salle même, le procès de la bande qui, sous la conduite de Royal-Carnage avait, à coups de fusil, arrêté la malle près de Quédillac, tué les chevaux, blessé grièvement le courrier, s’était emparée de l’argent du Trésor… et des voyageurs, ainsi que de tous les objets à sa convenance.

Dans la nuit du 29 au 30 prairial, les maisons du port de Guipry sont attaquées à main armée et mises au pillage par ces bandits qui menacent de fusiller ceux qui s’opposeraient à leurs desseins ; la même nuit, la caisse du percepteur de Goven est dévalisée et son contenu, confisqué au nom du roi.

Malheur aux militaires qui voyagent isolés ou circulent en patrouilles trop faibles, ils sont aussitôt saisis, désarmés et laissés pour morts sur le terrain !

Chaque nuit, de tranquilles habitants des campagnes sont réveillés par les coups de hache qui brisent les portes de leurs demeures, voient leurs maisons envahies et souvent incendiées, leurs meubles saccagés, leurs femmes et leurs enfants brutalisés, tandis qu’eux-mêmes, s’ils refusent de livrer de l’argent, des munitions ou des armes, sont fréquemment mis à mort sous les yeux de leur famille terrifiée, après qu’on leur a toutefois, par un raffinement de cruauté, laissé le choix du supplice « ou saignés ou fusillés ».

La torture remplaçait parfois la mort. Ces nouveaux chauffeurs étendaient sur le feu les pieds de leurs victimes, et les laissaient griller par la flamme jusqu’à ce qu’elles n’eussent révélé la cachette où était déposé leur trésor.

Si les brigands rencontraient quelque citoyen portant la cocarde tricolore, ils rouaient de coups « ce pataud », s’ils ne le passaient pas par les armes.

S’ils pénétraient chez d’anciens Chouans qui refusaient de les suivre, ils les entraînaient et les fusillaient sans merci.

Les femmes même ne trouvaient pas grâce devant eux ; c’est ainsi qu’une veuve Godet est enlevée et, malgré les supplications de ses enfants, assassinée au milieu des champs pour avoir accusé les Chouans du meurtre de l’un de ses fils[7].

Une superstition sauvage semble parfois se mêler à ces actes de barbarie. Le 28 floréal an VIII (dimanche 18 mai 1800), Luniau, dit la France, et un de ses camarades, revenant de l’office en chantant les hymnes du jour, entrèrent chez un nommé Louvet, à Domalain, et l’emmenèrent dans une maison voisine. Là ils formèrent une sorte de Tribunal devant lequel Louvet fut accusé de sorcellerie par un des assistants qui lui reprocha de lui avoir jeté un sort ainsi qu’à une jeune fille dont il était aimé. Pour l’obliger à détruire l’effet du sortilège, ces bourreaux allumèrent aussitôt un grand feu et, malgré les protestations de Louvet, placèrent à plusieurs reprises sur la flamme les pieds de ce malheureux qui poussait des cris affreux de douleur. Enfin, l’un des spectateurs ému de ces horribles souffrances jeta de l’eau sur le brasier et mit un terme à cette torture[8].

Il était temps d’arrêter ces sanglants désordres et de ramener un peu de civilisation dans cette barbarie ; aussi Brune fut-il accueilli comme un libérateur lorsqu’il fit son entrée à Rennes, le 13 ventôse an VIII.

L’Administration Municipale se rendit à l’hôtel du Général, ayant à sa tête son Président, le citoyen Parcheminier qui le harangua au nom de la cité.

« Citoyen Général, lui dit-il, vous entrez dans une commune qui s’enorgueillit de ses malheurs parce qu’elle les doit à son civisme, elle n’a la haine des ennemis de la République que parce qu’elle fut le berceau de la liberté qu’elle a toujours défendue avec courage. Mais un malheur plus grand l’afflige ; le soleil s’est éclipsé pour elle, elle n’est plus sous l’empire de la Constitution. Le libérateur de la Batavie et des départements de l’Ouest saura lui rendre ses rayons salutaires ; c’est son espérance et le moyen de lui faire oublier ses maux ».

Brune céda à ces vœux et, le 16 ventôse, écrivit au citoyen Parcheminier.

« Brune, Conseiller d’Etat, Général en chef, voulant donner à la commune de Rennes un témoignage de satisfaction pour la conduite distinguée qu’elle a tenue pendant la durée des troubles de l’Ouest, et en considération des grands souvenirs de patriotisme que les fastes de la révolution ont conservés pour sa gloire, déclare que la commune de Rennes n’est pas hors de la Constitution, elle restera provisoirement en état de siège. »

L’Administration municipale fit aussitôt publier cette lettre qui fut accueillie par le peuple aux cris de : vive la République, et entonna en l’honneur du Général un véritable hymne de joie et de reconnaissance :

« Le deuil de Rennes est passé, vous avez arraché le crêpe funèbre qui obscurcissait sa gloire… Le nom de Brune à jamais célèbre dans nos annales marquera l’époque de notre bonheur… Les beaux jours de 1789 reparaissent, Rennes ne vivra et n’agira que pour la République et pour le Gouvernement qui s’occupe d’assurer la gloire et la félicité du peuple français »[9].

Malgré les troubles du temps, la Municipalité n’avait point perdu de vue les intérêts de la ville et la réorganisation de ses services intérieurs. Elle put, après l’arrivée de Brune, s’y adonner avec plus de zèle et plus d’ardeur encore, multipliant ses séances, mettant à l’ordre du jour et traitant ces questions importantes qui, après un siècle, ne cessent point de préoccuper les mandataires de la cité.

Au premier rang, se place pour toute administration, vraiment démocratique, la grosse question de l’Assistance publique et, comme corollaire, la question des octrois qui, sans peser trop lourdement sur les masses, doivent procurer les ressources destinées au soulagement de la misère.

