Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal/02

CHAPITRE II

de l’algorithme adapté à l’analyse infinitésimale


46. Une fois les principes généraux de la nouvelle doctrine bien établis, on a pu remarquer, dans les nombreuses applications dont elle est susceptible, que parmi les quantités infiniment petites qu’elle met en œuvre, il en est d’une classe particulière qui s’offrent beaucoup plus fréquemment que toutes les autres : ce sont celles qu’on a nommées différentielles.

On entend par le mot différentielle la différence de deux valeurs successives d’une même variable, lorsque l’on considère le système auquel elle appartient, dans deux, ou plusieurs états consécutifs, dont l’un est regardé comme fixe et les autres comme se rapprochant continuellement et simultanément du premier, jusqu’à en différer aussi peu qu’on le veut.


47. L’expression diminutive de quantité différentielle indique tout à la fois que la quantité qu’elle exprime est une différence, et que cette différence est une quantité infiniment petite. Elle marque la quantité infiniment petite dont la variable a augmenté en passant de son premier état au second.

La différentielle d’une quantité s’exprime ordinairement dans le calcul par la lettre d mise au devant de celle qui exprime la variable : ainsi dx signifie différentielle de x ; dy signifie différentielle de y ; signifie différentielle de la fraction c’est-à-dire la quantité infiniment petite dont cette fraction augmente lorsque x augmente de dx et y de dy. La lettre d ne représente donc point une quantité, mais elle est employée comme simple indice ; ce n’est qu’une abréviation de ces mots différentielle de, et elle porte dans le calcul le nom de caractéristique.

Les quantités constantes n’ont point de différentielles, ou, si on veut, leur différentielle est 0, puisque par leur nature elles n’augmentent pas ou que leur augmentation peut être supposée nulle, lorsque le système est considéré comme passant de son premier état au second.


48. Lorsque le calcul donne pour la différentielle d’une quantité une valeur négative, c’est une preuve qu’on a fait une fausse supposition, et que la variable dont il s’agit, au lieu d’aller en croissant, comme on l’avait supposé, va au contraire en diminuant, par le changement général de l’état du système. Ainsi, par exemple, un arc de cercle moindre que le quart de la circonférence étant représenté par s, sa différentielle sera ds, celle de son sinus sera et celle de son cosinus . Or, comme on suppose que s va en croissant, il est évident que le sinus ira de même en croissant, mais que le cosinus au contraire ira en diminuant. Donc le calcul algébrique devra assigner à une valeur négative, et c’est ce qui a lieu en effet, comme on le verra plus loin. Mais soit que la variable aille en augmentant ou en diminuant, on entend toujours par sa différentielle la différence de sa seconde valeur à la première, et on la désigne constamment par la caractéristique d, suivie de la variable et prise positivement, laissant à l’ordinaire au calcul le soin de redresser par lui-même les fausses suppositions qu’on pourrait avoir faites.

Lorsque plusieurs quantités variables sont liées par une loi quelconque, comme le sont par exemple l’abscisse et l’ordonnée d’une courbe, l’accroissement de l’une détermine nécessairement l’accroissement de l’autre. Ainsi, en désignant l’abscisse par x et l’ordonnée par y, il y aura entre dx et dy une relation déterminée par celle de x et de y elles-mêmes. Et réciproquement la relation de x et y dépend de celles qu’elles ont elles-mêmes avec leurs différentielles dx, dy. De là les deux branches de l’analyse infinitésimale, l’une ayant pour objet de trouver la relation qui existe entre les différentielles de plusieurs variables et ces variables elles-mêmes, lorsque l’on connaît celle qui existe entre ces dernières seulement ; l’autre ayant pour objet de retrouver la relation qui existe entre les variables seulement, lorsque l’on connaît celle qui lie ces variables avec leurs différentielles.

49. Or il est aisé de concevoir combien les règles de ces calculs, une fois trouvées, peuvent aider à résoudre les diverses questions qu’on peut se proposer. Car toute question se réduit à trouver la relation qui existe entre certaines quantités désignées. Or, si je ne puis apercevoir immédiatement cette relation, je cherche naturellement à y parvenir par l’entremise de quelques quantités auxiliaires : mais de toutes les quantités auxiliaires, l’usage apprend qu’aucune ne donne lieu à plus de simplifications que celles qu’on nomme infinitésimales ; il est donc naturel de les introduire autant que possible dans les combinaisons. Alors il arrive, ou qu’elles s’éliminent d’elles-mêmes à la manière des quantités algébriques ordinaires, et, dans ce cas, tous les procédés suivis dans le cours des opérations appartiennent à ce qu’on nomme calcul différentiel ; ou il faudra recourir à certaines transformations inusitées dans l’algèbre ordinaire, mais dont l’objet est toujours d’éliminer ces auxiliaires appelées infinitésimales, et ces transformations sont de la compétence de ce qu’on nomme calcul intégral.

Le premier de ces calculs est beaucoup plus facile que le second, parce qu’il ne renferme, à proprement parler, aucun procédé qui ne lui soit commun avec l’ancienne analyse : mais le calcul intégral exige des procédés fort différents et qui sont loin encore d’être complets, malgré les travaux des savants du premier ordre qui s’en sont occupés. Mon objet ici n’est que de faire connaître l’esprit de ces méthodes et d’indiquer la marche générale de ces calculs. Je commencerai par le calcul différentiel, comme le plus simple, et comme indispensable pour parvenir à la connaissance du calcul intégral, mais en me restreignant aux premières notions, pour l’un comme pour l’autre.

du calcul différentiel.

50. Nous avons dit que la différentielle d’une quantité variable était la différence infiniment petite du second état de cette variable avec le premier : il s’agit donc de trouver cette différentielle pour tous les cas possibles, c’est-à-dire pour toutes les fonctions possibles des variables proposées, telles que x, y, z, etc., dont les différentielles particulières sont déjà exprimées par dx, dy, dz, etc.

Il faut d’abord examiner quelle distinction nous devons mettre entre l’opération par laquelle on prendrait une différence ordinaire ou finie, et celle par laquelle on doit se borner à prendre une différentielle, ou une différence infiniment petite. Si nous considérons le système proposé dans deux états quelconques déterminés différents l’un de l’autre, la différence des deux valeurs de la même quantité prise dans les deux systèmes sera également déterminée et ne pourra par conséquent être supposée aussi petite qu’on le voudra ; ainsi l’on ne pourrait rien y négliger sans commettre des erreurs qu’on ne serait plus à même de rectifier. Mais si les deux systèmes sont supposés se rapprocher l’un de l’autre autant qu’on le veut, la différence des deux valeurs de la même variable pourra être rendue aussi petite qu’on le voudra, elle deviendra ce qu’on nomme une différentielle et ne sera autre chose que la différence ordinaire simplifiée par la suppression des quantités qui, dans son expression, pourraient se trouver infiniment petites, relativement aux autres termes dont elle est composée. Tel est le principe général de la différentiation.


51. Il suit évidemment de ce principe général que pour différentier une quantité ou une fonction quelconque de cette quantité ou de plusieurs quantités combinées, que j’exprimerai par , il n’y a qu’à la considérer dans le second état, c’est-à-dire lorsque x, y, z, etc., devenant respectivement , cette fonction devient elle-même , retrancher de cette fonction ainsi accrue ce qu’elle était d’abord, c’est-à-dire , ce qui donnera pour la différence de la fonction proposée,

 ;


et alors pour passer de cette différence à la différentielle, il n’y aura plus qu’à réduire l’expression en y négligeant les quantités qui se trouveraient infiniment petites vis-à-vis de celles auxquelles elles seraient ajoutées ou dont elles seraient retranchées. Il ne nous reste donc plus qu’à appliquer cette formule générale à chaque cas particulier.

Soit proposé de différentier la somme a + b + x + y + z de plusieurs quantités dont les unes a, b sont constantes et les autres x, y, z variables, c’est-à-dire soit proposé de trouver .

Suivant la formule générale donnée ci-dessus, les constantes a, b n’ayant aucune différentielle, et les variables x, y, z ayant respectivement pour différentielles dx, dy, dz, nous devons avoir


équation qui se réduit à

 ;


c’est-à-dire que la différentielle d’une somme quelconque de constantes et de variables est égale à la somme des différentielles des seules variables.


