Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations/Livre 4/8

Traduction par Germain Garnier, Adolphe Blanqui.
Guillaumin (tome IIp. 282-309).


CHAPITRE VIII.

conclusion du système mercantile.


Quoique l’encouragement de l’exportation et le découragement de l’importation soient les deux grandes mesures par lesquelles le système mercantile se propose d’enrichir le pays, cependant, à l’égard de certaines marchandises en particulier, il paraît suivre un plan tout opposé : il décourage l’exportation et encourage l’importation. Toutefois, à ce qu’il prétend, l’objet qu’il se propose en dernier résultat est toujours le même : c’est d’enrichir le pays par une Balance de commerce avantageuse. Il dé­cou­rage l’exportation de matières premières de manufactures et des instruments de métier, afin de donner à nos ouvriers un avantage sur ceux des autres nations et de les mettre en état de supplanter ceux-ci sur tous les marchés étrangers ; et en restreignant ainsi l’exportation d’un petit nombre de marchandises de peu de valeur, il espère donner lieu à une exportation bien plus forte et d’une bien plus grande valeur dans les autres genres de produits. Il encourage l’importation des matières premières de manufactures, afin que nous puissions être dans le cas de travailler nous-mêmes à meilleur marché, et afin d’empêcher par ce moyen une importation plus forte et plus chère de marchandises manufacturées. Je ne sache pas qu’il existe d’encouragements donnés à l’importation des instru­ments d’industrie, au moins je n’en trouve aucun dans notre Recueil de statuts. Quand les manufactures ont atteint un certain degré de développement, la fabrication des instruments d’industrie devient elle-même l’objet d’un grand nombre de fabriques très-importantes. Donner un encouragement particulier à l’importation de ces instruments, c’eût été faire un trop grand tort à ces fabriques. Aussi cette importation, au lieu d’être encouragée, a été souvent prohibée. Un acte de la troisième année d’Édouard IV a prohibé l’importation des cardes à carder la laine, à moins qu’elles ne fussent importées d’Irlande ou qu’elles ne fissent partie d’une prise ou d’un naufrage. Cette prohibition a été renouvelée par le statut de la trente-neuvième année d’Élisabeth, et des lois postérieures l’ont continuée et rendue perpétuelle[1].

L’importation des matières premières de manufactures a été encouragée tantôt par une exemption des droits auxquels les autres marchandises sont assujetties et tantôt par des primes.

L’importation de la Laine non ouvrée de plusieurs pays différents, celle du coton en laine de tous les pays, celle du lin non sérancé, celle de la plus grande partie des drogues propres à la teinture, celle de la plupart des cuirs non apprêtés d’Irlande ou des colonies anglaises, des peaux de veau marin de la pêche anglaise du Groënland, celle du fer en saumons ou en barres des colonies anglaises, aussi bien que celle de plusieurs autres matières premières de manufactures, ont été encouragées par une exemption de tous droits, pourvu qu’elles fussent déclarées au bureau des douanes dans les formes prescrites. L’intérêt particulier de nos marchands et manufacturiers a peut-être arraché à la législature ces exemptions, tout comme il a fait de la plupart de nos autres règlements de commerce. Elles sont néanmoins parfaitement justes et raisonnables, et si l’on pouvait, sans nuire aux besoins de l’État, les étendre à toutes les autres matières de manufactures, certainement le public ne pourrait qu’y gagner[2].

Néanmoins, l’avidité de nos gros manufacturiers a, dans certains cas, étendu ces exemptions beaucoup au-delà de ce qu’on peut justement regarder comme pure matière première de leur manufacture. Par le statut de la vingt-quatrième année de Georges II, chap. xlvi, un léger droit d’un denier par livre seulement avait été établi sur l’importation des fils écrus ou roux de l’étranger, au lieu de droits beaucoup plus forts auxquels ils étaient assujettis auparavant, savoir : de 6 deniers par livre sur le fil de voiture, d’une schelling par livre sur les fils de France et de Hollande, et de 2 livres 13 sous 4 deniers par quintal sur le fil de Russie. Mais nos manufacturiers ne furent pas longtemps satisfaits de cette réduction. Par le statut de la vingt-neuvième année du même roi, chapitre xv (la même loi qui accorde une prime à l’exportation des toiles d’Angleterre et d’Irlande dont le prix n’excéderait pas 18 pence l’aune), on supprima même ce faible droit sur l’importation des fils écrus. Cependant, dans les différentes opérations nécessaires à la préparation du fil de tisserand, il y a beaucoup plus de travail employé que dans les opérations à faire ensuite pour mettre ce fil en œuvre de toile. Sans parler du travail de ceux qui font croître le lin et de ceux qui le sérancent, il faut au moins trois ou quatre fileuses pour tenir un tisserand constamment occupé, et dans la totalité du travail nécessaire à la fabrication de la toile, les quatre cinquièmes tout au moins sont pour la préparation du fil. Mais c’est que notre filature se fait par de pauvres gens, ordinairement par des femmes qui vivent dispersées dans les divers endroits du pays et qui n’ont ni appui ni protection. Ce n’est pas sur la vente de l’ouvrage de celles-ci, mais c’est sur la vente de l’ouvrage complet sortant des mains des tisserands que nos gros maîtres manufacturiers font leurs profits. Comme c’est leur intérêt de vendre l’ouvrage fait le plus cher qu’ils peuvent, c’est pareillement leur intérêt d’en acheter la matière première au meilleur marché possible. En surprenant à la législature des primes pour l’exportation de leurs toiles, de forts droits sur l’importation de toutes les toiles étrangères et une prohibition absolue de la consommation de quelques espèces de toiles françaises dans l’intérieur, ils ont cherché à vendre leurs propres marchandises aussi cher que possible. En encourageant l’importation du fil étranger pour toiles et en le faisant venir ainsi en concurrence avec celui que filent nos ouvriers, ils cherchent à acheter au meilleur marché possible l’ouvrage des pauvres qui vivent de ce métier. Ils ne sont pas moins attentifs à tenir à bas prix les salaires de leurs tisserands que ceux des pauvres fileuses ; et s’ils cherchent tant à hausser le prix de l’ouvrage fait ou à faire baisser celui de la matière première, ce n’est nullement pour le profit de l’ouvrier. L’industrie qu’encourage principalement notre système mercantile, c’est celle sur laquelle porte le bénéfice des gens riches et puissants. Celle qui alimente les profits du faible et de l’indigent est presque toujours négligée ou opprimée[3].

La prime pour l’exportation de la toile, ainsi que l’exemption de droits sur l’importation du fil étranger, qui n’avaient été accordées que pour quinze ans, mais qui ont été continuées par deux prolongations différentes, expirent à la fin de la session du parlement, immédiatement après le 24 juin 1786.

L’encouragement donné à l’importation des matières premières de manufactures par des Primes a été borne principalement à celles qui s’importent de nos colonies d’Amérique.

Les premières primes de ce genre furent celles accordées vers le commencement de ce siècle, sur l’importation des munitions navales d’Amérique. Sous cette dénomination, on comprit le bois propre aux mâts, vergues et beauprés, le chanvre, la poix, le goudron et la térébenthine. Cependant, la prime de 1 livre par tonneau sur le bois de mâture, et celle de 6 livres par tonneau sur le chanvre, furent étendues à celles de ces denrées que l’on importerait d’Écosse en Angleterre. Ces deux primes restèrent sans variations sur le même pied jusqu’à leur expiration, qui arriva, pour celle sur le chanvre, le 1er janvier 1741, et pour celle sur le bois de mâture, à la fin de la session parlementaire, immédiatement après le 24 juin 1781.