Le Commissaire du Gouvernement prenant la parole dans la séance du 22 frimaire an VIII, à l’occasion de l’application de la loi de bienfaisance du 13 vendémiaire, s’exprimait ainsi :

« Quel vaste champ de culture s’offre à vos regards ! Que de bien à faire, de maux à empêcher, d’abus à détruire. La mendicité et le libertinage ont fait les plus grands progrès dans cette commune. Les mendiants et les filles publiques y sont dans une proportion effrayante avec la population. L’impudeur et le mépris de tous les devoirs sont à leur comble dans ces deux dernières classes, et la dernière ajoute aux maux sans nombre qu’elle fait à la société le poison qui coule dans ses veines et qu’elle communique aux défenseurs de la patrie ».

Il exhorte ensuite vivement l’Administration à remédier par la bienfaisance à la misère et à l’oisiveté qui engendrent tous ces vices dont il fait l’attristante peinture.

Hélas ! Messieurs, nous avons toujours des pauvres, des déshérités, des miséreux parmi nous, et malgré les efforts publics et privés, cette question sociale est loin d’être encore résolue aujourd’hui. Nous l’avons recueillie dans l’héritage du siècle précédent, nous la transmettrons au siècle futur. Puisse-t-il trouver la clef du problème, détruire le paupérisme et augmenter le bien-être dans ces classes si intéressantes des petits et des souffrants !

La Municipalité ne néglige rien pour arriver à ce but ; elle étudie le meilleur mode d’assistance et cherche à substituer dans une plus large mesure aux établissements hospitaliers trop coûteux les secours à domicile largement répandus.

Sans doute, l’hospitalisation est indispensable pour les abandonnés et les malades qui réclament des soins spéciaux, mais les secours à domicile, en resserrant les liens de solidarité et d’affection qui doivent unir les membres d’une même famille, en permettant aux malades de se rendre parfois utiles à leur foyer, en leur donnant le goût du travail, en les relevant en quelque sorte dans leur propre estime, lui semblent un moyen plus efficace de guérison et de régénération. Elle en connaissait d’ailleurs les heureux résultats, car l’assistance à domicile fonctionnait déjà à Rennes ; ce service dénommé « la Marmite des Pauvres », sous la direction des ci-devant Sœurs Grises, et sous la surveillance de la Commission de bienfaisance, secourait un nombre considérable d’indigents.

Mais comment faire face à tant de besoins ? Comment procurer au budget communal les ressources dont il manque en attendant la réalisation des promesses du Gouvernement qui s’est engagé à restituer les biens inaliénés des hospices, ou à rendre en biens nationaux la valeur de ceux qui ont été vendus ? Les revenus de l’octroi y pourvoiront.

C’est pour cela que l’Administration s’emploie avec une fiévreuse activité à en dresser le règlement, à en déterminer les limites, à en fixer les barrières, à en établir les bureaux de perception, dans ses nombreuses séances de frimaire et de nivôse an VIII, dont les procès-verbaux fourniraient à ceux qui voudraient écrire l’histoire des hospices et des finances de la ville de précieux documents.

Que d’améliorations datent encore de cette époque !

Nous avons aujourd’hui la prétention de croire et d’écrire que les anciennes Administrations se souciaient peu des questions d’assainissement et de salubrité, dont nous nous regardons comme les inventeurs. Il est vrai que la science, par ses récentes découvertes, a facilité l’observation des principes de l’hygiène ; néanmoins, dès l’année 1800, la Municipalité Rennaise prenait, d’après les règles connues, toutes les mesures propres à améliorer la santé publique. Elle fait creuser des canaux pour ne pas laisser les immondices à la surface du sol, elle surveille les puits sources fréquentes de contamination, elle fait circuler l’air dans les quartiers malsains en élargissant les rues et les faubourgs, elle perce ou projette de percer des voies nouvelles, notamment à nos côtés la rue Saint-François qui, d’après ses plans, doit rejoindre la rue Saint-Melaine, et la rue, actuellement rue Victor-Hugo qui, à travers le terrain des Cordeliers, doit relier la place du Palais à la place Saint-Georges, et devant nous, elle continue la rue Egalité, qui, en traversant la Baudrairie, doit aboutir à la Nonnerie[10] et à la Halle-aux-Blés.

Elle prescrit le balayage et nettoyage des rues et des cours ; s’inquiète des prisons disséminées sur divers points de la commune : Maison d’arrêt, Maison de détention, Maison de justice qui n’offrent aucune sécurité pour la garde des prisonniers et forment « des cloaques infects, des foyers de pestilence » d’où les épidémies se propagent sur la ville entière. Elle cherche des édifices qui puissent servir de caserne et trouve à Kergus et à Saint-Georges des bâtiments convenables au logement des militaires qui, placés chez l’habitant, se montrent, suivant la tradition du soldat français, trop galants envers le beau sexe et le séduisent par de fallacieuses promesses.

Là ne s’arrête pas la liste de ses travaux ; elle organise la Compagnie des pompiers, proclame la liberté des cultes sous condition de déclaration préalable et sous l’engagement de s’abstenir de toute manifestation extérieure, elle étend sa sollicitude sur les écoles qu’elle fonde, sur le théâtre qui doit, dans sa pensée, contribuer « à l’épuration des mœurs et à la propagation des idées républicaines, » mais dont l’exploitation n’était pas plus prospère et les représentations n’étaient pas plus suivies que de nos jours. Elle crée dans sa séance du 25 thermidor an VIII des agents plongeurs chargés de surveiller les bords de la Vilaine, devançant la Préfecture de Police qui, un siècle plus tard, formait à son tour une brigade d’agents plongeurs et, plaisante remarque, se voyait félicitée avec un touchant accord par toute la presse de la capitale de cette heureuse innovation.

