Quelques poëtes français des XVIe et XVIIe siècles à Fontainebleau/Tristan L’Hermite


TRISTAN L’HERMITE

1601-1655


TRISTAN



Tristan, qui véritablement se nommait François L’Hermite et, en tête d’un de ses recueils, est qualifié chevalier, sieur de Souliers, pensait descendre, à la treizième génération, de Pierre L’Hermite, l’apôtre de la première Croisade, et compter parmi ses ascendants collatéraux Tristan L’Hermite, le grand prévôt de Louis XI. Il s’apparentait encore à un contemporain de marque, Jean de Velasque, connétable de Castille et Léon, duc de Frias, gouverneur de Milan et grand maître d’hôtel de Sa Majesté Catholique, et naguère ambassadeur extraordinaire à la cour de Henri-le-Grand.

Enfin, par sa mère, il était le petit-neveu de Charles Miron, évêque d’Angers, puis archevêque de Lyon, et petit-cousin du fameux François Miron, prévôt des marchands de la ville de Paris.


Avec de telles origines, et de telles attaches, il n’est pas étonnant que ce futur desbauché, ce futur libertin de Técole de Théophile et du gros Saint-Amant, ait été, lorsqu’il avait six ou sept ans, attaché, comme page ou comme gentilhomme d’honneur, à la personne de Henri de Bourbon, fils du Roi et de la marquise de Verneuil, et élevé avec les enfants de France, légitimes ou bâtards. Il y avait tout un groupe de petits princes, d’âges peu espacés, le dauphin Louis, le premier duc d’Orléans qui, né en 1607 et mort en 1611, devait laisser à Gaston son duché et le titre de Monsieur frère du roi ; puis le duc de Verneuil ; puis César et Alexandre de Vendôme que Henri IV avait eus de Gabrielle d’Estrées ; puis Antoine de Bourbon qu’il avait eu de la Comtesse de Moret. Je ne parle pas des filles. Tous ces rejetons du grand Alcandre vivaient pêle-mêle au Louvre, et lorsque le prolifique monarque allait s’établir pour un certain temps soit à Saint-Germain soit à Fontainebleau, toute la petite maisonnée suivait. Tristan en témoigne, et nous donne quelque détail sur la vie qu’on menait alors, et sur les offices qu’il était fréquemment appelé à remplir.


« Lorsque la Cour faisoit du séjour en quelques unes des Maisons Royales, tous les jeunes Princes avoient leur appartement l’un prés de l’autre : et c’estoit durant ce temps là que j’avois plus de liberté de les aller entretenir. Il y en avoit souvent quelqu’un qui se trouvant indisposé, me demandoit à nostre Précepteur, pour luy faire passer le tems et l’endormir avec mes contes. Leur santé estoit si précieuse, que l’on n’avoit point d’égard en cette occasion au temps que je perdois, et moy j’estois ravy de le perdre. C’estoit lorsqu’estant trouvé nécessaire au divertissement de quelque Grand, j’entreprenois hardiment des actions qui n’estoient pas nécessaires à mon repos : comme j’avois un médiateur asseuré, j’allois asseurement joüer et me battre avec quelqu’un de mes pareils. Mon Précepteur avoit quelquesfois des roolles tous entiers des postiqueries que j’avois faites, et pour les quelles j’avois mérité d’estre foüetté plus de douze fois ; et cependant il ne m’en coustoit qu’une larme ou deux, que la crainte me faisoit répandre, et quelque dolente supplication que j’addressois de bonne grâce à quelqu’un de ces jeunes Astres. Il me souvient qu’il y en eust un de grande importance, qui demanda souvent pardon pour moy durant sa vie, et en la considération duquel on me fît souvent grâce après sa mort. »


Tristan était une sorte de petit prodige qui sut lire à quatre ans et dès lors se plongea assidûment dans « la lecture des Romans » qu’ensuite il « debitoit agréablement ». Et plus tard, au cours des études où il avança rapidement sous l’habile direction du précepteur Claude du Pont, il resta toujours fidèle à ses premières amours. Et, nous dit-il :