Les primes à l’importation de la poix, du goudron et de la térébenthine ont subi diverses modifications pendant leur durée. Dans le principe, celle sur le goudron était de 4 liv. par tonneau, celle sur la poix était la même, et celle sur la térébenthine de 3 liv. par tonneau. La prime de 4 liv. par tonneau pour le goudron a été par la suite restreinte à celui qui serait préparé d’une certaine manière, et celle pour tout autre goudron, bon, loyal et marchand, a été réduite à 2 liv. 4 sch. par tonneau. La prime sur la poix a été aussi modérée à 1 liv., et celle sur la térébenthine à 1 liv. 10 sch. par tonneau.

La seconde prime à l’importation des matières premières de manufactures, en suivant l’ordre de date, fut celle accordée par le statut de la vingt-unième année de Georges II, chapitre xxx, sur l’importation de l’indigo des colonies anglaises. Lorsque l’indigo de nos colonies ne s’élevait qu’aux trois quarts du prix du meilleur indigo de France, il avait droit, par cet acte, à une prime de 6 den. par liv. Cette prime qui a été accordée, comme la plupart des autres, pour un temps limité seulement, fut continuée par différentes prolongations, mais elle fut réduite à 4 den. par livre. On l’a laissée expirer à la fin de la session parlementaire, terminée immédiatement après le 25 mars 1781.

La troisième prime de ce genre fut celle accordée à l’importation du chanvre ou du lin non sérancé des colonies anglaises par le statut de la quatrième année de Georges III, chapitre xxvi, dans le temps même où nous commencions tantôt à nous quereller avec nos colonies d’Amérique, tantôt à vouloir nous les attacher par des grâces. Cette prime fut accordée pour vingt et un ans, du 24 juin 1764 au 24 juin 1785. Pour les premières sept années, elle devait être de 8 liv. par tonneau ; pour les sept secondes, de 6 liv., et pour les sept dernières, de 4 liv. On ne l’étendit pas à l’Écosse, dont le climat n’est pas très-propre à cette production, quoiqu’il y croisse quelquefois du chanvre en petite quantité et de qualité inférieure. Une pareille prime à l’importation du lin d’Écosse en Angleterre aurait été un trop grand découragement pour les produits analogues du midi de la Grande-Bretagne.

La quatrième prime de ce genre fut celle accordée par le statut de la cinquième année de Georges III, chap. xlv, à l’importation du bois d’Amérique ; elle fut accordée pour neuf années, du 1er janvier 1766 au 1er janvier 1775 ; elle devait être, pendant les trois premières années, sur le pied de 1 liv. par chaque cent vingt bonnes tiges de sapin, et de 12 sch. par chaque charge de cinquante pieds cubes et des autres bois carrés. Pour les secondes trois années, elle était pour les sapins de 15 sch. et pour l’autre bois carré, de 8 sch. ; pour le troisième et dernier terme de trois ans, de 10 sch. sur les sapins et de 5 sur les autres bois carrés.

La cinquième prime de ce genre fut celle accordée par le statut de la neuvième année de Georges III, chap. xxxviii, sur l’importation des soies écrues des plantations anglaises. Elle fut accordée pour vingt et un ans, à compter du 1er janvier 1770 jusqu’au 1er janvier 1791 ; elle fut établie, pour les premières années, sur le pied de 25 pour 100 de la valeur, de 20 pour 100 pendant les secondes sept années, et de 15 pour 100 pendant les sept dernières. L’éducation des vers et la préparation de la soie exigent tant de travail manuel, et ce travail est si cher en Amérique, qu’on ne s’attendait guère, m’a-t-on dit, que cette prime, tout élevée qu’elle était, dût produire aucun effet considérable.

La sixième prime de ce genre fut celle accordée par le statut de la onzième année de Georges III, chapitre l, à l’importation des fonds et douves pour pipes, muids et barils, importés des plantations anglaises. Elle fut établie pour neuf années, du 1er janvier 1772 au 1er janvier 1781. Pour les trois premières années, elle était sur le pied de 6 livres pour une quantité déterminée de ces marchandises, de 4 livres pendant les secondes trois années, et de 2 livres pendant les trois dernières.

La septième et dernière prime de ce genre fut celle accordée par le statut de la dix-neuvième année de Georges III, chap. xxxvii, à l’importation du chanvre d’Irlande ; elle a été accordée de la même manière que celle sur l’importation du chanvre et du lin non sérancé d’Amérique, pour vingt et un ans à compter du 24 juin 1779 jusqu’au 24 juin 1800[4]. Ce terme est pareillement divisé en trois périodes de sept années chacune, et dans chacune de ces périodes le taux de la prime pour l’Irlande est le même que le taux de celle pour l’Amérique ; cependant elle ne s’étend pas, comme celle de l’Amérique, à l’importation du lin non sérancé ; elle aurait trop découragé la culture de cette plante en Angleterre. Quand cette dernière prime fut accordée, les législatures de la Grande-Bretagne et de l’Irlande n’étaient pas beaucoup mieux l’une avec l’autre que n’avaient été auparavant celles de la Grande-Bretagne et de l’Amérique. Mais il faut espérer que cette faveur accordée à l’Irlande l’aura été sous de meilleurs auspices que celles accordées à l’Amérique.

Les mêmes marchandises sur lesquelles nous avons accordé ainsi des primes à leur importation d’Amérique, ont été assujetties à des droits considérables à leur importation de tout autre pays. On regardait l’intérêt de nos colonies d’Amérique comme étant le même que celui de la métropole ; leur richesse était censée la nôtre ; tout ce que nous leur envoyions d’argent nous revenait, disait-on, par la balance du commerce, et quelques dépenses que nous fissions pour elles, nous n’en pouvions jamais devenir d’un sou plus pauvres. Les colonies étaient, à tous égards, notre propre chose ; ces dépenses étaient donc toutes faites pour bonifier une propriété qui était la nôtre, et elles tournaient à l’emploi et au profit de gens qui ne faisaient avec nous qu’une même nation. Je pense qu’il n’est pas besoin d’en dire davantage à présent pour montrer toute l’absurdité d’un système qu’une funeste expérience n’a que trop fait juger. Si réellement les colonies américaines avaient été une partie de la Grande-Bretagne, ces primes auraient pu être regardées comme des encouragements à la production, et elles auraient été sujettes à toutes les objections qui s’élèvent contre ces sortes de primes, mais à ces objections-là seulement.

L’exportation des matières premières de manufactures est découragée tantôt par des prohibitions absolues, tantôt par des droits élevés.

Nos manufacturiers en lainages ont mieux réussi qu’aucune autre classe d’industriels à persuader à la législature que la prospérité de la nation dépendait du succès et de l’étendue de leur branche particulière d’industrie. Non-seulement ils ont obtenu un monopole contre les consommateurs par une prohibition absolue d’importer des étoffes de laine, de quelque pays étranger que ce soit, mais ils se sont fait donner encore un autre monopole contre les fermiers qui élèvent des moutons et contre les producteurs de laine par une semblable prohibition sur l’exportation du bétail vivant et sur celle de la laine. On s’est souvent plaint avec justice de la rigueur des peines portées pour assurer le revenu de l’État, comme établissant des châtiments sévères pour des actions que l’on avait toujours regardées comme innocentes avant les statuts qui les ont déclarées criminelles. Mais je puis l’affirmer hardiment : les plus cruelles de nos lois fiscales sont douces et modérées en comparaison de quelques-unes de celles que les clameurs de nos marchands et de nos manufacturiers ont arrachées à la législature pour le soutien de leurs injustes et absurdes monopoles. On peut dire de ces lois ce que l’on a dit de celles de Dracon, qu’elles ont toutes été écrites avec du sang.

Par le statut de la huitième année d’Élisabeth, chapitre III, quiconque exporte des brebis, agneaux ou béliers, doit pour la première fois avoir tous ses biens confisqués à perpétuité, subir un emprisonnement d’un an, et au bout de ce temps avoir la main gauche coupée, à un jour de marché, dans une ville où elle restera clouée ; en cas de récidive, il est jugé coupable de félonie[5], et en conséquence puni de mort. Il semble que l’objet de cette loi a été d’empêcher que la race de nos brebis ne se propageât dans les pays étrangers. Par des actes des treizième et quatorzième années de Charles II, l’exportation de la laine fut réputée crime de félonie, et le délinquant sujet aux peines et confiscations attachées à ce crime.

