Réflexions historiques sur Marie-Antoinette

Réflexions historiques sur Marie-Antoinette [1]
Louis XVIII

Revue des Deux Mondes tome 22, 1904


RÉFLEXIONS HISTORIQUES
SUR
MARIE-ANTOINETTE[2]


Au Comte ***.

Je prie mon ami de lire ce petit ouvrage avec attention, mais sans indulgence et même avec sévérité. Il y a trop longtemps que je souffre d’entendre toujours joindre aux sentimens de pitié qu’on ne peut refuser à la malheureuse Reine ce terrible mais qui détruit tout intérêt ; c’est ce mais que j’attaque, parce que je le trouve injuste. Mon ami le croira sans peine, parce qu’il me connaît : les calomnies qu’on répand contre moi ont été ce qui m’a déterminé à mettre enfin sur le papier un ouvrage dont tous les matériaux étaient depuis longtemps dans ma tête. Je me suis dit : « Vengeons la mémoire de celle qui fut mon amie ; peut-être mériterons-nous qu’une meilleure plume venge un jour la mienne. » D’ailleurs, je me fais peut-être illusion, mais je crois avoir été dans la position qui met le plus en état de remplir ce pieux office.

Longtemps assez mal avec elle, son ami dans les derniers temps, mais jamais dans la classe de ceux qui possédaient sa faveur, elle me disait beaucoup de choses, presque tout, et ne me consultait jamais. De cette manière, j’ai pu l’examiner avec soin, mais avec impartialité, parce que je n’ai eu ni à rougir, ni à me glorifier d’aucune des choses qu’elle a faites, et je puis en parler sans prévention. Aussi je me suis attaché à dire toujours la simple vérité. J’ai remarqué que le défaut ordinaire de ceux qui entreprennent la défense de quelqu’un est de toujours tout louer en lui, ou de taire ce qu’ils ne peuvent pas louer. Cette manière prévient le lecteur contre l’ouvrage et fait souvent plus de mal que de bien au client. J’ai suivi une route différente ; j’ai franchement avoué les torts de mon amie, parce que je crois que sa mémoire peut les supporter ; mais je me suis cru permis d’excuser ce qui est excusable et de jeter au moins des doutes sur ce qui ne le serait pas, si les faits étaient prouvés. J’espère obtenir par-là que le lecteur se dira : J’ai jugé un peu trop vite, et s’il le dit, j’ai gain de cause. Quant aux calomnies, je les ai attaquées de front et avec d’autant plus de force que l’impartialité dont j’ai fait profession m’en donne le droit.

Le titre que j’ai choisi me donnait celui de ne raconter que les choses nécessaires et ôte à mon ouvrage la sécheresse d’un mémoire apologétique. Si j’avais, comme j’y pensais d’abord, intitulé l’ouvrage : Vie ou bien Essai sur la vie de Marie-Antoinette, il aurait été étranglé si je n’avais uniquement parlé que d’elle, et, si j’avais aussi parlé des événemens, il aurait fallu ou l’écarter souvent de la scène et diminuer par conséquent l’intérêt que je veux au contraire concentrer sur elle, ou la présenter comme mobile de beaucoup de choses, ce qui n’aurait rien valu, on ne le lui a que trop reproché.

Le voile de l’anonyme m’était bien nécessaire. Outre que mon nom à la tête de l’ouvrage suffirait pour lui faire perdre son crédit, j’y parle trop librement pour me faire connaître. J’avais envie de prendre pour épigraphe ces charmans vers de Pétrarque qui vont si bien à la Reine et à moi :


Non la conobbe’l mondo, mentre l’ebbe,
Conobbi l’io, ch’a pianger qui rimasi.


Mais j’ai craint qu’elle ne m’ôtât le vernis d’impartialité et j’ai préféré un passage fort connu de Tacite qui doit, à mon sens, produire l’effet contraire.

Enfin, je livre mon ouvrage, fait de mon mieux, à mon ami, avec plein pouvoir de tailler, de rogner, même de brûler ; mais, dans ce dernier cas, comme ce serait la faute de l’auteur, je demande que l’ouvrage soit refait, car je tiens à ce que mon but-soit rempli et que ma malheureuse amie soit défendue autrement que par l’emphatique chevalier de Mayer, ou par un autre dont j’ai oublié le nom et qui ne nous a donné qu’un recueil d’anecdotes d’antichambre. Lorsque celui-ci aura passé au creuset, il pourrait être copié et envoyé à Thauvenay[3], qui n’en connaîtrait pas l’auteur, mais qui saurait que j’en désire l’impression ». Il pourrait le faire imprimer chez Fauche, comme un ouvrage qui lui aurait été envoyé de France, ou du moins de partout ailleurs que de Mitau ; il se chargerait des frais d’impression, nous réserverait un certain nombre d’exemplaires et abandonnerait le reste à l’imprimeur ; ensuite, il s’entendrait avec M. Baudus[4] pour faire connaître l’ouvrage, lorsqu’il serait imprimé, par la voie du Spectateur du Nord.

REFLEXIONS HISTORIQUES SUR MARIE-ANTOINETTE, REINE DE FRANCE ET DE NAVARRE


Mihi Galba… nec beneficio, nec injuria cogniti.
Tac. Hist., I. 1.


Il est du destin de tous ceux qui occupent des postes élevés dans le monde de fixer les regards de tous les hommes ; chacun en porte son jugement et la postérité prononce l’arrêt définitif. Mais ce juge suprême a besoin de se tenir en garde contre les pièces que l’on met sous ses yeux ; elles sont trop souvent dictées par la passion et l’esprit de parti. C’est ce qui arrive surtout lorsque les événemens sur lesquels elles doivent éclairer le juge se sont passés dans des temps de troubles et de révolutions. Si le juge n’écoute alors qu’un parti, il prononce une sentence qu’il est quelquefois dans le cas de réformer très longtemps après.

Par exemple, tous les contemporains de l’infortunée Marie Stuart, en compatissant à ses malheurs, avaient prononcé qu’elle les avait en quelque sorte mérités, au moins de la part de la justice éternelle, et cependant, deux siècles après sa mort, le docteur Gilbert Stuart, suspect sans doute à cause de son nom, mais dont l’ardent calvinisme prouve l’impartialité, a pris la défense de cette princesse et l’a victorieusement justifiée[5] N’avons-nous pas vu aussi Horace Walpole parvenir à rendre douteux si les crimes de Richard III furent réels ou supposés[6] ? Travaillant sur des ouvrages qui tous chargeaient la mémoire du dernier des Plantagenets, il n’a eu d’autres ressources que de mettre les historiens en contradiction avec eux-mêmes ou entre eux. Aussi n’a-t-il osé intituler son livre que Doutes historiques, et n’est-il parvenu qu’à exciter des doutes. Gilbert Stuart, au contraire, avait sur lui l’avantage de travailler sur des pièces originales qui confirmaient son opinion. Aussi, a-t-il beaucoup plus complètement réussi.

Aujourd’hui que le goût d’écrire est si répandu, il se prépare une masse de lumières, qui rendra le jugement de la postérité infiniment plus sûr. Je regarde comme une espèce de devoir pour chacun de ceux qui possèdent quelques rayons de cette lumière, de les porter au faisceau général, tant pour contribuer de leur part aux grandes leçons que nos neveux en doivent tirer, que pour les éclairer aussi sur les jugemens particuliers qu’ils seront dans le cas de porter. Ce devoir devient surtout important, lorsqu’on voit la plupart des opinions trop sévères ou trop indulgentes à l’égard d’un individu quelconque et que l’on a soi-même une opinion différente, fondée sur des preuves.