« J’estois le vivant répertoire des Romans et des contes fabuleux ; j’estois capable de charmer toutes les oreilles oisives ; je tenois en reserve des entretiens pour toutes sortes de différentes personnes, et des amusemens pour tous les âges. Je pouvois agréablement et facilement débiter toutes les fables qui nous sont connues, depuis celles d’Homère et d’Ovide, jusqu’à celles d’Esope et de Peau d’asne. »


Il était en même temps le plus mauvais sujet du monde. Il jouait aux dés et aux cartes, et, afin de réparer les brèches que faisait le jeu à ses maigres finances, il n’hésitait point à de peu recommandables supercheries. Il se liait avec un « Escolier débauché qui faisoit des vers », Alexandre Hardy, ou Théophile, et avec des comédiens, Vautret et Valeran, et leur troupe d’hommes et de femmes. De nature batailleuse et peu endurante, il frottait durement ses poings contre le nez de l’un ou de l’autre des « jeunes seigneurs de son âge et de sa force » ; l’un ne sera rien moins que l’illustre maréchal duc de Schomberg ; et il châtiait cruellement « un certain Cuisinier d’esprit léger » qui l’avait voulu mystifier. Tout cela nous est raconté avec un naturel parfait et une sincérité qui n’est pas exempte de naïve gloriole dans un curieux livre : Le Page disgracié où l’on void de vifs caractères d’hommes de tous temperamens et de toutes professions, qui est à la fois un très amusant roman de mœurs et une assez authentique autobiographie. La seconde édition, datée de 1667, la première étant de 1643, se termine, grâce au frère de l’auteur, par des Remarques et Observations, sorte de Clef qui établit qu’à Fontainebleau même se passa certaine aventure tragi-comique, ou simplement tragique, cause de la Disgrâce du Page.


Voyez la malice du Destin ! L’événement néfaste se produisit tout juste au moment où Tristan, en grandissant, s’assagissait.


« L’âge avoit un peu meuri ma raison, sur la treiziesme de mes années, et les conseils de l’honneste honte commençoient à me faire rougir des moindres actions que je ne croyois pas bien séante… Au lieu que j’avois accoustumé de sauter, luter, ou courir avec mes pareils, je ne m’appliquois plus qu’à l’entretien de mes rêveries. Et comme j’estois un jour en l’une des maisons Royales, il arriva par malheur qu’un homme qui révoit aussi bien que moy, me choqua en passant fort rudement : je revins aussi-tost de mes profondes pensées ; et je luy dis brusquement quelque chose sur son peu de considération. Mais luy prenant ceà paroles pour offensives, tira son espée à moitié du fourreau, comme s’il m’en eust voulu frapper, moy qui n’en avois point, et qui estois d’une autre condition que luy ; son action desraisonnable m’émeut d’une estrange façon. Il pût connoistre à mon visage, et à ce que je luy dis de sa lâcheté, que la chose ne basteroit pas trop bien pour luy, et deslibera de s’esvader ; mais je courus au premier laquais qui passoit, et luy demandant son espée, j’eus en moins de rien attrapé cet indiscret. Les gardes du Prince estoient en haye dans la basse-court attendant qu’il revint de la chasse, où il estoit allé, et mon homme y creust estre à refuge ; mais l’aveugle désir que j’avois de me vanger de cet affront, ne me donna pas le loisir de raisonner sur cette affaire. Je ne laissay pas pour les gardes de lui donner deux grands coups d’espée : et je luy en eusse peut-estre donné davantage, si trois ou quatre piques abbaissées ne m’en eussent point empesché. Cette insolence que je commis fît eslever un grand murmure ; trois ou quatre officiers me saisirent pour me retenir prisonnier, mais un Lieutenant du Régiment qui me connoissoit, me retira d’entre leurs mains, disant qu’il me tiendroit en sa garde, et que n’estois pas un Gentilhomme à mal traiter : et m’amena droit en son logis. »


