Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris/Nardot

CIMETIÈRE DE MONTMARTRE.

Planche 6.

TOMBEAU DE M. NARDOT.


Ce Tombeau, situé à gauche en entrant, sur le bord du chemin, forme un Sarcophage construit en pierre de liais. L’inscription est gravée en lettres d’or, sur une table de marbre noir, renfoncée.


Particularités sur la mort et l’inhumation de madame Deschennes de Saint-Edmond, et de M. Nardot, son père.


Madame Thérèse-Henriette Nardot, épouse de M. Deschennes de Saint-Edmond, possédait au dernier degré toutes les qualités qui, parmi nous, rendent recommandables les personnes de son sexe. Elle fut tout-à-la-fois et la meilleure des filles et la plus estimable des épouses. Si sa piété filiale pouvait être citée comme un modèle, son père, M. Nardot, avait pour sa fille une tendresse à laquelle rien ne pouvait être comparé. La mort de ce vieillard respectable a prouvé quel était le degré d’attachement qu’il avait pour elle.

Madame Deschennes, par suite d’une couche, fut affligée pendant huit ans d’une maladie de langueur. Son père, pendant toute la durée de cette maladie, agité continuellement par des inquiétudes toujours renaissantes, et partageant par suite de l’extrême tendresse qu’il avait pour elle, toutes les souffrances de sa fille, répondait à chaque instant du jour à tous ceux qui lui demandaient des nouvelles de son état : « Hélas ! elle souffre continuellement ; si j’ai le malheur de
la perdre, je sens que je ne pourrai lui survivre. Si Dieux m’accordait cette faveur, mon plus grand désir serait d’être inhumé auprès d’elle ».

Un jour, en sortant de table, il demande à une personne qui venait de quitter la malade, dans quel état pour le moment elle se trouvait : on lui répondit très-inconsidérément qu’elle venait de mourir ; M. Nerdot, frappé comme d’un coup de foudre, tombe aussitôt sans connaissance ; en vain lui prodigue-t-on tous les secours pour le rappeler à la vie, il expire, après être demeuré dans cet état pendant quatre heures.

La famille, pleine de respect pour la volonté de ce vieillard si profondément sensible, a regardé comme un devoir sacré l’obligation d’accomplir le vœu qu’il avait si souvent exprimé. La même pompe funèbre servit au père et à la fille. Tous deux furent présentés au même instant à Saint-Roch, leur paroisse ; les mêmes cérémonies religieuses leur furent communes, ensuite, transportés au Cimetière de Montmartre, on les enterra provisoirement dans une même fosse, où ils demeurèrent jusqu’au moment où M. Deschennes de Saint-Edmond les fit exhumer pour les placer ensemble dans le Tombeau qu’il leur fit élever, et dont nous donnons ici la gravure. Ce tombeau est une espèce de caveau sans voussure, solidement muré des quatre faces, rempli d’un sable fin jusqu’à fleur de terre, et recouvert d’un Sarcophage d’une belle proportion.

Nota. Madame Deschennes et M. Nardot sont décédés le 28 février 1812. Madame Deschennes, âgée d’environ 30 ans ; et M. Nardot, âgé de 83 ans.