C’est ce qui m’arrive au sujet de la malheureuse Marie-Antoinette. Etranger aux intrigues de la Cour où j’ai cependant beaucoup vécu[7], j’ai pu observer, étudier le caractère des personnages les plus marquans ; j’ai entendu tout ce qu’on disait de la Reine ; j’ai été à même de comparer ces discours avec les faits, et, par conséquent, d’en porter un jugement d’autant plus sain qu’elle ne m’a jamais fait ni bien, ni mal.

Je dois cependant prévenir un reproche qui pourrait m’être fait : celui d’être, par ma haine contre la révolution, trop partial en faveur de ses victimes. Je n’y puis répondre que par ma profession de foi politique : je hais toutes les révolutions, parce que rien ne cause tant de maux aux peuples ; je hais ceux qui les font, depuis Sylla jusqu’à l’abbé Sieyès, parce que je regarde ceux qui renversent les lois de leur pays comme les plus grands des criminels ; je hais surtout la Révolution française et ses auteurs, parce que ses principes, qui ne sont autre chose que des abstractions métaphysiques, poussées au dernier degré, sont subversifs de tous les principes religieux et de toutes les institutions sociales. Mais cette haine ne me rend pas injuste. J’admire en frémissant les talens de César et de Cromwell ; je rends justice à ceux de Bonaparte ; je blâme et je plains Jacques II ; pourquoi me serait-il défendu de venger, autant qu’il est en moi, la mémoire d’une princesse que je crois calomniée ?

Je ne ferai point à Marie-Antoinette un mérite d’avoir été fille de Marie-Thérèse. Ce hasard pourrait tout au plus former un préjugé en sa faveur, avant que ses actions eussent pu la faire connaître, et, d’ailleurs, qui ne sait combien ces préjugés sont souvent démentis par les faits ? Caligula naquit de Grermanicus et d’Agrippine ; Octavie, de Claude et de Messaline. Prenons Marie-Antoinette à l’époque où je l’ai vue pour la première fois, à son arrivée en France.

Tout le monde se rappelle ses premiers succès ; ils n’ont rien d’étonnant. Les Français mettaient alors leur amour-propre à idolâtrer leurs souverains. Mais cinquante-cinq ans de règne, des malheurs, des mœurs trop peu réglées, avaient excessivement atténué ce sentiment à l’égard de Louis XV. Il était tout simple qu’il se portât vers l’astre qui paraissait alors à l’horizon. D’ailleurs, la jeune Dauphine le justifiait par sa figure qui, sans Être précisément jolie, était cependant une des plus agréables que l’on pût voir, par ses grâces, et par une affabilité dont elle avait pris l’exemple de sa mère, et qui contrastait avantageusement avec l’étiquette sérieuse, même un peu triste, qui régnait alors à la Cour.

Mais sa position était assez délicate. La maîtresse de Louis XV était l’ennemie du duc de Choiseul. Ce ministre passait pour fort attaché au système d’alliance avec l’Autriche et Marie-Thérèse l’avait toujours vanté à sa fille, qui, de son côté, croyait lui avoir obligation d’un mariage qui la plaçait fort au-dessus de ses sœurs. De plus, Marie-Antoinette aurait cru s’avilir en traitant avec quelque distinction une femme que sa naissance avait placée dans la dernière classe de la société, d’où sa conduite n’avait pas mérité qu’elle sortît. De là, il résulta que le Roi, qui naturellement aurait eu du penchant pour la Dauphine, en était sans cesse éloigné par ceux qui le gouvernaient, — surtout depuis l’exil du duc de Choiseul, — et cet éloignement devint pour elle un mérite de plus aux yeux du public qui n’aimait pas la Cour.

Cela n’empêchait pas que ce ne fût un véritable malheur pour elle. La Reine, femme de Louis XV, était morte ; la mère du Dauphin l’était également. Ainsi la Dauphine se trouvait, à quatorze ans et demi, la première à la Cour, sans avoir personne qui pût régler sa conduite, car le Dauphin était trop jeune et trop inexpérimenté pour être le guide de sa femme et pour pouvoir même lui apprendre les usages de son pays, chose qu’il est partout nécessaire de savoir. Elle aurait pu, à la vérité, s’aider surtout des conseils et des lumières des tantes de son mari ; mais ces vertueuses princesses ne pouvaient avoir d’autorité sur elle, et si les manières de la Dauphine, qui étaient celles de Vienne, leur paraissaient trop libres, les leurs, qui étaient depuis longtemps celles de Versailles, paraissaient absolument gothiques à la Dauphine. D’un côté, l’on blâma trop ; de l’autre, on n’écouta pas assez ; et Marie-Antoinette, encouragée d’ailleurs par les applaudissemens du public, commença de bonne heure à se faire un genre de vie qui avait fort bien réussi à sa mère, qui régnait sur des Allemands, mais qui ne pouvait convenir à celle qui régnait sur des Français.

Ses manières ne plaisaient pas non plus à Louis XV. Ce prince ne le lui témoignait pas ; mais sa maîtresse en parlait très hautement, et le duc d’Aiguillon, qui avait succédé au duc de Choiseul dans le ministère et qui était tout dévoué à la favorite, se permit un jour, en parlant de la Dauphine devant plusieurs témoins, de la traiter de coquette. Cette indiscrétion doit d’autant moins surprendre, que, ce même ministre ayant reçu une dépêche du coadjuteur de Strasbourg (depuis le cardinal de Rohan), alors ambassadeur à Vienne, dans laquelle le portrait de Marie-Thérèse était tracé sous l’aspect le plus défavorable, jusqu’à la représenter comme hypocrite, il eut l’imprudence d’en dire le contenu au comte de Mercy, ambassadeur de cette princesse, qui, comme on le pense bien, en instruisit aussitôt la Dauphine. Ces deux faits, ce semble, expliquent assez l’aversion qu’une juste fierté et la tendresse filiale inspirèrent à Marie-Antoinette contre deux hommes qui l’avaient outragée, l’un dans sa personne, l’autre dans celle de sa mère. A mon avis, le duc d’Aiguillon eut grand tort et le cardinal de Rohan ne lit que remplir son devoir, en peignant Marie-Thérèse telle qu’il croyait la voir ; mais, aux yeux d’une fille bien née, cette dernière offense est plus impardonnable que l’autre. C’est sur l’aversion de Marier Antoinette contre ces deux personnages qu’on s’est fondé pour lui donner la réputation de méchante et d’implacable. Je viens de faire voir que cette aversion n’était ni injuste, ni déraisonnable.

Je me permettrai actuellement d’examiner si les effets en furent aussi atroces qu’on a cherché à le persuader. Il faut pour cela rapprocher des faits qui se sont passés à des époques éloignées les unes des autres. Mais, comme je ne prétends écrire ni l’histoire générale du temps, ni même celle de Marie-Antoinette en particulier, j’espère que mes lecteurs ne me sauront pas mauvais gré de faire ces rapprochemens, sans lesquels mon ouvrage ne saurait avoir la liaison nécessaire au but que je me suis proposé.

