Recherches statistiques sur l’aliénation mentale faites à l’hospice de Bicêtre/I/V/Sec 2/Art 3/E

E.Influence de l’âge sur la mortalité.

Nous avons vu pour les guérisons que le maximum se trouvait de 35 à 40 ans, période de la vie où les admissions sont le plus nombreuses. Il en est de même pour la mortalité, comme le prouvent les tableaux qui suivent.

1831-1838. 1839.
Avant 10 ans. 6
De 11 à 15 15
De 16 à 20 57 Avant 22 ans 4
De 21 à 25 66 6
De 26 à 30 112 6
De 31 à 35 184 20
De 36 à 40 209 32
De 41 à 45 198 26
De 46 à 50 157 18
De 51 à 55 122 14
De 56 à 60 90 8
De 61 à 65 79 6
De 66 à 70 93 11
De 71 à 75 75 9
De 76 à 80 64 »
Au-dessus de 80 14 4
1541 164

Voici les différentes périodes quinquennales rangées suivant le nombre des morts qu’elles donnent. Dans nos deux relevés, les différences sont fort légères.

1831-1838. 1839.
De 36 à 40 ans. 209 32
De 41 à 45 198 26
De 31 à 35 184 20
De 46 à 50 157 18
De 51 à 55 122 14
De 26 à 30 112 De 66 à 70 11
De 66 à 70 93 De 71 à 75 9
De 56 à 60 90 8
De 61 à 65 79 6
De 71 à 75 75 De 26 à 30 6
De 21 à 25 66 6
De 76 à 80 64 4
De 16 à 20 57 Avant 20 ans 4
De 11 à 15 15
Au delà de 80 14
Avant 10 6

Il est bien évident que le maximum de la mortalité se voit de 30 à 55, mais principalement de 36 à 40, tandis que le minimum se trouve avant 20 ans et au delà de 75.

Mêmes résultats à Nantes, à Palerme, à Turin, à Rouen.

INDICATION DES ÂGES. M. Bouchet. M. de Boutteville. M. Greco. M. Bonacossa.
Avant 20 ans. » » 1 5
De 20 à 30 1 14 13 34
De 30 à 40 4 43 30 46
De 40 à 50 1 50 18 50
De 50 à 60 2 32 18 32
De 60 à 70 4 19 4 17
De 70 à 80 » 7 1 4
Totaux. 12 165 85 188

Le maximum se trouve toujours de 30 à 50 ; pour MM. Bouchet et Greco, de 30 à 40 ; et pour MM. de Boutteville et Bonacossa, de 40 à 50.

Mais doit-on conclure de ce fait, annoncé par tous les observateurs, que l’âge de 30 à 50 doit être regardé comme favorisant la mortalité ; en d’autres termes, y a-t-il plus de chances de mort pour un aliéné à cet âge qu’à toute autre période de la vie ? Pour en juger il faut, comme nous l’avons fait, comparer le chiffre des admissions à celui des décès pour chaque âge.

INDICATION
des
ÂGES.
Nombre
des
admissions
en 1839.
Nombre
des
décès
en 1839.
RAPPORT. Nombre
des
admissions
de
1831 à 1838.
Nombre
des
décès
de
1831 à 1838.
RAPPORT.
Avant 20 ans. 36 4 1 sur 9 352 78 1 sur 4,51
De 21 à 25. 44 6 1 sur 7,43 297 66 1 sur 4,50
De 26 à 30. 61 6 1 sur 10,17 457 112 1 sur 4,08
De 31 à 35. 75 20 1 sur 3,75 588 184 1 sur 3,19
De 36 à 40. 98 32 1 sur 3,06 626 209 1 sur 2,99
De 41 à 45. 69 26 1 sur 2,65 447 198 1 sur 2,76
De 46 à 50. 47 18 1 sur 2,61 304 157 1 sur 1,93
De 51 à 55. 27 14 1 sur 1,93 208 122 1 sur 1,70
De 56 à 60. 18 8 1 sur 2,25 163 90 1 sur 1,80
De 61 à 65. 13 6 1 sur 2,16 114 79 1 sur 1,44
De 66 à 70. 15 11 1 sur 1,36 126 93 1 sur 1,35
De 71 à 75. 14 9 1 sur 1,55 97 75 1 sur 1,29
De 76 à 80. » » » 76 64 1 sur 1,18
Au delà de 80 ans. 6 4 1 sur 1,50 14 14 1 sur 1

Il résulte de cette comparaison que les chances de mortalité augmentent d’une manière très régulière à mesure que l’on avance en âge ; et quoique à 80 ans le nombre des décès soit peu considérable, on a cependant pour mourir trois chances de plus qu’avant 20 ans : ce qui, pour l’âge avancé, est en rapport avec la loi générale de la mortalité. C’est dans la seconde enfance et dans l’adolescence qu’il y a le moins de chances de mort (1 sur 130 à l’âge de 10 ans). Il en est de même chez les aliénés.

L’âge viril tient le milieu entre ces deux extrêmes, et quoiqu’il donne en réalité le plus grand nombre de décès, ce qui s’explique par le plus grand nombre d’admissions, la mortalité relative n’est point aussi forte que dans les périodes suivantes.

Si donc l’âge de 35 à 40 ans doit être regardé comme une cause prédisposante de folie, il est le plus favorable aux guérisons et celui où la mortalité ne sévit que d’une manière très modérée.