Recherches sur les végétaux nourrissans/Seizième Objection


pain, elles doivent ſuſtenter davantage & d’une manière encore plus commode.

Si dix degrés de chaud & de froid ſuffiſent ſouvent pour anéantir la proviſion de l’hiver en pommes de terre : lorſque ce malheur arrive, au lieu de s’abandonner à la douleur & au déſeſpoir, ou bien de courir les riſques de s’alimenter d’une ſubſtance de mauvais goût, on pourroit faire cuire ces racines altérées dans leur organiſation & les introduire dans la pâte des différens grains ; on pourroit en retirer l’amidon qu’elles contiennent ; il eſt auſſi ſain & auſſi nourriſſant qu’avant la gelée & la germination ; ainſi, loin que la panification puiſſe nuire à la pomme de terre, elle eſt un moyen de l’approprier encore à la nourriture.


Seizième Objection.


Dans la ſuppoſition qu’il n’y ait aucune ſuite fâcheuſe à redouter de l’uſage du pain de pommes de terre ſans mélange, ne ſeroit-il pas dangereux de paſſer bruſquement d’un aliment à un autre, ſur-tout lorſque cet aliment fait la baſe de la nourriture journalière, & qu’il accompagne tout ce qu’on mange depuis le commencement juſqu’à la fin du repas ? le pain préparé avec les différens grains, produit indépendamment de l’effet nutritif, d’autres propriétés qui caractériſent l’eſpèce de grain dont il eſt compoſé, mais la pomme de terre eſt une racine dont les parties conſtituantes étant infiniment plus groſſières que celles des ſemences, il ne doit y avoir aucune affinité entr’elles.


Réponse.


Il y a infiniment plus de rapport avec le pain, ſoit de froment, ou de ſeigle, ou de pommes de terre, qu’il n’en exiſte avec le pain d’orge & de ſarraſin. Le pain de pommes de terre, mélangé ou non, a même une propriété qui manque à celui de froment, c’eſt de ſe tenir frais longtemps ſans ſe moiſir intérieurement ni contracter aucun mauvais goût, du moins c’eſt l’obſervation qu’ont ſaite pluſieurs perſonnes qui ne ſont pas enthouſiaſtes, ce qui eſt à conſidérer par rapport à l’avantage qu’on aurait de ne pas être obligé de cuire auſſi ſouvent.

A l’égard des parties conſtituantes des racines que l’on regarde fort mal-à-propos comme moins élaborées que celles des ſemences, l’expérience prouve bien que les premières ſont infiniment plus abondantes en matière fibreuſe, mais les autres principes y ſont auſſi atténués que dans les autres parties de la fructification des Plantes. N’en retire-t-on point du camphre, du ſucre & de l’amidon, des ſubſtances colorantes auſſi parfaites que des autres parties des Plantes ! deſtinées à élaborer les premiers ſucs nourriciers qui concourrent au développement, il a bien fallu que la Nature donnât aux racines une ſolidité plus conſidérable !


Dix-septième Objection.


Quelles ſont les expériences en grand, propres à conſtater de la manière la plus déciſive, que le pain de pommes de terre eſt auſſi ſubſtantiel & auſſi nourriſſant que celui du froment pris dans la même quantité ?


Réponse.


Il ſeroit à deſirer ſans doute que des eſſais variés & répétés en grand pendant un eſpace de temps aſſez long, euſſent appris à quoi s’en tenir à ce ſujet ; le temps &