Peu de temps après la mort de Louis XV, le duc d’Aiguillon fut exilé à sa terre d’Aiguillon (en 1775), à cent quatre-vingts lieues de Paris et il est certain que ce fut Marie-Antoinette qui fit préférer ce lieu d’exil à une autre terre appelée Véret, beaucoup moins éloignée de la capitale et dont le séjour était plus agréable au duc que celui d’Aiguillon. Quelques années après, en 1783. le roi Louis XVI ayant fait une promotion de maréchaux de France, le duc n’y fut pas compris, quoiqu’il fût plus ancien lieutenant général que plusieurs de ceux qui le furent et qu’il eût remporté la victoire de Saint-Cast[8]. Je ne crois pas avoir affaibli les charges et j’avoue que la Reine eût mieux fait de faire simplement défendre au duc de paraître à la Cour, et de ne pas s’opposer, comme il n’est que trop vraisemblable qu’elle le lit, à ce qu’il obtînt la récompense de ses services militaires. Mais faut-il conclure de là qu’elle fut méchante et implacable ? Non, sans doute, s’il y a des faits qui démentent cette assertion.

D’abord, quoique le duc préférât le séjour de Véret à celui d’Aiguillon, et que je pense bien que ce fut pour le contrarier davantage qu’on l’exila dans ce dernier endroit, il ne fut pas fort à plaindre d’être chez lui, dans le plus beau pays, sous le plus beau ciel et dans une des plus belles positions qu’il y ait en France (à l’embouchure du Lot dans la Garonne). De plus, la marquise de Chabrillan, sa fille, étant venue l’y voir, environ un an après son exil, y mourut. Aussitôt, il eut la permission d’aller, non seulement à Véret, mais à Paris et partout où bon lui semblerait, pourvu que ce ne fût pas à la Cour.

Le duc avait la place de commandant des chevau-légers de la Garde du Roi. Non seulement, il ne la perdit pas à sa disgrâce, comme le duc de Choiseul avait, à son instigation, perdu celle de colonel-général des Suisses, mais, en 1780, il en obtint, et ce fut la Heine qui y contribua le plus, la survivance pour le duc d’Agenois son fils, alors âgé de dix-neuf ans et qui depuis, ayant hérité du titre de son père, s’est acquis une si hideuse célébrité dans la nuit du 6 octobre 1789. Enfin, après la promotion des maréchaux de France où le duc ne fut pas compris, Monsieur, frère de Louis XVI (aujourd’hui Louis XVIII), dont j’ose invoquer ici le témoignage et que la Reine estimait assez pour qu’il put lui parler librement, quoiqu’il ne fût pas alors au nombre de ses amis, lui représenta combien le public lui saurait mauvais gré de cette omission qu’on lui attribuait. Elle l’écouta, le remercia, convint qu’il avait raison et, de ce moment, il se forma entre eux une amitié que la mort seule a pu rompre, même n’a pas rompue. Ce n’est pas ainsi qu’une âme méchante et implacable suit ses vengeances et reçoit les avis qui contrarient sa passion dominante.

Quant au cardinal de Rohan, il fut nommé grand aumônier de France en 1777. Je pourrais en rester là, car, si l’aversion de la Reine contre lui eût été une haine implacable, le crédit des parens du cardinal ne l’eût sûrement pas emporté sur le sien. Mais j’irai plus loin et je parierai de la trop fameuse affaire du Collier, sur laquelle les ennemis de Marie-Antoinette ont fait tant de commentaires[9].

Le cardinal, né avec autant de crédulité que s’il n’eût pas eu d’esprit, avait alors beaucoup d’ambition, et, je dois le dire, des mœurs peu conformes à son état. Deux intrigans s’étaient emparés de lui : Cagliostro et Mme de la Motte. Ils se détestaient tous les deux, mais leur conduite était uniforme sur un point : celui de flatter la manie du cardinal pour les grandeurs. Cagliostro les lui prédisait, Mme de la Motte lui en montrait le chemin, et le prélat, d’autant plus persuadé qu’ils lui disaient vrai tous les deux qu’il était sûr qu’il n’y avait point d’intelligence entre eux, donna dans tous les pièges qu’ils lui tendirent. Il n’aurait sans doute jamais dû croire que la Reine voulût tenir de lui, ni même de son entremise, un bijou que le Roi lui aurait donné, s’il avait seulement soupçonné quelle pût le désirer ; mais la scène de Mlle Oliva avait achevé de renverser sa raison.

Lorsque l’affaire vint à la connaissance de la Reine, cette princesse, qui n’en connaissait pas tous les détails, mais qui savait combien les sentimens du public étaient changés à son égard, voulut qu’un jugement éclatant fît connaître la vérité. Elle eut tort, parce que, dans les affaires de ce genre, il vaut toujours mieux assoupir que divulguer ; mais elle n’écouta que sa délicatesse offensée, et ce sentiment, tout exagéré qu’il fût en cette occasion, est toujours louable en lui-même. D’ailleurs, le Roi et elle ne se décidèrent à remettre cette affaire entre les mains des magistrats qu’après avoir consulté non seulement le baron de Breteuil, qui pouvait être suspect par son inimitié connue contre le cardinal, mais aussi le garde des Sceaux de Miromesnil, et ce fut l’avis de ce dernier qu’ils suivirent. Le cardinal fut absous, mais il perdit sa place, et l’on en prend occasion d’accuser la Reine d’avoir été trop vindicative. J’ignore la part qu’elle eut à cette nouvelle disgrâce, mais je demanderai à ses ennemis quelle est la femme qui, dans cette occasion, aurait imposé silence à son honneur aussi cruellement outragé, et quel est le mari qui souffrirait auprès de lui un homme qui non seulement aurait voulu obtenir les faveurs de sa femme, mais qui se serait vanté de les avoir obtenues ?

C’est pourtant à ce peu de faits que se réduisent les preuves de la méchanceté de Marie-Antoinette. Ceux qui les produisent avec tant d’acharnement n’ont peut-être jamais réfléchi au peu d’appui que ces faits prêtent à leur système, et sûrement ils espèrent qu’on ne se souviendra pas de mille traits qui feraient d’elle l’être le plus incompréhensible qui fut jamais, s’ils n’étaient partis d’une âme vraiment bonne. Ceux qui écoutent les calomniateurs n’étaient pas présens comme moi à cette chasse où, voyant un pauvre homme blessé par un cerf, elle se précipita de sa calèche, y fit placer le blessé, le fit conduire à sa chaumière, y entra à sa suite, mêla ses larmes à celles de sa femme, de ses enfans et les consola plus par la part qu’elle prit à leur douleur que par les secours qu’elle leur prodigua. Qu’aurait pensé cette malheureuse famille que je vois encore élever les mains au ciel pour en attirer les bénédictions sur sa généreuse bienfaitrice, qu’aurait-elle pensé, dis-je, si elle avait pu prévoir que, vingt ans après (c’était le 16 octobre 1773), cette même bienfaitrice serait traînée à l’échafaud, au milieu des outrages d’un peuple dont elle était alors l’idole ? Je rappellerais encore sa conduite envers la famille Asgill, si je ne craignais d’affaiblir le tableau que l’éloquente plume de M. Burke en a tracé[10]. Enfin, qui peut oublier que, lorsqu’on vint lui demander son témoignage sur les attentats dont elle avait été si près d’être la victime, elle répondit : « J’ai tout su, j’ai tout vu, j’ai tout oublié ? » Peut-être entrait-il un peu de fierté dans cette réponse, mais « c’était la fierté de Titus. Je passe à d’autres faits qui la feront connaître sous d’autres rapports.