52. Soit proposé de différentier  ; on aura, d’après la formule générale,

,


ou, en réduisant,

 ;


c’est-à-dire que la différentielle de la différence de deux variables quelconques est égale à la différence de leurs différentielles.

Soit proposé de différentier  ; on aura, par la formule générale,

.


53. Soit proposé de différentier le produit xy ; on aura d’abord pour différence, par la formule générale,

,


ou, réduisant,

.

Mais comme il s’agit non d’une différence quelconque, mais de la différentielle, on remarquera que le dernier terme dxdy est infiniment petit relativement à chacun des deux autres, puisqu’en le divisant par le premier il donneet par le secondqui sont évidemment l’une et l’autre des quantités infiniment petites. Donc ce troisième terme doit être négligé vis à vis des autres ; donc la formule se réduit à

.

On trouverait pareillement

 ;


et de même pour un plus grand nombre de facteurs, d’où suit cette règle : Pour différentier le produit de plusieurs facteurs variables, il faut prendre la somme des différentielles de chaque variable, multipliées chacune par le produit de toutes les autres variables.


54. Soit proposé de différentier la fraction .

Suivant la formule générale, la différence sera ou en réduisant au même dénominateur ; or, comme ce n’est point la différence absolue qu’on demande, mais seulement la différentielle, il faut effacer de cette expression la quantité ydy au dénominateur, parce qu’elle se trouve infiniment petite relativement à l’autre terme . Donc on aura

,


c’est-à-dire qu’en général la différentielle d’une fraction est égale au dénominateur de cette fraction multiplié par la différentielle du numérateur, moins le numérateur multiplié par la différentielle du dénominateur ; le tout divisé par le carré du dénominateur.


55. Soit proposé de différentier .

Si l’on fait successivement m = 2, m = 3, m = 4, etc., on pourra regarder comme le produit de x multipliée par elle-même une fois, deux fois, trois fois, etc. ; ainsi on pourra y appliquer la règle établie (53), d’où l’on tirera en général

.

Si l’on suppose successivement etc., ou, ce qui revient au même, si l’on veut différentier les quantités , etc., il n’y aura qu’à leur appliquer la règle trouvée ci-dessus pour différentier les fractions, et l’on parviendra également à la formule

.

Si l’on suppose que l’exposant m soit une fraction, on fera  ; élevant chaque membre à la puissance q, on aura et différentiant chaque membre par la règle ci-dessus, on aura

 ;


d’où je tire

 ;


substituant dans le second membre pour z sa valeur , on aura

,


qui est encore la même formule que ci-dessus.

C’est-à-dire donc que généralement la différentielle d’une puissance quelconque positive ou négative, entière ou fractionnaire, est le produit de l’exposant de la puissance par la variable élevée à une puissance moindre d’une unité que la puissance donnée, le tout multiplié par la différentielle de la variable.


56. Si les quantités proposées étaient affectées de radicaux, on commencerait par les convertir en quantités affectées d’exposants. Ainsi les règles précédentes suffiront pour différentier toutes les quantités algébriques. Mais les quantités dont les exposants sont variables n’y sont pas comprises ; cependant elles n’en sont pas moins susceptibles de différentiation, ainsi que les autres quantités auxquelles on a donné le nom de transcendantes, telles que les quantités logarithmiques et angulaires. Nous allons parcourir les règles qui ont été trouvées pour cela.


57. Proposons-nous de différentier , a étant une quantité constante et x un exposant variable.

Suivant le principe général, la différentielle cherchée sera

,


c’est-à-dire qu’on aura

(A)

Mais pour rendre cette équation utile, il faut faire en sorte que la quantité infiniment petite dx ne soit point employée en exposant.

Pour cela je fais , j’aurai donc

,


ou, en développant par la formule du binôme de Newton,

,


et comme la quantité infiniment petite dx disparaît devant les nombres finis 1, 2, 3, etc., l’équation, en transposant le premier terme du second membre, se réduit à

Substituant donc cette valeur de dans la formule (A), et remettant pour b sa valeur , on aura

(B)

58. La différentiation des quantités exponentielles, qu'on vient de voir, donne le moyen de différentier aussi les quantités logarithmiques. En effet, suivant la définition générale des logarithmes, on a, quelle que soit la base a du système, , donc . Substituant cette valeur de dx dans l’équation (B), on aura

 ;


d’où, en faisant , on tire


Supposant donc, pour abréger, que ce dernier facteur, qui est constant, soit représenté par m, on aura pour un système quelconque de logarithmes,

(C)

Le nombre m, qui est, comme l’on voit, une fonction connue de la base a du système logarithmique, est ce que l’on nomme module de ce système.

Le cas le plus simple est celui où l’on suppose , ce qui réduit la formule (C) à

.


C’est pourquoi les logarithmes de ce système se nomment logarithmes naturels ou logarithmes népériens, du nom de leur célèbre inventeur, le baron de Néper ; ou encore logarithmes hyperboliques, à cause de leur connexion avec la quadrature des portions de la surface comprise entre l’hyperbole équilatère et ses asymptotes.


59. Puisque nous avons fait en général

,


nous aurons pour les logarithmes naturels, c'est-à-dire pour le cas où ,

,

ce qui donne par approximation
,

c’est-à-dire que la base des logarithmes naturels, ou le nombre dont le logarithme est 1 dans ce système, est à très-peu près le nombre précédent, qu’on est convenu de représenter en général par la lettre e dans les calculs algébriques. Ainsi dans ce système on a ,

Mais nos Tables ordinaires de logarithmes, faites principalement pour l’usage de l’arithmétique, sont calculées sur une autre base. Notre numération étant décimale, on y suppose , c’est-à-dire qu’on y suppose ; on y suppose donc successivement

,


et les valeurs de x qui satisfont à ces équations sont les logarithmes des nombres naturels 1, 2, 3, 4, etc.

En substituant cette valeur 10 de la base dans l'équation trouvée ci-dessus,

,


on a par approximation

C'est-à-dire que ce nombre est le module des Tables ordinaires.


60. Tous les systèmes possibles de logarithmes ont entre eux une liaison intime, de manière que ces logarithmes étant supposés calculés pour un certain système, il suffit de les multiplier tous par un même nombre pour passer à un autre.

En effet, soit K un nombre quelconque, le logarithme de ce nombre pris dans un système dont la base soit a, et le logarithme du même nombre pris dans un autre système dont la base soit a’. Nous aurons donc

,

Donc

Prenant les logarithmes dans le système dont la base est a, on aura

,


ou

.


Donc

.

Mais par la même raison on aurait pour tout autre nombre K’ :

.


Donc

,


ou enfin

.

Donc les logarithmes des deux nombres pris dans le premier système sont entre eux comme les logarithmes des mêmes nombres pris dans le second.


61. Cette quantité constante par laquelle il faut multiplier tous les logarithmes d’un système pour avoir ceux d’un autre, est facile à trouver ; car la proportion trouvée ci-dessus


donne

,


ou plus simplement, à cause de ,

 ;


c’est-à-dire que la quantité constante par laquelle il faut multiplier les logarithmes d’un système pour avoir ceux d’un autre, est l’unité divisée par le logarithme de la base de cet autre système pris dans le premier.

62. Si l’on différentie l’équation précédente, d’après le principe général établi (58) elle donnera

ou

Ainsi, au lieu de diviser les logarithmes népériens par , pour avoir ceux d’un autre système quelconque, il n’y a qu’à les multiplier par m, c'est-à-dire par le module de ce système.

Or nous avons trouvé ci-dessus (59) pour le module des Tables ordinaires, . C’est donc par ce nombre qu’il faut multiplier les logarithmes naturels ou népériens pour avoir les logarithmes tabulaires.

Donc réciproquement si on a les Tables ordinaires calculées, il faudra diviser chacun des logarithmes de ces Tables par 0,43429448 pour retrouver les logarithmes naturels, ou, ce qui revient au même, les multiplier tous par 2,30258509, qui est égal àet d’après l’équation trouvée ci-dessus, , ce dernier nombre doit être le logarithme de 10 pris dans les Tables népériennes.


