Quelques poëtes français des XVIe et XVIIe siècles à Fontainebleau/i




Quelques-uns parmi les plus illustres de nos Poètes, et parmi les moins connus aussi, — de ceux de tout premier ordre en descendant même jusqu’à ceux qui ne firent qu’usurper un instant un titre également envié et décrié entre tous, — s’arrêtèrent, un mois, un jour, ou une heure, à Fontainebleau, — soit qu’ils aient fréquenté sous les lambris de la demeure royale, attirés par la présence du dieu vivant d’alors, du dispensateur des grâces, des charges et des bénéfices, et qu’ils y soient restés comme en un havre de plaisance unique et de dilection, éblouis par les splendeurs d’art du Château, par la beauté des Eaux et des Jardins, grisés par l’éclat des fêtes, — soit qu’ils aient préféré (infiniment plus rares, ceux-là, aux époques initiales du moins) faire une retraite dans les âpres solitudes environnantes, dans le silence majestueux épandu sous les arbres de la Forêt, dans les délicieux Déserts

N’était-ce pas un travail curieux à faire que de rechercher les traces de ces passages : un vers çà et là, une stance, un fragment d’ode, d’idylle, ou d’élégie, un sonnet, une petite pièce tout entière ; peinture achevée ou bien brève esquisse, un souvenir, une allusion qui regrette ?… Ce sont là fleurs écloses et cueillies au champ des Muses, tantôt d’une grâce médiocre, il le faut avouer, et tantôt magnifiques. Et telles quelles, on en peut tresser pour la ville de François Premier et de Henri II et des derniers Valois comme des premiers Bourbons, une Couronne, qui ne sera pas, sans doute, plus à dédaigner qu’aucune autre.

Elles abondent, ces fleurs, au point qu’il n’est guère possible de les entasser toutes en une seule Corbeille.

Plus tard nos contemporains pourront nous apporter leur part. Force est pour le moment de se borner au siècle le plus brillant des Lettres Françaises, celui qui s’ouvre un peu avant 1550 pour se clore vers 1650. Il contient à lui seul plusieurs littératures ennemies, il embrasse plusieurs écoles d’un Lyrisme qui va se raréfiant jusqu’au triomphe momentané de la forme impersonnelle et, comme résultante, de la prose, même en vers. Au siècle suivant, dans les mêmes dates médianes, les écrivains ne voient plus ce qu’ils décrivent et ne décrivent plus ce qu’ils voient.

Le nombre des poètes est infini. Aussi ne saurait-on prétendre à les connaître tous et à n’en oublier aucun. Qu’importe ! si la guirlande paraît assez fournie ; et quel mal, si, négligeant des floraisons moins heureuses, elle n’était faite que d’œillets musqués et de fraîches roses ?


Les Sablons,
Août-Décembre 1899.