Il faut supposer, pour l’honneur de la nation, que ni l’un ni l’autre de ces statuts n’a jamais été mis à exécution. Cependant le premier, autant que je sache, n’a jamais été expressément révoqué, et le jurisconsulte Hawkins paraît le regarder comme étant en vigueur. Mais il est censé peut-être révoqué indirectement par le statut de la douzième année de Charles II, chap. xxxii, section 3, qui, sans abolir formellement les peines portées par les anciens statuts, établit une nouvelle peine, savoir : celle d’une amende de 20 schellings pour chaque brebis exportée ou qu’on aurait essayé d’exporter et, en outre, la confiscation tant des brebis que de tout ce que le propriétaire peut posséder dans le vaisseau. Le second a été expressément révoqué par les actes des septième et huitième années de Guillaume III, chap. xxviii, section 4, ainsi conçus : « Attendu que les statuts des treizième et quatorzième années du roi Charles Il contre l’exportation de la laine, entre autres dispositions y mentionnées, portent que cette exportation sera réputée félonie, la rigueur de laquelle peine a empêché de faire des poursuites efficaces contre les prévenus de ces délits, il est définitivement statué par ces présentes que ledit acte, en ce qui concerne la peine de félonie, contre lesdits délits, demeure, à cet égard seulement, nul et révoqué. »

Mais les peines établies par ce statut moins rigoureux, ou bien celles portées par d’anciens statuts qu’il ne révoque point, sont encore bien assez rigoureuses. Outre la confiscation des marchandises, le délinquant encourt une amende de 3 schellings par chaque livre pesant de laine exportée ou qu’il aurait essayé d’exporter, ce qui en est environ quatre ou cinq fois la valeur. Tout marchand ou autre personne convaincue de ce délit est déchue du droit de répéter aucune dette ou compte de ses facteurs ou de qui que ce soit. Quelle que puisse être la fortune du délinquant, qu’il soit ou non en état de supporter d’aussi fortes amendes, l’intention de la loi est de le ruiner complètement. Mais comme la morale du peuple n’est pas encore aussi corrompue que celle des auteurs d’un pareil statut, je n’ai jamais entendu dire qu’aucun débiteur se soit prévalu de cette clause. Si la personne convaincue du délit n’est pas en état de satisfaire à ces peines dans les trois mois du jugement, elle est déportée pour sept ans, et si elle revient avant l’expiration de ce terme, elle est dans le cas des peines de la félonie, sans bénéfice de clergie[6]. Le propriétaire du vaisseau, s’il a eu connaissance du délit, est puni par la confiscation de son intérêt dans le bâtiment et les apparaux. Le maître de l’équipage et les matelots qui ont participé à la contravention encourent la confiscation de tous leurs biens meubles et trois mois de prison. Par un statut subséquent, la prison du maître est portée à six mois.

Dans la vue d’empêcher l’exportation, tout le commerce intérieur de la laine est soumis aux gênes les plus dures et les plus oppressives. On ne peut l’emballer en boîte, baril, caisse, coffre ou autre chose quelconque, mais seulement la renfermer sous une enveloppe de cuir ou de toile d’emballage, sur laquelle il faut marquer en dehors les mots laine ou fil de laine, en grosses lettres, d’au moins trois pouces de long, sous peine de confiscation de la marchandise et de l’enveloppe, et d’une amende, contre le propriétaire ou l’emballeur, de 3 schellings par chaque livre pesant. On ne peut la charger sur un cheval ou sur un chariot, ni la transporter par terre plus près que cinq milles des côtes, si ce n’est entre le soleil levant et le soleil couchant, à peine de confiscation de la marchandise, des chevaux et de la voiture. La centénerie[7] voisine, joignant les côtes, hors de laquelle ou à travers laquelle la laine a été voiturée ou exportée, doit une amende de 20 livres, si la laine en contravention est d’une valeur moindre de 10 livres ; et si la valeur est plus forte, l’amende est alors du triple de cette valeur, outre le triple des frais, le tout payable dans l’année. L’exécution se fait contre deux des habitants, que les sessions sont tenues de faire rembourser par une taxe assise sur tous les autres habitants, comme dans le cas de vol. Si quelqu’un s’avise de composer avec la centénerie pour une peine moindre que celle-ci, il est puni de cinq ans de prison, et toute autre personne est autorisée à faire la poursuite. Ces règlements sont en vigueur dans toute l’étendue du royaume.

Mais dans les comtés de Kent et de Sussex en particulier, les gênes sont encore plus incommodes. Tout propriétaire de bêtes à laines, dans les dix milles des côtes de la mer, doit fournir à l’officier de la douane le plus voisin, trois jours après la tonte, un état par écrit du nombre de ses toisons et du lieu où elles sont placées ; et avant d’en déplacer la moindre partie, il faut qu’il donne une pareille déclaration du nombre et du poids des toisons qu’il veut faire enlever, du nom et demeure de la personne à qui elles sont vendues, et du lieu auquel il entend les faire transporter. Personne à distance de quinze milles de la mer, dans ces comtés, ne peut acheter de laine, sans préalablement s’obliger envers le roi qu’aucune partie de cette laine ne sera vendue par lui à autre personne demeurant dans les quinze milles du voisinage de la mer. Si l’on trouve dans ces comtés quelqu’un transportant de la laine du côté de la mer sans avoir contracté l’engagement dont je viens de parler et sans avoir donné caution, la laine est confisquée et le délinquant mis de plus à l’amende de 3 schellings par livre pesant. Si quelqu’un tient de la laine en dedans de cette distance de quinze milles de la mer sans avoir rempli les formalités ci-dessus, elle est saisie et confisquée, et si quelqu’un vient à la réclamer après la saisie, il faut qu’il donne caution à l’Échiquier pour le payement du triple des frais, outre les autres peines en cas qu’il succombât au procès.

Quand le commerce intérieur est assujetti à de pareilles entraves, on doit bien présumer qu’il n’a pas été laissé une grande liberté au commerce de côte en côte. Tout propriétaire qui transporte ou fait transporter de la laine à quelque port ou endroit de la côte, pour être de là transportée par mer à un autre port ou endroit de la côte, doit d’abord en faire faire la déclaration au port d’où il entend en faire faire le départ, avec désignation des poids, marques et nombre des ballots, avant qu’elle puisse être portée dans les cinq milles du voisinage de ce même port, sous peine de confiscation de la laine, ainsi que des chevaux, chariots et autres voitures, et encore sous toutes les peines et amendes portées par les autres lois subsistantes contre l’exportation de la laine. Cette loi cependant (première année de Guillaume III, chap. xxxii) a l’extrême indulgence de déclarer : « Que cette disposition n’empêche pas que toute personne puisse transporter sa laine chez soi du lieu où se fait la tonte, quand même ce serait en dedans des cinq milles du bord de la mer, pourvu que dans les dix jours après la tonte, et avant de déplacer sa laine, elle fournisse au plus proche officier des douanes une déclaration, certifiée et signée d’elle, du véritable nombre des toisons, et du local où elles sont déposées, et pourvu encore qu’elle ne déplace pas ladite laine sans donner au même officier une déclaration aussi signée, portant qu’elle a intention de faire ce déplacement, laquelle déclaration sera donnée trois jours d’avance. » Il faut donner caution que la laine à transporter par mer le long des côtes sera débarquée au port particulier pour lequel elle a été déclarée, et si l’on en débarque la moindre partie hors la présence d’un officier, non-seulement il y a peine de confiscation de la laine, comme pour toutes les autres marchandises, mais il y a encore la peine ordinaire de l’amende additionnelle de 3 schellings par livre pesant de laine[8].