63. Nous venons de voir que a’ exprimant la base d'un système quelconque de logarithmes, et m son module, on a ou , exprimant le logarithme népérien de a’. Donc dans tout système le module n’est autre chose que l’unité divisée par le logarithme népérien ou naturel de la base logarithmique de ce système.

Si donc nous reprenons les dénominations de l'article 58, c'est-à-dire que nous exprimions par a la base d'un système quelconque de logarithmes, et par m son module, nous aurons , désignant le logarithme naturel de a, et non le logarithme pris dans le système dont a est la base et m le module.

Mais nous avons vu (59) qu'on a aussi généralement entre le module et la base d’un système quelconque :

Donc en général on a

(D)


exprimant toujours le logarithme népérien de a, ce qui donne une formule générale pour calculer les logarithmes de ce système.

Si dans cette formule on met pour a sa valeur (57) elle deviendra

.

Si dans cette équation on fait b négatif, elle deviendra

;


retranchant cette équation de la précédente, et observant que

,


on aura

(F)


formule très connue qui donne le moyen de construire avec facilité les Tables des logarithmes naturels.


64. D’après ce qui a été dit (57 et 58), nous pouvons facilement différentier toute quantité, soit exponentielle, soit logarithmique ; mais nous observerons que les logarithmes naturels ou népériens sont les seuls qu’on emploie en algèbre, comme étant les plus simples ; que la lettre e est généralement prise pour représenter la base de ce système, c’est-à-dire le nombre dont le logarithme est 1, et qu’enfin ce nombre est 2,71828182845, à très-peu près (59). Cela posé :

Soit proposé de différentier , nous aurons ce qu’on exprime ainsi .

On trouvera de même

 ;  ;
 ;  ;
.

Soit proposé de différentier  ; nous aurons

 ;


soit proposé de différentier  ; on aura

 ;


pareillement on trouvera

 ;
, etc.

D’après tout ce qui vient d’être dit sur les quantités exponentielles et logarithmiques, on voit que leur différentiation se réduit aux deux règles suivantes, qui, dérivent l’une de l’autre (57 et 58).


1o . La différentielle du logarithme d’une quantité quelconque est égale à la différentielle de cette quantité, divisée par cette même quantité.

2o . La différentielle d’une quantité exponentielle se trouve en multipliant cette quantité exponentielle par la différentielle de son logarithme.

Je passe à la différentiation des quantités angulaires.


65. Soit proposé de différentier , x étant un arc quelconque de cercle dont le rayon est 1.

Suivant le principe général de la différentiation, on doit avoir

.

Mais il est aisé de voir que, 1o  le cosinus d’un arc infiniment petit ne diffère du rayon que d’une quantité infiniment petite du second ordre, puisque cette quantité est le sinus verse, et que le sinus verse est égal au carré du sinus qui est une quantité infiniment petite du second ordre, divisé par le diamètre moins le même sinus verse, qui est une quantité finie ; d’où suit d’abord qu’on peut supposer , et par conséquent  ; 2o  la circonférence pouvant être considérée comme un polygone d’une infinité de côtés, diffèrent infiniment peu l’un de l’autre, puisque dx est l’hypoténuse d’un triangle rectangle ; donc un des petits côtés est , et l'autre cosinus verse dx, qui est un infiniment petit du second ordre.

Donc l’équation trouvée ci-dessus se réduit à

.

Soit proposé de différentier .

Suivant le principe général de la différentiation, on doit avoir



équation qui, d’après les observations ci-dessus, se réduit à

.

Soit proposé de différentier . On a

,


donc

,


équation qui se réduit à

,


et comme

,


on trouvera de même

.

66. En appliquant ces règles principales à d’autres exemples, on trouvera :


67. D’après ce qui a été dit sur la différentiation des quantités de toutes espèces, il est évident que la différentielle d’une quantité qui ne renferme qu’une seule variable x, doit avoir pour l’un de ses facteurs la différentielle dx, puisqu’elle doit se réduire à zéro en faisant . Mais aucun des termes ne doit se trouver multiplié par les puissances supérieures de dx, parce que ces termes, étant infiniment petits relativement aux autres, ont dû être négligés.

Par la même raison, si la fonction contient plusieurs variables x, y, z, la différentielle ne peut contenir que des termes multipliés par dx, dy, dz, à la première puissance seulement, et il ne doit s’en trouver aucun qui ait pour facteur ces différentielles élevées à des puissances supérieures ou multipliées les unes par les autres.

La somme des termes qui ont pour facteur commun dx, composent la différentielle de la fonction proposée relativement à x, c'est-à-dire en regardant x seule comme variable ; et de même pour la somme des termes qui ont pour facteurs communs dy, dz, etc.

Donc la différentielle totale de la fonction proposée n’est autre chose que la somme des différentielles partielles que l’on obtient en faisant varier cette fonction successivement par rapport à chacune des variables qui s’y trouvent.

Pour exprimer ces différentielles partielles, on emploie la notation suivante. Soit P une fonction de x, y, z, etc. La différentielle partielle de cette fonction prise par rapport à x s’exprime ainsi  ; de même exprime la différentielle de la fonction P par rapport à y ; ainsi des autres : de sorte qu’on a


68. Au lieu de considérer le système des quantités variables dans deux états consécutifs, comme nous l’avons fait jusqu’à présent, nous pouvons le considérer successivement dans deux, trois, quatre ou un plus grand nombre d’états consécutifs, tous infiniment peu différents les uns des autres. Alors à mesure que le premier des systèmes auxiliaires se rapproche du système proposé, les autres s’en rapprocheront aussi ; tellement que si ce premier système auxiliaire vient à coïncider avec le système proposé, tous les autres coïncideront en même temps, et toutes les différentielles de l’un de ces systèmes à l’autre s’évanouiront à la fois.

Les différences infiniment petites des quantités du premier système auxiliaire aux quantités correspondantes du système désigné ne sont pas les mêmes que celles des quantités du second système auxiliaire à celles du premier ; et de même elles varieront du second au troisième, du troisième au quatrième, ainsi de suite : ainsi ces différences sont des variables qui auront, comme toutes les autres, leurs différentielles ; et en conservant toujours la caractéristique d pour exprimer la différentielle de toute espèce de quantités, la quantité ddx exprimera la quantité dont dx augmente du premier système auxiliaire au second ; de la même manière que dx exprime la quantité dont x augmente en passant du système désigné à ce premier système auxiliaire. Pareillement dddx exprimera la quantité dont ddx augmente en passant du second système auxiliaire au troisième, ainsi de suite.

Les quantités dx, ddx, dddx, etc., se nomment différentielles première, seconde, troisième, etc., de la quantité x. Pareillement dy, ddy, dddy, etc., sont les différentielles première, seconde, troisième, etc., de y ; ainsi des autres.

Au lieu d’écrire ddx, dddx, ddddx, etc., on écrit souvent par abréviation , etc., ce qui n’indique point des puissances, et ne doit pas être confondu avec , etc., qui sont aussi des abréviations, et signifient , qui sont réellement les puissances de dx, qu’on exprime encore en supprimant la parenthèse et écrivant seulement , etc., et qu’il faut également distinguer des quantités , etc., qui sont les différentielles des puissances , etc., de x, tandis que les autres sont, au contraire, les puissances des différentielles de x.


69. Il suit de ce qui vient d'être dit, que les différentielles de tous les ordres se différentient comme toute autre variable, et qu'il ne faut point de règles particulières pour cela. Ainsi, par exemple, en différentiant xy, on trouve  ; différentions cette différentielle, et nous aurons

 ;


différentions de nouveau celle-ci, et nous aurons

 ;


ainsi de suite.


70. Il est bon d'observer que, quoique ne soient pas la même chose, ce sont cependant deux quantités infiniment petites du second ordre. Car, par exemple, la première différentielle de l'équation

 ;


et la différentielle seconde est

,


où l’on voit que l’équation ne peut être homogène, à moins que tous les termes ne soient du même ordre, c’est-à-dire tous du second.

