Recueil intime/Lemerre, 1881/Lethæa

Recueil intimeLemerre (p. 23-24).

Lethæa



Près de moi se tenait une femme si douce
Que moins doux est un nid fait de plume et de mousse.
Le sourire dormait sur sa lèvre. Ses mains
Caressantes avaient des senteurs de jasmins.
Ses bras parlaient d’étreinte et de bonheur dans l’ombre.
Elle était pâle, avec la chevelure sombre.
Ni mouvement ni souffle. Un charme plein d’effroi
Tombait de son visage énigmatique et froid
Dont le calme regard eût dompté des athlètes.
Sur ses cheveux mouraient d’amour des violettes.

Je sentais s’abîmer tous mes fiévreux desseins
Dans l’espoir de dormir au tombeau de ses seins,
Éternellement, sans rien chercher ni rien croire.
Dans sa coupe d’ébène elle m’offrait à boire,
Et je ne savais plus, tant mon trouble était fort,
Si l’amour m’appelait, ou si c’était la mort.