Lorsque nos fabricants en laine ont sollicité des règlements aussi extraordinaires et aussi oppressifs, pour justifier leurs démarches ils ont soutenu avec assurance que la laine d’Angleterre était d’une qualité particulière, supérieure à celle de tous les autres pays ; que la laine des autres pays ne pourrait même être travaillée de manière à faire aucun ouvrage passable, sans quelque mélange de celle-là ; que sans cette laine on ne saurait fabriquer de drap fin ; que par conséquent, si l’on parvenait à en empêcher totalement l’exportation, l’Angleterre s’assurerait le monopole de presque tout le commerce de draps du monde entier, et qu’ainsi n’ayant point de rivaux, et vendant dès lors au prix qu’elle voudrait, elle arriverait en peu de temps à un degré incroyable d’opulence, au moyen de la balance du commerce la plus avantageuse possible. Cette doctrine, comme beaucoup d’autres qui sont soutenues par un grand nombre de gens avec le ton de la plus haute confiance, fut crue sur parole, et l’est encore aujourd’hui par un bien plus grand nombre, par presque tous ceux qui ne sont pas très-au fait du commerce de lainerie, ou qui n’ont pas fait là-dessus de recherches particulières. Il est néanmoins si complètement faux que la laine d’Angleterre soit nécessaire, à un degré quelconque, à la fabrication des draps fins, que même elle est tout à fait impropre à ce genre d’ouvrage. Les draps fins sont faits en entier de laine d’Espagne. La laine d’Angleterre ne peut même être mélangée avec la laine d’Espagne, pour entrer dans la composition de ces sortes de draps, sans en dégrader et en altérer, à un certain point, la belle qualité.

Dans une précédente partie de cet ouvrage, on a démontré que l’effet de ces règlements avait été de rabaisser le prix de la laine d’Angleterre, non-seulement au-dessous de ce qu’il serait naturellement dans le moment actuel, mais même beaucoup au-dessous de ce qu’il était au temps d’Edouard III. On dit que lorsque la laine d’Écosse, en conséquence de l’union des deux royaumes, vint à être assujettie à ces règlements, son prix baissa environ de moitié. L’auteur très-exact et très-intelligent des Mémoires sur les laines, M. John Smith, observe que le prix de la meilleure laine anglaise, en Angleterre, est généralement au-dessous de ce que la laine d’une qualité très-inférieure se vend communément au marché d’Amsterdam. Le but avoué de ces règlements était de rabaisser le prix de cette denrée au-dessous de ce qu’on peut appeler son prix naturel et son juste prix, et il paraît qu’il n’y a pas à douter qu’ils n’aient produit l’effet qu’on s’en promettait.

On pourrait croire peut-être que cet avilissement du prix de la laine, décourageant la production de cette denrée, a dû diminuer de beaucoup son produit annuel, et en réduire la quantité, sinon au-dessous de ce qu’elle était anciennement, au moins au-dessous de ce qu’elle serait vraisemblablement, dans l’état actuel des choses, si, par un marché libre et absolument ouvert, on eût laissé la denrée s’élever à son prix naturel, et à ce qu’on peut nommer réellement son juste prix. Je suis cependant porté à croire que si la quantité du produit annuel a pu se ressentir quelque peu de ces règlements, elle ne s’en est pas trouvée beaucoup diminuée. La production de la laine n’est pas le principal objet que se propose, dans l’emploi de son industrie et de son capital, le fermier qui élève des moutons. Il n’attend pas tant son profit du prix de la toison que de celui du corps de la bête, et le prix moyen ou ordinaire de ce dernier article doit même le plus souvent lui bonifier tout le déficit qu’il peut y avoir dans le prix moyen ou ordinaire de la toison. Dans la première partie de cet ouvrage, on a observé que « tous règlements, quels qu’ils soient, qui tendent à abaisser le prix, soit de la laine, soit de la peau crue, au-dessous de ce qu’il serait naturellement, doivent nécessairement, dans un pays cultivé et amélioré, avoir quelque tendance à faire hausser le prix de la viande de boucherie. Il faut que le prix du bétail qu’on nourrit sur une terre améliorée et cultivée, soit gros, soit menu bétail, suffise à payer la rente et le profit que le propriétaire et le fermier sont en droit d’attendre d’une terre améliorée et cultivée ; sans cela, ceux-ci cesseraient bientôt d’en nourrir. Ainsi, toute partie de ce prix qui ne se trouve pas payée par la laine et la peau, il faut que le corps la paye. Moins on paye pour l’un de ces articles, plus il faut payer pour l’autre. Pourvu que le propriétaire et le fermier trouvent tout leur prix, il leur importe peu comment il est réparti sur les différentes parties de la bête. Ainsi, comme propriétaires et comme fermiers, dans tout pays cultivé et amélioré, ils ne peuvent guère être lésés par de tels règlements, quoiqu’ils puissent en souffrir, comme consommateurs, par la hausse du prix des vivres ». Si ce raisonnement est juste, l’avilissement du prix de la laine n’est donc pas dans le cas d’occasionner, dans un pays cultivé et amélioré, une diminution de quantité dans le produit annuel de la denrée, à moins seulement qu’en faisant hausser le prix de la chair du mouton, il ne puisse en diminuer la demande et, par conséquent, la production de cette sorte de viande. Cependant son effet, même sous ce rapport, ne saurait être, selon toute apparence, bien considérable.

Mais si l’effet de cet avilissement du prix peut bien n’avoir pas été très-considérable sur la quantité du produit annuel, son effet sur la qualité, pourrait-on croire, a dû être nécessairement fort important. Il serait naturel de présumer qu’à mesure de l’avilissement du prix, la qualité de laine anglaise a dû, dans la même proportion à peu près, se dégrader, sinon au-dessous de ce qu’elle était dans l’ancien temps, au moins au-dessous de ce qu’elle eût été naturellement dans l’état actuel de la culture et de l’amélioration. Comme la qualité dépend de la nourriture des brebis, de la nature de leur pâturage et de la manière plus ou moins propre et soignée dont elles sont tenues pendant tout le temps que la toison met à pousser et à croître, il est assez naturel de penser que l’attention qu’on apportera à toutes ces choses sera toujours en proportion de la récompense qu’on pourra espérer de la toison, pour se payer du travail et de la dépense que cette attention aura exigés. Néanmoins, il arrive que la bonté de la toison dépend en grande partie de la santé, de la taille et de la force de l’animal ; la même attention qu’il faut apporter pour bonifier le corps de la brebis est, à un certain point, suffisante pour bonifier la toison. Malgré la baisse que le prix a souffert, on assure que la laine anglaise a considérablement gagné en qualité, même pendant le cours de ce siècle. Peut-être aurait-elle encore plus gagné à cet égard, si le prix eût été meilleur ; mais si l’avilissement du prix a pu nuire à cette bonification, il ne l’a certainement pas empêché totalement.

Les mesures violentes établies par ces règlements n’ont donc pas, à ce qu’il semble, autant influé qu’on aurait pu s’y attendre, tant sur la quantité du produit annuel de la laine, que sur sa qualité, quoique je sois d’avis qu’elles ont dû vraisemblablement influer beaucoup plus sur la dernière que sur l’autre ; et si, au total, l’intérêt des producteurs de cette denrée a dû en souffrir, c’est toujours de beaucoup moins qu’on aurait pu le penser.

Toutefois, ces considérations ne sauraient justifier la prohibition absolue de l’exportation de la laine, mais elles suffiront pour justifier pleinement l’imposition d’une forte taxe sur cette exportation.

Blesser les intérêts d’une classe de citoyens, quelque légèrement que ce puisse être, sans autre objet que de favoriser ceux de quelque autre classe, c’est une chose évidemment contraire à cette justice, à cette égalité de protection que le souverain doit indistinctement à ses sujets de toutes les classes. Or, certainement la prohibition nuit jusqu’à un certain point à l’intérêt des producteurs, uniquement pour favoriser celui des manufacturiers.