La mort de Louis XV fut pour elle le commencement d’une nouvelle carrière. A peine ce prince avait-il fermé les yeux que le nouveau Roi, qui malheureusement n’avait pas de lui-même l’opinion qu’il aurait dû en avoir, se jeta dans les bras de son épouse, et la serrant tendrement entre les siens :

— Quel fardeau ! lui dit-il, mais vous m’aiderez à le supporter.

Il serait difficile de préciser le sens que Louis XVI attachait à ce mot, dit dans une effusion de sensibilité. Mais il paraît certain que Marie-Antoinette l’entendit dans le sens le plus étendu, et cela ne doit pas surprendre. L’idée d’une femme-Roi n’avait rien de nouveau pour elle. Elle y avait été accoutumée à la Cour de sa mère et la gloire du règne de Marie-Thérèse pouvait bien lui persuader que les Français penseraient à cet égard comme les Autrichiens, surtout en voyant l’enthousiasme que sa présence excitait aux promenades, aux spectacles, enfin partout où elle paraissait en public, mais, plus encore qu’ailleurs, au sacre du Roi, où cet enthousiasme fut presque un culte.

L’infortunée se trompait : le caractère réfléchi des Allemands les empêchait d’abuser de la familiarité que Marie-Thérèse avait substituée au cérémonial usité sous l’empereur Charles VI, son père, et ils ne cessèrent jamais de voir leur souverain dans celle qui ne se montrait que leur amie. Les Français, au contraire, ne tardèrent pas à voir leur égale dans celle qui, rejetant les formalités auxquelles ils étaient habitués sous l’ancienne Cour, venait sans appareil se mêler à leurs jeux, à leurs sociétés, et bientôt ils en vinrent à regarder la Reine à peu près du même œil qu’ils avaient vu les maîtresses du feu Roi. Ce peuple, le plus galant de la terre, ne peut cependant supporter l’idée d’être gouverné par une femme ; les maîtresses de ses Rois ont toujours été l’objet de son antipathie. Mais l’espoir d’un changement flattait ses idées, au lieu que la vertu connue de Louis XVI était un garant de la durée du crédit de Marie-Antoinette, et, lorsque le premier enthousiasme fut passé, ce peuple qui n’était pas encore accoutumé à s’en prendre à son Roi de ses souffrances, dont l’exclamation la plus familière était : Ah ! si notre bon Roi le savait ! commença à se persuader que la Reine était la cause du poids des impôts, et bientôt l’amour fit place au sentiment opposé.

Marie-Antoinette eût pu sans doute arrêter ce mal dans sa source, en changeant de bonne heure sa conduite, en mettant plus de dignité dans son maintien ou plutôt dans son genre de vie, en évitant avec soin de paraître se mêler des affaires d’Etat ; mais plusieurs causes concoururent à l’en empêcher. Il était difficile qu’une femme de vingt ans, sûre du cœur de son mari, accoutumée aux hommages du public, songeât d’elle-même que les moyens qui lui avaient attiré ces hommages, les lui feraient perdre. Il aurait donc fallu que quelqu’un lui eût fait faire cette réflexion ; et qui aurait pu la lui inspirer ? J’ai déjà expliqué pourquoi les avis des princesses ses tantes auraient produit peu d’effet sur son esprit ; ses beaux-frères ou ses belles-sœurs étaient ou de son âge, ou plus jeunes qu’elle, et trouvaient fort doux que la Cour eut pris un ton opposé à celui qui les avait gênés sous Louis XV. Elle n’avait donc point de ressources du côté de sa famille. La seule personne qui eût pu se faire écouter d’elle était le comte de Maurepas ; mais ce vieillard égoïste, ravi de voir la jeune Cour s’amuser et la Reine avoir toutes les apparences du crédit, tandis qu’il en avait la réalité, ne s’embarrassait nullement de ce qui pourrait arriver après lui. Enfin, la société que Marie-Antoinette se forma, loin de l’éclairer, contribua plus que tout le reste à lui fasciner les yeux.

J’avoue que, si j’étais le panégyriste de cette malheureuse Reine, si j’avais pris avec le public l’engagement de tout louer en elle, l’article de cette société serait celui qui m’embarrasserait le plus. Cependant, en avouant que ce fut là une des principales causes de ses malheurs, je ne serai pas injuste envers la comtesse Jules de Polignac qui avait sans doute des défauts, mais d’excellentes qualités ; je dirai les uns et les autres, tels qu’ils ont paru à mes yeux, car on pense bien que j’ai cherché à connaître le caractère d’un personnage aussi marquant, quoique le sort ne m’ait jamais placé dans sa société intime[11].

Marie-Antoinette avait l’âme tendre ; l’amitié était un besoin pour elle. Ce sentiment ne se commande pas ; elle ne l’avait ressenti ni pour son époux, dont elle connaissait bien les vertus, qu’elle estimait, qu’elle vénérait, mais qui n’avait pas ces formes sympathisantes que l’on cherche dans son ami, ni pour aucune des personnes de sa famille[12]. La princesse de Lamballe lui avait plu par la conformité de leurs âges, de leurs goûts, et surtout par cet attachement dont elle lui a depuis donné des preuves aux dépens de sa vie. Mais les ressources de cette princesse, du côté de l’esprit, étaient médiocres, et la Reine, sans cesser de l’aimer, ne tarda pas à sentir que leur amitié ne remplissait pas son cœur.

Le hasard la mit un jour à portée de causer assez longtemps avec la comtesse Jules de Polignac ; elle lui trouva un caractère à la fois doux et ferme, un jugement sain ; leurs conversations se répétèrent, la sympathie agit et elles devinrent amies intimes. Je le dis affirmativement, car je suis convaincu que le sentiment était égal entre elles, autant qu’il peut l’être entre deux caractères dont l’un est vif et l’autre posé presque jusqu’à l’indolence.

On pense bien que la comtesse Jules, telle que je viens de la dépeindre, n’avait aucune ambition personnelle. Aussi, l’amitié de la Reine pour elle n’aurait pas eu d’inconvéniens, si l’éducation de la comtesse n’avait pas été négligée du côté des grands principes ; si des circonstances qu’il serait trop long de rapporter ne lui avaient pas, dès son enfance, inspiré pour la Cour de Louis XV une aversion qui retombait sur les usages mêmes de la Cour ; enfin si elle ne s’était pas, longtemps avant sa faveur, formé une société où il ne se trouvait que trop de personnes ambitieuses et intéressées.

Le résultat naturel de la liaison qui venait de se former devait être que la comtesse fût admise dans l’intimité de la Reine. Au lieu de cela, ce fut la Reine qui fut attirée dans la société de la comtesse. Marie-Antoinette eut tort de se laisser entraîner ainsi ; mais elle aimait, elle se voyait aimée ; cette société l’amusait ; elle était bien loin de prévoir qu’un sentiment pur lui fît jamais de tort, ou, pour mieux dire, elle fut dans une erreur bien excusable à son âge et avec l’amour qu’elle voyait que toute la nation française lui portait ; elle crut donner de la considération à ceux qui lui faisaient perdre le sienne.

