Quelques poëtes français des XVIe et XVIIe siècles à Fontainebleau/René Macé



RENÉ MACÉ



L’an 1539 le peuple de Gand s’était ému en rébellion, et Charles-Quint considéra que, pour le courir vite réduire, comme la chose pressait, le chemin le plus court, d’Espagne en Flandres, allait par Paris. Il négocia donc, dans le but d’obtenir libre passage, auprès de François Premier, son mortel ennemi, qu’il venait de tenir, après Pavie, captif durant de longs mois. En cette grave occurrence le Roi prit conseil de son Fou. — Si l’Empereur s’est mis en la tête, dit Triboulet, de venir en France, qu’il ne dédaigne, afin de se la couvrir et protéger, mon bonnet. — Mais il traversera mes États en toute sécurité, sur ma parole royale que je lui aurai donnée. — Hé bien, Sire, à vous mon bonnet, car c’est vous, vous seul, et non lui, qui le mériterez.


La chevauchée de Charles, de Fontarabie à Bayonne, de Bayonne à Bordeaux, Poitiers et Loches, fut triomphale. François Premier vint au devant de lui jusqu’à Loches, l’accueillit avec les marques de la plus chaleureuse cordialité, et l’emmena, par Orléans et Fontainebleau, jusqu’à Paris, où une réception magnifique l’attendait. Ce ne fut que salves d’artillerie, harangues, revues de troupes, parades, carrousels, chasses, festins, visites d’églises et de palais, — jusqu’au moment où l’Empereur prit congé pour aller massacrer nos amis et alliés naturels, les Gantois.


François Premier fut si satisfait de tant de splendeurs qu’il chercha un poëte pour en perpétuer la mémoire. Il aurait pu, ce semble, trouver mieux que René Macé. Mais René Macé écrivait une Chronique Rimée allant depuis Hugues Capet jusques au présent roi ; et l’on disait : « Arrière ! arrière ! autheurs grecz et latins ! de René Massé naist chose plus belle et plus grande que le Iliade ! » Hélas ! cela est, seulement, illisible. Et la réputation de René Macé fut éphémère, malgré une ode de Ronsard qui la constate.


Le récit du Voyage de Charles Quint par LA France débute à son entrée dans Fontainebleau.


L’Empereur vint jusqu’à Fontaine Bleau,
Noble chastel tant ou plus fort que beau,
Tresbeau pourtant, mais sa meilleure grâce
C’est qu’en Europe il n’y a telle chasse.
Pour ce le Roy, ou qu’il soit, n’est chés soy,
Dit il, que la : il le nomme Chés moy.


Voilà, condensées en six lignes, les caractéristiques du Fontainebleau d’alors. Un château fort, encore, plutôt qu’un palais ; un rendez-vous unique de vénerie ; puis le témoignage de la singulière affection du prince Valois pour une résidence qu’il commençait à rendre incomparablement plus belle que forte.


Et même pourrait-on s’étonner un peu, car l’époque des grandes constructions compte déjà, en 1540, près de vingt ans.

L’Empereur arriva la veille de Noël 1539. Le Roi, bien qu’il sortit à peine de maladie et fut eucore souffrant, lui fit faire plusieurs promenades en forêt.


Noël passé, car on y vint la veille,
Le Roy mal sain toutesfois se traveille
Luy faire avoir quelque plaisir du boys
Et luy monstra luy mesmes quelque foys.


Charles-Quint resta ici toute la semaine. Six jours après, continue le fidèle historiographe, les monarques partirent pour Vincennes et Paris.


Revinrent-ils ? ou est-ce à ce premier séjour, que fut donnée une fête vénitienne, avec feu d’artifice ? Il est assez difficile de le démêler dans une tirade fort embrouillée que l’on lit plus loin. Macé, en une invocation à sainte Geneviève, s’écrie :


Vierge ô de paix, sois icy ma patronne,
Des guerres non, car tu n’es Amazonne.
Paix la, paix la, je me sens exaulcé,
Ung long flambeau elle mesme a haulcé ;
J’en veoy le jour, ne le temps rien ne cœuvre.
Qu’allant devant elle ne me descœuvre.
Le Roy ait faict en son Fontaine Bleau
Pour l’Empereur feu merveilleux en l’eau :

Une manchette dit : Le feu nocturnal a Fontainebleau. Et cela ne donne pas une bien grande clarté !


Mais nous ne cherchons plus rien ici. Le détail que nous apporte René Macé est tel : Le Roy, où qu’il soit, n’est chez soy, dit-il, que là ; il le nomme : Chez moy. Et notre auteur ne fait d’ailleurs que rapporter un mot historique, répété aussi par le Père Dan, et par mille, à la suite.