Ce morceau ne mérite-t-il pas d’être conservé à cause du tableau qu’il nous offre, esquissé d’un bref et précis coup de crayon, de ces gardes faisant la haie dans la cour du Donjon, ou dans la récente cour de Henri IV, en attendant le retour de la chasse du roi ? Et n’est-ce pas une scène bien pittoresque que celle qui nous montre ce jeune mélancolique heurté dans une allée déserte par un maladroit, puis menacé et bondissant à l’outrage ; ce « jeune présomptueux » allant punir son insolent jusque sous les piques des gens d’armes. Mais, après l’emportement, la réflexion !


« Ma fougue estant passée, la crainte du péril où j’estois vint refroidir le sang qu’avoit fait bouillir la colère : je commençay de me repentir de mon impatience, et de faire des vœux pour le salut de celuy que je voulois perdre. Cinq ou six soldats de la compagnie du Lieutenant qui me fit un tour d’amy, vinrent de temps en temps les uns après les autres m’avertir de l’estât où estoit le malade, qui n’estoit pas bien : et le dernier qui me vint asseurer qu’il rendoit les derniers aboys au logis d’un Chirurgien, fit que je me résolus à la fuite. J’avois prié le Lieutenant qui m’avoit fait un bon office de m’en rendre un autre, en allant découvrir au Chasteau ce qui se disoit de cette affaire, et sur tout de visiter l’appartement de mon Maistre, pour voir s’il estoit averty de cet accident, et s’il pourroit obtenir ma grâce. Mais cette mauvaise nouvelle m’osta tout espoir d’en pouvoir apprendre de bonnes. Je crûs qu’il y alloit de ma vie, et qu’il falloit essayer de la sauver en s’éloignant : je partis donc secrètement, et gagnant un bois d’assez grande estendue, je ne m’arrestay point que je n’eusse fait neuf ou dix lieues, et je les fis en si peu d’heures que cela ne sembleroit pas croyable. »


On pourrait s’étonner de cette dénomination médiocre : un bois d’assez grande estendue, appliquée à la Forêt, et aussi de l’expression : gagnant, qui n’indique pas la proximité immédiate ; mais il faut voir là, au contraire, un trait de vérité. La Forêt alors n’était pas aussi drue et aussi pressée qu’elle l’est maintenant ; nous avons entendu parler des déserts qui entouraient la ville, et c’étaient en effet de larges espaces de sablons ou de bruyères ; et les cartes du temps, ou même un peu plus récentes comme celles de De Fer, nous indiquent notamment que la plaine du Puits du Cormier n’était que maigrement boisée. C’est par là que dût fuir Tristan, pour gagner Arbonne ou Chailly-en-Bière. Deux ou trois jours après il était à Rouen. Puis il passa en Angleterre et en Écosse, d’où, ayant subi plusieurs autres disgrâces, il dût se réfugier jusqu’en Norvège. Quelques années plus tard, nous le retrouvons à Paris, caché « dans l’Université », c’est-à-dire au quartier latin, puis à Loudun chez l’illustre Scévole de Sainte-Marthe, à qui il sert de secrétaire, et au Grand-Pressigny, près de Loches, dans la « maison » du marquis de Villars. Enfin, il s’attacha au duc de Mayenne, et c’est lors, en octobre 1620 (il avait un peu plus de dix-neuf ans) que, reconnu par le marquis d’Humières, l’un de ses anciens compagnons d’enfance, il lui fut donné de rentrer en grâce et de reprendre sa place à la cour.


Mais la période errante de sa vie ne s’achève pas encore. Il accompagne d’abord Louis XIII dans plusieurs de ses expéditions contre les protestants du Midi. Et, devenu Gentilhomme ordinaire de Monseigneur le duc d’Orléans, il doit suivre son nouveau maître très fantasque, Gaston, dans l’exil en Flandres. Ce n’est que vers 1635 qu’il rentre à Paris pour se consacrer tout à la profession des Lettres.