71. Il faut encore observer que quand diverses variables sont liées par des équations, on peut toujours prendre pour constante la différentielle de l’une quelconque de ces variables, laquelle est alors prise pour terme de comparaison, et sert à régler toutes les autres. Car, par exemple, dans une courbe, nous pouvons bien supposer que les accroissements successifs de l’abscisse se font par degrés égaux infiniment petits ; alors tous les dx seront égaux, et par conséquent on aura  : mais à ces degrés égaux d’accroissement de l’abscisse répondront des accroissements de l’ordonnée qui ne seront point égaux ; ainsi ddy ne sera pas zéro, et la loi suivant laquelle varieront ces dy en passant d’un système à l’autre, tandis que dx restera constant, sera précisément ce qui fera connaître la nature de la courbe, c’est-à-dire que la nature de la courbe dépendra des relations qui existeront entre les différentielles successives, dy, ddy, dddy, etc., de la variable désignée y.

Appliquons ces règles générales du calcul différentiel à quelques exemples.


72. Soit proposé de trouver la sous-tangente de la courbe qui a pour équation

.

Considérons la courbe proposée comme un polygone d’une infinité de côtés. Soit MN un de ces côtés (fig. 1) ; si l’on prolonge ce côté jusqu’à l'axe de la courbe en T, ce sera la tangente ; soit cet axe ou ligne des abscisses TB ; des deux extrémités M, N, du petit côté MN soient menées les ordonnées MP, NQ, infiniment proches l’une de l’autre, et du point M soit menée la petite droite MO, parallèle à l’axe et terminée à l’ordonnée MQ. La ligne TP est donc la sous-tangente cherchée.

Or il est clair qu’on a , et que les triangles semblables MNO, TMP, donnent par conséquent

.


Donc nous avons l’équation imparfaite

(A)

Maintenant je différentie l’équation donnée pour en tirer la valeur de et la substituer dans l’équation (A). Cette équation différentiée me donne

,


qui est aussi une équation imparfaite, d’où je tire

(B)

Substituant cette dernière valeur de dans l’équation (A) j’aurai


équation qui, étant dégagée de toute considération de l’infini, est rigoureusement exacte, et me donne la valeur cherchée de la sous-tangente TP.


73. Soit proposé de déterminer les plus grandes et les plus petites ordonnées de la courbe qui a pour équation

(fig. 5)

Il est clair que les plus grandes et les plus petites ordonnées de la courbe proposée sont celles qui répondent aux points où la tangente devient parallèle aux abscisses, ou, ce qui revient au même, en considérant la courbe comme un polygone d’une infinité de côtés ; ce sont les ordonnées qui répondent aux petits côtés parallèles aux abscisses : d’où il suit que l’ordonnée reste la même sur toute l’étendue de ce petit côté, c’est-à-dire qu’au point du maximum ou du minimum de cette ordonnée sa différentielle devient 0, quoique celle de l’abscisse ne le soit pas, et qu’on a par conséquent .


Appliquons ce principe à l’équation proposée ; en la différentiant elle nous donnera l’équation imparfaite

c’est donc cette quantité qui doit être égale à 0, ce qui donne
.


et par conséquent

,


équations qui, étant dégagées de toute considération de l’infini, sont rigoureusement exactes.


74. Soit proposé de trouver le maximum ou le minimum de la fonction des variables x, y, z.

Lorsqu’une fonction est parvenue à son maximum, elle cesse d’augmenter pour diminuer ensuite, soit que les variables particulières qui y entrent continuent d’augmenter, soit qu’elles diminuent, et lorsqu’elle est parvenue à son minimum, elle cesse nécessairement de diminuer pour augmenter ensuite, soit que les variables particulières augmentent, soit qu’elles diminuent. Ainsi dans le cas des maxima et des minima, la différentielle de la fonction est toujours égale à zéro, quoique les différentielles des variables particulières ne le soient pas.

Pour appliquer ce principe au cas proposé, je suppose d’abord qu’on ait trouvé les valeurs déterminées de y et z qui satisfont à la condition proposée, il ne restera donc plus qu’à déterminer celle de x : ce qui se fera par conséquent en différentiant la fonction proposée relativement à x seulement, égalant à zéro et divisant par dx, ce qui donnera

.

En appliquant ce même raisonnement aux variables y et z, on aura pareillement

,
,


équations qui, étant toutes indépendantes de la considération de l’infini, sont rigoureusement exactes. Telles sont donc les trois équations finies auxquelles il faut satisfaire, ce qui ramène la question proposée à l’analyse ordinaire.

Ces trois différentiations successives reviennent évidemment au même que si l’on différentiait la fonction par rapport à à toutes les variables à la fois, et qu’on égalât à 0 le coefficient différentiel de chacune de ces variables.


75. Soit proposé de trouver le point d’inflexion de la courbe qui a pour équation , si elle en a un.

Soit ABMN (fig. 6) la courbe proposée, que AP soit l’abscisse et MP l’ordonnée, correspondantes au point d’inflexion cherché M. Soit menée un tangente MK à ce point d’inflexion, il est visible que l’angle KMP est un maximum, c’est-à-dire plus grand que l’angle LNQ, formé par une autre tangente quelconque NL et l’ordonnée correspondante NQ ; donc la tangente trigonométrique de l’angle KMP. est aussi un maximum. Mais cette tangente trigonométrique est , donc on doit avoir

.

Or, la courbe ayant pour équation

,


on a

 ;


donc on doit avoir

,


ce qui donne

,


équation qui, étant dégagée de toute considération de l’infini, est rigoureusement exacte.


70. Soit proposé de trouver le rayon du cercle osculateur de la courbe qui a pour équation (fig. 7).

Soit une courbe abcdeF enveloppée d’un fil fixé par l’une de ses extrémités à l’un quelconque F des points de cette courbe, plié sur elle, et dont l’autre extrémité soit M. Si l’on conçoit maintenant que ce fil restant toujours tendu se déroule, et que son extrémité M trace une nouvelle courbe Mmm’, cette nouvelle courbe s’appelle développante de la première, et cette première s’appelle la développée.

La portion du fil comprise à chaque instant entre la développée et la développante se nomme rayon de la développée : ainsi, pour le point M de la développante, la droite Mb est ce qu’on nomme le rayon de la développée, mc est le rayon de la développée au point m ; ainsi de suite.

Si l’on considère la développée comme un polygone d’une infinité de côtés ab, bc, cd, etc., les petites portions Mm, mm’, etc., de la développante deviendront de petits arcs de cercle qui auront leurs centres aux points c, d, etc. ; c’est pourquoi les cercles qui ont pour rayons respectifs Mc, md, etc., et dont les petits arcs se confondent avec ceux de la développante, se nomment cercles osculateurs de cette courbe, aux lieux où ils se confondent ; ainsi les rayons des cercles osculateurs, que pour cette raison on nomme aussi rayons de courbure, ne sont autre chose que ceux de la développée.

Il s’agit donc de trouver le rayon de la développée pour un point quelconque M de la développante. Or, la grandeur d’un angle étant estimée par l’arc qui en donne la mesure lorsque le rayon est 1, il est clair que l’arc (A) ; mais les rayons Mc, md, étant successivement perpendiculaires aux petits arcs Mm, mm’, et par conséquent à leurs tangentes respectives aux points M, m, l’angle Mcm, formé par ces rayons sera le même que celui que formeraient ces tangentes. Or, il est évident que dans une courbe quelconque l’angle formé par deux tangentes est égal à l’accroissement que reçoit, en passant de l’une à l’autre, l’angle formé par l’ordonnée avec la première de ces tangentes : donc si les deux tangentes sont infiniment proches l’une de l’autre, l’angle qu’elles formeront, et par conséquent aussi l’angle Mcm que formeront les rayons de courbure correspondants Mc, md, sera la différentielle de l’angle formé par la tangente de la courbe et l’ordonnée.

Supposant donc que MT soit la ligne tangente au point M et MP l’ordonnée, si l’on nomme R le rayon de courbure, s l’arc correspondant, x et y les coordonnées, on aura, par l’équation (A) trouvée ci-dessus,

(B)

Mais la tangente trigonométrique de l’angle TMP est (72) et l’on sait (65) que la différentielle d’un angle est égale à la différentielle de sa tangente, multipliée par le carré du cosinus, donc

,


donc l’équation (B) devient

,


d’où l’on tire

(C)

Il s’agit maintenant d’appliquer cette formule générale qui n’est qu’une équation imparfaite au cas proposé, c’est-à-dire à la courbe qui a pour équation

.