Laissons-en le mérite à la province et reportons ces éloges à l’Administration rennaise… de 1800.

Enfin le Commissaire du Gouvernement, dans la séance du 29 ventôse, proposait à l’approbation du Conseil un recueil de lois et règlements de police en 663 articles, qui pourrait être considéré comme un véritable code des délits et des peines et qui fut imprimé au Temple de la Loi par la citoyenne Bruté, imprimeur de la Municipalité : la presse, l’hygiène, les marchés, les épizooties, les coalitions, la liberté du travail, la surveillance des écoles, la police et le respect des cultes, la protection des propriétés, tout y est étudié, réglementé et réprimé avec soin.

Voulant inspirer, maintenir, étendre le respect et l’amour de la République, la Municipalité se plaisait à célébrer avec la plus grande pompe les fêtes décadaires ainsi que les grandes fêtes républicaines, telles que : la fête de la Souveraineté du peuple, — de la Jeunesse, — de la Reconnaissance, — de l’Agriculture, — de la Charité, etc. Elle s’efforçait de leur donner une solennité qui devait charmer les yeux et frapper l’imagination populaire. Le cortège, en tête duquel défilaient les tambours et la musique, était formé de longues théories, de défenseurs de la patrie ayant reçu d’honorables blessures, de vieillards, de citoyens et de citoyennes, d’instituteurs et d’institutrices avec leurs élèves, puis venaient les autorités civiles au milieu desquelles était traîné sur un char antique le génie de la République tenant d’une main un gouvernail et de l’autre appuyé sur l’arbre de la liberté. Autour de lui étaient disposées des urnes où brûlaient des parfums. Les troupes fermaient la marche. Cette procession parcourait les principales rues de la ville et se rendait au Champ de Mars, au pied d’une pyramide élevée, entre les statues de l’Egalité et de la Liberté, sur un socle de marbre, symbole de la solidité du Gouvernement et surmontée d’une image de la République, avec cette inscription : A la République triomphante.

Le Président de la Municipalité prononçait un discours respirant le plus pur patriotisme et peignait avec sensibilité les douceurs et les avantages du régime républicain. Une musique militaire jouait alors et portait dans tous les cœurs le sentiment de l’union en exécutant l’air : « Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille » et la fête se terminait aux cris de : vive la République ! Aussitôt commençaient des courses à pied et à cheval, suivies de danses qui se prolongeaient fort avant dans la nuit »[11].

L’Administration, présidée par le citoyen Parcheminier, allait finir avec le siècle et céder la place au Conseil issu de la loi du 27 pluviôse ; mais avant de nous séparer d’elle, nous devons lui rendre cette justice que, pendant cette dernière et laborieuse année, elle avait bien mérité de ses concitoyens.

C’est d’ailleurs l’attestation élogieuse que lui donne le citoyen Borie, premier préfet d’Ille-et-Vilaine, par sa lettre du 30 germinal dans laquelle, après avoir invité la Municipalité à rester provisoirement en fonctions, conformément à l’art. 6 de l’arrêté du 17 ventôse, il ajoutait :

« Les preuves que vous avez données de votre dévouement à la patrie ne vous permettront pas de quitter votre poste. Vous avez rempli des fonctions laborieuses dans des temps difficiles ; le Gouvernement ne verra pas sans intérêt les preuves de votre zèle constant à le servir. Vous voudrez bien seconder sa marche, en continuant vos utiles travaux ; je vous ferai connaître l’époque à laquelle vous devez les cesser »[12].

Ce ne fut que le 15 pluviôse an IX (4 février 1801), que le nouveau Conseil, dont les membres avaient été choisis, en grand nombre, dans l’ancienne Municipalité, entra à l’Hôtel de Ville, ayant à sa tête, en qualité de maire, le citoyen Lorin.

Une de ses premières délibérations, le 25 pluviôse, offre un assez piquant intérêt, surtout à notre époque où la laïcisation des établissements hospitaliers est à l’ordre du jour dans plusieurs de nos cités populeuses, pour que je vous fasse connaître l’opinion de ce Conseil républicain.

« Considérant que dans le petit nombre des communes où l’on a eu la sagesse de conserver dans les hospices ces filles respectables qui, animées des motifs sublimes de la vertu, se sont dévouées dès leur jeunesse au soulagement de l’humanité, ils ont été constamment bien régis ;

» Que dans tous les lieux au contraire où ces mêmes établissements ont été confiés à des mains mercenaires et trop souvent avides, le soin des pauvres et des malades a été considérablement négligé, en même temps que la dépense augmentée, et que plusieurs de ces maisons ont été réduites au dénûment par une dilapidation effrénée.

» Que la différence peut-être sentie à Rennes même, par la comparaison des hospices Saint-Méen et des Incurables avec les deux autres.

» Pour ces motifs, arrête la rentrée des ci-devant hospitalières à Saint-Yves et des ci-devant filles de Saint-Thomas à l’Hôpital général »[13].

Le préfet d’Ille-et-Vilaine, en composant le nouveau Conseil, n’eut garde d’oublier sur sa liste, un des notables habitants de Rennes, son ancien maire à l’époque néfaste de la Terreur, Leperdit dont le nom est resté constamment populaire dans cette ville qui lui a récemment érigé une statue sur la place du Champ-Jacquet. Elle a voulu honorer, en la personne de ce fils du peuple, le courage civique qui sait braver une mort sans gloire par dévouement pour l’humanité, et perpétuer le souvenir de l’acte héroïque qu’il sut modestement accomplir.

D’après une tradition, vieille de plus d’un siècle, et qui vaut aujourd’hui l’histoire, Leperdit, membre du Conseil Général de la commune, refusa, en septembre 1793, de livrer à Carrier, qui la réclamait, la liste d’habitants de Rennes chez lesquels devaient s’opérer des visites domiciliaires, en vertu d’instructions du ministre Gohier qui avait prescrit, à la suite de la prise de Toulon par les Anglais, de rechercher les étrangers suspects sur tout le territoire de la République.