La jeunesse de Tristan avait été pleine d’aventures. Son âge mûr fut laborieux et glorieux. Ses principaux recueils de vers : Les Plaintes d’Acante, 1638, Les Amours de Tristan, 1638, La Lyre, 1641, Les Vers Héroïques, 1648, font de lui l’un des premiers poètes lyriques de son temps. Il est, au moins, l’égal de Théophile et de Saint-Amant. Comme eux, il s’échappe de la pompe des odes officielles pour rentrer dans la Nature qu’il contemple avec une mélancolie méditée et pénétrante et qu’il sait rendre, vivante et véridique, en donnant à sa strophe d’infinis prolongements de rêve et de vision. Et si sa renommée n’est pas aussi éclatante qu’elle le devrait, c’est malechance, et c’est moins sa faute que celle des lettrés, à qui cependant il commence à s’imposer peu à peu. Sa Mariane balança, en 1636, le triomphe du Cid, et un contemporain a pu dire cette belle parole que « le peuple n’en sortait jamais que resveur et pensif ». Ses autres tragédies : Panthée, 1638, La Mort de Sénèque, 1644, La Mort de Crispe, 1645, Osman, 1647, ont fondé le théâtre racinien, et ses comédies : La Folie du Sage, 1645, L’Amaryllis, 1652, Le Parasite, 1653, sont de maîtresses œuvres.


Tristan avait gardé, de ses premières années, une passion malheureuse, le jeu, qui lui valut la misère, et un certain dérèglement de vie, dont sans doute il voulut faire pénitence lorsqu’il composa, en 1646, les Heures dédiées à la Sainte Vierge. Il mourut phthisique, le 7 septembre 1655, âgé de cinquante-quatre ans.


Tristan avait-il revu le Château et les Jardins de son enfance, beau décor où le frontispice du tome I du Page Disgracié (1643 et 1667) nous le représente, tout jeune, lisant un livre et ayant à ses pieds des dés et des cartes ? Il y passa quelques semaines en avril 1621, au moment où Louis XIII rassemble son armée pour marcher sur Clérac, emmenant le poëte, confondu parmi les gens de guerre.


Avant 1638, il y revint, sans doute à la suite de Monsieur. On trouve dans Les Amours une pièce qui a pour titre : Voyage fabuleux, fait à Fontaine-bleau ; mais c’est une fantaisie mythologique pleine de fadeurs et très au-dessous du talent de Tristan. Il faut lire le titre comme s’il y avait : Voyage fabuleux, poëme fait à Fontaine-bleau, Car c’est d’ici que part une « Beauté, de tous adorée » :


Un des beaux objects de la France
A quité ce plaisant séjour,
Amenant avec soy l’Amour,
Les Grâces et mon espérance :
Le Sort vient de nous en priver ;
Un Carosse vient d’enlever
La Beauté de tous adorée :
Et fendant promptement les Airs
A laissé la Cour eplorée
Dans la nuict et dans les Dezerts.


Les Dezerts, c’est bien le terme spécifique mainte et mainte fois rencontré. — Des chevaux, dont les naseaux soufflent la flamme ont emporté la Dame vers un merveilleux pays où le printemps est perpétuel, où le jour dure la moitié de lannée, où c’est l’éternelle jeunesse qui dresse les Tables des festins. Et cependant, et malgré tant de charmantes délices, on la supplie de songer au retour.


Revenez bien tost en ces lieux,
Rendez nous bien tost ces beaux yeux
Qui font honte aux plus belles choses ;
Ces beaux yeux si doux et si chers,
Par qui l’on void naistre des roses
Sur le faiste de ces Rochers.
 
Venez entendre nos fontaines
Dont le bruit confesse tout bas
Que vous avez bien plus d’appas
Qu’elles n’eurent jamais d’areines.
La fidelle glace de l’eau
Vous faisant voir vostre tableau
Par un si naturel office,
Vous deffendra bien de douter
Que la Nature ou l’artifice
Y puissent plus rien adjouster.


