On ne peut pas prouver que les pommes de terre apprêtées ſous les formes ordinaires, même mélangées en différentes proportions avec la farine de nos grains, ait produit quelques changemens dans l’économie animale, mais a-t-on la même certitude à l’égard de ce pain préparé ſans mélange ?
Tout le monde ſait que les farineux ſe perfectionnent étant broyés, pétris, fermentés & cuits ; la première opération atténue leurs parties, la féconde les combine avec l’air & l’eau, la troiſième augmente leur volume, la quatrième enfin, achève de former un tout homogène & parfait : or les pommes de terre dans leur paſſage à l’état panaire, ſubiſſent les mêmes changemens & acquièrent les mêmes avantages : ces racines pourroient même avoir quelques déſauts qu’elles perdraient durant la fermentation ; or ſi les pommes de terre cuites dans l’eau ou ſous la cendre, ſont digeſtibles & nourriſſantes ſous la forme de pain, elles doivent ſuſtenter davantage & d’une manière encore plus commode.
Si dix degrés de chaud & de froid ſuffiſent ſouvent pour anéantir la proviſion de l’hiver en pommes de terre : lorſque ce malheur arrive, au lieu de s’abandonner à la douleur & au déſeſpoir, ou bien de courir les riſques de s’alimenter d’une ſubſtance de mauvais goût, on pourroit faire cuire ces racines altérées dans leur organiſation & les introduire dans la pâte des différens grains ; on pourroit en retirer l’amidon qu’elles contiennent ; il eſt auſſi ſain & auſſi nourriſſant qu’avant la gelée & la germination ; ainſi, loin que la panification puiſſe nuire à la pomme de terre, elle eſt un moyen de l’approprier encore à la nourriture.
Dans la ſuppoſition qu’il n’y ait aucune ſuite fâcheuſe à redouter de l’uſage du pain de pommes de terre ſans mélange, ne ſeroit-il pas dangereux de paſſer bruſquement d’un aliment à un autre, ſur-tout lorſque cet aliment fait la baſe de la nourriture journalière, & qu’il accompagne tout ce qu’on mange depuis le