Remettre cette liste à Carrier, c’était dénoncer les Rennais qui s’y trouvaient inscrits, provoquer leur arrestation, amener leur condamnation, les vouer presque sûrement à la mort.

Mais aussi, résister au fougueux représentant, c’était s’attirer sa colère, s’exposer à monter soi-même sur l’échafaud.

Leperdit n’hésita pas ; il risqua sa tête et sauva ses concitoyens.

Voilà le fait dépouillé de la dramatique mise en scène, dont un romancier s’est plu à l’entourer et à l’embellir[14].

Ce ne sont point les écrits dirigés contre la mémoire du vieux républicain qui pourront détruire ce simple récit que ne contredisent pas les documents de nos archives publiques et que consacre la tradition. Ce n’est pas surtout, ainsi qu’on l’a prétendu, parce qu’un écrivain, un jour, attribua par erreur à Leperdit la qualité de maire, au moment où il osait tenir tête à Carrier, alors qu’il n’était encore que membre du Conseil Général de la commune, que son acte de dévouement doit devenir un mythe et sa générosité, une légende qu’il importe d’effacer. Il faut, en outre, reconnaître que durant cette période sanglante pendant laquelle il porta l’écharpe, souvent contrecarré par les Comités du Salut public et les représentants en mission, il sut empêcher bien du mal, or empêcher le mal, c’est déjà faire du bien.

Mais nous pouvons d’autant mieux croire la tradition qu’il nous reste un témoignage authentique de l’estime qu’avaient pour lui ses contemporains. Lorsqu’en 1802 se créa la Légion d’Honneur, le Conseil municipal de Rennes pensa que nul n’était plus que lui digne d’être inscrit sur ses contrôles. Il adressa au Gouvernement une délibération dont je détache ce seul considérant : « Considérant que le citoyen Leperdit, maire de Rennes, sous le régime de la Terreur, a, pendant ce temps, totalement négligé les intérêts de sa famille pour s’occuper de ceux de ses concitoyens, qu’il s’est opposé de tout son pouvoir aux actes du Comité et de la Commission révolutionnaire, et que les effets de son zèle n’ont pu être arrêtés ni par les dénonciations de ces autorités, ni par les menaces et les arrêtés des Représentants du peuple, et que son courage et sa fermeté ont sauvé la vie à plusieurs citoyens »[15].

La supplique ne fut point accueillie.

« Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte »[16], et les faveurs n’allaient plus qu’aux républicains qui s’étaient ralliés à César; mais elle reste du moins comme une attestation irréfutable et solennelle des services rendus par Leperdit à ses concitoyens, car quel intérêt aurait eu le Conseil à falsifier l’histoire, et quelle audace n’aurait-il pas montrée en présentant aux témoins mêmes de ses actes, Leperdit comme un sauveteur alors qu’il n’eût été qu’un bourreau ?

C’est là la réponse anticipée à de vaines attaques qui n’entameront ni le granit de son piédestal ni le métal de sa statue, et j’imagine que le vieux maire de Rennes, s’il entend ces petites rumeurs qui se font parfois autour de son nom, doit laisser errer sur ses lèvres de bronze un sourire qui n’est certes pas un sourire de haine, mais un sourire… d’indulgence pour ses détracteurs.


Avant de quitter la maison commune, l’administration Parcheminier avait rendu un service signalé à ses concitoyens en menant une campagne vigoureuse sur une question qui intéressait au plus haut point l’avenir, la prospérité, la grandeur de la ville de Rennes. Qu’allait-elle devenir au milieu de toutes les transformations apportées par les lois nouvelles dans l’organisation administrative et judiciaire du pays ? Allait-elle recouvrer quelques-unes de ses antiques prérogatives ou descendre au simple rôle de chef-lieu de département ?

L’ancienne ville ducale de Bretagne serait-elle réduite à l’état attristant de capitale déchue et de cité découronnée ? Question de vie ou de mort pour elle. Car, tout près, se trouvait une cité puissante, concurrente redoutable, qui, superbement assise au bord de son grand fleuve, fière de ses richesses, contemplant avec orgueil ses navires sillonnant les mers, étendant son négoce sur tous les points du globe, voyant le succès répondre à sa féconde activité, la première de la région par la population et l’opulence, cherchait encore à établir sa primauté sur les autres villes de la province, en s’efforçant d’attirer à elle les grands établissements militaires, les chaires de l’enseignement supérieur et le Tribunal d’appel qu’attendaient pourtant les vieux murs de ce palais abandonné.

La lutte se renouvelait, comme au temps où il s’agissait de fixer la résidence du Parlement.

La Municipalité poussa un cri d’alarme et le 7 nivôse an VIII, s’adressa aux Consuls :

« Il est de notre devoir de vous rappeler notre cité comme propre à être le chef-lieu des principaux établissements, et à vous représenter que l’en priver serait la détruire.

» Rennes a été la capitale des ci-devant ducs de Bretagne qui y tenaient leur cour, et, après la réunion de cette grande province à la France, a conservé le titre et les avantages de capitale. Le Parlement et la Cour des aides y furent fixés, les États s’y tenaient, elle était le siège des Commissions intermédiaires de l’Intendance, du Commandant, etc. Rennes avait aussi un grand présidial, un collège célèbre, des écoles de droit et de chirurgie. Nous en avons fait le sacrifice à la liberté, mais nous réclamons ce qu’elle peut nous accorder et ce que demandent nos édifices publics et particuliers.

» Rennes a un Palais de Justice qui lui coûte plus de deux millions et a toujours été reconnu pour être un des plus beaux de France. La maison commune et le ci-devant Présidial forment un fort beau monument presque neuf, dont la deuxième partie est occupée par le Tribunal correctionnel et les Juges de Paix.

