Qui, par fortune…

La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 163-164).


QUI PAR FORTUNE

Air : Est-il de plus douces odeurs.


Qui par fortune trouvera
    Nymphes dans la prairie,
Celle qui tant plus lui plaira,
    Tenez, c’est bien ma mie ;
Si quelqu’une vient à danser,
    Et d’une grâce telle,
Qu’elle ne fait les fleurs verser,
    Eh bien, c’est encore elle.

Si quelqu’un dit, avec serment,
    Je donnerais ma vie,
Pour être aimé rien qu’un moment ;
    Tenez, c’est de ma mie :
Si quelque autre fuit sans espoir
    La Nymphe qu’il adore,
Content du charme de la voir,
    Eh bien, c’est elle encore.

Églé vint aux jeux de Cérès,
    Et fut d’abord suivie ;
Églé revint le jour d’après,
    On ne vit que ma mie :
Si quelque Nymphe a le crédit
    D’être toujours nouvelle,
A vos yeux comme a votre esprit ;
    Tenez, c’est toujours elle.

L’autre matin, sous ces buissons,
    Une Nymphe jolie
Me dit : J’aime tant vos chansons ;
    Je dis : C’est pour ma mie :

Pour célébrer ses doux attraits,
    Fait-on chanson nouvelle,
En y songeant, l’instant d’après
    On chante encor pour elle.

Je lui sais maint adorateur,
    Et n’en ai jalousie ;
Amour a mis tout mon bonheur
    Dans celui de ma mie :
Que servirait de m’alarmer ?
    La chose est naturelle ;
Amour l’a faite pour charmer,
    Et nous pour n’aimer qu’elle.

Moncrif.