Renaissance (Albert Giraud)
Renaissance
Avec le rêve ardent de ton regard cuivré,
Où l’âme des clartés rit de se voir plus belle,
Avec ta bouche en feu dans le duvet ambré
De ta lèvre rebelle ;
Avec ta peau halée, où l’orgueil de ton sang
Allume une étincelle héroïque et méchante,
Ton opulente voix au timbre éblouissant,
Comme de l’or qui chante ;
Ton nez d’oiseau rapace et ton masque indompté,
La force de tes mains féminines et minces.
Aux ongles acérés et pleins de volonté
Comme en portaient les princes,
Il te suffit de faire un geste aventureux,
Pour qu’il ait à mes yeux la soudaine puissance
D’évoquer en mon cœur, sous un ciel amoureux,
Toute la Renaissance !
Et j’imagine alors un vaste palais clair
Où des lacs de soleil dorment au pied des arbres,
Et font à leurs reflets vivre comme une chair
La chasteté des marbres.
Je vois se dérouler de larges horizons
Où, parmi les jardins baignés de vapeurs bleues,
Sur la riche émeraude en flammes des gazons,
Les paons lustrent leurs queues.
Voici les cardinaux avec leurs familiers,
Sous un dais de brocart tendu par des esclaves.
Et leurs rouges manteaux sur les blancs escaliers
Coulent comme des laves.
Là, devant un vitrail aux lueurs d’ostensoir,
Sur le balcon vermeil et dans des ombres roses,
Les princesses en fleur hument le vent du soir
Qui leur parle des roses.
Et l’essaim chatoyant des mimes et des fous
Éclate, s’éparpille et ricoche en cadence,
Et l’on voit au travers des grands feuillages roux
Cet arc-en-ciel qui danse !