» Les soussignés prient donc les citoyens Consuls de conserver à Rennes son ancien état de chef-lieu pour tous les établissements qui pourront avoir lieu tant dans l’ordre administratif que dans l’ordre judiciaire »[17].

L’appel fut entendu ; cette fois encore Rennes triompha de Nantes, sa puissante rivale, et le 9 prairial an VIII (29 mai 1800), vos prédécesseurs rentraient dans ce Palais, décoré du nom pompeux de « Temple de la Loi », où ils étaient installés par le citoyen Borie, préfet d’Ille-et-Vilaine, après avoir promis fidélité à la Constitution.

Mais hélas ! la justice retrouva son antique demeure souillée et déshonorée ! l’architecte patenté de la Commune, le citoyen Philippe Binet, chargé d’établir le devis des travaux nécessaires à la restauration et au nettoyage du Palais, nous fait de son état, au 12 messidor, un écœurant tableau.[18]

Le vestibule du rez-de-chaussée, dont nous admirons l’imposante sévérité, est encombré de dépôts de bois de toutes sortes. L’exécuteur y remise les pièces de son échafaud qu’il jette dans le passage toutes maculées de boue et dégouttantes de sang. Des baraques le remplissent et obstruent les fenêtres qui ne laissent plus pénétrer qu’une insuffisante lumière ; elles sont occupées, les unes par des blanchisseuses qui pavoisent la cour du linge bariolé de leurs clients, les autres par l’échoppe de menuiserie du citoyen Dufresne, et par l’imprimerie de la citoyenne Félicité Vatar ; dans le pourtour se trouvent installés divers ateliers, l’imprimerie de la citoyenne Bruté, voire même des cuisines de restaurateurs.

De tout cela s’échappe, par des tuyaux de poêle, une fumée âcre et fétide qui s’attache en couches épaisses aux voûtes de pierre, lèpre noire et hideuse dans laquelle, à chaque instant, s’allume l’incendie qui menace de se propager dans le reste de l’édifice. L’escalier de l’Occident est inabordable, il n’est plus qu’un dépôt d’ordures, un cloaque d’infection. Enfin, lorsqu’arrive le soir, le Temple de la Loi se transforme en Temple de Vénus où des prêtresses déguenillées et sordides célèbrent, dans les recoins mystérieux et sombres, le culte de la déesse des amours.

Si nous montons au ier étage, nous le trouvons presque complètement envahi par des services étrangers à la Justice. Cherchons à le reconstituer d’après les renseignements topographiques consignés dans vos archives[19].

Deux salles seulement, situées dans la partie orientale, étaient affectées aux audiences, de sorte que leur nombre ne correspondait même pas à celui des sections en activité.

A ces deux salles, il faut toutefois ajouter l’ancienne Grand’Chambre du Parlement qui nous abrite en ce moment sous son plafond superbe et où les trois sections pouvaient se réunir pour les réceptions, les prestations de serment et les audiences solennelles. Mais le Tribunal d’Appel n’avait pas la disposition exclusive de ce vaste local ; il lui était commun avec le Tribunal criminel qui l’occupait toutes les fois que l’importance des affaires, le nombre des accusés ou des témoins ou quelques autres circonstances le forçaient à se déplacer de la salle étroite qui lui servait de prétoire.

Le Ministère public n’avait point, à proprement parler, de Parquet, car on ne pouvait donner ce nom à un appartement intermédiaire, autrefois buvette qui servait de passage et d’issue à plusieurs pièces, notamment à la Chambre des vacations.

Toute l’aile occidentale était occupée par l’Administration centrale du département qui y avait installé ses bureaux et y tenait ses assemblées.

Lorsque la Préfecture se fut, en 1803, transportée à l’hôtel de la ci-devant Intendance, une partie de ses locaux fut assignée à l’Ecole de Droit rétablie qui eut alors son amphithéâtre dans la salle actuelle des assises ; une autre partie fut réservée aux travaux du Conseil de préfecture et du Conseil général.

Enfin, dans l’aile nord du Palais, plusieurs grandes pièces qui servaient jadis de salle d’audience, de salle du conseil et de buvette à la Chambre des requêtes (aujourd’hui 2e Chambre de la Cour avec ses annexes, et salle du bureau d’assistance judiciaire) avaient été converties en un logement particulier que le Secrétaire général de la Préfecture habitait avec sa famille.

Que nous sommes loin, Messieurs, des splendeurs du passé, et du pompeux apparat du Parlement de Bretagne ! Que cette journée du 9 prairial, dans laquelle la justice rentra dans son Palais désaffecté, en quelque sorte comme une étrangère à laquelle on donne asile par condescendance, semble triste et pâle auprès de cette journée historique du 11 janvier 1655 qui vit le Parlement prendre solennellement possession de ce Palais, alors dans tout l’éclat de sa nouveauté.

Ce fut ce jour-là joyeuse et brillante fête pour toute la ville de Rennes[20].

Je ne puis m’empêcher de vous en reproduire brièvement le récit.

Dès le samedi 9 janvier, les syndics et les députés de la Communauté de Ville demandèrent l’entrée du Parlement et, après y avoir été introduits, témoignèrent à la Cour leur reconnaissance des soins qu’elle avait pris pour rendre ce Palais à sa perfection, puis ils la supplièrent très humblement d’y vouloir bien faire son entrée le lundi suivant, 11 janvier.

Le Président, messire Claude de Marbœuf, remercia les députés et assura de la protection de la Cour la Communauté de Ville qui savait rendre l’obéissance à Sa Majesté et la soumission aux arrêts du Parlement.