En différentiant cette équation, on a

,


et par conséquent :

 ;


ainsi l’équation (C) devient,

,


ou, à cause de

.

Substituant dans cette équation imparfaite pour sa valeur et réduisant, on aura

,

équation qui, étant dégagée de toute considération de l’infini, est rigoureusement exacte.

du calcul intégral.

77. Il ne faut pas perdre de vue que les quantités infinitésimales ne sont jamais que des quantités auxiliaires, introduites seulement dans le calcul pour faciliter la comparaison des quantités désignées, c’est-à-dire des quantités dont on veut avoir la relation, et dont le but ultérieur qu’on se propose est toujours de les éliminer.

Lorsque cette élimination n’a besoin, pour être exécutée, que des transformations ordinaires de l’Algèbre, les opérations se rapportent à ce qu’on nomme calcul différentiel. Mais lorsqu’on ne peut obtenir cette élimination que par l’opération inverse de celle qu’on fait pour différentier des quantités proposées, cette opération devient l’objet de ce qu’on nomme calcul intégral.

Intégrer une quantité différentielle, c’est retrouver la quantité qui, par sa différentiation, donne cette quantité différentielle proposée.

Mais cette opération inverse est beaucoup plus difficile que l’opération directe, de même que la division est plus difficile que la multiplication, dont elle n’est cependant que l’opération inverse ; que l’extraction des racines est plus compliquée que l’élévation des puissances, dont elle est également l’inverse ; et qu’enfin la résolution des équations est beaucoup plus difficile que leur composition, puisqu’on n’y parvient même généralement que pour les degrés inférieurs.

Il y a d’ailleurs un grand nombre d’expressions différentielles, telles que , qui ne peuvent réellement résulter d’aucune différentiation, et qui, par conséquent, ne sauraient s’intégrer : il y en a d’autres qui peuvent être susceptibles d’intégration, mais le moyen d’y parvenir n’est pas encore connu.


78. La quantité qui par sa différentiation produit une différentielle proposée, s’appelle intégrale de cette différentielle, parce qu’on la regarde comme ayant été formée par des accroissements successifs infiniment petits ; chacun de ces accroissements est ce que nous avons appelé la différentielle de la quantité croissante, c’en est une fraction ; et la somme de toutes ces fractions est la quantité entière que l’on cherche, et que pour cette raison l’on nomme intégrale de cette différentielle ; c’est par cette même raison que l’on appelle intégrer ou sommer une différentielle, chercher l’intégrale ou la somme de tous les accroissements successifs infiniment petits qui forment la série, dont la différentielle proposée est, à proprement parler, le terme général.


79. Une intégrale étant considérée comme la somme des éléments qu’on nomme différentielles, on est convenu de la désigner dans le calcul par la caractéristique ʃ qui est regardée comme l’abréviation des mots somme de. Ainsi le signe ʃ détruit l’effet du signe d, de manière que n’est autre chose que la quantité X elle-même.

Il est évident que deux quantités variables qui demeurent constamment égales entre elles, augmentent à chaque instant autant l’une que l’autre, et que par conséquent leurs différentielles sont égales : et la même chose aurait lieu quand même ces deux quantités eussent différé entre elles d’une autre quantité quelconque, lorsqu’elles ont commencé à varier ; pourvu que cette différence primitive soit toujours la même, leurs différentielles seront toujours égales.

Réciproquement, il est clair que deux quantités variables qui reçoivent à chaque instant des augmentations infiniment petites égales, doivent aussi demeurer constamment égales entre elles, ou différer toujours de la même quantité, c’est-à-dire que les intégrales de deux différentielles qui sont égales ne peuvent jamais différer entre elles que d’une quantité constante.

Par la même raison, si deux quantités quelconques sont infiniment peu différentes l’une de l’autre, leurs différentielles différeront aussi entre elles infiniment peu ; et réciproquement, si deux quantités différentielles sont infiniment peu différentes l’une de l’autre, leurs intégrales, abstraction faite de la constante, ne peuvent aussi différer l’une de l’autre qu’infiniment peu.


80. C’est sur ces principes qu’est fondée l’application des règles du calcul intégral. Soit, par exemple (fig. 8), AMNR, une courbe dont on veuille trouver l’aire, c’est-à-dire la surface AMP, comprise entre l’arc AM de cette courbe, son abscisse AP et son ordonnée MP.

Si l’on conçoit que l’abscisse AP ou x augmente de la quantité infiniment petite PQ ou dx, l’aire cherchée de la courbe augmentera du petit trapèze mixtiligne MNQP ; ce petit trapèze sera donc l’élément ou la différentielle de la surface cherchée ; ainsi nous aurons d’abord

(A)

Mais d’un autre côté, en négligeant le petit triangle mixtiligne MNO, qui est évidemment infiniment petit à l’égard du trapèze, nous aurons pour l’aire de ce trapèze considéré comme égal au rectangle MOQP, le produit ydx de sa base y par sa hauteur dx ; donc ydx diffère infiniment peu de la différentielle de l’aire cherchée. Donc (79) différera infiniment peu de MNQP ou AMP, abstraction faite de la constante, c’est-à-dire donc que

(B)

est ce que j’ai appelé une équation imparfaite.

Supposons, par exemple, que la courbe soit une parabole ordinaire, dont le paramètre soit p, nous aurons , et en différentiant  ; donc  ; substituant cette valeur dans l’équation (A), on aura

Mais (55)

.

Donc réciproquement

. (79)

Donc l’équation (B) devient

,

ou, à cause de ,

(C)

Mais cette équation, que je n’ai regardée jusqu’à présent que comme une équation imparfaite, se trouve ne renfermer aucune quantité infinitésimale : donc elle est devenue parfaitement rigoureuse, c’est-à-dire que l’aire de la parabole est exactement .

Il me reste à déterminer la constante C. Pour cela j’observe que l’origine des abscisses étant en A, si nous supposons x=0, nous aurons aussi y=0. Et comme nous cherchons l’aire totale à compter du point A, nous aurons aussi AMP = 0. Donc l’équation

devant avoir lieu, quelle que soit la valeur de x, donne

, ou .

Donc l’équation qui donne l’aire de la parabole se réduit à

.

On conçoit par cet exemple l’usage qu’on peut faire du calcul intégral, et combien il est important de rechercher les moyens de passer des équations différentielles qu’on peut avoir, trouvées par l’expression des conditions d’un problème aux équations intégrales qui peuvent en dériver.


81. Les règles du calcul intégral dérivent nécessairement de celles du calcul différentiel, qui en est l’inverse. Le détail de ces règles ne peut être l’objet d’un ouvrage tel que celui-ci. Contentons-nous d’en donner une idée. Considérons d’abord le cas où il n’entre qu’une seule variable dans l’expression différentielle.

Soit proposé d’intégrer le monôme  ; je dis qu’on aura

,

abstraction faite de la constante que je sous-entends pour plus de simplicité.

En effet, si l’on différentie , suivant la règle prescrite (55), on aura . Donc réciproquement l’intégrale de est, comme nous l’avons dit, . C’est-à-dire donc qu’en général :

Pour intégrer une différentielle monôme à une seule variable il faut : 1o . augmenter l’exposant de la variable d’une unité ; 2o . diviser par cet exposant ainsi augmenté de l’unité, et par la différentielle de la variable.

Cette règle a lieu, soit que l’exposant soit positif ou négatif, entier ou fractionnaire.

Si la différentielle monôme avait un radical, il faudrait, pour appliquer la règle précédente, commencer par convertir ce radical en exposant fractionnaire.


82. La règle donnée ci-dessus souffre cependant une exception, dans le cas où l’on a , puisque alors l’intégrale deviendrait , quantité infinie. Dans ce cas, la véritable intégrale est , c’est-à-dire qu’on a

,

puisque en effet nous avons (64)

.

Mais il faut remarquer que pour rendre l’intégrale complète, on doit y ajouter une constante C. Ainsi l’on a réellement

.