La société de la comtesse Jules, qui voyait le goût de la Reine pour la vie privée, travailla à l’augmenter et contribua, comme je l’ai dit, plus que tout le reste, à fasciner les yeux de cette malheureuse princesse sur le tort que ce genre de vie lui faisait. Mais c’est le moindre des reproches que la postérité fera à cette société. Marie-Antoinette était généreuse, bienfaisante ; sa plus douce jouissance était le spectacle des heureux qu’elle avait faits. Le Roi prenait sa part de ce plaisir, tant parce que la bonté naturelle de son cœur l’y portait, que par la tendresse qui le faisait voler au-devant des moindres désirs de la Reine. La société en profita ; chacune des personnes qui la composaient échauffait l’intérêt de la comtesse Jules en sa faveur. Un mot d’elle suffisait à la Reine, qui, souvent, ne l’attendait pas, surtout quand il s’agissait de son amie, et, en peu d’années, les titres, les dignités, les grâces pécuniaires, celles de la Cour, furent accumulées sur un petit nombre d’individus. Pour ne parler que de la comtesse Jules et de son mari, ce dernier obtint le titre de duc, la place de premier écuyer de la Reine, celle de directeur général des postes du royaume, sans compter les pensions et les domaines de la couronne, et la duchesse sa femme eut la place de gouvernante des Enfans de France, la plus belle dont le Roi pût disposer en faveur d’une femme.

Tant de profusions étaient un tort et je n’entreprendrai pas de disculper à cet égard la mémoire de Marie-Antoinette. Mais peut-on aussi la condamner entièrement quand on songe qu’elle satisfaisait le premier besoin d’une âme sensible ; qu’elle avait été accoutumée, ainsi que tout le monde alors, à regarder les ressources de la France comme inépuisables ; et qu’il ne se trouva pas un seul ministre qui osât lui représenter qu’il fallait mettre des bornes à sa libéralité ?

Je ne la défendrai pas non plus, quoique par un motif bien différent, sur le luxe personnel qu’on lui a imputé. Chacun sait qu’en 1789, lorsque les députés aux États généraux arrivèrent, la plupart d’entre eux étaient imbus de cette prévention et qu’ayant été voir les appartemens de la Reine dans les différentes maisons royales, ils furent frappés d’apprendre que le seul ameublement un peu recherché qui s’y fît remarquer était l’ouvrage même de cette princesse. On ne pourrait lui reprocher avec quelque fondement que l’inutile acquisition de Saint-Cloud. Mais le motif qui l’y détermina fut le désir d’y être, non pas Reine, mais dame de paroisse, et d’y faire par elle-même, à ses vassaux, le bien qui était dans son cœur. Si quelqu’un doutait de cette assertion dont je garantis la vérité, je le prie de se rappeler les soins qu’elle se donna, pour acquérir aussi la Seigneurie de Saint-Cloud, qui appartenait à l’Archevêché de Paris, et qui était assurément bien inutile à la jouissance du château. C’était une fantaisie, j’en conviens ; mais en connaît-on beaucoup dont le principe ait été aussi louable ?

L’enthousiasme que Marie-Antoinette avait excité à son arrivée en France dura dans toute sa force jusqu’en 1775 ; ensuite. comme je l’ai dit, il commença à diminuer, et bientôt il s’éteignit entièrement. Ce fut alors que les libelles, les chansons, commencèrent à paraître contre elle et qu’on osa la comparer à Messaline, pour la débauche et pour la cruauté. Je crois avoir démontré l’absurdité de ce dernier article. Pour celui des mœurs, je n’entreprendrai pas de nier que ses manières trop libres n’aient prêté à la censure ; mais, en vérité, l’on frémit quand on songe à la facilité avec laquelle on se permet dans notre siècle de déchirer la réputation d’une femme. Marie-Antoinette fut imprudente sans doute ; mais il y a bien loin de là à être criminelle, et je ne crois pas que personne au monde puisse prouver qu’elle l’ait été. Mais il était nécessaire, à ceux qui, dès lors et bien longtemps auparavant, travaillaient à la Révolution, d’enlever au trône la considération qui était sa sauvegarde la plus assurée. Ils sentaient bien qu’à cette époque, il eût été imprudent d’attaquer la personne même du Roi ; ils se contentaient d’attaquer celle de la Reine, bien certains que, s’ils réussissaient à lui enlever sa réputation, celle du Roi en souffrirait nécessairement.

Ce projet ne leur réussit que trop bien, et il faut convenir aussi que l’exécution n’en était pas fort difficile. Les vieillards prêtèrent l’oreille à leurs discours, parce que le contraste de la vie que menait Marie-Antoinette avec le ton grave qu’ils avaient vu à l’ancienne Cour les scandalisait, et les jeunes gens y crurent aussi, les uns par méchanceté, les autres par la légèreté propre à leur âge, mais surtout à la nation française, qui fait que l’on trouve plus commode de croire tout de suite le mal que d’approfondir la vérité.

Une circonstance prêta du secours aux calomniateurs. La nature s’expliqua chez Louis XVI beaucoup plus tard qu’elle ne s’explique ordinairement chez les hommes ; l’on crut qu’elle était muette ; et, lorsque les faits vinrent prouver le contraire, la réputation de Marie-Antoinette était déjà attaquée. Il en résulta que la naissance d’un héritier de la couronne, qui aurait dû rendre sa mère plus chère à la nation et qui eût, quelques années plus tôt, produit cet effet d’une manière incalculable, ne fit que donner des armes à ses ennemis. On ne voulut, ou du moins un grand nombre de personnes ne voulurent pas croire que la naissance des enfans de Louis XVI détruisait l’opinion qu’on avait prise sur lui ; elles n’y voulurent voir qu’une preuve de l’inconduite de son épouse. Ainsi, tout tourna contre cette malheureuse princesse, jusqu’à sa tendresse maternelle ; on faisait malignement observer que les femmes en éprouvent davantage pour les enfans de l’amour que pour ceux de l’hymen.

Quant à moi, je répète ce que j’ai dit au commencement de cet ouvrage, j’ai été à portée de comparer les discours que l’on tenait sur elle avec les faits. J’aurais désiré qu’un maintien plus réservé de sa part l’eût mise à l’abri de la calomnie ; mais je l’ai vue traiter avec autant de distinction des personnes avec lesquelles on ne lui a jamais attribué de liaisons, que celles avec lesquelles on lui en a prêté de coupables, ce qui me laisse le droit de penser qu’il n’y avait pas plus de mal d’un côté que de l’autre. Il serait à souhaiter que ceux qui, peut-être pour justifier leur insensibilité à ses malheurs, se plaisent à lui chercher des fautes graves, voulussent bien en examiner les preuves, et qu’ils se rappelassent cette célèbre parole d’un empereur païen : Ne tient-il qu’à accuser !

Elle ne s’aperçut que trop qu’elle avait perdu l’amour des Français, et que les personnes pour lesquelles elle avait le plus d’amitié étaient devenues l’objet de la haine publique. Sa fierté ne lui permit plus de se montrer aussi souvent qu’elle le faisait dans ses jours de triomphe ; mais elle ne changea ni son genre de vie ni sa société. Ce fut un nouveau tort pour elle aux yeux du public, et peut-être ce sacrifice eût-il prévenu bien des malheurs. Mais n’est-il pas d’une âme élevée de ne pas abandonner ses amis dans l’infortune et d’aimer mieux au contraire se raidir contre elle, au risque de la partager avec ceux qu’on veut soutenir ? Il y a, ce me semble, quelque chose de grand et de noble dans cette conduite. On peut plaindre, on peut même blâmer l’aveuglement de la personne qui la tient, si les objets n’en sont pas dignes ; mais on ne peut la mésestimer.