À la date convenue, le lundi 11 janvier, le Corps de Ville s’assembla en son hôtel à 7 heures du matin et, revêtu de ses habits d’honneur, se rendit avec ses officiers ordinaires à l’Ancien Palais où le Procureur syndic « fit ses compliments à la Cour et pria MM. du Parlement d’avoir pour agréable de quitter cette vieille maison d’emprunt et aller loger en leur Palais neuf ».

Aussitôt la Cour sortit, en robes rouges, accompagnée du Corps de Ville, de la Chancellerie et du Présidial, pour assister à la messe en l’église Saint-François. Immédiatement après la messe, le Corps de Ville se rendit sur le perron du Palais pour y attendre le Parlement qui y fut conduit processionnellement au chant du « Veni Creator » par les religieux Cordeliers, revêtus de leurs chapes, et fut harangué par le syndic : « Y ayant un siècle tout entier et plus, dit-il, que la Ville de Rennes a le bonheur de conserver chèrement dans l’enceinte de ses murailles une des plus souveraines et augustes Cours du Royaume qui est celle du Parlement de Bretagne, le plus digne ornement de cette capitale, et quoique toutes ces longues années semblassent nous devoir mettre à couvert de l’envie et de la jalousie de nos voisins, nous avons nonobstant, dans la vicissitude des temps, essuyé les attaques de nos plus proches qui se seraient mis en devoir, à diverses reprises, de nous priver de notre bonheur, se faisant forts de notre impuissance de ne pouvoir dignement loger chez nous le Temple de la Justice ni lui ériger des autels. Mais, comme la Fortune aide toujours les nouveaux conquérants, trente-six ans après avoir jeté les premiers fondements de cet auguste et magnifique Palais, nous sommes enfin, grâce à Dieu, heureusement venus à bout de cette haute entreprise. Par ordre exprès de notre Communauté, nous vous prions de toute l’étendue de notre affection de vouloir bien y faire votre première entrée et de vous aller placer sans plus longue attente, revêtus de votre pourpre éclatante, marque de royauté, sur vos sièges couverts de fleurs de lys, pour y tenir vos grands jours et y rendre vos oracles… Vous nous donnerez satisfaction, s’il vous plaît, et pour comble de notre bonheur, vous nous permettrez d’être parfaitement unis d’affection et de volonté avec vous, comme d’un lien indissoluble… »

Le président de Marbœuf répondit par des paroles pleines d’affection pour la Communauté, puis, Messieurs firent leur entrée, au bruit des salves d’artillerie tirées de la Tour du Bât, par la salle des Procureurs dans laquelle, devant un autel dressé à cet effet, les frères Cordeliers chantèrent le « Te Deum »[21].

A l’issue de l’audience solennelle à laquelle il assista, avec les Présidiaux, les Juges royaux et la Chancellerie, le Corps de Ville alla mettre le feu « à des bûchers préparés sur la place où le peuple assemblé sans nombre témoigna sa reconnaissance par des cris de « Vive le Roy », puis, rentré en son hôtel, il ordonna que les miseurs en charge délivreraient deux livres de bougie à chacun des membres présents de la Communauté.

Le premier nom inscrit sur la liste des bénéficiaires de ces jetons de présence est celui de La Chalotais, qui remplissait les fonctions de connétable, et le procès-verbal est signé : Caradeuc. N’est-il pas remarquable de voir ainsi mêlé, dès la première heure, à l’histoire de ce Palais, un nom qui, un siècle plus tard, devait jeter sur lui un vif éclat et lui donner une nouvelle célébrité ?

À partir de ce jour, le Parlement s’occupa avec activité de revêtir sa demeure d’une splendeur digne de la Cour souveraine qui y tenait ses assises, et nous le voyons arrêter « que Charles Erard, peintre et architecte ordinaire du Roy, serait mandé par Messire Henry de Bourgneuf, Premier Président, pour venir entreprendre l’ouvrage des ornements intérieurs du Palais »[22].

Sous la surveillance d’Henry de Bourgneuf et de ses successeurs, l’art contribua à le décorer et à l’embellir avec une magnificence que nous envions encore aujourd’hui.

En montant sur ce siège élevé des anciens Premiers Présidents du Parlement de Bretagne, vous avez, Monsieur le Premier Président, hérité de leur culte pour ce vieil édifice dont vous cherchez à reconstituer l’ornementation avec tout le zèle de ces illustres devanciers. Vous aurez une place d’honneur dans son histoire. Grâce à vous, grâce à votre goût artistique et éclairé, à vos actives démarches, à votre haute influence, nous verrons bientôt ses murailles revêtues de ces tapisseries superbes dont les visiteurs admirent les premiers panneaux au milieu des merveilles de l’Exposition, et notre vieux Palais, rajeuni sous ces splendides parures, tressaillira d’aise et d’orgueil se croyant revenu aux grands jours d’autrefois.

La défectuosité de cette installation matérielle n’arrêta point les travaux du Tribunal d’Appel.

Sous la présidence du citoyen Desbois, il se forma en trois sections dont le sort désigna les membres. Laissez-moi saluer au passage sur la liste des premiers magistrats de cette Compagnie un nom doublement cher à notre Cour : celui de Gaillard-Kerbertin.

Outre ses nombreuses audiences, le Tribunal dut tenir de fréquentes et laborieuses réunions. Tout était à reconstituer. N’avait-il pas à assurer le fonctionnement régulier de cette nouvelle juridiction, à former une jurisprudence en attendant les Codes en préparation et à s’inspirer, dans cette période transitoire, pour l’application des lois en vigueur, presque toutes encore filles de l’ancien régime, des idées et des principes issus de la Révolution, à organiser ses services, à rédiger son règlement, à déterminer le nombre des offices ministériels nécessaires à l’expédition des affaires, à les pourvoir de titulaires.

Telle fut, pendant de longs mois, l’occupation quotidienne du Tribunal d’Appel.