Si l’on veut maintenant que l’intégrale commence lorsqu’on a x=0, c’est-à-dire si l’on veut que l’intégrale soit 0 quand x est 0, on aura

ou  ;

donc l’intégrale complète sera

,


c’est-à-dire qu’alors l’intégrale complète sera infinie, ce qui explique pourquoi la règle donnée ci-dessus fait trouver pour une quantité infinie pour le cas où l’on a .


83. Puisque nous savons intégrer un monôme quelconque, nous pourrons intégrer une suite quelconque de monômes, telle que

,

car il n’y a qu’à appliquer la règle trouvée à chacun de ces monômes en particulier. Ainsi, toujours abstraction faite de la constante, nous aurons

.

Il est évident que la même règle s’applique au cas où il entre dans l’expression différentielle des quantités complexes, pourvu qu’elles ne se trouvent point au dénominateur, et que leur exposant soit un nombre entier et positif, puisque alors il n’y a qu’à exécuter l’opération, c’est-à-dire élever à la puissance indiquée, pour convertir la fonction en une suite de monômes.


84. La même règle s’applique encore au cas où la fonction proposée, quoique complexe, se trouverait élevée à une puissance quelconque, fractionnaire ou négative, pourvu que la totalité des termes qui multiplie cette quantité complexe fût la différentielle de ce qui est sous l’exposant, multipliée par une constante ; car, pour ramener ce cas au premier, il n’y a évidemment qu’à faire cette quantité complexe égale à une nouvelle variable simple.

Soit, par exemple, proposé d’intégrer la quantité différentielle

,


qui contient la fonction complexe , l’exposant m pouvant être négatif ou fractionnaire : je vois que cette différentielle est intégrable, parce que le facteur dx est la différentielle de la quantité complexe qui est sous l’exposant, multipliée par une constante. En effet, soit

,

en différentiant, nous aurons

ou  ;


donc la formule à intégrer devient dont l’intégrale est  ; ou en remettant pour y sa valeur (a+bx) on aura

.


85. Cette application de la règle peut s’étendre à tous les cas où l’exposant de la variable hors du binôme, augmenté d’une unité, se trouve divisible par l’exposant de la même variable dans le binôme, et donne pour quotient un nombre entier positif.

Soit, par exemple, proposé d’intégrer la quantité différentielle

.

Je vois que l’exposant 3 de la variable hors du binôme étant augmenté d’une unité devient 4, qui est exactement divisible par l’exposant 2 de la variable dans le binôme, et que le quotient est un nombre entier positif. J’en conclus que la différentielle proposée est intégrable, et que, pour obtenir cette intégrale cherchée, il n’y a qu’à faire le binôme égal à une nouvelle variable. En effet, si l’on suppose , et que l’on fasse les opérations indiquées, on trouvera, abstraction faite de la constante,

.


86. Lorsque les quantités différentielles à une seule variable ne sont pas comprises dans la règle que nous venons d’expliquer, ou dans les cas qui en dérivent, comme on vient de le voir, on tâche de les y ramener par diverses transformations. Lorsqu’on ne peut y réussir, on réduit les expressions proposées en séries, qui forment des suites infinies de monômes, et l’on intègre ainsi par approximation.

Soit maintenant proposé d’intégrer .

Je dis que l’on aura

,


C étant la constante qu’on doit ajouter à toute intégrale.

En effet, en différentiant , suivant la règle prescrite (65), on aura  ; donc réciproquement l’intégrale de

est .

Pareillement on aura, en général,

.

Soit proposé d’intégrer . On aura

.


car en différentiant cette équation (65), on retombe sur une équation identique.

Soit proposé d’intégrer . Je remarque que est la différentielle de  ; donc cette intégration rentre dans la règle générale des monômes, qui donne

.

87. Considérons maintenant les quantités différentielles qui renferment plusieurs variables.

Puisque pour différentier une fonction qui contient plusieurs variables, il faut différentier successivement, relativement à chacune d’elles, en regardant toutes les autres comme constantes ; réciproquement, pour intégrer une fonction différentielle à plusieurs variables, il faut d’abord n’en considérer qu’une comme variable, intégrer par conséquent comme si toutes les autres étaient constantes et que leurs différentielles fussent 0 ; l’intégrale ainsi trouvée, on la différentie, par rapport à toutes les variables, pour savoir si la différentielle ainsi trouvée est identique avec la proposée. Si elle l’est, l’intégrale est juste, et il n’y a plus qu’à y ajouter une constante ; si elle ne l’est pas, en ôtant de la proposée celle qu’on a trouvée, il restera une quantité que l’on intégrera, pour la joindre avec ce qu’on a déjà.


88. Soit, par exemple, proposé d’intégrer la différentielle

.

J’intègre en regardant x seule comme variable, et par conséquent comme si y était constante, et que dy fût égale à 0 ; j’ai par ce moyen . Cette quantité différentiée en faisant varier x et y me donne

.


qui est la même chose que la proposée. J’en conclus que l’intégrale cherchée est réellement

,


plus une constante.

Soit proposé d’intégrer

.

J’intègre en regardant x seule comme variable, et par conséquent dy et dz comme nulles. J’aurai

.
Je différentie maintenant cette quantité en faisant varier x, y, z, et j’ai
.

Je retranche cette différentielle de la proposée et il me reste . Je prends donc l’intégrale de cette dernière quantité, c’est , que j’ajoute à ce que j’ai trouvé, et j’ai pour l’intégrale complète

,


laquelle étant différentiée, redonne, en effet, la quantité différentielle proposée.


89. Puisque les quantités différentielles sont elles-mêmes susceptibles de différentiation, les fonctions dans lesquelles il se trouve des différentielles secondes, troisièmes, etc., peuvent se trouver susceptibles d’intégration. Soit, par exemple, proposé d’intégrer la quantité différentielle du second ordre

,


dans laquelle dy soit considérée comme constante. En suivant ce qui vient d’être dit ci-dessus, c’est-à-dire en intégrant comme si ddx seule était variable, achevant l’opération et complétant l’intégrale par l’addition d’une constante Cdy, du même ordre que les autres quantités de la formule, nous aurons

,


quantité différentielle qui, intégrée de nouveau, donne

.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur les principes du calcul intégral ; ce que nous venons de dire suffit à notre objet. Nous nous bornerons donc à un petit nombre d’applications, renvoyant pour le surplus de cette vaste science aux ouvrages des savants auteurs qui en ont traité ex professo.


90. Soit proposé de trouver l’aire de la courbe dont l’équation est

,

en supposant pour plus de simplicité les coordonnées rectangulaires.

Pour trouver l’aire d’une courbe, nous la considérons comme formée en croissant continuellement par l’addition successive des petits trapèzes mixtilignes, compris entre les ordonnées consécutives qui répondent aux accroissements infiniment petits de l’abscisse, de sorte que le dernier de ces petits trapèzes est la différentielle de l’aire cherchée, et celle-ci l’intégrale de cette différentielle.

Nommant donc Z l’aire cherchée, dZ sera la valeur du dernier petit trapèze mixtiligne.

Or, d’un autre côté, si nous négligeons le petit triangle mixtiligne compris entre l’arc de la courbe et les petites lignes dx, dy lequel est visiblement infiniment petit à l’égard de ce trapèze, l’aire de celui-ci se réduira au rectangle qui a pour base y et pour hauteur dx, c’est-à-dire à ydx.

Donc, pour toute courbe, nous aurons l’équation imparfaite

,


et par conséquent aussi

(A)

Mais dans le cas présent nous avons par hypothèse

 ;


substituant cette valeur de y dans l’équation (A), nous aurons la nouvelle équation imparfaite,

,


laquelle étant intégrée donne

,


équation qui, étant dégagée de toute considération de l’infini, est rigoureusement exacte.


91. Soit proposé de rectifier la courbe qui a pour équation

,


en supposant les coordonnées rectangulaires.

Pour rectifier une courbe, nous la considérons comme un polygone d’une infinité de côtés, et nous la supposons formée, en croissant continuellement par l’addition successive de ces petits côtés, à mesure que l’abscisse augmente elle-même ; de sorte que le dernier de ces petits côtés est la différentielle de l’arc cherché, et celle-ci l’intégrale de cette différentielle.