Il est difficile d’imaginer que les propos que l’on tenait sur la Reine ne parvinrent jamais aux oreilles du Roi ; mais ce qui est certain, c’est qu’ils n’altérèrent point sa tendresse pour elle. Cependant, son crédit ne fut entier que bien longtemps après la mort du comte de Maurepas, et, je n’hésite pas à le dire, il eût été heureux pour la France qu’il le fût devenu plus tôt. Marie-Antoinette avait naturellement l’esprit juste et surtout le sens très droit. La protection accordée à un peuple qui cherchait à secouer le joug de son légitime souverain lui semblait injuste autant qu’impolitique, et, si elle en avait été crue, la France n’aurait pas eu cette guerre d’Amérique, qui a épuisé son sang et ses trésors, et dont elle n’a retiré d’autre fruit que les principes qui ont servi de base à son infernale révolution et ce déficit qui en a été à la fois le prétexte et le moyen. Mais l’éloignement que la raison de Marie-Antoinette lui avait inspiré pour cette guerre ne l’empêcha pas de prendre la part la plus sincère aux triomphes de la France et de s’affliger de ses revers. On remarqua même qu’elle avait ressenti les premiers signes non équivoques de maternité, en entendant le récit de la bataille d’Ouessant. Je ne rapporte cette circonstance, assez frivole et insignifiante en elle-même, que pour faire voir qu’alors, malgré les calomnies qui depuis longtemps pleuvaient sur elle, on la regardait comme bonne Française, et qu’il serait absurde de penser qu’elle cessa de l’être, à l’époque où Anne d’Autriche la devint. J’oserai, à cette occasion, emprunter la plus sublime de ses paroles, et en appeler à toutes les mères qui liront cet ouvrage.

Le comte de Maurepas mourut en 1781 et le crédit de la Reine augmenta. Cependant, elle n’influa pas entièrement sur le choix des ministres, tant que le comte de Vergennes vécut, le ministère de M. de Calonne en est une preuve. On s’est plu à le représenter comme la créature et le protégé de Marie-Antoinette. Mais ceux qui, comme moi, ont été à portée de connaître la vérité à cet égard savent très bien le contraire. Loin de le protéger, cette princesse en avait la plus mauvaise opinion ; elle fit surtout ce qu’elle put pour s’opposer à la fatale Assemblée des Notables de 1787. Mais le comte de Vergennes, dont le crédit sur l’esprit de Louis XVI était grand, soutenait M. de Calonne. Le premier de ces deux ministres mourut au mois de février 1787 ; la conduite extravagante de l’autre, pendant l’Assemblée des Notables, le fit disgracier au mois d’avril suivant[13] ; et les seize mois qui suivirent ces deux événemens furent véritablement le temps du grand crédit de la Reine.

Le premier usage qu’elle en fit fut de porter au ministère l’archevêque de Toulouse, depuis archevêque de Sens et cardinal. Ce choix était, l’expérience ne l’a que trop démontré, le plus mauvais qu’il fût possible de faire. Mais doit-on absolument condamner pour cela la mémoire de Marie-Antoinette ? Qu’on se rappelle qu’à cette époque, tout le monde s’accordait pour louer les talens de l’archevêque de Toulouse en fait d’administration. A la vérité, on ne parlait pas ainsi de sa conduite privée. Sa nomination obtint cependant l’approbation générale, et il est étrange qu’on veuille faire un crime à l’infortunée Marie-Antoinette d’un choix que chacun de ceux qui le lui reprochent aurait fait s’il se fût trouvé à sa place. D’ailleurs, outre l’opinion que le public avait de l’archevêque de Toulouse, la Reine avait un motif particulier pour l’estimer. Il est temps de le faire connaître et de parler d’un personnage dont mes lecteurs sont peut-être surpris que je ne les aie pas encore entretenus.

En 1767, lorsque le mariage de Marie-Antoinette avec le Dauphin fut arrêté, Louis XV et Marie-Thérèse résolurent de concert de placer auprès de la jeune archiduchesse un homme de confiance qui fût son instituteur. Le duc de Choiseul, qui avait peut-être inspiré cette pensée aux deux souverains, afin de s’assurer d’avance des dispositions de la future Dauphine en sa faveur et qui fut chargé de trouver le sujet, s’adressa pour cela à l’archevêque de Toulouse, avec lequel il était fort lié. Celui-ci lui indiqua l’abbé de Vermont, homme d’une naissance obscure (son frère fut dans la suite accoucheur de la Reine), mais qui lui était dévoué, et il est plus que probable qu’il avait ses vues en faisant ce choix. Quoi qu’il en soit, il était fort naturel que la jeune archiduchesse accordât sa confiance à l’homme que sa mère et la famille de son mari s’accordaient à placer auprès d’elle. Aussi, l’abbé de Vermont la possédait-il, autant qu’on peut posséder celle d’une enfant, avant qu’elle quittât Vienne.

Arrivée en France, l’abbé fut son secrétaire intime. Il lui rendait compte des lettres qu’elle recevait, corrigeait les fautes de français qui se trouvaient dans les siennes, quelquefois même il les faisait, lorsqu’elle les trouvait trop difficiles. Sa conduite fut prudente ; la Dauphine lui fit obtenir, peu après son mariage, une abbaye d’un revenu honnête, mais borné ; il s’en contenta. Il n’eut point de luxe, point d’ostentation de sa faveur ; jamais, jusqu’en 1787, on ne le vit trancher du ministre. La duchesse de Polignac voulut l’attirer dans sa société, il s’y refusa, et déclara nettement à la Reine, qui lui en parla, qu’il ne voulait point être souffert dans une maison où il sentait qu’il serait déplacé. Ses mœurs étaient d’ailleurs, au moins quant à l’extérieur, aussi réglées que sa vie était simple et frugale. Il y a même lieu de croire qu’elles étaient vraiment pures, car jamais on ne l’a attaqué sur ce chapitre. Son désintéressement, sa modestie, persuadèrent à la Reine qu’il la servait par pur attachement, et la confiance qu’elle avait en lui ne connut point de bornes.

Ce fut un grand malheur pour elle, car cet homme, qui lui était si dévoué, avait peu d’esprit et l’avait faux. Comme il était excessivement indiscret avec le peu de personnes qu’il voyait et qu’il avait assez mauvais ton, on l’entendait souvent dire, à propos de ce que la Reine faisait ou comptait faire : Nous avons fait ceci, ou bien : Nous ferons cela ; il blâmait sans ménagement ce qu’il n’avait pas conseillé, et comme, au contraire, on l’a toujours vu défendre avec chaleur toutes les fautes de Marie-Antoinette, et surtout celles qui l’ont si injustement fait accuser d’avoir l’âme dure et méchante, il y a tout lieu de croire qu’il les avait inspirées. Il lui faisait sans cesse l’éloge de l’archevêque de Toulouse : la malheureuse Reine le crut, et l’opinion particulière qu’elle avait de lui, jointe à celle qu’elle voyait que le public en avait conçue, déterminèrent son élévation au ministère.

