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VII

SOYEZ COMME DES ENFANTS


Matth., XIX, 13, 14, Luc, XVIII, 17 ; Matth., XVIII, 3, 5 ; Luc, IX, 48 ; Matth., XVIII, 10. — Un jour on amena à Jésus des enfants, et ses disciples voulaient qu’on les éloignât. Jésus vit que ses disciples écartaient les enfants ; il en fut peiné et dit :

C’est mal à vous de chasser ces petits ; ce sont les meilleurs d’entre les humains, car les enfants vivent selon la volonté du Père, et sont eux, vraiment, dans le royaume céleste. Il ne faut pas les chasser, mais au contraire se pénétrer de leur exemple ; car pour vivre selon la volonté du Père, il faut vivre comme les enfants. Ils ne se querellent pas, ne sont pas vindicatifs, ne se livrent pas à la débauche, ne jurent pas, ne résistent pas au mal par la violence, ne plaident pas, ne connaissent pas de différence entre leur propre peuple et le peuple étranger ; aussi sont-ils meilleurs que les grands et vivent-ils dans le royaume des cieux. Si vous ne renoncez pas à toutes les tentations de la chair et ne devenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.

Celui-là seul, qui comprend que les enfants sont meilleurs que nous, parce qu’ils n’enfreignent pas la volonté du Père, comprend ma doctrine. Et qui comprend ma doctrine, celui-là seul comprend la volonté du Père. Nous ne pouvons mépriser les enfants, car ils sont meilleurs que nous, et leurs cœurs sont purs devant le Père et ils sont toujours avec lui.


La vie de l’esprit est donnée à l’homme. Cette vie se manifeste dans la vie de la chair. Si l’homme ne vit que par la chair, il mourra comme toute chair.

Son salut est donc dans la vie par l’esprit. Si l’homme est conscient de l’esprit qui est en lui, il en vit, et en est sauvé de la mort.

Tout homme le sait, mais la chair le tente et l’empêche de vivre par l’esprit.

En quoi consistent donc les séductions de la chair et comment les éviter ?

Pour entrer dans le royaume de Dieu, il faut être comme un enfant. Si vous ne redevenez pas comme des enfants, vous ne pouvez pas observer la volonté divine.

Il a été déjà dit : soyez comme les vagabonds, comme les pauvres, comme les enfants, et non parce que vous n’avez pas su vous procurer une patrie, des biens, une famille, mais parce que les enfants ne connaissent ni patrie, ni tribunaux, ni propriété, ni débauche, ni serment. Soyez comme des enfants.

Ces paroles, de même que celles concernant la pécheresse lapidée, ont eu une bonne fortune particulière ; sur ce thème on a brodé un nombre incalculable de thèses, écrit des poésies lyriques, peint de magnifiques tableaux ; pourtant leur sens est demeuré toujours vague et même incompréhensible.

Ces paroles ne sont nullement sentimentales et obscures, mais des paroles austères, nettes et définies ; elles sont aussi significatives, aussi graves et aussi nettes que celles dites précédemment : « Si vous n’êtes pas comme des vagabonds et des pauvres, vous n’entrerez pas dans le royaume de Dieu. » Les unes et les autres sont répétées avec une égale insistance et dans les mêmes termes. Si vous n’êtes pas comme des vagabonds, si vous n’êtes pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume de Dieu.

Et qu’est-ce donc : être comme des enfants ?

Jésus, qui croyait a la raison, ne pouvait pas dire être sot comme des enfants. Être faible comme des enfants ne servirait à rien non plus. Être débonnaire comme eux serait avancer une chose contraire à la vérité, les enfants étant parfois fort méchants. Être prêt à tout, aimer Dieu et son prochain, serait déjà un non-sens complet, car les enfants sont les plus égoïstes des créatures.

Et comment doit-on ressembler aux enfants ?

Ceux qui ont escamoté les cinq commandements du sermon sur la Montagne seront empêchés de le comprendre. Tandis que la réponse à la question apparaît simple et nette à ceux qui ont bien lu et compris ces commandements.

Il y est dit :

1° Ne te mets pas en colère et pardonne les offenses ; agis de sorte que personne n’ait de ressentiment envers toi ; c’est l’état naturel des enfants et personne ne se fâche contre eux.

2° Ne vous livrez pas à la débauche ; les enfants ne s’y livrent pas.

3° Ne jurez pas ; les enfants ne savent pas ce qu’est le serment.

4° Ne jugez pas ; les enfants craignent les juges.

5° N’ayez pas d’ennemis de la patrie ; les enfants ne se doutent même pas de ce que c’est.

Voilà donc ce qui signifie être comme des enfants. En somme cela veut dire : ne vous fiez pas aux institutions humaines qui ont suscité ces maux : la haine, la débauche, les promesses, les tribunaux, la violence, la guerre.

Dans le chapitre xviii, verset 6, aussitôt après l’indication comment on peut entrer dans le royaume de Dieu, il est dit : « Et malheur à celui qui séduira, qui trompera, qui induira en erreur ces innocents. » Ce n’est qu’en se rappelant cela qu’on peut comprendre également la portée des mots : « Celui qui comprendra ce qu’est un enfant, d’après mon enseignement, comprendra toute ma doctrine et la volonté du Père. » L’enfant, c’est l’âme divine, le fils de Dieu qui connaît son Père seul, et qui ignore encore les tentations de la chair. Toute la doctrine de Jésus consiste dans le précepte de ne pas faire du mal ; or, l’enfant ne le fait pas encore.