Nommant donc s l’arc cherché, ds sera le dernier des petits côtés du polygone ; et comme ce petit côté est l’hypoténuse du triangle qui a dx et dy pour ses autres côtés, on aura pour toute courbe l’équation imparfaite

 ;


je dis équation imparfaite, parce qu’en considérant la courbe comme un polygone d’une infinité de côtés, on commet une erreur, mais cette erreur peut être supposée aussi petite qu’on le veut ; donc on a aussi l’équation imparfaite

(A)

Mais dans le cas présent, nous avons par hypothèse

,


d’où l’on tire

,


et en différentiant,

 ;


donc

.

Substituant cette valeur de dans la formule (A), nous aurons

,


exécutant l’opération indiquée et ajoutant une constante, on aura

,


équation qui, étant dégagée de toute considération de l’infini, est rigoureusement exacte.


92. Soit proposé de trouver le volume du paraboloïde formé par la rotation autour de son axe de la parabole ayant pour équation

,


p exprimant le paramètre.

Pour trouver le volume d’un corps, nous le considérons comme formé en croissant continuellement par l’addition successive des tranches infiniment minces, comprises entre les sections perpendiculaires à l’axe, qui répondent aux accroissements infiniment petits consécutifs de l’abscisse ; de sorte que la dernière de ces tranches est la différentielle du volume cherché, et celui-ci l’intégrale de cette différentielle.

Nommant donc V le volume cherché, dV sera la valeur de la dernière tranche.

Or, d’un autre côté, en négligeant les onglets compris entre la surface extérieure du corps proposé et le petit prisme qui a pour base la plus petite des bases de la tranche, lequel est évidemment infiniment petit à l’égard de cette tranche, celle-ci se réduira à cette plus petite base multipliée par sa hauteur dx.

Donc en nommant k cette base, on a pour tous les corps cette équation imparfaite,

,


et par conséquent,

(A)

Cela posé, dans le cas présent il s’agit d’un solide de révolution, et k est un cercle qui a pour rayon y ; donc en nommant le rapport de la circonférence au diamètre, on aura,

 ;


donc l’équation imparfaite (A) devient

(B)


mais par hypothèse nous avons , donc

,


ou, en effectuant l’opération indiquée,

,


ou

,


équation qui, étant entièrement dégagée de toute considération de l’infini, est parfaitement rigoureuse.

Pour déterminer C, il faut fixer le point d’où l’on veut partir pour le volume cherché. Si l’on veut partir du sommet de l’axe par exemple, on aura x = 0 et V = 0, donc alors C = 0 et la formule se réduira à

,


c’est-à-dire que le volume cherché sera égal au produit de la base , par la moitié de la hauteur.


93. Soit proposé de trouver le centre des moyennes distances ou centre de gravité d’une pyramide.

Pour avoir la distance du centre de gravité de plusieurs corps à un plan donné, il faut multiplier la masse de chacun de ces corps par sa distance au plan donné, et diviser le tout par la somme des masses.

Cela posé, concevons du sommet de la pyramide au centre des moyennes distances de sa base une ligne droite ; il est clair que le centre cherché des moyennes distances de la pyramide sera dans cette droite : il reste donc à savoir quelle est la distance de ce centre à la base de cette pyramide, et c’est ce que nous devons trouver d’après le principe établi ci-dessus.

Pour cela, je nomme H la hauteur de la pyramide, B sa base et x la distance du sommet à l’une quelconque des coupes faites parallèlement à cette base.

x venant à augmenter de dx, la petite tranche qui répondra à cette augmentation sera la différentielle du volume de la pyramide.

Or, comme les sections parallèles à la base sont proportionnelles aux carrés des distances au sommet, la section correspondante à la hauteur sera , et le volume de la tranche, en négligeant l’onglet comme infiniment petit relativement à cette tranche, sera par conséquent

 ;


donc son moment relativement à la base sera

,


donc c’est la somme de ces moments ou l’intégrale de cette quantité différentielle qu’il faut diviser par le volume de la pyramide pour avoir la distance cherchée du centre des moyennes distances de la pyramide à la base ; c’est-à-dire que si l’on nomme Y cette distance, on aura l’équation imparfaite


ou, en exécutant les opérations indiquées et réduisant,


équation qui, ne contenant plus de quantités infinitésimales, est rigoureusement exacte.

Pour achever la solution, il faut déterminer les constantes C, C’ ; or, comme il s’agit de la pyramide entière, il faut d’abord supposer , alors les deux intégrales deviennent aussi chacune 0, on a donc ,  : donc l’équation se réduit à

 ;


et faisant on a pour la pyramide entière

 ;


c’est-à-dire que le centre cherché des moyennes distances de la pyramide est sur la droite menée du sommet au centre des moyennes distances de la base, et au quart de cette ligne à partir de cette même base.


94. Soit proposé de trouver l’équation de la courbe dont la sous-tangente est à l’abscisse dans un rapport donné, c’est-à-dire que x étant l’abscisse, la sous-tangente soit mx m est supposée constante.

L’expression générale de la sous-tangente dans une courbe quelconque dont les coordonnées sont x et y est c’est-à-dire que diffère infiniment peu de la sous-tangente. Nous avons donc dans le cas présent l’équation imparfaite

,


d’où je tire

,


et en intégrant

,


a étant une constante.

Multipliant par m et réduisant, on aura

,


ou

,


ou enfin

,


équation qui, étant dégagée de toute considération de l’infini, est rigoureusement exacte.

DU CALCUL DES VARIATIONS

95. Le calcul des variations est l’une des plus brillantes conceptions de notre immortel Lagrange. L’objet principal de ce calcul est de résoudre d’une manière générale les fameuses questions de maximis et minimis qui occupèrent si longtemps les premiers géomètres de l’Europe, peu après l’invention du calcul infinitésimal.

Euler avait déjà traité ces questions avec sa profondeur et sa clarté ordinaires, dans un ouvrage à part, intitulé : Methodus inveniendi lineas curvas maximâ minimâve proprietate gaudentes. Mais c’est à Lagrange qu’on doit l’algorithme qui a donné à cette belle théorie un caractère propre et une marche uniforme et simple autant que possible.

Dans les questions ordinaires de maximis et minimis, il s’agit de trouver des valeurs déterminées qu’on doit attribuer aux diverses variables qui entrent dans telle ou telle fonction finie proposée de ces mêmes variables, pour que cette fonction obtienne la plus grande ou la plus petite valeur possible.

Dans le calcul des variations, au contraire, ce sont les relations mêmes qui existent entre les variables qu’il s’agit de trouver, c’est-à-dire les équations qui doivent avoir lieu entre ces variables pour satisfaire à la condition du maximum ou du minimum. De plus, la fonction qui doit être un maximum ou minimum n’est pas, comme dans les questions ordinaires, uniquement composée de quantités finies, mais elle doit être l’intégrale seulement indiquée d’une fonction différentielle qui n’est pas susceptible d’intégration.


96. Qu’il soit question, par exemple, de tracer sur un plan, fig. 9, entre deux points A, D, une courbe telle, que AK étant l’axe et DK l’ordonnée menée du point D perpendiculairement à cet axe, l’aire comprise entre la courbe et les coordonnées AK, DK soit un maximum parmi toutes les courbes de même longueur.

Quoique ce problème appartienne à la théorie générale des maximis et minimis, on voit cependant qu’il est d’une nature bien différente de ceux dont nous avons parlé (73), car il ne s’agit point ici de trouver les valeurs déterminées AK, DK de x et y qui satisfassent à la question proposée, puisque ces valeurs sont déjà données ; mais il s’agit de trouver la nature même de cette courbe, c’est-à-dire l’équation générale qui doit avoir lieu pour tous ses points entre les coordonnées.

L’aire comprise entre cette courbe, quelle qu’elle puisse être, et les coordonnées extrêmes AK, DK est  : c’est donc cette intégrale simplement indiquée qui doit être un maximum. Ainsi dans cette espèce de questions, c’est, comme nous l’avons dit ci-dessus, l’intégrale d’une certaine quantité différentielle non intégrable, qui doit être un minimum, et il s’agit de trouver la relation qui doit exister entre les variables pour satisfaire à cette condition.


