Quelques poëtes français des XVIe et XVIIe siècles à Fontainebleau/Jean de Mairet


MAIRET



Jean de Mairet, d’origine Westphalienne, naquit au mois de janvier 1604 en la Cité Impériale de Bezançon, « vieille ville espagnole » oii naîtra Victor Hugo, deux siècles plus tard, quand elle sera française depuis quelque six vingts ans.


Mairet vint, fort jeune, terminer ses études à Paris. Une épidémie ayant fait fermer les écoles, il se rendit à Fontainebleau, où était la Cour ; il y sut plaire par la vivacité de son esprit, et s’attacha à la personne du Duc de Montmorency, Pair, Mareschal et grand Amiral de France, et Lieutenant général pour le Roy en Languedoc. Il le suivit, en 1625, dans la campagne contre les huguenots de Soubise. Mais « le bruit des armes et le tumulte des camps ne l’empêchèrent pas, dit un biographe, de cultiver les Muses », ou du moins le champ des Muses.


Il fut l’un des prédécesseurs et l’un des rivaux nullement négligeables du grand Corneille. Il fit une douzaine de pièces de théâtre, dont quelques-unes eurent un beau succès : Chriseïda et Arimand, tragi-comédie (1620) ; la Silvie, tragi-comédie pastorale (1621) ; la Silvanire, ou la Morte-Vive, tragi-comédie (1625) ; Les Galanteries du duc d’Ossone, comédie (1627) ; la Sophonisbe, tragédie (1629) ; le grand et dernier Solyman tragédie (1680) ; la Sidonie, tragi-comédie héroïque (1637)…


Mairet se retira alors qu’il était encore dans la force d’un talent très appréciable. Revenu dans sa Franche-Comté natale, il obtint pour elle, vers 1650, un traité de neutralité ; et la sorte de rôle politique qu’il eut à remplir dans la suite lui valut de se voir interdire par Mazarin le séjour en France. Il ne sortit donc plus de sa petite patrie indépendante, et mourut là même où il était né, en 1686.

Il était resté fidèle aux Montmorency jusqu’après que le Duc, qui avait embrassé la cause de Gaston d’Orléans, pris à la déroute de Castelnaudary, eut été décapité pour crime de haute trahison. Aux heures de la brillante fortune, il chantait les faits d’armes sur terre et sur mer, les rentrées illustres de Languedoc, les grands retours d’Italie. Il chantait, sous le nom de Silvie, « belle », « unique », « incomparable », l’épouse du duc. Il évoquait les Nymphes et les Nayades de la demeure favorite. Et comme on ne peut bien louer une chose qu’en dénigrant l’autre, Mairet ne magnifiait Chantilly qu’aux dépens de Fontainebleau. Il aurait pu marquer plus de reconnaissance pour le théâtre de ses débuts, pour le château qui l’avait vu, de petit écolier provincial, presque étranger, devenir poëte en vue et personnage de marque à la suite d’un Grand. Il ne figure donc ici que comme le soldat railleur des Triomphes romains, qui courait devant le char, et insultait au Victorieux.


C’est dans les Autres Œuvres Lyriques du sieur Mairet, — à Paris, chez François Targa, 1631. La pièce a ce titre :


LES NYMPHES DE CHANTILLY
à Madame la Duchesse de Montmorency
la conviant de préférer leur séjour à celuy
de Fontainebleau où elle estoit.


Et les vingt vers, commandés chacun par une lettre du nom de la duchesse : Marie-Felice des Ursins, ne sont pas — pour nous consoler — fameux.


Icy malgré l’Hyver, les œillets et les roses
Couvrent nos promenoirs jusques au bord de l’eau,
Et qui sans passion voudra juger des choses.
Dira que Chantilly vaut bien Fontainebleau.|


Cela est affaire d’appréciation ! et il serait tout à fait oiseux d’entrer dans la discussion sur ce point, de comparer et d’opposer les mérites divers de l’une ou de l’autre des résidences, royale ou princière. Cependant Fontainebleau, ici, garde quand même encore l’avantage ; car, lorsque l’on se sert de cette formule : Beau comme Adônis, une seule chose reste et demeure prouvée : la beauté d’Adônis.

Mais le sieur Mairet demande avec instance « l’advenement », c’est-à-dire la venue, de Marie-Felice.


Si vous nous accordez cette parfaicte joye
Iamais rien ne fut beau comme nos promenoirs ;
Nous prendrons des atours tissus d’or et de soye ;
Sinon tous nos habits seront des habits noirs.


Les Nymphes de Chantilly ne croyaient pas si bien prédire, ne savaient pas prévoir ainsi un temps où, la belle princesse romaine n’étant plus, on ne verrait désormais dans les « promenoirs » que des gens couverts de vêtements de cérémonie d’une uniforme et funèbre couleur, — en attendant, toutefois, pour donner une note claire, messieurs de l’Institut.