Quelques aspects du vertige mondial/12
UNE DEMI-DOUZAINE
DE
PETITES CONSTATATIONS
I
Presque toujours, ceux que nous appelons improprement « mal élevés » sont des êtres qui ont reçu au contraire une éducation plus que suffisante, mais qui y sont restés foncièrement réfractaires. Dieu merci, on trouve, comme compensation, de braves gens si « bien élevés » parmi ceux qui n’ont pas été élevés du tout !…
II
Dans le peuple, et surtout dans celui des campagnes et des bords de la mer, la vraie goujaterie n’existe pour ainsi dire pas ; tout au plus commence-t-elle chez les ouvriers des villes. Non, c’est chez les gens dits « du monde » qu’il faut la chercher ; oh ! là, quand par hasard on la rencontre, elle est complète. Et ce sont les fils d’enrichis qui en détiennent le record.
III
Le cochon n’est devenu sale que par suite de ses fréquentations avec l’homme. À l’état sauvage, c’est un animal très propre.
IV
Les gens très laids, comment ne pas sympathiser avec eux, s’ils le savent, s’ils en souffrent, et s’ils s’efforcent d’être le moins possible désagréables à voir. Mais il est des laideurs satisfaites, étalées, agressives, qui sont plus exécrables que des vices.
V
On rencontre souvent des têtes humaines marquées au sceau d’une si incurable bestialité, que l’on n’arrive pas à admettre la présence là-dedans d’une âme tant soit peu capable de revivre après la mort terrestre. Non, cela s’en ira pourrir dans quelque cimetière, sans plus.
En revanche, au fond des yeux de certains animaux supérieurs, chiens, chats ou singes, on voit passer parfois, aux heures d’agonie ou seulement d’angoisse, d’inoubliables expressions de tendresse, de prière, et comme d’anxieuses interrogations sur la vie et sur la mort. Alors il semble révoltant et inadmissible que toute cette flamme intérieure soit condamnée à s’éteindre pour jamais dans la poussière.
VI
Pour ne pas faire de peine aux humbles, pour ne pas blesser les petits, il y a un certain tact qui vient du cœur et que les êtres les moins cultivés possèdent souvent par nature, mais que, par contre, l’éducation ne saurait donner, même aux gens les plus affinés du monde.