On sait assez par quelle affreuse ingratitude il paya ses bienfaits. Je rappellerai seulement qu’en achevant de se déshonorer par un serment dont le refus a comblé de gloire le clergé de France, il osa se vanter que sa conduite ministérielle avait eu pour but d’accélérer le moment de la Révolution. On ne le connaissait pas sous cet horrible rapport ; mais sa réputation usurpée s’éclipsa moins d’un mois après son entrée au ministère, et les fautes, ou pour mieux dire les inepties qu’il entassa les unes sur les autres, en firent bientôt l’objet de la haine et du mépris de tout le monde.

Marie-Antoinette fut détrompée plus tard que les autres. L’estime qu’elle était accoutumée à avoir pour lui et les discours de l’abbé de Vermont prolongèrent son aveuglement. Lorsque enfin le bandeau fut tombé de ses yeux, elle éprouva de cruels combats : d’une part, elle ne pouvait plus douter de l’incapacité du ministre ; de l’autre, indépendamment d’un sentiment de fierté qui la portait à soutenir son ouvrage, elle sentait, et l’exemple de l’effet qu’avait produit la disgrâce de M. de Calonne le lui prouvait, combien il était dangereux, pour l’autorité du Roi, de choisir et de déplacer ses ministres au gré du souffle populaire, comme l’appelle Horace. A la fin cependant, le mal présent l’emporta sur le danger futur et l’archevêque fut congédié, mais avec toutes les marques d’estime possibles : on fit ce qu’on put pour persuader que sa retraite avait été volontaire, et quoique, trois ans auparavant, à l’occasion de l’affaire du cardinal de Rohan dans laquelle le Pape avait eu l’air de vouloir s’entremettre, le Roi eût déclaré qu’il ne voulait plus que ses sujets acceptassent le chapeau de cardinal, ce prince en demanda un pour l’archevêque, et l’on pense bien qu’il l’obtint aussitôt.

Une aussi grande grâce, accordée à un homme qui la méritait aussi peu, ne pouvait produire qu’un très mauvais effet. Cependant, je répéterai à ce sujet ce que j’ai dit à l’occasion de la société de la duchesse de Polignac : Marie-Antoinette fut égarée par un sentiment exagéré, mais noble. En perdant l’estime qu’elle avait eue pour les talens de l’archevêque, elle ne cessa point d’estimer la personne ; elle vit en lui un homme qui, pour avoir voulu servir le Roi dans une crise qui aurait exigé les talens réunis d’un Sully et d’un Richelieu, avait perdu une très belle existence ; et elle crut qu’il était juste et d’une bonne politique de l’en dédommager par une grande preuve de la satisfaction que le Roi avait de son zèle.

Cette erreur était excusable. L’autorité royale était, il est vrai, minée de tous les côtés ; mais le fantôme en existait encore, et il était permis de croire qu’elle pouvait offrir un appui, tandis qu’au contraire ses efforts ne pouvaient qu’accélérer sa propre chute. Il est bien plus aisé de juger après l’événement que de le prévoir, et tel qui blâme après dix ans la conduite d’un autre eût peut-être fait encore plus de fautes que lui, s’il se fût trouvé à sa place. Cette réflexion doit, à mon avis, nous rendre très circonspects sur les jugemens que nous portons sur ceux qui se trouvent dans des circonstances extrêmement difficiles, telles que celles où était alors Marie-Antoinette. On lui fait un crime de son attachement au cardinal de Loménie, et celui de Charles III, roi d’Espagne, pour le marquis de Squilacci, qui n’était pas un plus habile ministre, honore la mémoire de ce monarque. Il est vrai que le marquis de Squilacci a laissé la réputation d’un homme intègre, mais il ne serait pas juste d’oublier qu’à l’époque dont je parle, l’abominable caractère du cardinal de Loménie ne s’était pas encore développé comme il l’a fait depuis.

La disgrâce de ce ministre fut suivie du rappel de M. Necker. Le Roi et la Reine, dans cette occasion, firent céder leur sentiment à la voix publique et ils résolurent de remettre, pour ainsi dire, les rênes de l’État entre les mains de l’homme qui passait pour être seul en état de les tenir. La Reine, qui savait bien que M. Necker pourrait à peine souffrir d’avoir le Roi lui-même pour supérieur et qui ne voulait pas avilir sa propre dignité, se retira alors des affaires, et, quoique la confiance du Roi en elle n’eût pas varié un seul instant, elle ne s’occupa plus que des soins maternels. La cruelle perte qu’elle fit de son fils aîné redoubla, s’il est possible, sa tendresse pour les deux enfans qui lui restaient. Elle ne put recueillir le fruit de ses soins, mais si le fer des bourreaux, ou plutôt des assassins, n’eût pas tranché sa vie, si elle eût pu survivre à son époux et à cet aimable enfant qu’elle chérissait si tendrement et qu’elle s’accoutumait à respecter comme son Roi[14], elle oublierait peut-être aujourd’hui une partie de ses malheurs en voyant sa fille, cet unique et précieux rejeton du vertueux Louis XVI, qu’elle avait commencé à élever, qu’un ange (Madame Elisabeth) a achevé de former et sur lequel la Providence a veillé d’une manière si visible, inspirer et mériter l’amour de tous les Français et de tous les étrangers qui la connaissent.

Une fois cependant encore, Marie-Antoinette se mêla d’une affaire importante, et je vais en parler avec d’autant plus de satisfaction, que cela me donnera aussi l’occasion de discuter un des principaux reproches, que ses ennemis lui aient faits.

La guerre s’étant allumée en 1788 entre l’empereur Joseph II et la Turquie, ce prince, qui se prétendait attaqué, réclama l’assistance de Louis XVI, en vertu du traité de 1756. La plupart des ministres pensaient qu’il fallait accéder à sa demande, soit qu’ils crussent en effet que c’était le casus fœderis, soit, qu’ils jugeassent que ce serait faire une diversion utile à la fermentation qui était déjà si grande en France. La Reine, qui n’assistait plus, comme par le passé, aux conférences des ministres, mais que la confiance du Roi tenait au courant de toutes les affaires, pensa tout différemment. Elle sentit que, dans les circonstances du moment, la guerre achèverait de combler les malheurs de la France et qu’indépendamment du tort qu’elle causerait à l’État, elle en ferait un irréparable au Roi lui-même. Elle s’en expliqua ainsi avec lui ; mais, ne se fiant pas entièrement à son propre crédit, elle ne dédaigna pas de recourir à celui de M. Necker qu’elle vint à bout de persuader, et la guerre ne fut empêchée que par ce moyen.

Cette anecdote, que je tiens de source, réfute victorieusement les déclarations de ceux qui se sont plu à dépeindre Marie-Antoinette comme n’aimant que son pays natal, haïssant la France et préférant ses frères à ses propres enfans. Elle aimait sans doute ses parens et sa patrie ; mais elle leur préférait son époux, ses enfans et le pays qui était devenu le sien. Quel autre sentiment eût pu la déterminer à combattre une résolution qui assurait le succès de son frère, qui resserrait les liens des deux États, et qui offrait même pour le moment une perspective avantageuse ? Faudra-t-il, après un pareil fait, répondre sérieusement aux trésors envoyés à l’Empereur, au comité autrichien, et à tant d’autres calomnies absurdes, inventées depuis la Révolution ? Non sans doute ; ce serait faire trop d’honneur à leurs inventeurs et trop d’injure au jugement de mes lecteurs !