Toute classe de citoyens est obligée de contribuer aux dépenses du souverain ou de la république. Une taxe de 5 ou même de 10 schellings sur l’exportation de chaque balle de vingt-huit livres de laine produirait au souverain un revenu fort considérable. Elle nuirait un peu moins à l’intérêt des producteurs que ne le fait la prohibition, parce que vraisemblablement elle ne ferait pas baisser tout à fait d’autant le prix de la laine ; elle donnerait au manufacturier un avantage suffisant, parce qu’en supposant qu’il ne pût pas acheter sa laine précisément à aussi bon marché qu’il le fait avec la prohibi­tion, au moins il l’achèterait toujours 5 ou 10 schellings à meilleur marché que ne pourrait l’acheter tout autre manufacturier étranger, sans compter encore l’épargne du fret et de l’assurance que celui-ci serait obligé de payer. Il n’est guère possible d’ima­giner d’impôt capable de produire un revenu considérable au souverain, et qui en même temps entraîne aussi peu d’inconvénients pour personne.

La prohibition, en dépit de toutes les peines dont on l’a entourée, n’empêche pas encore l’exportation de la laine. On sait parfaitement qu’il s’en exporte une quantité considérable ; la grande différence entre le prix qu’elle a sur notre marché et celui qu’elle a sur les marchés étrangers, offre un tel appât à la contrebande, que toutes les rigueurs de la loi ne peuvent la contenir. Cette exportation illégale n’est avantageuse à personne qu’au contrebandier. Une exportation légale, soumise à un impôt, tournerait à l’avantage de tous les sujets de l’État, en fournissant un revenu au souverain et en épargnant par là l’établissement de quelques autres impôts peut-être plus onéreux et plus incommodes.

L’exportation de cette terre qu’on nomme terre à foulon, et qu’on croit nécessaire pour préparer et dégraisser des ouvrages de lainerie, a été prohibée à peu près sous les mêmes peines que l’exportation de la laine. La terre à pipe même, quoique reconnue pour être différente de la terre grasse employée par les foulons a été, à cause de la ressemblance, comprise dans la prohibition et sous les mêmes peines, de peur que la terre à foulon ne fût quelquefois exportée comme terre à pipe[9].

Par le statut des treizième et quatorzième années de Charles II, chap. vii, on prohiba l’exportation non-seulement des peaux crues, mais encore du cuir tanné, à moins qu’il ne fût sous forme de bottes, souliers ou pantoufles ; et la loi donna ainsi à nos bottiers et à nos cordonniers un monopole, non-seulement contre nos nourrisseurs de bestiaux, mais encore contre nos tanneurs. Par des statuts subséquents, nos tanneurs sont venus à bout de se faire affranchir de ce monopole moyennant un léger droit de 1 schelling seulement sur le quintal de cuir tanné, poids de 112 livres. Ils ont pareillement obtenu la restitution des deux tiers des droits d’accise établis sur leur marchandise, lorsqu’elle est exportée, même sans avoir subi d’autre nouvelle main-d’œuvre. Quant aux ouvrages de manufacture en cuir, ils peuvent s’exporter francs de tous droits, et celui qui exporte obtient, en outre, la restitution de la totalité des droits d’accise[10]. Mais nos nourrisseurs de bestiaux sont toujours restés sous le joug de ce monopole. Ces nourrisseurs, qui vivent séparés l’un de l’autre et dispersés dans les différentes parties du pays, ne peuvent pas, sans de grandes difficultés, se concerter entre eux dans la vue, ou d’obtenir des monopoles contre leurs concitoyens, ou de s’affranchir de ceux que d’autres ont pu obtenir contre eux ; mais c’est ce que peuvent faire aisément les manufacturiers, qui se trouvent rassemblés en nombreuses corporations dans toutes les grandes villes. Il n’y a pas jusqu’aux cornes de bestiaux dont l’exportation ne soit prohibée[11], et les deux chétives professions de tourneur en corne et de faiseur de peignes jouissent à cet égard d’un monopole contre les nourrisseurs de bestiaux.

Les entraves mises par des prohibitions ou par des impôts à l’exportation des marchandises qui ne sont travaillées encore qu’en partie et non complètement manufacturées, ne sont pas une chose particulière aux ouvrages de manufacture en cuir. Tant qu’il reste quelque main-d’œuvre à donner pour rendre une marchandise propre à servir immédiatement à l’usage ou à la consommation, nos manufacturiers soutiennent que c’est à eux qu’appartient le droit de le faire. L’exportation de la laine filée et de l’estame est prohibée comme celle de la laine et sous les mêmes peines[12]. Les draps en blanc même sont assujettis à un droit à l’exportation, et nos teinturiers ont, à cet égard, obtenu un monopole contre nos drapiers. Vraisemblablement nos drapiers auraient bien été en état de s’en défendre, mais il se trouve que la plupart de nos principaux drapiers sont eux-mêmes aussi teinturiers. On a prohibé l’exportation des boîtes à montres, des boîtes à pendules, et des cadrans de montres et de pendules. Nos horlogers ont eu peur, à ce qu’il semble, que ces objets ouvrés ne vinssent à renchérir pour eux par la concurrence des acheteurs étrangers[13].

Par d’anciens statuts d’Édouard III, de Henri VII et d’Édouard VI, l’exportation de tous métaux fut prohibée. On n’excepta que le plomb et l’étain, vraisemblablement à cause de la grande abondance de ces métaux, dont l’exportation constituait alors une partie considérable du commerce du royaume. Pour encourager le commerce d’exploitation des mines, le statut de la cinquième année de Guillaume et Marie, chap. xvii, exempta de cette prohibition le fer, le cuivre et le mundick[14], extrait de minerai anglais. L’exportation de toutes sortes de cuivres rouges en barres, étrangers aussi bien qu’anglais, fut ensuite permise par le statut des neuvième et dixième années de Guillaume III, chapitre xxvi. L’exportation du cuivre jaune non manufacturé, de ce qu’on appelle métal de canon, métal de cloche et métal de batterie de cuisine, reste encore sous la prohibition[15]. Les ouvrages de manufacture en cuivre de toute espèce peuvent s’exporter francs de droits.

L’exportation des matières premières de manufacture, qui ne sont pas sous une prohibition absolue, est assujettie le plus souvent à des droits considérables.

Par le statut de la huitième année de Georges 1er, chap. xv, on affranchit de tous droits l’exportation de toutes les marchandises du cru ou des fabriques de la Grande-Bretagne, sur lesquelles il avait été établi quelques droits par les anciens statuts. Cependant on excepta les marchandises suivantes : l’alun, le plomb, la mine de plomb, l’étain, le cuir tanné, la couperose, les charbons, les cardes à carder la laine, les étoffes de laines en blanc, la calamine, les peaux de toute espèce, la colle-forte, le poil ou laine de lapin, le poil de lièvre, les crins de toute espèce, les chevaux et la litharge de plomb. À l’exception des chevaux, toutes ces marchandises sont, ou des matières premières de manufacture, ou des ouvrages incomplets de main-d’œuvre qu’on peut considérer comme matière première pour d’autres manufactures, ou enfin ce sont des instruments d’industrie. Ce statut les laisse assujetties à tous les anciens droits qui peuvent avoir été établis sur elles par l’ancien subside[16] et 1 pour 100 en sus[17].

Par le même statut, un grand nombre de drogues étrangères propres à la teinture sont exemptées de tous droits à l’importation. Chacune d’elles cependant est ensuite assujettie à un certain droit, très-peu lourd à la vérité, à l’exportation. Il paraît que nos teinturiers, tout en trouvant leur intérêt à encourager l’importation de ces drogues par une exemption de tous droits, ont aussi imaginé qu’il était pareillement de leur intérêt d’en décourager l’exportation par quelque petit droit. Pourtant, il est extrêmement probable que la cupidité qui a suggéré ce beau trait d’habileté mercantile a manqué son but. Elle a averti nécessairement ceux qui importent de mettre plus d’attention qu’ils n’en auraient peut-être mis sans cela, à ce que leur importation n’excédât point ce qui était nécessaire pour les besoins du marché intérieur. Vraisemblablement, ce marché a dû en être par là moins bien approvisionné en tout temps ; ces marchandises ont dû vraisemblablement y être en tout temps un peu plus chères qu’elles ne l’eussent été si l’exportation eût été rendue aussi libre que l’importation.