Oui, cela est entaché de préciosité galante, bien plate et terriblement forcée ; défaut du temps ! Et s’il a fallu citer ces stances à cause de l’authenticité du lieu où elles furent écrites, il ne sera pas moins nécessaire de les racheter dans la suite, pour l’honneur de Tristan, par d’indéniables beautés, et de premier ordre.

Un peu plus tard Tristan se rencontre au château avec Berthod, maître de chapelle ou, pour parler le langage du temps, « Ordinaire de la Musique du Roy », et il le notifie visiblement en ces vers :


Cesse de reveiller avec tant de beaux Airs
Echo qui se retire au fond de ces Déserts
Et qui pleignant encor le trespas de Narcisse
A besoing de repos plustost que d’exercice.
Laisse dormir en paix les Nimphes de ces eaux
Qui couronnant leur front de joncs, et de roseaux,
Sous le liquide argent de leurs robes superbes,
Dancent à tes chansons dessus l’esmail des herbes.


Et, s’il prie ainsi Berthod de tenir « la bouche close » et de faire taire la voix des instruments, c’est « afin d’escouter » l’histoire d’Orphée qui faisait venir les Arbres à lui aux sons de sa Lyre.


A ses premiers accords on vid soudain parestre
Le Noyer, le Cormier, le Tilleul et le Hestre,
Le Chesne qui jadis couronnoit le vainqueur…
Le Cèdre impérieux y vint baisser la teste
Suivi du vert Laurier qui brave la tempeste…
Le Tremble y vint couvert de sa feüille timide…
Le Cyprès y parut en verte piramide…
Le Coudre deceleur des thresors enterrez,
L’arbre qu’aime Venus, celuy qu’aime Diane,
L’Erable, le Sapin, le Tamarin, le Plane,
Le Cycomore noir, le Saule palissant,
Le Bouleau chevelu, l’Aubepin fleurissant…
La plante pacifique à Pallas consacrée…

Enfin, depuis le Fresne ennemy des serpens
Jusques à l’humble Vigne aux bras tousjours rampans,
L’Orenger qui son fruit de sa fleur accompagne,
L’Encens, le Vîolier et le lasmin d’Espagne…


Où donc aurait-il pris les principaux éléments de ce Dénombrement des Arbres, et où donc aurait-il appris à rendre leur majesté, comme en cette strophe :


Ce vieux Chesne a des marques sainctes ;
Sans doute qui le couperoit
Le sang chaud en decouleroit
Et l’arbre pousseroit des plaintes.


si ce n’était dans la Forêt ? Et Tristan est un admirable peintre de sous-bois :


Dans ce bois ny dans ces montagnes
Jamais chasseur ne vint encor :
Si quelqu’un y sonne du Cor
C’est Diane avec ses Compagnes.

Un jour Venus avec Anchise
Parmy ces forts s’alloit perdant.
Et deux Amours en l’attendant
Disputoient pour une cerise.
 
Dans toutes ces routes divines
Les Nymphes dancent aux chansons.
Et donnent la grâce aux buissons
De porter des fleurs sans espines.


Mais il est plus adorable encore, lorsqu’il

chante les mirages de l’onde.

Auprés de cette grotte sombre
Où l’on respire un air si doux,
L’Onde lutte avec les Cailloux,
Et la lumière avecque l’ombre…

C’est un des miroirs où le Faune
Vient voir si son teint cramoisy,
Depuis que l’Amour l’a saisy,
Ne seroit point devenu jaune.

L’ombre de ceste fleur vermeille
Et celle de ces joncs pendans
Paroissent estre là dedans
Les songes de l’eau qui sommeille.


Ces strophes, gracieuses, et la dernière sans égale, — avec l’interruption de rêverie que met entre chacune la rencontre de rimes féminines, — sont-elles pas dignes de nos Fontaines aux belles eaux ? Si de tels vers n’ont été faits pour Elles, c’est qu’on les leur a volés, comme disait Valentine de Milan lorsqu’elle couvait des yeux un bâtard de son époux, plus beau que les fils légitimes.