Si j’étais l’historien de Marie-Antoinette, j’en serais à la partie la plus intéressante de mon ouvrage ; j’aurais à la montrer aux prises avec la plus cruelle adversité qui fut jamais et la soutenant avec une force et une égalité d’âme plus grandes encore que ses revers ; je pourrais faire admirer ce courage qui, le 6 octobre 1789, en imposa à une populace furieuse et qui, dans ce monstrueux interrogatoire qui fait frémir à la fois l’humanité et la nature, répandit un si grand éclat sur ses derniers momens. Je la suivrais aux Tuileries, à Varennes, au Temple, à la Conciergerie, sur l’échafaud, et partout on reconnaîtrait la digne fille de Marie-Thérèse. Mais c’est à de meilleures plumes que la mienne à tracer ces grands tableaux. Je n’ai voulu que payer ma dette envers la postérité, en lui faisant voir l’infortunée Marie-Antoinette telle qu’elle était. J’ai défendu son caractère que l’on a peint méchant et qui était bon, généreux et bienfaisant. Je n’ai point flatté ses fautes, mais j’ai fait voir que les unes ne sont pas prouvées, et que les autres sont excusables. Si mon ouvrage est lu de mes contemporains, s’il en fait revenir quelques-uns de leurs préjugés sur Marie-Antoinette, si surtout la postérité préfère le jugement d’un témoin souvent oculaire et toujours désintéressé, à ceux qui ont été dictés par l’esprit de parti ou par une haine irréfléchie, je serai plus que payé de mon travail.


LOUIS.


  1. En poursuivant les recherches relatives à mes travaux sur les émigrés, j’ai trouvé, parmi les nombreux documens mis à ma disposition avec une bienveillance et une libéralité dont je ne saurais être trop reconnaissant, divers écrits inédits du roi Louis XVIII. C’est l’un d’eux, composé en novembre 1798, que je présente aux lecteurs de la Revue, et non certes le moins curieux, historiquement parlant.
    La lettre à un ami, qui précède cet opuscule, est surtout intéressante parce qu’elle en attesterait l’authenticité, si la preuve à cet égard ne résultait formellement de ce fait qu’il est entièrement écrit, comme la lettre elle-même, de la main du Roi. Ou y voit, d’autre part, que, tout en souhaitant garder l’anonyme, Louis XVIII tenait extrêmement à ce que son ouvrage fût publié. Nous n’avons pu découvrir les motifs qui entravèrent l’exécution de sa volonté. Mais le fait est que le manuscrit est demeuré intact sous l’enveloppe qui le recouvre encore aujourd’hui et sur laquelle un des secrétaires de la Cour de Mitau a tracé cette ligne : « Manuscrit du Roi pour justifier la mémoire de la Reine. »
    ERNEST DAUDET.
  2. En poursuivant les recherches relatives à mes travaux sur les émigrés, j’ai trouvé, parmi les nombreux documens mis à ma disposition avec une bienveillance et une libéralité dont je ne saurais être trop reconnaissant, divers écrits inédits du roi Louis XVIII. C’est l’un d’eux, composé en novembre 1798, que je présente aux lecteurs de la Revue, et non certes le moins curieux, historiquement parlant.
    La lettre à un ami, qui précède cet opuscule, est surtout intéressante parce qu’elle en attesterait l’authenticité, si la preuve à cet égard ne résultait formellement de ce fait qu’il est entièrement écrit, comme la lettre elle-même, l’anonyme, Louis XVIII tenait extrêmement à ce que son ouvrage fût publié. Nous n’avons pu découvrir les motifs qui entravèrent l’exécution de sa volonté. Mais le fait est que le manuscrit est demeuré intact sous l’enveloppe qui le recouvre encore aujourd’hui et sur laquelle un des secrétaires de la Cour de Milan a tracé cette ligne : « Manuscrit du Roi pour justifier la mémoire de la Reine. »
    ERNEST DAUDET.
  3. M. de Thauvenay, agent du Roi à Hambourg. — E. D.
  4. Amable de Baudus, qui fut longtemps attaché, et jusque sous la Restauration, au ministère des Affaires étrangères. Ayant émigré en 1791, il avait fondé à Hambourg le Spectateur du Nord, revue périodique trimestrielle. — E. D.
  5. Histoire d’Ecosse depuis l’établissement de la Réforme jusqu’à la mort de la reine Marie, par Gilbert Stuart. Londres, 1782. — E. D.
  6. Doutes historiques sur la vie et le règne de Richard III, par Horace Walpole. Londres, 1768. Louis XVIII faisait grand cas de cet ouvrage. Il écrit quelque part qu’il l’avait traduit en français et que son manuscrit fut sans doute détruit avec d’autres papiers, lorsqu’en 1791, il s’enfuit de Paris. — E. D.
  7. Nous rappelons que cet écrit devait paraître sous un autre nom que celui de son auteur. — E. D.
  8. En 1738, sur les Anglais. — E. D.
  9. Pour prouver combien leur haine leur inspira d’absurdités, il suffira de dire que l’on a imprimé que l’aversion de la Reine contre le cardinal était la suite d’une intrigue amoureuse qu’ils avaient eue ensemble à Vienne. Ce fait serait peu vraisemblable, puisqu’elle n’avait que quatorze ans et demi en 1770, lorsqu’elle vint en France : mais il tombe de lui-même quand on sait que le cardinal n’avait jamais été à Vienne avant son ambassade et qu’il n’y fut nommé qu’en 1771, c’est-à-dire, un an après le mariage de Marie-Antoinette. Crimine ab uno disce omnes. — Note du Roi.
  10. Dans ses Réflexions sur la Révolution française. Il y rappelle un épisode de la guerre de l’Indépendance qui fit grand bruit en ce temps-là : la condamnation à mort par le Sénat américain du général anglais Asgill et l’intervention de Marie Antoinette pour obtenir sa grâce, qui fut en effet accordée. — E. D.
  11. Il est très vrai que le comte de Provence ne fréquenta jamais la société des Polignac, où il était aussi peu goûté que son frère le comte d’Artois y était aimé. E. D.
  12. Je prie mes lecteurs de faire attention que je parle ici de l’année 1775 et que la solide et touchante union que l’on a vue entre les personnes de la famille royale n’a eu lieu que depuis. — Note du Roi.
  13. On eût mieux fait d’attendre à la fin de l’Assemblée ; mais l’opinion publique était tellement déchaînée contre lui, que l’on put bien ne pas faire attention au danger que l’autorité royale courait en y cédant. — Note du Roi.
  14. Marie-Antoinette avait l’âme trop élevée pour ne pas sentir que les attentats des rebelles n’avaient pu atténuer les droits de son fils ; on peut se rappeler que, dans son procès, on osa lui reprocher de le traiter en Roi, et j’ai été frappé en lisant le billet adressé à Louis XVIII, qui se trouve à la fin de l’ouvrage de M. Cléry, de voir que le jeune Roi eût signé Louis et non pas Louis-Charles qui étaient ses noms de baptême. Cette signature est le seul acte de royauté de Louis XVII et ce fut sans doute dans cette vue que sa courageuse mère le lui fit faire ainsi, se rappelant que Louis XVI avait, à son avènement à la couronne, retranché de la sienne le nom d’Auguste, qu’il avait reçu au baptême, et qu’il avait toujours signé jusqu’à ce moment. — Note du Roi.