Par ce dernier statut, la gomme du Sénégal, ou gomme arabique, étant comprise dans la liste des drogues pour la teinture, pouvait être importée franche de droits. Ces gommes, à la vérité, étaient assujetties à un léger droit de pondage montant à 3 deniers par quintal sur leur réexportation. La France jouissait à cette époque d’un commerce exclusif dans le pays le plus productif de ces sortes de drogues, celui qui est dans le voisinage du Sénégal, et l’on ne pouvait pas aisément fournir le marché de la Grande-Bretagne par une importation immédiate du lieu où croissent ces gommes. En conséquence, par le statut de la vingt-cinquième année de Georges II, contre les dispositions générales de l’acte de navigation, on permit l’importation, de tous les endroits de l’Europe, de la gomme du Sénégal. Cependant, comme la loi ne cherchait pas à encourager ce genre de commerce si contraire aux principes généraux de la politique commerciale de l’Angleterre, elle imposa un droit de 10 schellings par quintal sur cette importation, et aucune partie de ce droit n’était restituable lors de l’exportation. Les succès de la guerre commencée en 1755 donnèrent à la Grande-Bretagne, dans ces pays, le même commerce exclusif que celui dont la France avait joui auparavant. Dès que la paix fut faite, nos manufacturiers tâchèrent de tourner cet avantage à leur profit personnel et de s’assurer un monopole, tant contre les producteurs de cette denrée que contre ceux qui l’importent. En conséquence, par le statut de la cinquième année de Georges III, chap. xxxvii, l’exportation de la gomme du Sénégal, des pays de la domination de Sa Majesté en Afrique, fut bornée à la Grande-Bretagne et soumise à toutes les mêmes restrictions, règlements, peines et confiscations que celles des marchandises énumérées des colonies anglaises d’Amérique et des Indes occidentales. À la vérité, l’importation de cette drogue fut assujettie à un léger droit de 6 deniers par quintal ; mais sa réexportation fut chargée d’un droit énorme de 1 livre 10 schellings par quintal[18]. L’intention de nos manufacturiers était que tout le produit de ces pays pût être importé en Angleterre, et dans la vue de se mettre à même de l’acheter au prix qui leur conviendrait, ils voulurent qu’on n’en pût réexporter la moindre partie, sinon avec des frais capables de décourager cette exportation. Mais, dans cette occupation comme en beaucoup d’autres, leur avidité a manqué son but. Ce droit énorme offrit un tel appât à la contrebande, qu’il y eut de grandes quantités de cette denrée exportées en fraude, vraisemblablement dans tous les pays manufacturiers de l’Europe, mais en particulier en Hollande, et non-seulement de la Grande-Bretagne, mais même de l’Afrique. En conséquence, le statut de la quatorzième année de Georges III, chap. x, modéra ce droit sur l’exportation à 5 schellings par quintal.

Dans le Livre des tarifs, selon l’évaluation duquel se percevait l’ancien subside, les peaux de castor étaient évaluées à 6 schellings 8 deniers la pièce, et les différents subsides et impôts qui, avant 1722, avaient été établis sur leur importation, s’élevaient au cinquième de l’évaluation du tarif ou à 16 deniers sur chaque peau ; tous ces droits étaient rendus en cas d’exportation, excepté moitié de l’ancien subside, laquelle montait seulement à 2 deniers. Ce droit sur l’importation d’une matière première de manufacture aussi importante a été jugé trop fort, et en 1722 l’évaluation du tarif fut modérée à 2 schellings 6 deniers, et de celui-ci moitié seulement fut restituable lors de l’exportation. Les mêmes succès militaires mirent sous la domination de la Grande-Bretagne le pays le plus productif en castors, et les peaux de castor étant comprises dans les marchandises énumérées, leur exportation de l’Amérique fut, par conséquent, bornée au marché de la Grande-Bretagne. Nos manufacturiers ne tardèrent pas à s’apercevoir de l’avantage qu’ils pouvaient tirer de cette circonstance, et en 1764 le droit sur l’importation des peaux de castor fut réduit à un denier, mais le droit sur l’exportation fut porté à 7 deniers par chaque peau, sans aucune restitution du droit payé à l’importation. Par la même loi, on établit un droit de 18 deniers par livre sur l’exportation du poil de castor, sans rien changer au droit sur l’importation de cette marchandise, fixé alors sur le pied d’environ 4 à 5 deniers par livre, quand l’importation était faite par des sujets et par des bâtiments de la Grande-Bretagne[19].

Les charbons de terre peuvent être regardés comme matière première de manufacture et comme instrument d’industrie ; aussi a-t-on chargé leur exportation de droits très-forts, s’élevant actuellement (1783) à plus de 5 schellings le tonneau, ou à plus de 15 schellings le chaldron[20], mesure de New-Castle ; ce qui, le plus souvent, est plus que la valeur primitive de la denrée à la fosse à charbon, ou même au port de mer où se fait l’exportation[21].

Toutefois, l’exportation des instruments d’industrie proprement dits est ordinairement empêchée, non par des droits élevés, mais par des prohibitions absolues. Ainsi, par le statut des septième et huitième années de Guillaume III, chap. xx, sect. 8, l’exportation des métiers ou machines à faire des bas ou des gants est prohibée, non-seulement sous peine de confiscation des métiers ou machines ainsi exportées ou qu’on a essayé d’exporter, mais encore sous peine d’une amende de 40 livres, dont la moitié pour le roi, et l’autre pour celui qui dénoncera ou fera la poursuite du délit. De même, par le statut de la quatorzième année de Georges III, chap. lxxi, l’exportation aux pays étrangers de tous ustensiles applicables à la fabrication des ouvrages en coton, en toile, en laine ou en soie est prohibée, non-seulement sous peine de confiscation de ces ustensiles, mais encore sous peine d’amende de 200 livres contre l’auteur du délit, et de pareille amende de 200 livres contre le maître du vaisseau qui, en connaissance de cause, aura laissé charger ces outils sur son bord[22].

Lorsqu’on voit des peines aussi rigoureuses portées contre l’exportation des instruments inanimés, on peut bien s’attendre que l’instrument vivant, l’ouvrier, ne conservera pas la liberté de s’en aller. Aussi, par le statut de la cinquième année de Georges Ier, chap. xxvii, toute personne convaincue d’avoir engagé un homme de métier ou ouvrier de manufactures de la Grande-Bretagne à aller pratiquer son métier ou l’enseigner dans quelque pays étranger, est, pour la première fois, sujette à une amende qui ne pourra excéder 100 livres et à trois mois de prison, prolongés jusqu’au payement de l’amende, et pour la seconde fois, à une amende laissée à la discrétion des juges, et à une prison de douze mois, qui sera encore prolongée jusqu’après le payement de l’amende. Par le statut de la vingt-troisième année de Georges II, chap. xiii, cette peine est augmentée et portée pour la première fois à 500 livres par chaque ouvrier qu’on aura ainsi embauché, et à douze mois de prison, prolongés jusqu’à ce que l’amende soit acquittée, et pour la seconde fois, à 1,000 livres d’amende, et deux ans de prison, prolongés aussi jusqu’après le payement de l’amende.

Par le premier de ces statuts, s’il y a preuve que quelqu’un ait tenté de débaucher ainsi un ouvrier, ou qu’un ouvrier ait contracté l’engagement ou seulement promis de passer en un pays étranger pour l’objet ci-dessus expliqué, cet ouvrier peut être obligé de donner caution, à la discrétion de la cour, qu’il ne passera pas la mer, et il peut être détenu en prison jusqu’à ce qu’il ait fourni cette caution[23].