97. Cependant le principe général est toujours le même que pour les questions ordinaires des maximis et minimis ; c’est-à-dire que quand la quantité qui doit devenir un maximum, par exemple, est parvenue à ce terme, elle ne peut plus augmenter. En approchant de ce terme, elle augmente de moins en moins jusqu’à ce qu’elle l’ait atteint ; alors elle devient comme stationnaire, pour commencer ensuite insensiblement à diminuer : de sorte qu’à cet état de maximum, la quantité peut être considérée comme constante ou ayant pour différentielle 0, quoique celles des quantités variables dont elle est fonction ne le soient pas. Donc si la forme de la courbe venait à varier infiniment peu pour devenir AM’N'D, et qu’on désignât les nouvelles coordonnées par x’, y’, l’aire pourrait être considérée comme égale à  ; ou, ce qui revient au même, l’accroissement que prend pour devenir doit être supposé égal à 0, lorsque la relation de x à y est celle qui convient au maximum cherché. Or c’est cet accroissement qu’on nomme la variation de , comme on va le dire.


98. Soit donc AM’N’R’D une courbe quelconque infiniment peu différente de la première : si l’on considère cette nouvelle courbe comme la courbe même AMNRD, qui subit une transformation infiniment petite, nous pourrons regarder chaque point M’ de la transformée comme un point M de l’autre qui a passé de M en M’, de sorte que chacun des points de la nouvelle courbe a son correspondant dans la première. Cela posé, l’accroissement que reçoit dans ce changement chacune des quantités qui entrent dans le système, lorsqu’il passe de son premier état au second, se nomme variation de cette quantité. Ainsi, par exemple, la variation MP est M’P’-MP, celle NQ est N’Q’ — NQ, celle de la courbe entière est

,


celle de sa surface est

,


ainsi des autres.


99. Quoique la variation d’une quantité soit la différence de deux valeurs infiniment peu différentes de la même quantité, il ne faut pas la confondre avec sa différentielle ; car celle-ci est la différence de deux valeurs consécutives prises sur la même courbe, au lieu que la variation est la différence des deux valeurs prises d’une courbe à l’autre : ainsi, par exemple, la différentielle de l’abscisse est AQ — AP, tandis que sa variation est AP’ — AP ; la différentielle de l’ordonnée est NQ — MP, tandis que sa variation est M’P’ — MP, etc.

Pour ne pas confondre ces deux espèces de différences, on désigne la nouvelle espèce, c’est-à-dire la variation, par la caractéristique δ, tandis que la différentielle a pour caractéristique d.

Ainsi PQ=dx, tandis que PP’=δx, NQ — MP=dy, tandis que M’P' — MP=δy, etc.

Lorsqu’on passe du point M au point N sur la première courbe, on passe du point M’ au point N’ sur la seconde : ainsi PQ étant la différentielle de x, c’est-à-dire la quantité dont x augmente lorsqu’on passe de M à N, P’Q' sera la différentielle de AP’, c’est-à-dire la quantité dont AP’ ou xx augmente en même temps. De même N’Q' — M’P' est la différentielle de M’P' ou de yy.


100. Les variations ne sont, ainsi que les différentielles, introduites dans le calcul que comme de simples auxiliaires, pour aider à découvrir la relation qui doit réellement exister entre les coordonnées de la première courbe. Il faudra donc s’attacher à éliminer toutes ces variations après les avoir introduites, afin qu’il ne reste plus que la relation cherchée entre les coordonnées; ou, si l’on veut, entre ces coordonnées d’abord et leurs différentielles, et ensuite, par voie d’intégration ou autrement, entre les seules ordonnées et les constantes qui composent le système des quantités désignées.


101. Nous avons déjà remarqué que les combinaisons de l’analyse en général sont fondées sur les divers degrés d’indétermination dont jouissent les quantités mêlées ensemble dans un même calcul. On en a ici un nouvel exemple. Car les variations sont des quantités encore plus indéterminées que les différentielles, déjà elles-mêmes, comme on l’a vu, plus indéterminées que les simples variables.

En effet, lorsque l’on conçoit que la nature d’une courbe vient à changer infiniment peu, on regarde toujours la première courbe comme un terme fixe auquel on la rapporte dans ses divers états successifs. Les petits changements opérés s’expriment par le moyen des variations que subissent les coordonnées et autres quantités du système, et ces variations peuvent être supposées aussi petites qu’on le veut, sans rien changer au système désigné, tandis que celui qui est donné par les variations est un système auxiliaire qui s’approche continuellement du premier, jusqu’à en différer aussi peu qu’on le veut.

Les différentielles sont assujetties à la loi prescrite par la relation des coordonnées, au lieu que la loi qui lie les variations à ces coordonnées est arbitraire, d’où il suit que, quoique les unes et les autres soient de simples auxiliaires, ces dernières sont plus indéterminées que les premières, puisqu’elles pourraient changer encore, quand même on regarderait celles-ci comme fixes.


102. Si l’on suppose que x soit l’une des variables, et x’ la quantité infiniment peu différente qui lui correspond dans le nouveau système, (x’ — x) sera la quantité infiniment petite dont x aura augmenté pour devenir x’, et par conséquent ce que nous avons appelé la variation de x ou δx. Il est donc évident que pour trouver la variation d’une fonction quelconque de x, il n’y aura qu’à y substituer (x + δx), au lieu de x, puis en retrancher la première fonction : procédé qui, étant absolument le même que celui de la différentiation, montre qu’il n’y a de différence entre la variation et la différentielle que dans la caractéristique, qui est δ pour la première, et d pour la seconde.


103. Les règles étant entièrement les mêmes pour les deux calculs, sauf les caractéristiques, il est clair que la variation de dx est δdx, et que réciproquement la différentielle de δx est dδx. Mais avec un peu d’attention nous reconnaîtrons facilement que ces deux quantités δdx et dδx sont les mêmes et ne diffèrent que par leurs formes, c’est-à-dire qu’on a nécessairement

.

En effet, nous avons quatre systèmes de quantités à comparer, savoir : 1o . le système qui répond au point M ; 2o . le système qui répond au point N et auquel on passe du premier par différentiation ; 3o . le système qui répond au point M’ et auquel on passe du premier par variation ; 4o . le système qui répond au point N’ et auquel on passe, soit du second répondant au point N par variation, soit du troisième répondant au point M’ par différentiation.

Or la valeur de la variable qui répond au premier de ces quatre systèmes, c’est-à-dire au système désigné, est x par hypothèse ; celle qui répond au second est (x+dx); celle qui répond au troisième est (x+δx), et enfin celle qui répond au quatrième est, suivant la route qu’on prend pour y parvenir, ou

,


ou

.

Ces deux dernières quantités expriment donc la même chose, savoir, la valeur de la variable x dans le quatrième système ; ces deux quantités sont donc égales, c’est-à-dire qu’on a

 ;


exécutant les opérations indiquées, on aura

,


et réduisant

.

C’est-à-dire que la variation de la différentielle d’une quantité quelconque est toujours égale à la différentielle de la variation : proposition qui est l’un des principes fondamentaux du calcul des variations.


104. Un autre principe qui dérive du premier, et qui est également fondamental, est que la variation de l’intégrale d’une quantité quelconque différentielle est égale à l’intégrale de la variation ; c’est-à-dire qu’en général

,


P exprimant une fonction quelconque différentielle de diverses variables, telles que x, y, z, etc., et de leurs différentielles.

En effet, soit

 ;


en différentiant on aura

,


et prenant les variations,

,


ou, d’après le principe établi ci-dessus,

 ;


intégrant alors on aura

,


ou, remettant pour U sa valeur,

.


105. Maintenant soit proposé de trouver la variation d’une formule intégrale indéfinie  ; c’est-à-dire de trouver , ou plutôt de donner à cette expression une forme qui la dispose à être dégagée du signe auxiliaire δ, lequel est toujours celui qu’on doit tendre à faire disparaître le premier.

D’après le second principe fondamental, nous aurons

,


ou, par le premier principe,

(A)


mais

,


ou, en intégrant et transposant,

.

Substituant cette valeur de dans l’équation (A), elle deviendra

,


ou

(B)


équation que, suivant la nature de la fonction V, on achèvera de dégager du signe δ de la variation, ce qui ramènera le problème aux procédés ordinaires des calculs différentiel et intégral.


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