Recherches statistiques sur l’aliénation mentale faites à l’hospice de Bicêtre/PRÉFACE


PRÉFACE.




L’histoire de l’aliénation mentale, malgré de nombreux et remarquables travaux, offre encore un vaste champ à de nouvelles investigations. Que de questions à éclairer, que de problèmes à résoudre dans l’étude des lésions de l’entendement humain ! Les matériaux qui peuvent être recueillis dans les asiles destinés aux aliénés sont souvent négligés et perdus pour une science dont ils doivent faire la principale base. Aussi avons-nous cru obéir à un devoir en apportant notre contingent de faits et en résumant les observations prises sur les malades admis, pendant l’année 1839, à Bicêtre, où nous étions placés comme internes. La méthode numérique nous a paru devoir être ici convenablement employée, à cause du nombre assez considérable d’individus que nous avons été à même d’étudier.

Sans doute on reprochera à nos recherches de présenter une succession continuelle de tableaux qui en rend la lecture peu attrayante ; peut-être nous reprochera-t-on aussi d’avoir été trop avares de développements et d’inductions. Nous n’avons eu que la prétention d’exposer les résultats les plus évidents que nos chiffres nous permettaient d’annoncer, et nous nous sommes bien gardés d’aborder des discussions qui nous auraient amenés à faire une histoire complète de la folie. D’ailleurs, il est des questions que nous eussions pu traiter avec plus de soin et d’étendue sans le départ de l’un de nous, qui vient d’être appelé à diriger un des principaux établissements d’aliénés de France.

La marche que nous avons suivie est toute naturelle : nous avons conduit l’aliéné depuis son admission jusqu’à la terminaison de la maladie, en étudiant successivement les causes les plus importantes, les symptômes prédominants, la proportion des guérisons et des décès, les lésions que nous avons pu constater après la mort.

Notre travail n’est pas seulement basé sur 549 observations recueillies avec beaucoup de détails pendant l’année 1839, nous avons de plus opéré sur une masse de 3,560 aliénés admis depuis 1831 jusqu’en 1838.

Partout nous avons mis en regard de nos tableaux les résultats obtenus par les auteurs qui ont déjà appliqué la méthode numérique à la psychiatrie, et nous nous sommes aidés, autant que possible, des données que la statistique générale nous permettait de mettre à profit.

Dans le coup d’œil historique que nous avons cru devoir placer à la tête de ce livre, nous n’avons point voulu faire l’histoire complète de l’hospice de Bicêtre, mais indiquer seulement d’une manière fort abrégée les différentes améliorations apportées dans la division des fous depuis qu’elle existe.

Faisons remarquer une fois pour toutes que nos recherches n’ont été faites que sur des individus du sexe masculin auxquels cet établissement est exclusivement consacré, et que dans les documents extraits des autres auteurs nous avons toujours eu soin de ne reproduire que ce qui était particulier à ce sexe.

Qu’il nous soit permis d’exprimer ici toute la reconnaissance que nous éprouvons pour MM. Ferrus et Leuret, qui ont bien voulu nous honorer de leur bienveillance et de leur amitié, et auprès desquels nous avons puisé de si utiles leçons.

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