Si un ouvrier a passé la mer et exerce ou enseigne son métier dans quelque pays étranger, et que, sur l’avertissement qui lui est donné par quelqu’un des ministres de Sa Majesté ou consuls à l’étranger, ou par un des secrétaires d’État alors en fonction, il ne rentre pas dans le royaume dans les six mois de l’avertissement reçu, pour s’y fixer à l’avenir et y résider continuellement, il est dès lors incapable de recevoir aucun legs à lui fait dans le royaume, d’être administrateur ou exécuteur testamentaire, et de pouvoir acquérir aucune terre par succession, donation ou achat. Tous ses biens, meubles et immeubles, sont aussi confisqués au profit de la couronne ; il est réputé étranger à tous égards et mis hors de la protection du roi.

Je pense qu’il n’est pas besoin de faire observer combien de tels règlements sont contraires à cette liberté civile si vantée, et dont nous nous montrons si jaloux, liberté qu’on sacrifie ouvertement dans ce cas au misérable intérêt de nos marchands et de nos manufacturiers[24].

Le motif si louable qui a dicté tous ces règlements, c’est d’étendre le progrès de nos manufactures, non pas en les perfectionnant en elles-mêmes, mais en affaiblissant celles de tous nos voisins, et en anéantissant autant que possible la concurrence fâcheuse de rivaux si odieux et si incommodes. Nos maîtres manufacturiers trouvent qu’il est juste de leur accorder ainsi le monopole du travail et de l’industrie de tous leurs concitoyens. Si en bornant, dans certains métiers, le nombre d’apprentis qu’on peut y tenir à la fois, et en établissant dans tous la nécessité d’un long apprentissage, ils cherchent tous de leur côté à resserrer dans le plus petit nombre d’individus possible les connaissances nécessaires à leurs métiers respectifs, ils ne veulent pas pourtant que la moindre partie de ce petit nombre puisse aller au-dehors instruire les étrangers.

La consommation est l’unique but, l’unique terme de toute production, et l’on ne devrait jamais s’occuper de l’intérêt du producteur, qu’autant qu’il le faut seulement pour favoriser l’intérêt du consommateur. Cette maxime est si évidente par elle-même, qu’il y aurait de l’absurdité à vouloir la démontrer. Mais, dans le système que je combats, l’intérêt du consommateur est à peu près constamment sacrifié à celui du producteur, et ce système semble envisager la production et non la consommation, comme le seul but, comme le dernier terme de toute industrie et de tout commerce.

Dans les entraves mises à l’importation de toutes marchandises étrangères qui pourraient venir en concurrence avec celles de notre sol ou de nos manufactures, on a évidemment sacrifié l’intérêt du consommateur national à celui du producteur. C’est uniquement pour le bénéfice de ce dernier, que l’autre est obligé de payer le renchérissement qu’un tel monopole ne manque presque jamais d’occasionner dans le prix des marchandises.

C’est uniquement pour le bénéfice du producteur qu’on a accordé des primes à l’exportation de quelques-unes de nos productions. Il faut que le consommateur national paye premièrement l’impôt qui sert à acquitter la dépense publique de la prime, et secondement l’impôt, encore bien plus fort, résultant nécessairement du renchérissement de la denrée sur le marché intérieur.

Au moyen du fameux traité de commerce avec le Portugal, le consommateur est détourné, par des droits énormes, d’acheter d’un pays voisin une denrée que notre climat ne peut produire, mais qu’il se trouve forcé d’acheter d’un pays éloigné, quoiqu’il soit bien reconnu que la denrée du pays éloigné est de moins bonne qualité que celle du pays voisin. Le consommateur national est obligé de se soumettre à cet inconvénient, uniquement pour que le producteur ait la faculté d’importer quelques-unes de ses productions dans ce pays éloigné à des conditions plus avantageuses qu’il n’eût pu l’espérer sans cela. Il faut de plus que le consommateur paye en entier le renchérissement que le prix de ces mêmes productions pourra éprouver sur le marché national au moyen de cette exportation forcée.

Mais c’est dans le système de lois adopté pour le régime de nos colonies d’Amérique et des Indes occidentales, qu’on voit l’intérêt du consommateur national sacrifié à celui du producteur, à un excès porté encore bien plus loin que dans tous nos autres règlements de commerce. On a fondé un grand empire dans la seule vue de former à nos différents producteurs une nation de chalands, une nation qui fût forcée de venir acheter à leurs différentes boutiques toutes les marchandises qu’ils pourraient lui fournir. Pour ce petit surhaussement de prix qu’un tel monopole devait procurer à nos producteurs, les consommateurs nationaux se sont trouvés chargés de toute la dépense qu’entraînent l’entretien et la défense de cet empire. C’est dans cette vue, et dans cette seule vue, que les deux dernières guerres ont englouti plus de 200 millions, et qu’on a contracté une nouvelle dette de plus de 170 millions, outre tout ce qui a été dépensé pour le même objet dans les guerres précédentes. L’intérêt seul de cette dette excède, non-seulement tout le profit extraordinaire qu’on pourrait jamais supposer provenir du monopole du commerce des colonies, mais encore toute la valeur de ce commerce, ou la valeur totale, année commune, des marchandises exportées annuellement aux colonies.

Il n’est pas bien difficile de décider quels ont été les inventeurs et les constructeurs de tout ce système ; ce ne sont pas à coup sûr les consommateurs, dont l’intérêt a été totalement mis de côté, mais bien les producteurs, à l’intérêt desquels on a porté une attention si soigneuse et si recherchée ; et dans cette dernière classe, les principaux architectes du système ont été, sans comparaison, nos marchands et nos manufacturiers. Dans les règlements mercantiles dont il a été question dans ce chapitre, l’intérêt de nos manufacturiers est celui dont on s’est le plus particulièrement occupé, et ici c’est encore moins l’intérêt des consommateurs qu’on lui a sacrifié, que celui de quelques autres classes de producteurs.


CHAPITRE IX.

des systèmes agricoles, ou de ces systèmes d’économie politique qui représentent le projet de la terre soit comme la seule, soit comme la principale source du revenu et de la richesse nationale.


Les systèmes fondés sur l’agriculture n’exigeront pas une aussi longue explication que celle qui m’a paru nécessaire pour le système fondé sur le commerce.

Ce système, qui représente le produit de la terre comme la seule source du revenu et de la richesse d’un pays, n’a jamais, autant que je sache, été adopté par aucune nation, et n’existe à présent qu’en France, dans les spéculations d’un petit nombre d’hommes d’un grand savoir et d’un talent distingué. Ce n’est sûrement pas la peine de discuter fort au long les erreurs d’une théorie qui n’a jamais fait et qui vraisemblablement ne fera jamais de mal en aucun lieu du monde. Je vais cependant tâcher de tracer le plus clairement possible les principaux traits de cet ingénieux système.

