Quelques poëtes français des XVIe et XVIIe siècles à Fontainebleau/Le sieur Roland


LE SIEUR ROLAND



Celui-là n’est — pour employer le juste terme — qu’un mendiant ; et son œuvre, si l’on peut bien s’exprimer ainsi, son œuvre, une simple feuille, est exactement une sorte de supplique ou de placet, à multiple, à variable adresse, destiné à faire tomber quelques écus, qui d’ailleurs ne tombaient guère, dans un chapeau à tout venant tendu.


Cela s’appelle : Elégie Latine et Françoise par le sieur Roland, Anglais, autrefois Ministre Curé de la paroisse du Roy d’Angleterre, à Londres. — À Paris, chez Denys Langlois, au mont Saint Hilaire. M. DC XLVII. Voilà pour le titre, qui occupe la première des quatre pages.

Au verso l’Élégie latine : Elégie Latine escrite par le sieur Roland à Fontainebleau durant les jours caniculaires de l’an 1644. Et présentée aux Messieurs… Suivent plusieurs noms d’importants personnages de qui la poche était visée. Le second feuillet, recto et verso, donne : La mesme plainte expliquée et réitérée en François à la Reyne Régente par le sieur Roland encore à Fontainebleau par l’an 1647.


J’ay fréquenté trois ans la source de Belle Eau,
J’ay caressé long temps le Mont qui est si beau,
Le Mont tousjours brûlant d’une ardeur tout céleste,
Et le Mont élevé dont la verdure est leste.


Il semble que le pied de ces Monts n’ait été, pour notre hère, qu’un séjour famélique, où l’on se nourrit d’espoir.


Mais pourquoi, pauvres Sœurs, hantez vous ce Parnasse,
Ces sources de Belle Eau d’où la prairie est grasse,
Et les autres hauts lieux où la muse du Roy
Prend souvent ses plaisirs sans chagrin ni effroy ?
Vous enfin espérez sous ce plaisant boccage
Treuuer vostre repos et d’y iouyr d’ombrage.
Ces clairs ruisseaux d’argent qui pourroient rafraischir
Un Poete altéré pour sa bouche embellir.


Il y faisait donc soif aussi ? Par un temps de canicule, cela n’a rien de merveilleux ! La vilaine bouche du poëte ose invoquer les Naïades et les Oréades.


Nymphes ! qui présidez à ces Belles Fontaines,
À ces Monts et Rochers qui entourent ces Plaines,
Faites qu’un exilé tost exaucé de Dieu
Dise avec vérité : La Patronne du Lieu,
Protectrice des Arts, des Muses la Minerve,
Mérite que l’Anglois et le François luy serve.


Las ! au bas de la page, une apostille en forme de verset évangéliste donne à penser que les aumônes ne se hâtaient pas :


« J’ay haussé mes yeux vers les Montagnes d’où j’ay attendu long temps du secours qui n’est point encore venu. »


Puisque cet « Anglois » semble demander d’autre part à être rapatrié, il y avait pourtant un rapide moyen d’en débarrasser Fontainebleau !