Je n’ai point trouvé sur ses registres d’audience la mention de procès qui méritassent d’être signalés à votre attention.

Mais une des grosses difficultés de sa tâche fut, qui le croirait ? la désignation des avoués qui devaient militer à ses côtés. Le recrutement en fut long et pénible.

Dès le 13 prairial, le Tribunal arrêta que des registres seraient ouverts jusqu’au 15 messidor pour l’inscription des candidats aux 25 offices d’avoués et aux 9 offices d’huissiers dont il demandait la création. Cette décision fut portée à la connaissance des Préfets et annoncée dans les journaux de la région.

Malgré cette publicité, les hommes de loi auxquels s’adressait surtout l’appel du Tribunal, n’y répondirent point avec l’empressement que l’on aurait pu supposer. Etait-ce indifférence ? Etait-ce défiance à l’égard de ces fonctions encore mal définies ? En tout cas, c’était un mauvais calcul, comme on peut s’en convaincre aujourd’hui. Le Tribunal se vit, avec surprise, obligé de proroger une première fois jusqu’au 15 thermidor, une seconde fois indéfiniment les délais pour l’inscription des candidats avoués et ce ne fut que le 8 vendémiaire an IX, qu’un arrêté manuscrit des Consuls put fixer à 20 le nombre de ses offices et en nommer les titulaires.

Certains embarras financiers préoccupaient également la Compagnie dont les appointements devaient être en partie payés par les départements qui relevaient de sa juridiction. Mais, à ce moment, les Administrations départementales étaient incomplètement organisées et le Tribunal dut, le 14 fructidor, s’adresser au citoyen Cambacérès, 2e consul, pour l’inviter « à faire lever les obstacles qui s’opposaient au versement du contingent, mis à la charge de chaque département pour le traitement des Juges d’appel. »

Diverses autres délibérations eurent pour objet de régler le service des vacances et de former une section qui, pendant cette période, tiendrait trois audiences par décadis ; de nommer une Commission chargée d’examiner le projet de Code civil, sur lequel le Gouvernement demandait l’avis et les observations du Tribunal ; de rédiger un tarif provisoire qui devait être soumis au ministre, et d’après lequel les honoraires des avoués et défenseurs officieux devaient être réglés suivant le travail que l’affaire avait exigé d’eux, pro modo laboris. Le tarif de 1807 s’est montré plus généreux !

J’arrive au terme de cette année 1800, dans les limites de laquelle je dois renfermer ce discours ; laissez-moi cependant tourner encore quelques feuillets de vos registres pour vous parler du premier deuil de notre Compagnie.

Pour la première fois, le 15 prairial an XI, la mort frappa l’un de ses membres, et ce fut le Parquet qui lui paya ce premier tribut, dans la personne du citoyen Auger, substitut du Procureur général, dont le convoi parti du Temple de la Loi fut accompagné par le Tribunal en corps et en costume jusqu’au lieu de l’inhumation.

Mais là ne se bornèrent pas les honneurs rendus à sa mémoire : le 19 messidor, le Tribunal fit célébrer à ses frais en l’église Saint-Sauveur une fête funèbre et religieuse à laquelle furent convoquée les Corps judiciaires, administratifs et militaires, ainsi que la famille du substitut défunt. La cérémonie fut solennelle. Le cortège, après s’être réuni au Temple de la Loi, où l’éloge du citoyen Auger fut prononcé par le citoyen Jourdain, juge d’appel, se rendit précédé d’une musique de la garnison et accompagné d’un piquet d’escorte, à l’église Saint-Sauveur, dans laquelle se fit en grande pompe le service religieux en présence des autorités.

Si je vous ai fait le récit de cette cérémonie, c’est qu’elle fut unique dans nos annales, car trois ans après, le 8 fructidor an XIV, l’on supprima, au moment des funérailles, l’éloge funèbre des magistrats décédés, pour le reporter au jour de l’audience de rentrée du Tribunal. Cet usage s’est conservé jusqu’à notre époque et si j’ai la bonne fortune d’y déroger aujourd’hui, c’est qu’en cette année judiciaire la mort s’est montrée plus clémente envers les membres de notre Compagnie. Deux discours étaient alors prononcés dans cette séance solennelle : l’un par un Président ou Magistrat du siège, l’autre par un membre du Parquet. Le siècle qui finit vous a, Messieurs, débarrassés de l’un, le siècle qui se lève nous déchargera-t-il de l’autre ? Si j’ose émettre ce vœu, ce n’est pas, croyez-le bien, que nous reculions devant le travail qui nous incombe, mais plutôt, c’est que nous craignons, en vous imposant l’obligation de nous entendre, de vous causer quelques moments d’ennui.

Tels furent à Rennes, à son Hôtel de Ville et à son Palais, les événements notables de cette année dont j’ai essayé de vous résumer l’histoire ; et, voilà que déjà le siècle, dont la fin de 1800 marqua la naissance, est à son tour sur le point de se perdre dans le passé. Mais avant de s’éteindre, au milieu de tous les changements de régimes dont il fut le témoin, il a pu retrouver pour veiller sur ses dernières années la République qui berça ses premiers ans.

De son côté, la République n’a pas voulu le laisser disparaître banalement dans l’ombre et dans le silence, et, réunissant autour de lui à son heure dernière toutes ces merveilles qu’enfantèrent son activité et son génie, elle lui a ménagé cette prodigieuse apothéose à laquelle sont venues prendre part les nations du monde civilisé. À son appel les peuples sont accourus avec leurs chefs-d’œuvre, leurs richesses et leurs trésors et, pour les abriter, ont élevé ces palais superbes sur lesquels nous voyons, avec une joie patriotique, leurs pavillons battant au vent de France, former comme une guirlande d’honneur autour de notre drapeau national.