M. de Colbert, le célèbre ministre de Louis XIV, était un homme de probité, grand travailleur et possédant une parfaite connaissance des détails ; apportant à l’examen des comptes publics une grande sagacité jointe à beaucoup d’expérience ; en un mot, doué des talents les plus propres, en tout genre, à introduire de l’ordre et de la méthode dans les recettes et les dépenses du revenu de l’État. Malheureusement, ce ministre avait adopté tous les préjugés du système mercantile, système essentiellement formaliste et réglementaire de sa nature, et qui ne pouvait guère manquer par là de convenir à un homme laborieux et rompu aux affaires, accoutumé depuis longtemps à régler les différents départements de l’administration publique, et à établir les formalités et les


  1. Cette restriction n’existe plus.
  2. L’absurdité et l’injustice paraissent être les principaux éléments dont se compose le système mercantile, réprouvé d’ailleurs aujourd’hui par tout le monde, excepté par ceux qui, en politique, admirent tout ce qui est vieux, et sans autre raison que parce que c’est vieux. C’est une chose étrange que, dans un pays où tout le monde condamne les restrictions commerciales, on fasse si peu pour arriver à leur abolition complète. On est d’accord que le système entier est un tissu de préjugés et d’absurdités ; que les restrictions qu’il impose sont contre les intérêts de la communauté ; que dans la plupart des cas elles sont préjudiciables aux intérêts même de ceux en faveur desquels elles ont été établies ; et pourtant elles existent toujours. Il ne serait peut-être pas convenable de les abolir d’un coup ; car, ayant existé depuis longtemps, elles ont imprimé au commerce et aux capitaux du pays une direction artificielle, et tout changement brusque pourrait occasionner de graves désordres. Mais puisque cet état fâcheux est maintenant connu de tous, pourquoi des mesures ne sont-elles pas adoptées pour arriver à une réforme graduelle ? Pourquoi ne rentre-t-on pas dans la voie régulière et l’ordre naturel desquels les violences d’un système artificiel nous ont jusqu’à présent éloignés ? La raison en est fort simple. Les hommes d’État sont rarement les promoteurs zélés des réformes. Ils savent parfaitement que tout projet de réforme sera combattu par les partis et les préjugés. Ce sont là deux ennemis qu’ils osent rarement défier. Ils préfèrent tolérer des abus qui existent depuis longtemps et auxquels on s’est habitué, plutôt que de s’aventurer dans des réformes qui, bien qu’approuvées par le bon sens, deviendraient pour eux une source d’attaques de la part de leurs adversaires politiques. M. Pitt, au commencement de son administration, proposa et fit accepter plusieurs mesures commerciales libérales ; mais son projet d’établir la liberté du commerce entre l’Angleterre et l’Irlande rencontra une opposition politique et commerciale tellement vive, qu’il fût obligé de le modifier dans plusieurs de ses dispositions ; et, après l’avoir ainsi fait accepter par son pays, il dut à la fin l’abandonner entièrement, par suite du refus de la part du Parlement irlandais de lui donner son approbation. Depuis les réformes commerciales de M. Pitt, aucun essai n’a été fait pour délivrer le commerce des liens qui l’entravaient ; et il reste encore aujourd’hui sous le joug des restrictions absurdes que lui ont imposées les statuts des Édouard et des Henri, à une époque où on croyait que le commerce ne pouvait subsister sans que les règlements du pouvoir législatif lui vinssent en aide. Une révision entière du système commercial de l’Angleterre, afin de parvenir à des réformes indispensables, est devenue plus nécessaire que jamais ; et l’introduction de changements aussi importants dans notre politique intérieure donnerait, sans aucun doute, à ceux qui les auraient effectués, des titres incontestables à l’estime et à la confiance de leur pays ; elle prouverait qu’ils avaient réellement à cœur le bien public, et qu’ils n’avaient reculé devant aucun obstacle pour en poursuivre la réalisation*. Buchanan.

    *. Cette note est antérieure aux réformes proposées par M. Huskisson en 1835.

  3. Quelle franchise et quelle honnêteté dans ce langage ! Adam Smith sympathisait évidemment avec les classes laborieuses, et c’est bien à tort qu’on affecte de le confondre avec quelques économistes sans entrailles qui règnent dans son pays. A. B.
  4. Ces primes ont naturellement cessé après la déclaration de l’indépendance des États-Unis. Des droits leur ont été généralement substitués, non point pour entraver le commerce avec l’Amérique, mais pour augmenter les revenus du trésor. Le commerce entre l’Angleterre et les États-Unis, par le consentement mutuel de leurs gouvernements respectifs, a toujours eu lieu sur un pied de parfaite liberté. Jamais des restrictions ou droits prohibitifs n’ont été imposés de part ou d’autre ; chacune des parties comprenant parfaitement les avantages d’un commerce actif entre les deux pays, et désirant en conséquence plutôt l’encourager que l’entraver. Buchanan.
  5. C’est-à-dire d’un crime qui emporte la peine capitale.
  6. Privilége des clercs de décliner toute juridiction. (Voy. liv. V, chap. i, sect. 3, art. 3.)
  7. Division partielle d’un comté, laquelle comprend une dizainerie.
  8. Les lois relatives à l’exportation et à l’importation de la laine, dont s’occupe ici Adam Smith, ont toutes été rapportées. Par l’acte de 1825 (6, George IV, ch. cxi), la laine valant un schelling la livre peut être librement exportée, en payant un droit d’un demi-penny par livre. Et si elle vaut plus d’un schelling la livre, elle peut être exportée moyennant un droit d’un penny la livre. La laine importée est chargée d’un droit d’un demi-penny la livre si elle vaut moins d’un schelling, et d’un droit de trois pence par livre si elle dépasse cette valeur.
    Mac Culloch.
  9. Cette restriction n’existe plus. La terre à foulon et la terre à pipe peuvent être actuellement exportées, moyennant un droit d’un demi pour 100 ad valorem Mac Culloch.
  10. Par l’acte 6, George IV, ch. cxi, un droit de demi pour 100 ad valorem est imposé à l’exportation de toutes les espèces d’ouvrages en cuir. Mac Culloch.
  11. Cette prohibition n’existe plus depuis longtemps.
  12. Cette prohibition est rapportée ; la laine en fil et l’estame peuvent être exportées avec un droit d’un penny par livre. Mac Culloch.
  13. Cette prohibition à l’exportation des boites de montre et de pendules continue toujours. Mac Culloch.
  14. Cette substance métallique qu’on extrait d’une pyrite qui se trouve en abondance dans quelques mines d’étain.
  15. Cette prohibition est abolie. N. C.
  16. Voy. liv. V, ch. ii.
  17. Les droits sur ces articles ont été ou entièrement abolis ou considérablement modifiés par des actes récents. Mac Culloch.
  18. Le droit sur la gomme du Sénégal importé dans la Grande-Bretagne pour la consommation intérieure est actuellement (1838) de 6 schellings le quintal. Si elle est importée et entreposée pour la réexportation, elle est franche de droits. Mac Culloch.
  19. Le droit actuel (1838) à l’importation du poil de castor écru est d’un schelling 7 pence par livre, et s’il est rasé et peigné, de 4 schellings 9 pence par livre.
    Mac Culloch.
  20. Mesure usitée pour le charbon de terre seulement, et qui contient trente-six boisseaux combles.
  21. Par un acte récent, le charbon peut être exporté franc de droits par navires anglais, et par navires étrangers avec un droit de 4 schellings par tonneau*.
    Mac Culloch.

    *. Le nouveau tarif de sir Robert Peel a établi un droit de 50 pour 100 sur l’exportation du charbon. A. B.

  22. Pour connaître les restrictions imposées à l’exportation des machines, voyez les actes 3 et 4, Guillaume IV, ch. lii.
  23. L’ouvrier, comme le fait justement remarquer Adam Smith, a son travail pour unique patrimoine ; l’empêcher de tirer de son travail le plus grand avantage possible serait un acte de pouvoir inexcusable. Le but de tous ces règlements est d’anéantir l’industrie des autres nations, afin de gagner le marché du monde à l’industrie indigène. Un projet pareil, qui ne peut être inspiré que dans des vues de la plus basse rivalité mercantile, est aussi absurde qu’impuissant. L’importation et l’exportation de certains produits peuvent en effet être empêchées par certaines lois particulières ; mais, qui est-ce qui pourrait lier la faculté d’invention et le génie de la société ? Les résistances d’un ou de plusieurs pays peuvent-elles arrêter les progrès du monde ? et quand, par l’accroissement général de la prospérité, une société a besoin d’une plus grande provision de produits fins, et qu’elle peut offrir des valeurs en échange, les lois d’un seul État empêcheront-elles d’autres États de lui procurer ce qu’elle désire ? Est-ce que d’ailleurs une politique qui, pour s’assurer les avantages mesquins du monopole, voudrait étouffer toute prospérité naissante, n’est pas basse et méprisable ? Buchanan.
  24. Les restrictions imposées à l’émigration des ouvriers ont été rapportées en 1824. Mac Culloch.