Que nous réserve maintenant le siècle dont nous saluons l’aurore ? Nul ne peut le prédire. Mais qu’il soit, pour notre cher et beau pays de France, un siècle de grandeur et de progrès, un siècle de gloire et de triomphe, de justice et d’égalité, de bienfaisance et de fraternité, et surtout, à travers les vicissitudes de la politique, qu’il garde, protège et défende notre plus chère et plus précieuse conquête : la Liberté !

Messieurs les Avocats,

En 1800, vous n’avez pas cessé, sous le nom de défenseurs officieux, de rester de véritables avocats, conservant les traditions d’honneur, de travail, de désintéressement de l’ancien Barreau du Parlement de Bretagne. Vous avez su même, à diverses reprises, donner pendant cette période troublée, devant les Tribunaux révolutionnaires, de nobles exemples de courage civique pour faire respecter les droits de la défense et protéger les intérêts et la vie de vos clients.

Nous retrouvons aujourd’hui chez vous ces traditions séculaires qui sont la gloire de votre Ordre et nous nous félicitons de vous avoir comme collaborateurs.


Messieurs les Avoués,

En célébrant aujourd’hui votre centenaire, nous nous plaisons à constater tout ce que vos charges si peu désirées en 1800, si recherchées aujourd’hui, ont acquis, au cours de ce siècle, de valeur et d’importance, grâce à l’aptitude, l’entente des affaires, l’activité de leurs titulaires, grâce enfin à toutes ces qualités qui nous rendent votre concours si utile et si précieux.

Pour M. le Procureur Général, nous requérons qu’il plaise à la Cour nous décerner acte de ce que nous avons satisfait aux prescriptions de l’art. 34 du décret du 6 juillet 1810, et admettre MM. les Avocats présents à la barre à renouveler leur serment.

La Cour a décerné acte à M. le Procureur Général du discours qui venait d’être prononcé, et faisant droit à ses réquisitions, a ordonné que les Avocats présents à la barre seraient admis à renouveler leur serment en la manière accoutumée.

En conséquence, la formule du serment a été lue par M. le Premier Président, et chacun des Avocats, à l’appel de son nom, a répondu : « Je le jure. »

La Cour a donné acte du serment et ordonné qu’il en fût fait mention sur ses registres.

M. le Premier Président a annoncé ensuite que la Cour reprend immédiatement ses travaux, et que chacune des Chambres va se rendre dans le lieu accoutumé de ses audiences, pour procéder à l’appel des causes ; après quoi, il a adressé les remerciements de la Compagnie aux Autorités civiles et militaires qui ont assisté à l’Audience solennelle de rentrée, puis il a déclaré l’Audience solennelle terminée.

Étaient présents :

M. Maulion, O. ❄, O. ⸙, Premier Président ;

MM. Adam ❄, Guillaumin ❄, de Savignon-Larombière ❄, Présidents ;

MM. Saulnier, du Bois du Tilleul, Saiget ❄, Charpentier, Oudin, Laisné, Malécot ❄, Le Gorrec, Pavec, Vinet, Dumas, Bourdonnay, Buffé, Bouhier, Sebaux ❄, Fretaud, Cabrye, Conseillers.

M. Roullet ❄, Procureur Général.

MM. Denier et Lacouture, Avocats Généraux.

MM. Lefresne et Drouot, Substituts du Procureur Général.

MM. Lecoq, Greffier en Chef ; Perrignon, Nicolas, Faucheux, Battaglini, Greffiers.


Absents :

MM de Lesquen, Hamel, Conseillers ; Malioudeau, Substitut du Procureur Général, malades à la résidence.


Le registre est signé :
Le Premier Président,
Maulion.
Le Greffier en Chef,
Lecoq.


Pour expédition conforme délivrée à M. le Procureur Général :
Le Greffier en Chef de la Cour d’Appel de Rennes,
Lecoq.



  1. Histoire du Consulat et de l’Empire. I. chap. 1er, p. 3.
  2. Registre des délibérations de la Municipalité, séance du 23 vendémiaire an VIII.
  3. Registre des délibérations, séance du 29 ventôse an VIII, et résumé des états de mois du citoyen Féburier, commissaire du Gouvernement, imprimé chez la veuve Brute, imprimeur de la Municipalité, au Temple de la Loi. VIIIe année républicaine.
  4. Compte rendu déjà cité, page 6 et suivantes.
  5. Lettre au Commandant de place de Mayenne, citée dans la supplique de la Municipalité aux Consuls du 2 nivôse an VIII. Registre des délibérations à cette date, folio 89, verso.
  6. Registre XIII du Tribunal criminel, et dossiers criminels, archives du Palais.
  7. Dossier Dariel-Davory et autres. Archives du Palais.
  8. Registre XIII du Tribunal criminel, no  1127. Audience du 13 thermidor an VIII.
  9. Registre des délibérations, 16 ventôse.
  10. Certains écrivent l’Anonnerie.
  11. Registre des délibérations, 1er vendémiaire an 7.
  12. (Registre des délibérations, à la date).
  13. Registre des délibérations du Conseil municipal, séance du 25 pluviôse an IX.
  14. Emile Souvestre. Revue des deux Mondes, juillet 1838.
  15. Registres de l’an X, 18 septembre 1802.
  16. Victor Hugo, les Feuilles d’Automne. 1.
  17. Registre des délibérations, à la date.
  18. Devis et cahier des charges dressé par le citoyen Binet. Archives départementales.
  19. Registre du Tribunal d’appel, 3 juin 1806.
  20. Registres secrets du Parlement, 1655, et registres du Greffe de la Maison commune de Rennes, 1655, folios 7 et 10, verso.
  21. La chapelle du Palais n’était point encore achevée et l’on ne put y dire la messe que le 1er février suivant. Registres secrets.
  22. Registres secrets, 11 mai 1656.